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"Le Maître et Marguerite", de Mikhaïl Boulgakov

Publié le par Nébal

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N.B. : Compte rendu rédigé à un mauvais moment, je vous prie de m’excuser pour ses flagrantes insuffisances.

 

BOULGAKOV (Mikhaïl), Le Maître et Marguerite, texte intégral précdé d’une introduction de Sergueï Ermolinski, traduit du russe par Claude Ligny, Paris, Robert Laffont, coll. Pavillons poche, [1968] 2012, 643 p.

 

Une fois n’est pas coutume, c’est à un ouvrage posthume et peu représentatif de la majeure partie de sa production littéraire (il était essentiellement dramaturge) que l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov doit sa renommée mondiale. Paru un quart de siècle après la mort de son auteur, venant parachever des années de lutte contre la censure sous toutes ses formes, Le Maître et Marguerite est un roman fantastique dans tous les sens du terme.

 

Un ouvrage riche et dense, saturé de personnages secondaires, et qu’il n’est guère aisé de résumer. On ne fera cependant pas de mystère : comme le champ lexical le laisse supposer très tôt, dans ce roman, le Diable et sa suite s’abattent sur Moscou, et vont en faire voir de toutes les couleurs aux Moscovites.

 

Tout commençait pourtant si « innocemment », par un débat – pour le moins pittoresque – sur l’existence ou non de Jésus, débouchant sur la première partie d’un récit de la Passion envisagée selon le point de vue de Ponce Pilate… Mais l’étranger qui s’est immiscé dans la scène dit avoir vu ces événements. Il prétend aussi voir le futur, et prédit la mort dans des circonstances atroces d’un de ses interlocuteurs… qui survient presque aussitôt. On le poursuit comme assassin et « hypnotiseur », mais impossible de mettre la main sur lui, de même que sur son comparse vêtu de carreaux qui se fait passer pour son interprète, ou cet étrange chat qui a tenté de monter dans le tramway et d’acheter un ticket… Les noms de Woland, Koroviev et Behemoth vont bientôt devenir célèbres à Moscou, après une série de « miracles » détournés en mauvaises blagues abusant de la cupidité du spectateur lambda.

 

Et le Maître et Marguerite dans tout ça ? Eh bien, malgré le titre, ils n’ont tout d’abord qu’un rôle éminemment secondaire, et l’auteur aura beau dire, son Maître – nous ne le connaîtrons jamais que sous ce pseudonyme – n’a pas vraiment la carrure d’un héros… C’est juste un auteur qui a écrit un roman sur Ponce Pilate, roman dont personne ne veut, et qui a sombré dans la folie.

 

Mais Marguerite est indéniablement plus charismatique. Maîtresse du Maître (ben oui), elle est de ces femmes adultères auxquelles on ne jettera pas la pierre. Elle vénère son amant et est prête à tout pour lui. Absolument tout. Alors pourquoi ne pas s’enduire le corps de l’onguent des sorcières et se rendre au bal du Diable ? La délicieuse amoralité des amours du Maître et de Marguerite ne les rend que plus belles, et, paradoxalement, pures.

 

Le roman de Mikhaïl Boulgakov offre donc une fort jolie romance. Mais ce n’est bien évidemment pas tout. En accumulant les scènes grotesques, en poussant parfois jusqu’au burlesque, Le Maître et Marguerite se présente également comme une satire vive, enjouée et jubilatoire de la société moscovite d’alors, et plus particulièrement de ses élites ô combien cupides et bornées.

 

Par un complet retournement des valeurs, les forces du mal nous sont donc présentées ici de façon plutôt sympathique. Mais il y a de quoi faire pencher la balance en sens inverse (ou bien…?) avec cette minutieuse et apocryphe reconstitution de la Passion qui constitue un des fils rouges de ce texte extrêmement riche et faisant feu de tout bois.

 

L’art de Mikhaïl Boulgakov impressionne. Sa plume, toujours juste, est capable de susciter une incroyable variété d’émotions. On notera plus particulièrement ce génie pour l’absurde et le grotesque, qui parvient à susciter à la fois et le rire et la peur, ce qui n’est pas une mince performance. Mais cet exploit est renouvelé à plusieurs reprises, dans ce roman qui sait aussi se montrer tendre comme fougueux, délicat comme brutal, spirituel comme matériel.

 

On comprend donc bien pourquoi Le Maître et Marguerite est si estimé, et très justement placé au sommet des chefs-d’œuvre du fantastique, russe certes, mais pas seulement. Un très grand roman, protéiforme, toujours surprenant mais toujours pour le mieux.

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