"Monty Python !", de Patrick Marcel
MARCEL (Patrick), Monty Python ! Petit précis d’iconoclasme, Lyon, Les Moutons électriques, coll. Bibliothèque des miroirs, 2011, 242 p.
« And now, for something completely different… »
(Vach’ment original comme entrée en matière, non ?)
Qu’on se le dise : depuis qu’il a découvert émerveillé les Monty Python lors d’une diffusion de l’excellentissime La Vie de Brian sur Arte il y a de ça, ouf, au moins (mais c’était assez tardif, en même temps), Nébal est convaincu que ces gens-là étaient et resteront pour un bon bout de temps encore les plus drôles de notre continuum espace-temps. La découverte s’est prolongée tout d’abord avec les autres films du groupe, Sacré Graal, Le Sens de la vie (vu la première fois dans une version doublée en français, horreur glauque ! j’espère que les responsables de ce sacrilège ont payé, d’une manière ou d’une autre) et Pataquesse, avant de passer enfin (logique) aux quatre saisons du Monty Python’s Flying Circus par où tout a commencé. Chaque étape de cette initiation n’a fait que confirmer ce premier jugement : putain, qu’est-ce qu’ils étaient forts ! Et assez uniques, aussi. Leur humour n’est certes pas universel – j’ai eu maintes fois l’occasion de le constater, pété de rire que j’étais à côté d’autres spectateurs stoïques qui me regardaient bizarrement – mais, sur moi, en tout cas, il fait mouche à chaque coup. Tout ce que j’aime : grotesque, irrévérencieux, subversif, absurde, surréaliste, d’un mauvais goût réjouissant, et plus anglais qu’un five o’clock tea… La perfection faite sketch (sans chute, si possible). Aussi, quand j’ai vu paraître ce petit essai de Patrick Marcel (traducteur essentiel, mais aussi auteur, par exemple, chez le même éditeur, du très recommandable Les Nombreuses Vies de Cthulhu), je me suis en toute logique jeté dessus. Et j’ai dévoré le machin (sans SPAM).
Les Monty Python : cinq Angliches so Oxbridge, Graham Chapman (RIP), John Cleese, Eric Idle, Terry Jones, Michael Palin, et une pièce rapportée des ex-colonies, Terry Gilliam. Six terroristes de l’humour, qui ont tout dynamité ou presque en l’espace d’une vingtaine d’années. Je les aime, oh, oui, je les aime. Mais, finalement, je ne savais pas forcément grand-chose d’eux ; cet essai a le bon goût d’éclairer un peu tout ça, en commençant par resituer le groupe dans un contexte bien particulier, social autant qu’humoristique, en établissant notamment les influences qu’il a pu connaître, voire revendiquer (un exemple : le Goon Show, qu’avait l’air d’être pas mal dans le genre, aussi). Tout cela est franchement passionnant, et j’y ai appris plein de choses.
Il est temps, ensuite, d’étudier le (long) parcours de nos héros jusqu’à la création du Monty Python’s Flying Circus, puis de disséquer ses quatre saisons (la quatrième, avortée, étant un peu à part, et, avouons-le, en demi-teinte, voire en quart). Tout cela se fait pas mal sur le registre de l’anecdote, ce qui est tout à fait réjouissant, d’autant que l’auteur use d’une plume fort agréable, à la fois légère et sérieuse, en ayant le bon goût de s’abstenir dans l'ensemble de tenter d’être drôle (contrairement à la quatrième de couv’, qui peut un tantinet faire peur) pour mieux servir l’humour propre aux six joyeux drilles. C’est l’occasion d’en apprendre à nouveau beaucoup, notamment – c’est ce qui m’a le plus marqué – sur la « censure » occasionnelle (avec les pressions d’une effroyable bigote et la frilosité de la BBC) et sur les frictions qui parcouraient le groupe (au-delà de la seule distinction entre cantabrigiens et oxoniens ; on connaît bien sûr les problèmes de boisson de Chapman, mais il y avait bien d’autres éléments de discorde, et John Cleese, notamment, ne donne pas ici l’impression d’avoir été facile à vivre). Mais on se marre franchement, aussi, à l’évocation rapide mais suffisante de quelques gags mythiques, que je ne vous ferai pas l’affront de citer. Relevons également le chapitre sur les produits dérivés – de cela, je ne savais absolument rien – qui m’a plus qu’à son tour fait hurler de rire, avec sa belle et éloquente iconographie (où l’on voit que nos héros n’avaient peur de rien, et certainement pas de l’expérimentation). Puis l’on passe au cinéma : Pataquesse ne comptant pas vraiment, on étudie ici successivement, toujours dans le même registre, les trois véritables long-métrages des Monty Python dans leur ordre de parution, soit Sacré Graal, La Vie de Brian (et revoilà la « censure », sans surprise…) et enfin Le Sens de la vie. J’en ai moins appris ici que dans les chapitres précédents, mais ne regrette pas le voyage pour autant.
Et puis, la Mousse de Saumon du Destin frappe, et Graham Chapman meurt, ce qui marque la fin du groupe ; mais pas celle de la carrière des cinq autres, qui est ensuite brièvement évoquée (bien trop brièvement, à mon sens : il y avait de quoi dire, notamment pour Gilliam, qui a eu la carrière cinématographique que l’on sait ; en même temps, ben, on le sait, justement, alors bon…). Quelques mots, enfin, là encore trop brefs trouvé-je, sur l’héritage des Monty Python, notamment en France.
Tout cela, dans l’ensemble, est fort bel et bon. Les plus fans des fans n’y apprendront pas forcément grand-chose (encore que ça dépende des passages), mais tout amateur des Monty Python se régalera à la lecture de ce petit essai. Qui n’a à mon sens qu’un seul véritable défaut, et c’est celui, ben, d’être petit, justement : on en voudrait davantage, et c’est parfois frustrant. C’est qu’il y avait de la matière à explorer. On peut du coup regretter que Patrick Marcel en soit largement resté au stade de l’anecdote, qui fait un peu figure de surface, et, quand bien même le sérieux de son travail ne fait aucun doute, qu’il n’ait qu’occasionnellement étudié son sujet en « profondeur » (l’expression n’est pas très heureuse, mais j’espère que vous voyez ce que je veux dire), en décortiquant par exemple davantage les ressorts de l’humour pythonesque ou, pourquoi pas, la philosophie (si) qui le sous-tend.
N’empêche que tout cela se lit très bien : je l’ai dévoré en une journée, et c’est généralement bon signe. On ne fera donc pas la fine bouche, et appréciera comme il le mérite ce Petit précis d’iconoclasme.
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