"Le Masque de la Mort Rouge", d'Edgar Allan Poe
POE (Edgar Allan), Le Masque de la Mort Rouge et autres nouvelles fantastiques, traduit de l’américain par Charles Baudelaire et Alain Jaubert, préface de René Réouven, Paris, Gallimard, coll. Folio Science-fiction, 2002, 374 p.
Je me dois de le confesser, au risque de passer pour un hérétique : ainsi que je l’avais déjà laissé entendre en traitant des Aventures d’Arthur Gordon Pym, je ne suis guère un amateur des œuvres d’Edgar Allan Poe. Ce qui est étonnant à plus d’un titre. D’une part, je ne peux que reconnaître l’influence sans pareille de cet auteur sur ceux qui l’ont suivi, dans bien des genres, dont mon chouchou Howard Phillips Lovecraft, qui voyait en lui son « Dieu en écriture » ; d’autre part, gamin puis adolescent, j’ai aimé certains textes de Poe : le premier fut, je crois, « Le Scarabée d’or », et je suis parti avec plus d’une fois à la chasse au trésor, de même que j’ai par la suite arpenté plus qu’à mon tour la sinistre rue Morgue en compagnie de l’astucieux Dupin.
Mais je n’avais conservé quasiment aucun souvenir de ce qui était chez lui supposé m’intéresser le plus : ses nouvelles fantastiques. Seules deux d’entre elles m’avaient laissé une forte impression positive : « Ligeia » et « Le Masque de la Mort Rouge ». Pour le reste… Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, pourtant ; mais la lecture des Histoires extraordinaires, notamment, m’a toujours rapidement ennuyé, et j’ai toujours eu du mal à en dépasser les premiers textes. J’ai sans doute lu (et relu, perplexe…) Poe trop jeune pour pouvoir me faire une idée de son style, mais cette lecture (ou relecture) m’a en outre confirmé que je n’y accroche pas, le trouvant lourd et affecté (oui, c’est un amateur de Lovecraft qui écrit…), traduction de Baudelaire ou pas.
Mais ma récente indigestion de lovecrafteries, et de précurseurs et influences du Maître de Providence, m’a amené à vouloir redonner sa chance à Edgar Allan Poe. Soucieux cependant de ne pas me retrouver confronté au même blocage que j’ai évoqué à l’instant, j’ai cherché s’il n’existait pas un recueil « artificiel », composé uniquement de ces nouvelles fantastiques que je me sentais tenu de lire ou relire : cela existe, et c’est ce Masque de la Mort Rouge, publié en Folio Science-fiction. Ni une ni deux, je me suis procuré la chose, et en ai vite entamé la lecture… qui, hélas, s’est avérée dans l’ensemble très pénible, et n’a guère fait, le plus souvent, que me conforter dans mes impressions négatives, voire dans mes préjugés.
Je reconnais certes qu’il y a quelques bons voire très bons textes dans ce recueil… mais n’en retiens que cinq. Tout d’abord, les deux dont je me souvenais : « Ligeia », la plus forte nouvelle de l’auteur sur le thème cher à son cœur de la « vie prolongée », et « Le Masque de la Mort Rouge », avec ses visions grandioses et grotesques, au meilleur sens du terme. Je peux désormais y ajouter trois autres nouvelles : « William Wilson » est peut-être celle qui m’a le plus convaincu, et je ne peux que louer le brio dont fait preuve l’auteur dans cette très bonne variation sur le thème du double, avec narrateur non fiable ; « Le Puits et le pendule » (en « oubliant » son déconcertant dernier paragraphe ?) m’a également séduit, nouvelle cauchemardesque franchement horrible sur un atroce supplice, qui, dans son abstraction et sa tendance à l’absurde, m’a semblé préfigurer le Kafka de « La Colonie pénitentiaire », à certains égards ; et il me faut enfin mentionner ici, en dépit d’une conclusion prévisible, « Le Chat noir », surtout pour son cruel et détestable narrateur. Mais c’est hélas tout…
Le reste m’a paru au mieux correct. Ainsi le conte gothique « Metzengerstein » ; « Morella », autre variation sur la survivance après la mort ; « La Chute de la Maison Usher », avec son ambiance remarquable, mais qui ne débouche hélas à mon sens sur pas grand-chose ; « Ne pariez jamais votre tête au diable », le seul des quelques textes humoristiques de Poe présents dans ce recueil à m’avoir arraché un sourire ; « La Barrique d’amontillado », à la limite, pour les mêmes raisons que « Le Chat noir »…
Les nouvelles restantes, soit la moitié du recueil en gros – « Perte de souffle », « Bon-Bon », « Manuscrit trouvé dans une bouteille » (préfiguration d’Arthur Gordon Pym ?), « Le Rendez-vous », « Silence », « Bérénice », « Le Portrait ovale » (qui m’a évoqué en partie Le Portrait de Dorian Gray), « Petite discussion avec une momie » et « Ombre » –, m’ont franchement paru au mieux médiocre, aussi n’ai-je guère envie de m’étendre à leur sujet.
Expérience pas vraiment concluante, donc, qui n’a fait que confirmer mon peu d’intérêt pour les nouvelles notamment fantastiques d’Edgar Allan Poe. Je ne me l’explique pas vraiment, mais c’est ainsi : Le Masque de la Mort Rouge m’a fait l’effet d’une lecture fastidieuse, qui plus est assez répétitive (certains thèmes sont obsessionnels). Le style de l’auteur, décidément, ne me parle pas (au mieux). Et, si je pense comprendre l’importance de Poe en son temps, je ne peux m’empêcher de le trouver, aujourd’hui, guère convaincant… En tout cas, moi, je n’ai pas été convaincu. Hérétique, vous dis-je.
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