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"Lovecraft Studies", no. 31

Publié le par Nébal

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Lovecraft Studies, no. 31, West Warwick, Necronomicon Press, Fall 1994, 36 p.

 

Lovecraft Studies, suite… mais en faisant un grand bond en avant, puisqu’il me manque les numéros 14 à 30. Passons donc directement à ce n° 31, dédié à Robert Bloch. Le contraste est assez flagrant, en tout cas, entre cet opus et les précédents que j’avais pu lire, et le rendu autrement plus « professionnel », même si l’on reste dans le domaine du fanzine. L’impression sur deux colonnes justifiées repose un peu les yeux… même si, du coup, chaque page est plus dense. Mais trêve de blabla, passons directement au contenu.

 

On commence avec Robert H. Waugh, qui livre « Dr. Margaret Murray and H.P. Lovecraft: The Witch-Cult in New England », article qui m’a semblé entrer en résonance avec mes récentes lectures de Michel Meurger (hop). On sait que le « classique » (controversé… et même carrément abandonné aujourd’hui) de Margaret Murray sur la sorcellerie en Europe occidentale a beaucoup inspiré Lovecraft, qui le cite à plusieurs reprises, dans ses fictions comme dans sa correspondance. L’auteur montre ici que, chez Lovecraft, le terreau était favorable, si je puis employer cette expression : l’idée de la survivance d’un culte de sorciers, à mettre en rapport avec la « pygmy theory », ne pouvait que séduire le créateur de Keziah Mason et compagnie, qui s’en est toutefois emparé à sa manière, lui rajoutant une dimension « d’altérité » plus franche, hélas accompagnée de préjugés racistes. On voit ensuite comment Lovecraft a fait usage de l’ouvrage dans sa Nouvelle-Angleterre fantasmée. Un bon article… mais après les très savantes dissertations de Michel Meurger, ça paraît un peu léger, tout de même.

 

Mollie L. Burleson livre ensuite un article, euh, « étrange », avec « Mirror, Mirror: Sylvia Plath’s « Mirror » and Lovecraft’s « The Outsider » ». La comparaison entre « Je suis d’ailleurs » et ce poème (cité en intégralité) de Sylvia Plath (dont il faut toujours que je lise La Cloche de détresse…) ne me paraît pas franchement pertinente, et l’on ne peut à mon sens en retirer grand-chose. Je note cependant cette idée intéressante, selon laquelle la « révélation » de « Je suis d’ailleurs » est en fait « continue » (ou « répétée », comme vous voudrez), chose à laquelle je n’avais jamais pensé et qui mérite à mon sens qu’on s’y arrête. Mais le plus troublant dans cet article reste, trouvé-je, la conviction de l’auteur (étayée dans une précédente livraison) selon laquelle le narrateur de Lovecraft… serait en fait une femme. Euh, je demande à être convaincu, là…

 

On reste avec « Je suis d’ailleurs » dans l’article suivant, « « The Outsider » as an Hommage to Poe » de Carl Buchanan. La référence à Poe dans ce texte de Lovecraft est un véritable lieu commun, et je n’ai pas le sentiment que ce bref article apporte grand-chose de neuf sur la question…

 

Poe toujours, mais avec à mon sens plus d’intérêt, dans « Lovecraft and « Ligeia » » de Robert M. Price. Selon l’auteur, les références à Poe dans l’œuvre lovecraftienne ne se limitent pas au style, mais infusent aussi certains textes, dans lesquels on peut trouver des emprunts. Ainsi, il montre comment la célèbre « Ligeia » a inspiré directement « The Thing on the Doorstep » (c’est en effet particulièrement éloquent), voire (de manière un peu moins convaincante à mes yeux) « The Rats in the Walls » ou encore « The Hound ». Intéressant, oui.

 

On passe ensuite à plusieurs articles « stylistiques ». C’est Cecelia Drewer qui ouvre le bal, avec « Symbolism of Style in « The Strange High House in the Mist » » (un chapitre remanié de sa thèse The Literary Manifesto of H.P. Lovecraft: A Writer in Search of a Theory), qui dissèque donc savamment « L’Étrange Maison haute dans la brume » sous l’angle des procédés d’écriture employés par Lovecraft. C’est méticuleux (voire un brin « scolaire »), et assurément bien fait ; on voit combien Lovecraft attachait d’importance au style… même si, trouvé-je, cela fait du coup ressortir son caractère quelque peu « emprunté ». Les considérations sur les différentes formes de « modernisme » en écriture sont également intéressantes.

 

Un serpent de mer ou peu s’en faut ensuite, avec « Lovecraft and Adjectivitis: A Deconstructionist View » de Donald R. Burleson. « L’adjectivite » de Lovecraft a souvent été relevée par ses critiques (et votre serviteur reconnaît ne pas être en reste). L’auteur entend questionner ce lieu commun, en s’interrogeant sur le statut de l’adjectif en général et dans l’œuvre lovecraftienne en particulier. Certaines remarques sont assez pertinentes… mais, décidément, ce genre d’article ne me convainc jamais tout à fait : je ne peux m’empêcher d’y voir, même si c’est avec un certain brio et de manière mûrement réfléchie (à l’instar de la plume lovecraftienne, d’ailleurs), un « réflexe » défensif de fan… ce que je suis également, hein (sans déc’ ?), mais je reconnais néanmoins le caractère fondé de la critique concernant « l’adjectivite »…

 

On poursuit avec « Lovecraft’s Aesthetic Development: From Classicism to Decadence » de S.T. Joshi (un extrait, en fait, de sa biographie alors non publiée – voir I Am providence). Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, aussi intéressant soit-il : le titre est éloquent, et c’était donc plus ou moins déjà lu en ce qui me concerne.

 

S.T. Joshi, toujours lui, se montre enfin particulièrement venimeux (à bon droit, semble-t-il ; c’est en tout cas assez réjouissant) dans les deux « reviews » qu’il consacre à Crawling Chaos: Selected Works 1920-1935 de H.P. Lovecraft, compilation qui semble effectivement avoir été faite en dépit du bon sens, et Cthulhu’s Heirs: Tales of the Mythos for the New Millenium, anthologie de nouvelles lovecraftiennes éditée par Thomas M.K. Stratman pour Chaosium (et qui figure dans ma pile à lire lovecraftienne, aïe…). « Some things are so breathtakingly stupid that one can only stand back and admire. » Ouch !

 

Ceci devait être mon dernier Lovecraft Studies… mais j’ai craqué et commandé quelques numéros plus récents. À suivre, donc, même si je vais d’abord faire un détour par Crypt of Cthulhu.

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G
Oui, Murrray a été publié en France à peu près en même temps dans les années 1950, peut-être bien chez Denoël mais je l'ai à Trégastel pas sous la main et j'ai la flemme de chercher sur le net que<br /> les textes que je citais hier. Bien qu'elle n'ait pas été prise au sérieux par les professionnels que je fréquentais alors comme étudiant ou ami, elle était beaucoup plus rationnelle que les livres<br /> que j'ai cités. C'est toujours l'idée d'une vieille tradition qui aurait traversé les siècles avec peut-être sa part de véracité. En fait Murray transcrit en pseudo-ethnologie une partie des<br /> fiction de la fin du 19ème siècle et de l'entre deux-guerres. J'insiste sur l'intérêt d'une étude systématique de ces textes hautement problématique, étude que<br /> Meurger a conduite en partie bien que ça ne soit pas vraiment son champ. Murray et d'autres expriment la vieille idée aristo-anglaise que quelque chose des Angles voire des Pictes a survécu à<br /> l'invasion de Guillaume. Walter Scott n'est pas si loin.
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