"Le Baiser du Rasoir", de Daniel Polansky
POLANSKY (Daniel), Le Baiser du Rasoir, [The Straight Razor Cure], traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrick Marcel, Paris, Bragelonne, [2011] 2012, [édition numérique]
Y a pas, des fois, le bouche à oreille, ça a du bon. En effet, à première vue, il n’y avait aucune raison pour que je lise Le Baiser du Rasoir de Daniel Polansky, premier tome de la série « Basse-Fosse » ; vu de loin, avec les préjugés qui vont bien, je m’attendais à ce qu’il s’agisse là simplement du tome inaugural d’un énième cycle de Big Commercial Fantasy sans âme, versant « dark » à en juger par la couverture et la détestable accroche (mon Dieu quelle horreur…). Ben oui : des préjugés. Mais là, ils n’ont pas tenu : j’ai en effet entendu quelques échos positifs sur ce roman, en provenance de personnes dignes de confiance ; confiance inspirée par ailleurs par le nom de Patrick Marcel à la traduction. Aussi ai-je finalement essayé la chose, en version numérique, et, ma foi, je n’ai pas lieu de m’en plaindre.
L’univers, dès ce premier tome, est à la fois assez riche et maintenu dans une sorte de flou volontaire. On n’en verra guère que la ville de Rigus, et principalement son quartier de Basse-Fosse le bien nommé, abominable cloaque et coupe-gorge, autrefois en proie à la maladie, mais dans lequel il ne fait guère mieux vivre depuis que le Héron a mis en place son bouclier contre les épidémies. Le quartier reste en effet largement une zone de non-droit, où le crime est endémique.
Le Prévôt était un gosse des rues. Il s’est engagé et a fait la guerre, pendant cinq longues années, puis il est devenu flic, agent de Maison-Noire. Mais c’est bien loin, tout ça, maintenant. Notre « héros » a en effet lâché l’affaire, et est depuis devenu un dealer et un toxicomane ; un de plus à Basse-Fosse…
Mais une série d’horribles meurtres d’enfants va amener le Prévôt à revenir (officieusement) à ses anciennes fonctions de limier. Même s’il n’a a priori pas de raisons de s’en mêler, il entame donc son enquête, secondé par son fidèle sidekick Pinson. Et Maison-Noire de se mettre de la partie, et de l’inciter à dénicher au plus tôt l’assassin… tâche qui ne s’annonce pas évidente, et surtout dangereuse.
Avec Le Baiser du Rasoir, Daniel Polansky nous livre donc un mélange de dark fantasy et de polar hard-boiled, finalement plus astucieux et palpitant qu’il n’y paraît, et du coup nettement plus original (même si tout est relatif) que ce à quoi je m’attendais de prime abord. Certes, tout n’est pas parfaitement bien huilé, mais dans l’ensemble, ça marche plutôt bien, voire très bien. Les personnages bien campés, la plume punchy riche en répliques savoureuses, l’ambiance délétère, le sens du rythme, tout cela participe de l’efficacité de ce tome inaugural de la série « Basse-Fosse ». Du coup, si la suite est du même tonneau, il y a fort à parier que je m’en porterai acquéreur. Parce que c’était là, sans être exceptionnel, hein, une lecture fort sympathique, un divertissement bien conçu, exactement ce dont j’avais besoin en ce moment. Conscient de la mesquinerie de mes préjugés, je bats donc ma coulpe et me flagelle avec des orties fraîchement coupées. Et j’attends la suite.
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