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"Terra !", de Stefano Benni

Publié le par Nébal

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BENNI (Stefano), Terra !, [Terra !], traduit de l’italien par Roland Stragliati, Paris, Julliard – Mnémos, [1983, 1985] 2010, 283 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 63 (pp. 68-69).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

Au petit jeu consistant à sur-vendre un produit en multipliant les comparaisons flatteuses, la quatrième de couverture de cette réédition se pose un peu là. Jugez plutôt : « Terra ! s’inscrit sans peine dans la droite lignée des meilleurs textes d’un Kurt Vonnegut ou d’un Jonathan Swift. » Et quelques lignes en-dessous, à propos de l’auteur : « Son infatigable fantaisie, son goût pour les mondes imaginaires font de lui l’un des plus grands écrivains contemporains italiens, dans la droite lignée d’un Calvino ou d’un Buzzati. » Rien que ça ! Le gogo-lecteur (serviteur), passant outre la malencontreuse répétition de la formule, se dit que mazette, ça doit être bien, alors. Et comme il est par définition un peu bête, il achève d’être tenté par la couverture plutôt réussie d’Alain Brion, figurant un improbable croisement entre l’Étoile de la Mort et une tête de Mickey géante, et s’empresse de lire ce livre qui promet de s’inscrire, disons-le, dans la droite lignée d’un Douglas Adams ou d’un Fredric Brown.

 

 Donc. La Troisième Guerre mondiale a eu lieu (à cause d’une souris). Trois autres guerres mondiales plus tard, en 2157, la Terre est partagée entre trois grandes puissances qui vivotent dans les souterrains, hiver nucléaire oblige : la Fédération sino-européenne, l’Empire militaire sam (pour samouraï), et les cheiks aramérusses, sous la direction du terrible Grand Scorpion Akrab. On l’aura compris, ce n’est pas la vraisemblance qui importe ici, le ton est d’entrée de jeu celui de la farce à tendance absurde, voire surréaliste, de la satire sociale et politique pour elle-même.

 

 L’idéal, dans ce monde-là, ce serait de trouver une Terre de remplacement, une planète relativement identique à la nôtre, dégâts irréversibles causés par la bêtise humaine en moins. Mais si l’espace a été en partie conquis, on n’a jamais pour autant trouvé la perle rare. Jusqu’à ce qu’un explorateur du nom de Van Cram le Viking émette un vecteur signalant l’existence d’une telle planète ; mais il a disparu dans des circonstances mystérieuses, et les ordinateurs terriens ne parviennent pas à localiser le miracle. Aussi les trois superpuissances montent-elles chacune de leur côté une expédition pour dénicher cette Terre de substitution. Les Sino-Européens – nos héros – embarquent à bord du Protée Tien, une immense tête de Mickey (donc), mais sont suivis de près par les Aramérusses, avec le Grand Scorpion lui-même à bord du prestigieux Calalbakrab, et par le Zuikaku, un petit vaisseau japonais rempli jusqu’à la gueule de commandos souris destinés pour la plupart à mourir par cocacolation du fait de l’intransigeance du seul humain à bord, le général Yamamoto.

 

 Parallèlement, sur Terre, on (à savoir le télépathe chinois Fang et le jeune prodige Frank Einstein – mouarf, mouarf, mouarf) s’intéresse beaucoup à l’existence d’une éventuelle source d’énergie sans commune mesure, dissimulée par les Incas il y a de cela bien longtemps. Les deux trames sont bien évidemment appelées à se rejoindre : inutile de vous faire un dessin, la conclusion est convenue au possible.

 

Le problème est de tenir jusque là. La quatrième de couverture n’est pas totalement mensongère : effectivement, la satire peut évoquer Swift, et le roman fourmille d’idées plus ou moins saugrenues et poétiques bien dans la manière d’un Vonnegut ou d’un Buzzati ; et le ton comme certaines « expérimentations » peuvent certes évoquer Calvino. Mais on reste dans ce registre de l’évocation, dans la mesure où tous les effets employés par Stefano Benni dans Terra ! tombent à plat. La satire, loin d’être mordante, est d’une triste banalité, la poésie tend vers la prétention, et – surtout – les nombreux gags qui émaillent l’ensemble, et devraient nous assurer au minimum quelques sourires, si ce n’est une franche hilarité, sont généralement aussi drôles et percutants qu’un spectacle d’Anne Roumanoff (au hasard).

 

Au final, Terra ! se révèle d’un ennui sans nom, et donne l’impression d’un triste gâchis : on a le sentiment que tous les ingrédients sont là pour donner un bon roman, mais qu’ils ont été accommodés n’importe comment, balancés dans la marmite dans une frénésie d’inventivité incontrôlée, le bon n’étant qu’esquissé, rarement, de temps à autre, mais se noyant le plus souvent, au mieux dans l’inachèvement, au pire dans la lourdeur. Terra ! devrait être drôle et cinglant, et ne manque pas d’idées brillantes. Mais non, rien à faire : on s’ennuie, on s’énerve parfois devant le traitement finalement réservé à telle ou telle invention qui nous paraissait intéressante dans un premier temps. Et au final, on expédie ce bâclage à la poubelle, ou on s’en sert pour caler une armoire, histoire de trouver une utilité à cette réédition.

 

Morale de l’histoire : « Don’t judge a book by its cover », comme on dit dans la perfide Albion ; le paquet cadeau était très joli, avec nombre de recommandations flatteuses, mais, à l’intérieur, on ne trouve que du vide – ou on préfèrerait en trouver…

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