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"La Brigade chimérique : Aux confins du merveilleux scientifique"

Publié le par Nébal

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La Brigade chimérique : Aux confins du merveilleux scientifique

 

Aux confins du merveilleux scientifique est le premier « véritable » supplément officiel pour l’excellent jeu de rôle de La Brigade chimérique, d’après la très bonne BD que vous connaissez. Il s’est fait un petit peu attendre, mais ça y est, on le tient (bon, depuis quelque temps déjà).

 

Deux choses frappent cependant au premier coup d’œil, qui ne semblent pas jouer en faveur de ce bouquin : la première, c’est son austérité ; on retourne en effet au noir et blanc (enfin, sépia…), et on regrette les magnifiques couleurs du livre de base, ce qui est tout de même un peu dommage ; la seconde, c’est son côté franchement fourre-tout, fait de bric et de broc, sans que l’on puisse véritablement discerner une ligne directrice : mélange d’aides de jeu variées, de scénarios et de nouvelles (et quand je parle de mélange, ce n’est pas un vain mot : tout cela s’enchaîne sans queue ni tête, à peu de choses près), Aux confins du merveilleux scientifique s’éparpille dans tous les sens, chose que j’ai trouvée un peu regrettable. D’autant que – on peut bien le dire tout de suite – il y a dans tout cela du bon et du moins bon…

 

Regroupons par catégories, et commençons par les aides de jeu, qui constituent à mon sens le point fort (relatif) de ce supplément. Ça commence pourtant assez mal, avec « Par des chemins oubliés », panorama géographique de quelques contrées imaginaires ; ce n’est certes pas inintéressant, mais c’est hélas bien trop court pour que l’on puisse en retirer quelque chose, au-delà de vagues idées de scénarios : je n’ai pu m’empêcher de penser au guide « similaire » établi par Alan Moore dans le deuxième tome de The League of Extraordinary Gentlemen, et ce si bref chapitre ne tient franchement pas la comparaison ; en dépit du léger décalage de période, on se réfèrera donc plutôt à l’œuvre du génial scénariste, autrement riche, et frôlant l’exhaustivité… Nettement plus intéressant, mais fourre-tout comme c’est pas permis, « Superscience & Vie » est une collection hétéroclite de héros, de vilains et d’artefacts superscientifiques. Pas mal de bonnes idées, je ne prétendrai pas le contraire, mais ce côté fait de bric et de broc, s’il peut sembler justifié par la rubrique, ne m’en a pas moins semblé décidément bien regrettable. Les meilleures aides de jeu de ce supplément, qui en constituent à mon sens les parties les plus intéressantes, sont celles qui décrivent des organisations, réelles ou imaginaires. Là, les bonnes idées fusent, et le travail des auteurs est à son meilleur. On commence par la sinistre (et bien réelle, hélas) Cagoule, qu’il est inutile de présenter ici, avant d’envisager la Maison aux rideaux rouges, bordel superscientifique (si ; une idée saugrenue, mais qui tient finalement la route), puis la Ligue Fantômas, rassemblement de disciples du Maître du crime portés sur les coups spectaculaires, et enfin le X-Club, pendant britannique du Club de l’Hypermonde, et sinistre origine du Docteur Désastre, terroriste nihiliste des plus abominables. Ici, rien n’est à jeter, et c’est un véritable régal.

 

Il n’en va pas de même pour les scénarios, qui m’ont dans l’ensemble plutôt déçu. Si l’on excepte le premier, ce n’est pas tant qu’ils soient franchement mauvais ; mais le cadre passionnant qu’ils adoptent presque tous n’est que rarement bien servi, ou exploité jusqu’au bout. « L’Héritage de la Reine du Radium », qui est censé plonger les joueurs dans l’histoire même de La Brigade chimérique, tout de même, est ainsi à mon sens strictement dénué de tout intérêt : simple saynète sans action ni véritable enjeu, elle constituera au mieux un prologue probablement vite expédié à un scénario autrement plus conséquent. « Les Griffes de Paris » est sans doute le plus représentatif de ces scénarios qui n’exploitent pas assez leur fond : ici, en l’occurrence, l’agitation des Ligues, et plus particulièrement l’Action française et les Croix de feu du colonel de La Roque, après le 6 février 1934 ; il y avait tant à faire ! Hélas, on ne se retrouve au final qu’avec une banale enquête policière, dont le seul véritable intérêt est de confronter les personnages à toute l’ambiguïté des Ligues, et qui est traversée de clins d’œil un brin pénibles, heureusement faciles à effacer. « La Chasse au Radium » est présentée comme une mini-campagne, mais c’est sans doute aller un peu loin : après un prologue qui ne se rattache qu’artificiellement au cœur du scénario, on se retrouve ici avec une course subaquatique entre différents protagonistes, plus ou moins palpitante, avant une conclusion autrement plus intéressante et très libre, où il y a de quoi faire. Inégal, donc, mais bon, pourquoi pas… « La Croix du Sud », qui se déroule à Toulouse (arf… mon petit cœur en a frétillé de chauvinisme, j’ai honte…), exploite à nouveau assez mal à mes yeux un fond passionnant, à savoir, d’une part, l’Aéropostale, et, d’autre part, l’afflux de réfugiés de la guerre d’Espagne dans la Ville rose. Superbe cadre, hélas desservi par une intrigue là encore assez artificielle, et qui ne convainc pas vraiment… « La Frontière rouge », que l’on peut envisager comme une suite du précédent dans la mesure où ce scénario traite à nouveau de la guerre d’Espagne, est hélas à nouveau assez artificiel, et repose presque entièrement sur un furieux climax qui n’en donne pas moins une impression d’inachèvement. Dommage. Reste enfin « Les Derniers Dévots », qui est peut-être bien le meilleur de tous, en définitive. Épopée mystico-plutonienne complètement délirante, qui confronte les personnages à Nous Autres (forcément, on aurait envie de dire), c’est là, de même que « La Chasse au Radium », mais avec à mon sens plus de réussite (et un peu moins de Tintin…), un bel hommage à tout un pan de la littérature de merveilleux scientifique. Pas mal.

 

À propos de littérature, les derniers éléments constituant ce supplément décidément fort hétéroclite sont donc trois nouvelles de Maurice Renard, l’inventeur du terme de « merveilleux scientifique ». « Le Brouillard du 26 octobre » est une petite virée préhistorique, avec d’étranges ancêtres de l’humanité ; pas très convaincant, ai-je trouvé. J’y ai préféré les deux suivantes, « Monsieur d’Outremort, un gentilhomme physicien » qui, malgré une tendance au tirage à la ligne, est assez jubilatoire dans son portrait d’un savant légitimiste avide de revanche sur la populace régicide, et « L’Homme au corps subtil » qui, pour ne pas manquer de didactisme, séduit néanmoins par son astuce. Quant à la plume de l’auteur, elle est d’un intérêt variable, connaissant quelques fulgurances, mais tendant aussi à en faire des caisses, à plus ou moins bon droit. C’était néanmoins pour moi l’occasion de découvrir un auteur que je ne connaissais que de nom, aussi ne vais-je pas m’en plaindre. Ah, si, un détail tout de même : ici, la mise en page en trois colonnes par page est très pénible et pique les yeux, ne favorisant guère le confort de lecture…

  

 Bilan mitigé, donc, pour ce premier supplément qui part un peu trop dans tous les sens, et ne va pas toujours jusqu’au bout de ses par ailleurs bonnes idées. On verra bien ce qu’il en sera de la suite.

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