La 7e Nuit Excentrique
Cela faisait un sacré bout de temps que je comptais me faire la Nuit Excentrique, l’événement nanarlandais annuel, en collaboration avec la Cinémathèque française. Las, quand j’étais encore un pauvre provincial naïf, je ne me sentais guère de monter à la Kapitale pour cette occasion, je l’avoue… Mais étant maintenant un putain de Parigot (toujours naïf), je n’avais plus vraiment d’excuse. Il fallait, cette fois, que j’y assiste. Et il le fallait d’autant plus que la programmation de cette septième Nuit Excentrique s’annonçait pour le moins exceptionnelle. Petit retour sur les quatre films projetés lors de cette grand-messe du mauvais film sympathique.
Nous eûmes tout d’abord droit à la traditionnelle « découverte » de la Cinémathèque. Cette année, une première : ce fut un documentaire. Enfin, un « documentaire »… un mondo, quoi (pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, hop, un lien vers l’indispensable glossaire de l’indispensable Nanarland, où on vous expliquera tout ça beaucoup mieux que je ne saurais le faire). Adonc, Suède, enfer et paradis de Luigi Scattini. Après ce film, vous ne regarderez plus jamais la Suède de la même façon. Sans parler des Suédoises : imaginez un peu, ces salopes ont des cours d’éducation sexuelle et prennent la pilule ! Et comme elles travaillent, plutôt que de rester à la maison, elles laissent leurs pauvres enfants dans des crè… des « parkings pour enfants » ! Rien d’étonnant à ce que ces derniers tournent mal et que, à dix ans, il s’en trouve pour tuer leurs parents à coups de pieds ou multiplier les coucheries avec les voisins débouchant sur d’inévitables avortements à répétition. Le relâchement moral des Suédois (et en particulier des Suédoises, notamment des hôtesses de l’air qui laissent mourir leurs vieux sans un adieu) est en effet consternant. Effet des pornophones en vente libre, sans doute. La gabegie socialo-communiste a fait des ravages dans ce pays nordique aux statistiques confuses. Preuve en est son étrange système pénal : si vous êtes jeune, vous avez parfaitement le droit de voler une voiture ou de défoncer un parcmètre pour en chourer la monnaie (après quoi, il faut le jeter dans le lac ; les aveugles, à l’aise dans les profondeurs, se feront un plaisir de le remonter à la surface) (si, si) ; mais gare à celui qui voudrait empêcher le petit voyou de perpétrer ses malveillances, c’est lui qui s’attirera l’ire de la police ! D’ailleurs, même un ministre, pour avoir bu un peu trop avant de conduire, risque d’être condamné à couper du bois dans un camp de travail… Et puis la Suède a ses parias, qui se défoncent au white spirit et bouffent des tartines de cirage… Sans parler de ses blousons noirs, qui violent les jeunes filles innocentes (mais une Suédoise peut-elle être innocente ?) juste là, devant vous, en plein dans le champ de la caméra ! Mais on les comprendrait presque, ces mauvais garçons, quand on sait qu’aujourd’hui le fier mâle latin n’a plus les faveurs de ces demoiselles : la mode est au tiers-monde, que voulez-vous… Pourtant, la Suède, pays sans nation dont le prince dessine des cabinets, n’en entend pas moins dominer le monde d’après l’apocalypse nucléaire, en préservant sa race débauchée dans des abris anti-atomiques définitivement suédois. SALAUDS DE SUÉDOIS ! « La Suède vue depuis l’Italie, ou plus exactement du Vatican », comme le patron de la Cinémathèque nous avait présenté le film. Effectivement ; il faut croire que la Scandinavie était alors suffisamment « exotique » aux yeux des Italiens pour qu’on puisse raconter autant de bêtises dessus. Le discours, digne des pires JT de Jean-Pierre Pernaud (aidé pour le script par Francis « Kafka » Kuntz et Pierre Desproges à l’occasion de certaines scènes qu’il faut voir pour y croire, et même là encore c’est pas sûr), est tellement réac, tellement outrancier, et en même temps tellement hypocrite (puisqu’il s’agit bien avant tout de racoler et de se rincer l’œil), qu’il en devient plus hilarant que véritablement répugnant. Avant la séance, j’avoue que je craignais un peu que ce film pèche par manque de nanardise… Mais quelle erreur ! Ce mondo stupéfiant de connerie est à mourir de rire du début à la fin ; cela faisait vraiment longtemps que je ne m’étais pas autant marré, et ce n’était pourtant que le premier film de la soirée, et celui dont j’attendais le moins… Mais avec le recul, j’en viens à me demander si ce n’était pas carrément le meilleur ?
Pourtant, il y avait du lourd pour la suite : une programmation de toute beauté, vous dis-je. Hommage oblige, il fallait diffuser cette année un film de Jean Rollin. Et, Nanarland oblige, ce ne pouvait être que le cultissime Le Lac des morts-vivants (hop, la chronique de Nanarland), signé J.A. Lazer, production Eurociné (gage de qualité) commencée par Jess Franco qui, lui-même, trouvait que non, là, y’avait abus, quand même. C’est dire le niveau. Un film au rythme éminemment rollinien (du coup bien placé dans la soirée, plus tard ç’aurait été plus dur), mais riche en pépites nanardes : grotesque du, euh, « scénario », amateurisme hallucinant de la quasi-intégralité du casting (Howard Vernon étant un cas à part, mais, bon…) sans parler des figurants, maquillage douteux et probablement pas waterproof, femmes à poil pour un oui pour un non, doublage magnifique… D’ailleurs, sans surprise, la terre a tremblé lors de l’inévitable : « Promizoulin, finissons-en ! » Un grand moment de nanardise, pour un film assurément mauvais mais tout aussi certainement sympathique.
