"Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison", d'Arto Paasilinna
PAASILINNA (Arto), Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison, [Hirttämättomien lurjusten yrttitarha], traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Paris, Denoël, coll. & d’ailleurs, [1998, 2010] 2011, 346 p.
Cela faisait déjà pas mal de temps que je voulais lire quelque chose d’Arto Paasilinna. On m’en avait loué plusieurs titres, dont Le Cantique de l’apocalypse joyeuse, qui avait du coup rejoint ma volumineuse commode de chevet. Mais c’est finalement avec ce dernier roman traduit en date (sauf erreur) que j’ai pris contact avec l’auteur finlandais. Hasards du calendrier, déterminisme de l’organisation scientifique de la pile à lire, chouette titre, thématique intéressante : autant de raisons qui ont fait que je me suis lancé dans la lecture de ce Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison.
Le héros en est l’inspecteur principal de la Sécurité nationale Jalmari Jyllänketo, envoyé en mission aux confins de la Laponie, dans l’ancien kolkhoze de l’Étang aux Rennes, sous la couverture d’un contrôleur d’agriculture bio. En effet, des rumeurs courent sur la mystérieuse organisation de cette ferme d’un genre bien particulier, produisant herbes aromatiques, sapins de Noël et champignons, et l’on parle notamment de disparitions…
Jalmari Jyllänketo ne tarde pas vraiment à découvrir la vérité : sous la direction énergique de la patronne Ilona Kärmeskallio, les champignonnières de la mine du Lac Sauvage (la plus profonde de Finlande) abritent en fait un camp de travail forcé, où de gros truands comme de petits malfrats qui ont échappé aux griffes de la justice sont condamnés à une peine de durée variable en fonction de leur conduite et de l’abomination de leurs crimes.
Mais tout cela est bien loin de choquer notre inspecteur principal, qui trouve cette organisation plutôt sympathique en définitive. D’autant qu’il n’a d’yeux que pour la fille de la patronne, la jolie horticultrice Sanna Saarinen, aux petits soins pour lui. Aussi prétend-il n’avoir rien trouvé d’étrange dans ses rapports à la Sécurité nationale, et devient-il même un membre de la communauté de la ferme à titre bénévole, allant jusqu’à participer aux enlèvements (un sataniste norvégien par-ci, une cinquantaine de Hell’s Angels par-là…) qui fournissent la mine en travailleurs malgré eux.
Objectivement, Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison ne manque pas d’atouts : réflexion originale sur la justice et la répression, et leur signification profonde, thématique qui ne manquait pas de m’intéresser, il a l’intelligence de ne jamais trop appuyer de point de vue en se répandant en invectives contre ce système de « camp de concentration » que l’on ne peut bien entendu que trouver atroce ; la critique est donc subtile, d’autant que le personnel de l’ancien kolkhoze est dans l’ensemble fort sympathique (la patronne exceptée). À ce compte-là, le roman tient dans l’ensemble ses promesses, et sa lecture ne constituera pas une perte de temps.
Pourtant, je ne peux que m’avouer déçu par Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison dont, il est vrai, j’attendais beaucoup ; et, au final, je n’en retire qu’une impression mitigée, voire franchement médiocre…
Un premier problème, de taille, concerne la suspension d’incrédulité : certes, il s’agit dans un sens d’une fable, genre qui n’implique pas le même « réalisme » que bien d’autres ; mais voilà, on a quand même du mal à y croire, à la trame générale comme à certains événements qui la composent, notamment les plus absurdes et/ou kafkaïens ; et, mine (aha) de rien, ça pose problème, et nuit quelque peu à la pertinence de la réflexion – sans l’annihiler pour autant, ceci dit.
Non, le vrai problème est ailleurs : malgré la réflexion intéressante qu’il propose, malgré ses personnages sympathiques, le roman ne parvient à susciter chez le lecteur qu’un léger ennui, poli mais non moins pénible. Contrairement à ce que prétend la quatrième de couverture (forcément…), Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison n’est pas vraiment drôle – la plupart des traits humoristiques tombent à plat, il n’y a guère que quand l’auteur fait résolument dans l’excès caricatural que cela marche un tantinet – et il n’est certainement pas haletant (quelle drôle d’idée ?).
Si l’on y ajoute un style dans l’ensemble assez terne, usant de procédés parfois un poil lourds – comme dans la désignation des personnages, systématiquement complète ou presque (« l’inspecteur principal Jalmari Jyllänketo », « l’horticultrice Sanna Saarinen ») et une certaine tendance à tirer à la ligne par endroits – l’épopée robinsonesque des deux amoureux suscités ne m’a guère semblé avoir d’autre but, si ce n’est qu’elle constitue un expédient aussi facile qu’improbable pour contourner une des nombreuses difficultés du roman liées à sa vraisemblance –, on se retrouve au final devant un roman plutôt mou et ennuyeux, bien loin de ce que l’on était en droit d’en attendre.
Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison n’est donc pas complètement mauvais, mais je ne peux que m’avouer déçu au sortir de cette lecture (cela dit, je n’étais peut-être pas dans les meilleures dispositions pour l’apprécier véritablement…). Je compte bien lire d’autres romans d’Arto Paasilinna un de ces jours, mais espère en être davantage convaincu ; parce que là, il n’y a franchement pas de quoi s’extasier…
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