"Mahamoth"
Mahamoth
Mahamoth était à l’origine un jeu de rôle créé par John Grümph (voyez Oltréé !, par exemple) et diffusé en PDF. Il a ensuite été repris sous un format moins « amateur » par les XII Singes, dans leur collection « Intégrale » utilisant le « dK System », et c’est de cette édition que je vais vous entretenir aujourd’hui. Le jeu se présente sous la forme de deux petits livrets de 80 pages chacun (le premier est ouvert à tous ; le second, hélas fragile, est consacré aux « secrets » réservés au meneur de jeu) et d’un écran (très – trop ? – souple).
L’univers est assurément le gros point fort de Mahamoth : qualifié de « space & sorcery » (admettons), il mêle « space opera » relativement classique mais foisonnant à base de vaisseaux-mondes (on dira ici « vaisseaux-Horde ») et aventure épique. Un cadre de jeu très riche, qui semble orienté vers l’action à première vue (hélas, la campagne proposée en témoigne, mais j’y reviendrai…), mais qui me paraît suffisamment souple et complexe à la fois pour autoriser bien des pratiques de jeu différentes.
L’humanité, réduite à quelques milliers d’individus, traverse l’espace depuis tant de générations qu’on en a perdu le compte à bord de treize gigantesques vaisseaux-Horde. Poussée par le Culte de la Mère, sensée avoir donné naissance à Mahamoth, dont chaque vaisseau représente un organe, et qui aurait également fourni aux voyageurs les tox, des sortes de drogues permettant de libérer des capacités psychiques insoupçonnées relevant peu ou prou de la magie, elle est en quête du Château blanc, terme de son odyssée immémoriale.
Mais, au cours de ce voyage, l’humanité est finalement parvenue dans l’espace simérine, plus précisément aux environs de Maelström, une gigantesque cité surplombant un trou noir. Là, les chétifs humains ont rencontré des races extraterrestres diverses, dont, essentiellement, les Seigneurs Simérines, qui règnent sur l’ensemble, et trois espèces majeures (Rokhraeders, Tokohides et Marchands) engagées dans une féroce compétition, et qui n’ont guère apprécié l’arrivée inopinée des « singes sans poils ». Un gigantesque conflit s’en est ensuivi, au cours duquel l’humanité a finalement gagné sa place dans l’espace simérine, même si les tensions restent vives.
Les vaisseaux-Horde, depuis leur arrivée dans cette zone, ne se croisent plus que de temps à autre, lors de conjonctions. Les joueurs incarnent des « missionnaires », parias cependant tolérés en raison de leur caractère nécessaire, qui font le lien entre les différents vaisseaux et les espèces extraterrestres. Et ils risquent fort, du coup, de se retrouver bien malgré eux impliqués dans la lutte souterraine devant à terme décider du destin de l’humanité tout entière…
Ce très bel univers, d’une richesse insoupçonnée pour un si petit format, est décrit le long de trois chapitres (ou « chants »). Les deux premiers, figurant dans le manuel des joueurs, sont constituées de notes encyclopédiques rangées par ordre alphabétique, puis de considérations générales sur les dix principaux vaisseaux-Horde (trois sont considérés perdus, et à peine esquissés ici), incluant des remarques sur le pouvoir, les factions en présence, les événements récents et des rumeurs, qui sont autant de pistes de scénarios. Le troisième, enfin, réservé au meneur de jeu, dévoile l’envers du décor : les rumeurs et événements précédemment rapportés y sont explicités, et l’on en apprend beaucoup sur les diverses grandes factions, dans une ambiance passablement conspirationniste très bien foutue. J’aime vraiment beaucoup : la densité d’informations est remarquable, il y a de nombreuses bonnes idées, parfois assez originales eu égard au fond « classique » de l’univers de Mahamoth, et tout cela donne amplement de quoi faire, bien plus sans doute que ce à quoi on pouvait s’attendre pour un jeu de rôle « à concept » tel que ce « prêt à jouer ».
Le système me paraît également intéressant, surtout dans la mesure où il est très simple, reposant sur des données chiffrées peu abondantes et suffisamment précises, et sur des atouts et handicaps variés sans être étouffants. Je n’aurais qu’une réserve à émettre : le rôle du « dK » à proprement parler (un dé pouvant apporter des bonus sur certains scores, mais risquant de susciter des « contrecoups-K » éventuellement très néfastes) me paraît un peu ambigu, et d’un intérêt finalement limité. Reste que cela m’a l’air simple et fluide dans l’ensemble, et je n’en demandais pas davantage.
Le seul (gros) bémol de cette édition concerne à mon sens la campagne en cinq scénarios qui clôt le livret des secrets. Passablement dirigiste et extrêmement bourrine, elle ne me paraît clairement pas à la hauteur de ce très bel univers qui a tant à offrir…
Mais au final, cette dernière réserve mise à part, j’ai donc été extrêmement séduit par Mahamoth, son univers très enthousiasmant et son système fort simple. Une très bonne surprise, donc. Je ne sais pas s’il me sera un jour possible d’y jouer, mais je ne peux que l’espérer…
Je reviendrai sur la collection « Intégrale » des XII Singes et sur le « dK System » prochainement, avec B.I.A., un autre jeu qui me fait bien saliver…
Commenter cet article