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"Pirates cosmopolites", de Marie-François Goron & Emile Gautier

Publié le par Nébal

Pirates-cosmopolites.jpg

 

 

GORON (Marie-François) & GAUTIER (Émile), Pirates cosmopolites, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière Blanche – Baskerville, [1902] 2012, 287 p.

 

(Non, je ne parlerai pas des couvertures.)

 

Hop, Pirates cosmopolites, deuxième tome de « Fleur de bagne », après De Cayenne à la place Vendôme, et avant Détectives et bandits scientifiques. Le volume précédent avait tout du long prologue, mais maintenant on attaque le cœur de l'action.

 

Nous retrouvons donc l'infâme baron de Saint-Magloire, de son vrai nom Gaston Rozen, au faîte de sa puissance. Grâce à la naïveté du savant anarchiste Sokoloff, le bonhomme est devenu riche à millions. Sons sens des affaires et plus généralement sa remarquable intelligence, alliés à un bagout sans pareil, en ont fait « le Roi de Paris ». Il a eu par ailleurs beaucoup de chance. Mais ça ne va pas forcément durer. La déveine survient bientôt, et notre abominable escroc, voleur et assassin va se retrouver cerné par les ennuis.

 

En effet, Sokoloff s'impatiente, et trépigne en attendant la grande révolution sociale que lui a promis Rozen. Bastien, de son côté, commet quelques boulettes... Mais le danger va surtout percer sur deux fronts. D'une part, le chef de la Sûreté, M. Cardac, et plus encore son fidèle ami le bon docteur Lemoine, ont par hasard établi le lien entre Rozen et Saint-Magloire, et cherchent dès lors à le coincer. D'autre part, la passion amoureuse va se mettre de la partie (il ne manquait plus qu'elle...), et, en tombant sous le charme de la diva Germaine Reyval, Rozen va s'attirer l'inimitié voire la haine farouche de son « épouse » Elena Ruiz et de l'anarchiste Duval...

 

« Fleur de bagne » a décidément tout du roman feuilleton sympathique. Après le long prologue constitué par le volume précédent, il nous divertit aisément avec ses personnages hauts en couleurs et ses retournements de situation rocambolesques. On tourne les pages sans y prendre garde – preuve que ça marche – et certaines scènes valent le détour, même avec leurs défauts (je pense ici notamment à une très intéressante mais très didactique séquence médico-légale).

 

Il y a bien des maladresses dans ce second tome, comme l'introduction du personnage de Yu – que l'on aurait dû en toute logique croiser auparavant – ou la trop grande facilité avec laquelle le docteur Lemoine en vient à suspecter le baron de Saint-Magloire... Mais c'est finalement de peu d'importance, de même que les quelques tics d'écriture que l'on peut relever à l'occasion, et qui ne sont pas vraiment gênants.

 

Cerise sur le gateau : ce deuxième tome se conclut sur trente pages issues des Mémoires de Goron, et constituant des « portraits d'anarchistes ». C'est tout à fait intéressant, et ce à plus d'un titre. On en apprend long sur les mentalités de l'époque comme sur le profil du coauteur. Surtout, on se pose cette question fondamentale concernant l'anarchisme en France à la fin du XIXe siècle : pouvait-on parler d'un sincère engagement idéologique, ou bien n'était-ce qu'un prétexte commode pour « justifier »le crime, voire l'annoblir en le politisant ? Bien entendu, la réponse varie selon les cas, mais ceux que nous présente ici l'ancien chef de la Sûreté méritent toute notre attention, et montrent bien toute la difficulté de cette question. Passionnant.

 

Allez, hop, suite et fin avec Détectives et bandits scientifiques, qui nous permettra de tirer un bilan plus global de ce feuilleton jusqu'à présent éminemment sympathique, même s'il n'y a pas non plus de quoi crier au génie.

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