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"Le Visage Vert", n° 21. "Le Secret du masque"

Publié le par Nébal

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Le Visage Vert, n° 21. Le Secret du masque, Cadillon, Le Visage Vert, novembre 2012, 190 p.

 

C’est rien de le dire, mais j’attendais cette nouvelle livraison du Visage Vert avec une impatience certaine.

 

 

Bon, d’accord, c’est vrai de chaque numéro, tant cette revue fait généralement preuve d’une qualité tout à fait remarquable.

 

Mais là, il y avait un petit (enfin, pas si petit que ça) plus pour attirer mon attention : le dossier, concocté par l’indispensable Michel Meurger, était consacré au thème si riche et fascinant des masques. On sait l’importance de cet accessoire dans le fantastique et l’horreur, mais, au-delà, je dois confesser que c’est un thème qui m’a toujours passionné : le masque, accessoire pouvant servir à dissimuler comme à révéler, a toujours exercé sur moi une attraction singulière, et je ne compte pas les œuvres usant de ce procédé à m’avoir séduit (même si là, tout de suite, au moment où j’écris ces lignes, je ne peux m’empêcher de penser, à titre d’exemple, à la légendaire scène du bal masqué dans Eyes Wide Shut ; mais je pourrais en citer bien d’autres…).

 

Mais si ce dossier constitue l’essentiel de ce 21ème numéro, nous avons déjà de quoi nous régaler, en guise de mise en bouche, avec les textes qui précèdent.

 

Nous trouvons tout d’abord deux nouvelles de John Bedot, obscur auteur suisse largement tombé dans l’oubli aujourd’hui (mais Le Visage Vert est doté d’une mémoire prodigieuse). « Une hallucination. Conte médical », tout d’abord, rapporte sous la forme d’un journal une série d’hallucinations auditives, visuelles et tactiles, débouchant sur un fantasme du double. Cette plongée progressive dans la folie est fort intéressante, même si la fin est un peu décevante à mes yeux. Une note nous explique qu’on peut y voir une préfiguration du « syndrome de Todd », également connu, ai-je découvert, sous le nom de « syndrome d’Alice au pays des merveilles » ; alors forcément… Suit, du même auteur, « Pantagruelion ou le Chanvre-Cauchemar » : un texte surréaliste halluciné et stylé, qui nous permet de constater que, une fois n’est pas coutume, Le Visage Vert fait l’apologie de la DROGUE ! On comprend mieux, à la lecture de ce quasi-poème en prose, le reproche adressé à l’auteur, d’avoir « un peu trop donné quelque fois dans le bizarre » (ce qui est bien). Tout à fait convaincant. Tu fais tourner le Bedot ?

 

On passe alors à « Hi-mawari », très jolie saynète « autobiographique » de Lafcadio Hearn, « oubliée » dans les traductions françaises de Kwaidan. Et ça donne sacrément envie de le lire, ainsi que de voir le film, idée qui m’était déjà venue en tête à la lecture de Fantômes du cinéma japonais (il n’y a pas de hasard). Du coup, je me suis procuré ledit ouvrage et ledit film, et il y a fort à parier que je vous en cause bientôt.

 

Le dossier s’ouvre avec Michel Meurger, qui nous livre « Le Secret du masque » : on trouve bien des choses dans ce long article, mêlant histoire, historiographie, démonologie, anthropologie plus ou moins fantaisiste et fiction ; je relève notamment la thématique conspirationniste, allant des sabbats  de sorcières aux COMMUNISTES ; mais aussi la thématique (illustrée plus loin par la nouvelle de Richard Marsh) des multiples identités et du changement de sexe, avec une forte dimension érotique ; c’est érudit et passionnant, comme toujours, même si ça part un peu dans tous les sens, comme toujours aussi. J’avouerai cependant avoir trouvé ce très bon article un peu frustrant : c’est qu’il y aurait tant à dire sur le sujet, c’est un bouquin entier qu’il faudrait… Dans une annexe, intitulée « La maschera del demonio », l’auteur a le bon goût de s’interroger sur l’origine du saisissant masque à pointes dans Le Masque du démon, l’immortel chef-d’œuvre de Mario Bava avec Barbara Steele, et en trouve de singuliers précurseurs chez Victor Hugo. Fort intéressant.

 

On passe ensuite aux fictions usant de ce thème du masque, avec tout d’abord Marcel Schwob et « Les Faulx-Visaiges » : il s’agit d’un court récit historique (prenant place en Normandie, au cours d’une des pauses de la guerre de Cent Ans) sur une bande de routiers masqués multipliant les atrocités (et étant suppliciés de manière tout aussi atroce). Un texte baroque et sadique, qui donne envie d’en lire plus ; du coup, je vais peut-être me laisser séduire un de ces jours par les Œuvres de l’auteur publiées en Phébus – Libretto…

 

« Le Masque » de Richard Marsh n’est pas terrible sur le pur plan littéraire, mais c’est un texte palpitant, bien ficelé et d’une richesse incontestable, largement décortiqué par Michel Meurger dans son article. Cela m’a rappelé que Curios prenait la poussière dans ma commode de chevet, et qu’il allait falloir y remédier (et peut-être aussi, tant qu’à faire, me mettre au Scarabée, la plus célèbre œuvre de l’auteur).

 

On passe alors à « L’Œil du masque de pierre » de l’Autrichien Bodo Wildberg : la plume et l’ambiance sont tout ce qu’il y a de sympathiques, mais je m’interroge : est-ce vraiment dans la thématique ? C’est en outre un texte lourdement moraliste, ce qui explique sans doute pourquoi j’y ai vu le texte le moins intéressant de cette autrement très bonne livraison du Visage Vert.

 

Mais le numéro s’achève sur une vraie merveille, avec Nicholas Royle et « Le Leurre » : une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un texte contemporain, racontant les pérégrinations d’un jeune Anglais à Paris ; c’est intrigant et fascinant, d’une richesse remarquable ; là encore, ça donne envie d’en lire davantage. Confirmation que Le Visage Vert est un merveilleux passeur d’envies…

 

Vous l’aurez compris, ce 21ème numéro ne déroge pas à la tradition d’excellence du Visage Vert. Je vous engage fortement à le lire, et les autres aussi tant qu’à faire. Allez, hop, et plus vite que ça.

 

EDIT : Chronique audio et lecture ici.

Commenter cet article

T
Ayé, fini ce numéro du Visage Vert. En tous points d'accord avec toi, camarade : Bedot intrigant, Royle, Schwob et Marsh (dans cet ordre) magnifiques et le dossier sur les masques est effectivement<br /> foutraque mais passionnant (à lire cependant après les nouvelles). C'était - curieusement - le premier numéro que je lisais, ce ne sera certainement pas le dernier...
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N
<br /> <br /> Tu m'en vois ravi, citoyen.<br /> <br /> <br /> <br />
T
Marcel Schwob c'est le bien, camarade (encore une découverte que je dois à l'excellent Patrick Mallet...).
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N
<br /> <br /> Je vais probablement tenter un de ces jours, citoyen.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> (Quel homme, décidément, ce Patrick Mallet !)<br /> <br /> <br /> <br />