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"Lonesome Dove", de Larry McMurtry

Publié le par Nébal

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McMURTRY (Larry), Lonesome Dove, [Lonesome Dove],traduit de l’américain par Richard Crevier, nouvelle édition établie par Marie-Anne Lenoir, Paris, Gallmeister, coll. Totem, [1985, 1990] 2011, 2 vol., 568 + 617 p.

 

« Western Summer », suite, et cette fois avec un très, très gros machin, dans tous les sens du terme : c’est qu’il pèse son poids, ce Lonesome Dove de Larry McMurtry, qui tourne autour des 1200 pages. Mais, surtout, il a une réputation des plus prestigieuses, et je ne parle pas que du prix Pulitzer qui l’a récompensé. C’est bien simple : tous ceux qui l’avaient lu m’avaient assuré que c’était absolument génial. Et James Crumley en aurait dit : « Si vous ne devez lire qu’un seul western dans votre vie, lisez celui-ci. » Ah, tout de même !

 

Je dois dire que, du coup, quand j’ai entamé la lecture de Lonesome Dove, j’ai craint d’être déçu du fait de ce trop grand nombre de louanges. Et puis j’avais quand même lu récemment des choses comme Contrée indienne de Dorothy M. Johnson ou encore Deadwood de Pete Dexter, qui ne sont pas exactement des westerns à négliger…

 

Mais mes craintes étaient infondées : Lonesome Dove est bel et bien un chef-d’œuvre, un roman d’une puissance rare, qu’on lit avec une délectation permanente, et qu’on a du mal à quitter ; hier soir, honnêtement, pour tout un tas de raisons, j’en avais la larme à l’œil, et c’est quand même pas tous les jours qu’un livre me fait cet effet… Est-ce pour autant ZE western à lire ? Je ne serais peut-être pas aussi catégorique, et puis ce petit jeu a quelque chose d’un peu absurde… Mais c’est assurément un excellent roman, de ceux qui laissent une empreinte profonde, des romans que l’on vit littéralement, et qu’on ne peut pas lâcher (ou qui ne nous lâchent pas).

 

1880, Lonesome Dove, Texas, au bord du Rio Grande. Les anciens Texas rangers Augustus McCrae et Woodrow Call (« le Capitaine »), des légendes en leur temps, se sont posés, et vivent tant bien que mal de l’élevage dans ce trou perdu. Il semble bien loin, le temps épique où ils combattaient les Comanches… Mais ils vont avoir l’occasion de vivre ensemble, en compagnie d’une petite troupe, une dernière aventure, et pas la moindre. En effet, la visite inopinée de leur ancien collègue Jake Spoon (qui a un shérif de l’Arkansas aux fesses) fournit au Capitaine le prétexte pour quitter – à jamais ? – Lonesome Dove. Car Jake leur dit que le Montana, à peine colonisé, serait une terre idéale pour établir un ranch, ce que personne n’a encore jamais fait. Mais c’est loin, le Montana : plus de 5000 kilomètres… Tant mieux ! Call et McCrae vont « récupérer » (bon, voler…) du bétail au Mexique, un immense troupeau, et se lancent sur la piste, direction le Yellowstone. Une odyssée sans pareille les attend, ainsi que les autres membres de leur expédition : les anciens rangers Deets et Pea Eye, le petit Newt, le cow-boy amoureux Dish Boggett (avec, à quelques pas, l’objet inaccessible de ses désirs, la belle putain Lorena), d’autres encore… Une odyssée crépusculaire, marquant la fin d’une époque qu’ils entendent à tout prix prolonger, sans doute en dépit du bon sens. Une folie…

 

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage » ? Ou pas… Le lecteur, oui, est heureux, au terme de ce long périple (et un peu triste, donc). Mais il sait dès les premières pages qu’il n’en ira pas forcément de même pour les héros de Lonesome Dove. Pourtant, tout commence très bien, et sur un air de comédie (les répliques piquantes de ce bavard de McCrae y sont pour beaucoup) ; mais on se doute bien vite qu’au fil de l’aventure, ce sera d’une tragédie humaine qu’il s’agira. Avec ses coups de théâtre (feuilletonesques, à certains égards), ses coïncidences improbables, et ses drames innombrables…

 

Lonesome Doveest une vaste fresque, d’une ampleur et d’une ambition sans commune mesure. Chose admirable, ce monstre littéraire allie pour le meilleur et certainement pas pour le pire le genre le plus populaire avec la littérature la plus majuscule. Et tout y est. Tout participe de la réussite indéniable de ce roman rare, porté par une plume d’une fluidité exemplaire et des personnages extraordinairement bien dessinés, Call et McCrae en tête (mais les autres ne sont pas à négliger pour autant, certainement pas) ; la multiplicité des points de vue est gérée avec une adresse remarquable, et l’émotion est toujours à fleur de peau : on passe insidieusement du rire aux larmes en l’espace de quelques pages. Lonesome Dove est un concentré de vie, avec tout ce que cela implique. Et tout y passe. Absolument tout. Au milieu des cow-boys et des Indiens, des héros et des brigands, il y a tout un monde qui se dresse, un monde à conquérir, un monde hostile, mais un monde beau, aussi. Du désert texan aux blizzards du Montana, en passant par les plaines infinies, Lonesome Dove nous invite à un voyage unique, aux implications multiples, tant spirituelles que géographiques. La quête désespérée des vieux Texas rangers prend aux tripes, et on vit littéralement avec eux. Aussi a-t-on beaucoup de mal à les quitter…

 

Roman brillant, fresque chorale inimitable, Lonesome Dove, oui, est bel et bien un chef-d’œuvre. Un livre habité, palpitant, drôle, émouvant, beau, intelligent… n’en jetez plus. Lonesome Dove est à la hauteur de sa réputation prestigieuse. Indispensable.

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S
Les femmes, c'est une des belles choses de ce livre. Je trouve très beau, et qui sonne très juste,les relations qu'ont ces hommes avec les femmes presque absente de leur univers. Timidité,<br /> angoisse, fascination.
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T
Yep, grand livre qui n’a pas arrêté de me surprendre. McMurtry n’hésite pas à tuer ses personnages (parfois presque en dépit du bon sens narratif) pour renforcer le côté sauvage de son univers. Et<br /> au moment où je me faisais la remarque que le roman manquait tout de même de figures féminines fortes, voilà qu’elles apparaissent et illuminent tout le dernier tiers du récit… Du grand art,<br /> vraiment
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N
<br /> <br /> Toutafé.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Oui oui oui, je dis OUI.<br /> Très difficile de trouver quelque chose à lire, après. On voudrait y rester.
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N
<br /> <br /> Certes.<br /> <br /> <br /> <br />