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"La Terre mourante. L'intégrale", de Jack Vance

Publié le par Nébal

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VANCE (Jack), La Terre mourante. L’intégrale, traduit de l’américain par France-Marie Watkins, Paul Alpérine, Monique Lebailly, Michel Darroux & Bernadette Emerich, traductions révisées et complétées par Sébastien Guillot, Pygmalion – J’ai lu, coll. Sience-fiction – Fantasy, [1950, 1966, 1983-1984, 2010-2011] 2012, 2 t., 436 et 637 p.

 

Non, décidément, y a pas, j’aime bien Jack Vance. Oh, certes, on peut lui reprocher bien des choses – je ne vais pas revenir là-dessus, j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de m’exprimer à ce sujet –, mais il reste tout de même un conteur doué, qui n’a pas son pareil pour faire voyager ses lecteurs, et, souvent, leur faire découvrir des cultures et coutumes étranges et fascinantes, témoignant de l’imagination débordante de ce bourlingueur invétéré. Aussi, de temps en temps, un petit Vance, hop ! ça ne peut pas faire de mal.

 

Mais j’ai de terribles lacunes dans ma bibliothèque vancienne – de véritables classiques de la SF et de la fantasy qui me sont passés sous le nez, pour une raison ou pour une autre. « La Terre mourante » en faisait partie. Aussi, la parution de cette intégrale révisée en poche me fit l’effet d’une occasion de choix pour y remédier, d’autant que, parmi les livres composant le cycle, on trouve les deux romans ayant Cugel l’Astucieux pour héros, et je me souvenais encore du témoignage d’un ami un temps vancien frénétique qui me vantait la chose.

 

Un futur très lointain.  À des éons et des éons de distance, qui ont vu naître, fleurir, prospérer et mourir des civilisations sans nombre. Mais ça ne va pas durer : en effet, le soleil se meurt (et non pas « se meure », vilaine coquille présente sur les deux quatrièmes de couverture), et la Terre avec, balayée par quelques rayons rougeoyants témoignant du déclin inéluctable et de la mort prochaine, sans grands effets spéciaux pyrotechniques, de notre soleil et de tout ce qui en dépend.

 

Mais la Terre est alors devenue Un monde magique. C’est ainsi avec un recueil de six nouvelles plus ou moins enchevêtrées qu’il nous sera donné de découvrir cet étrange univers apocalyptique. Six nouvelles généralement placées sous le signe de la quête du savoir, et dont les héros sont généralement de puissants magiciens avides de connaissances… ou leurs créatures, comme T’saïs. Je ne vais pas faire le détail de nouvelles, et me contenterai donc de noter ici que, pour être quelque peu inégales, elles n’en sont pas moins dans l’ensemble intéressantes, et contiennent à l’occasion quelques fort bonnes idées (ainsi dans « Ulan Dhor », qui anticipe dans un sens The City & the City de China Miéville de façon étonnante, avec soixante ans d’avance…). Reste que ces récits très courts ne sont pas la distance de prédilection de Jack Vance, plus à l’aise dans des romans – quand bien même picaresques et à la limite du fix-up –, qui lui fournissent l’occasion de déployer toute son imagination au service de voyages fantastiques.

 

L’odyssée de Cugel l’Astucieux en est un très bon exemple. Cugel, minable petit voleur qui mérite cependant son surnom quand il ne joue pas au con – c’est-à-dire rarement –, est condamné par Iucounu le magicien rieur à effectuer une quête pour lui, en dédommagement d’une tentative de cambriolage. Pas de problème : la quête à proprement parler sera accomplie dès le premier chapitre du roman ! Mais les aventures – et les malheurs – de Cugel ne sont pas terminées pour autant : il lui faut revenir par ses propres moyens du Nord barbare, et c’est un bien long voyage, auquel il est néanmoins contraint et forcé. Aussi rumine-t-il sa vengeance à l’encontre de Iucounu et de ses mauvaises blagues… Cugel l’Astucieux est clairement le point d’orgue du cycle, et, au-delà, une sorte de type idéal de la fantasy légère, distrayante et drôle ; autant dire que Jack Vance a parfaitement rempli son contrat avec ce roman frais et enjoué, bourré d’astuce, parfois désopilant, toujours enchanteur. Voilà ce que j’appelle du divertissement de qualité : Cugel l’Astucieux s’est révélé être à la hauteur de sa réputation.

 

Passons maintenant au deuxième tome avec Cugel Saga. Le roman – deux fois plus long que son illustre prédécesseur – prend les mêmes et recommence : il débute juste là où s’achevait Cugel l’Astucieux… c’est-à-dire à la veille d’un nouveau voyage interminable, avec à la clé la vengeance contre Iucounu le magicien rieur. Mais, cette fois, la plaisanterie est sans doute trop longue, et, si les bonnes idées ne manquent pas dans Cugel Saga, qui est en outre sans doute le roman du cycle où l’on retrouve le plus la veine « ethnologique » de l’auteur, il n’en reste pas moins que le résultat n’a pas le panache, le brio et l’agréable légèreté de son modèle, plus dense et plus maîtrisé.

 

Reste enfin Rhialto le Merveilleux, qui comprend trois récits en rapport avec un collège de magiciens cupides et ridicules (qui valent bien ceux de l’Université Invisible de Terry Pratchett). Distrayant, mais pas assez pour emporter l’adhésion : ces trois brefs récits ont tous comme un goût d’inachevé, et sont par ailleurs assez bavards… Plutôt raté, donc, pour ne pas dire bâclé.

 

 Au final, nous retiendrons donc surtout Cugel l’Astucieux dans cette intégrale, qui est largement au-dessus du lot. Le reste est cependant assez sympathique et, même quand Vance accuse un coup de mou, il demeure un conteur plein de talent, qui sait divertir son lectorat. Ça tombe bien : on ne lui demande pas autre chose.

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E
Marrant de mon côté, j'ai une nette préférence pour Cugel Saga, sans doute à cause de quelques moments d'anthologie. Voilà qui mériterait une relecture.
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