"Le Cycle de Mars", d'Edgar Rice Burroughs
BURROUGHS (Edgar Rice), Le Cycle de Mars, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles-Noël Martin, J.-F. Amsel et Sébastien Guillot, préface de Frédéric Jaccaud, Paris, Omnibus, [1912-1914, 1916, 1922, 1988-1989] 2012, VII + 946 p.
La récente sortie sur les écrans du film Disney John Carter (que je n’ai aucune envie de voir) a fourni à n’en pas douter, et c’est tant mieux, le prétexte à cette réédition du fameux Cycle de Mars d’Edgar Rice Burroughs (oui, le pôpa de Tarzan). Ce volumineux omnibus regroupe cinq romans publiés originellement en feuilleton entre 1912 et 1922, et, comme je ne rechigne pas de temps en temps à faire un peu d’archéologie de la science-fiction et que j’avais envie de lire un truc léger et distrayant, j’ai fait l’acquisition de la bête, laquelle ne répond qu’à un seul mot d’ordre :
BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!
(Tiens, ça faisait longtemps.)
Disons-le tout net : en effet, Le Cycle de Mars est très probablement le truc le plus incroyablement bourrin que j’aie jamais lu. De l’action, de l’action, et encore de l’action ! Ce qui se traduit généralement par : de la baston, de la baston et encore de la baston ! Ça n’arrête pas.
Ou presque. Parce que, entre deux phases d’action, il faut bien laisser un peu de place aux sentiments, sur cette planète où toutes les femmes sont des princesses : l’amûûûr a donc aussi sa place sur Barsoom (comme ses habitants appellent Mars). C’est pas parce qu’on est sur la planète de la guerre qu’on doit pour autant laisser la galanterie aux vestiaires, non mais oh.
D’où un cocktail détonnant, entre « Conan » et la tradition courtoise lorgnant sur Les Feux de l’amour : c’est invraisemblablement bourrin, macho au possible, et d’une niaiserie confondante. C’est, du coup, parfois à hurler de rire. Mais c’est aussi bourré d’idées et très certainement séminal : la quatrième de couv’ évoque des auteurs aussi divers que Robert Heinlein, Michael Moorcock (qui a pastiché la chose dans un autre recueil sorti en Omnibus), Arthur C. Clarke et Ray Bradbury ; j’aurais plutôt cité, pour ma part, Robert E. Howard et Jack Vance. Mais c’est à vrai dire toute la littérature d’imaginaire principalement axée sur l’action qui pourrait remonter à ce Cycle de Mars, et en prime tous les planet operas. Et, avouons-le, avec tous ses ridicules et malgré une plume datée et parfois pénible, c’est dans l’ensemble très rigolo, et ça remplit toujours, un siècle plus tard, parfaitement son office, ce qui mérite tout de même d’être souligné.
Décortiquons maintenant la bête. Tout commence avec La Princesse de Mars (A Princess of Mars). Nous faisons la connaissance de John Carter, un ancien officier sudiste (et accessoirement un vrai connard arrogant) ; parti à la recherche d’or dans les montagnes américaines, il est un jour poursuivi par de (naturellement) féroces Apaches, qui le contraignent à trouver refuge dans une grotte. Il s’endort… et quand il se réveille, sans que l’on ait besoin d’autre explication, c’est sur Mars, et à poil. Ah. Bon. Ben on va faire avec, hein. John Carter part explorer les environs, et découvre bientôt une planète moribonde, ravagée par des conflits incessants entre les différentes races « humaines » de Barsoom (dans l’ordre où on les rencontre, les Verts, les Rouges, les Blancs, les Noirs et les Jaunes). Sur Terre, John Carter était déjà un soldat de la meilleure trempe ; mais sur Barsoom, sa constitution terrienne qui détonne avec la faible gravité environnante lui permet d’accomplir des prodiges. Il va devenir ainsi un guerrier particulièrement redoutable, luttant sans cesse pour sa survie… et pour l’amour de la belle Dejah Thoris, princesse d’Hélium. Le roman se conclut sur un cliffhanger brutal, qui laisse le lecteur à bout de souffle (littéralement).
Mais, heureusement, c’est pas fini (loin de là) : on enchaîne avec Les Dieux de Mars (The Gods of Mars), à mon sens le meilleur des cinq romans ici compilés ; John Carter y retourne enfin sur Mars, et se retrouve à foutre le bordel dans les convictions raciales et religieuses des Martiens (ce qui rend le roman moins con qu’il n’en a l’air) ; l’action est menée tambour battant, sans interruption, et c’est l’occasion pour John Carter de retrouver de vieux amis, et de s’en faire de nouveaux, comme Thuvia, et de rencontrer – de manière hilarante tant notre héros est lent du ciboulot – son fils Carthoris. Là encore, le roman s’achève sur un cliffhanger haletant, appelant nécessairement une suite.
Ce sera Le Guerrier de Mars (The Warlord of Mars), qui enchaîne directement à la fin du roman précédent. Après avoir foutu la merde au pôle sud dans l’épisode antérieur, John Carter est cette fois amené à se tourner vers le pôle nord et ses cruels Jaunes (ben oui). Pour le reste, on ne change pas une recette qui fonctionne : le schéma est largement le même que celui des deux romans précédents… ce qui peut entraîner un minimum de lassitude. John Carter n’en héritera pas moins du titre inédit de seigneur de guerre de Barsoom, ce qui ne le rendra pas moins arrogant, loin de là.
Suit Thuvia, vierge de Mars (Thuvia, Maid of Mars), le plus court de ces cinq romans, qui se contente largement de changer le couple principal (Carthoris et Thuvia remplacent John Carter et Dejah Thoris), mais manie toujours les mêmes ingrédients, pour un résultat moyen.
Le niveau remonte, à mon sens en tout cas, avec le dernier de ces cinq romans, Échecs sur Mars (The Chessmen of Mars). Nous y rencontrons Tara d’Hélium, fille de John Carter et Dejah Thoris (et donc sœur de Carthoris), qui, en plus d’être une princesse arrogante, est incroyablement conne. C’est ainsi qu’elle va très vite se retrouver dans un merdier sans nom, dont il faudra bien que quelqu’un la tire : ce sera Gahan de Gathol, amoureux éconduit mais fine lame et tête brûlée. Là encore, l’action va à cent à l’heure, ponctuée de bonnes voire très bonnes idées, et ça se lit tout seul.
Alors voilà : Le Cycle de Mars est une lecture très drôle, malgré elle parfois, mais à n’en pas douter fort divertissante. L’influence de ce cycle sur la SF ultérieure la plus axée sur l’aventure est indéniable. Aussi ce voyage sur Barsoom fut-il tout sauf déplaisant. Avis aux amateurs et, tous en chœur :
BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!
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