Plus de tonus pour le troisième film, Les Barbarians de Ruggero Deodato (hop), un réalisateur qui n’est pas toujours mauvais, puisqu’il a fait Cannibal Holocaust… ce qui ne l’empêche pas d’être à l’affiche de la Nuit Excentrique pour la deuxième fois avec cet affligeant sous-Conan le barbare produit par la Cannon (re-gage de qualité) et scénarisé par un certain James R. Silke que je suppose être l’auteur avec Frank Frazetta du Death Dealer (ce qui ne fait pas très envie, du coup…). Un « scénario » qu’on évacuera d’ailleurs très vite, mélangeant plagiat outrancier de La Référence et gamineries sans nom. C’est grotesque, mais là n’est pas vraiment le problème. La réalisation, quant à elle, est plutôt correcte. Bon, les effets spéciaux, c’est une autre histoire, il y a bien un peu de craignos monster… Mais c’est surtout « l’interprétation » qui fait toute la saveur de cette petite perle : Michael Berryman qui cabotine comme un taré, certes, mais surtout les frères Paul, jumeaux culturistes parfaits dans leur rôle de tas de muscles mongoliens. Il faut dire que, à en croire les rumeurs, c’était pour eux tout sauf un rôle de composition… Difficile, du coup, de se retenir d’exploser de rire devant leurs innombrables conneries ponctuées de beuglements repris en chœur par une assistance aux anges : « BWEEEEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUUUUUUUUUUH !!! » Mais je dois avouer que je m’interroge sur la réelle portée nanarde de la bête : entendons-nous bien, c’est très très TRÈS drôle, et j’étais pété en deux du début à la fin (enfin, pas tout à fait au début, c’est surtout quand les frères Paul arrivent à l’écran que le spectacle commence vraiment) ; mais on ne m’ôtera pas de l’idée que, du moins de la part de Deodato – c’est plus ou moins ce qu’il prétend, en tout cas –, il y avait une bonne part de « volontaire » là-dedans, imposé par la stupéfiante bêtise des frères Paul et de leurs personnages. Du coup, en maintes occasions, le film ressemble plus à une comédie parodiant Conan le barbare et compagnie qu’à un véritable film de « conansploitation », si j’ose employer ce terme… barbare (aha). Quoi qu’il en soit, à la fin de la séance, j’avais mal aux côtes tellement j’avais ri et beuglé. Un vrai bonheur, enthousiasmant et communicatif.
Et il fallait bien une ninjaterie pour finir : ce fut donc (inévitablement ou presque) un 2 en 1 (hop), à savoir Clash Of The Ninjas aka Clash Commando, attribué sur le programme à Godfrey Ho, mais à tort semble-t-il. Serait-ce donc Thomas Tang qui se cacherait derrière l’énigmatique Wallace Chan ? Je vous laisse voir sur Nanarland tous les complexes enjeux du problème (« hors de portée de mon atteinte »). Quoi qu’il en soit, ce spécimen un peu particulier de 2 en 1 (dans la mesure où il semblerait que des acteurs du film « caviardé » aient joué dans la partie « gweilo » pour faire le raccord, enfin, autant que possible…) s’est révélé de très grande qualité nanarde, et figure désormais parmi mes films de ninjas préférés, aux côtés du superbe Black Ninja dont je vous avais déjà parlé en ces lieux interlopes. Le « scénario » est aussi incompréhensible que d’habitude, mais peu importe : c’est un festival de scènes stupides et de doublages foireux (ah, Henry – Louis Roth – et son si diélieucat euccent bwitteunique, « tyouez ceys deux zigowtows ») et, évidemment, de ninjateries crétines, avec moult bombinettes à fumée, et un combat final d’anthologie. Noter la performance en « héros » de Paulo Torcha, vague « sosie » de Stallone, avec doublage à l’avenant. Une très bonne note pour finir.
Mais la Nuit Excentrique, ce n’est pas « que » quatre films (projetés dans une ambiance de dingues, ça hurle et ça explose de rire de partout, et ça fait plaisir). C’est aussi la projection d’extraits de films (j’ai été particulièrement marqué par le générique de Parole de flic avec Delon), de très nombreuses bandes-annonces (avec en guise d’inauguration un mémorable Scratch, mais aussi bon nombre d’autres invraisemblances filmiques, jusqu’à la clôture, qui se fait traditionnellement sur les bandes-annonces « coquines » – en l’occurrence, ici, je crois que La Comtesse est une pute nous a tous achevés…) et de magnifiques « cuts excentriques » montés par les Nanarlandais, sur lesquels il y aurait tant et tant à dire… Je me contenterai de noter ici que le cinéma indien est décidément le plus décomplexé du monde (et que cela est bon), et que j’y ai appris l’existence d’une version marocaine de L’Exorciste qui a l’air de valoir son pesant de couscous. La Nuit Excentrique, ce fut aussi des quizz, à base de titres de films improbables ou de répliques cultes, d’affiches africaines de toute beauté et d’extraits vidéos à regarder attentivement… ou à interpréter.
Bref, ce fut exceptionnel. En gros douze heures de pur plaisir nanar, dans une ambiance géniale. Je sais pas vous, mais moi, l’an prochain, j’y retourne.
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