"The Hoard of the Wizard-Beast", de Robert H. Barlow & H.P. Lovecraft
BARLOW (Robert H.) & LOVECRAFT (H.P.), The Hoard of the Wizard-Beast and one other, introduction by S.T. Joshi, West Warwick, Necronomicon Press, 1994, 29 p.
Ce petit fascicule comprend deux brèves nouvelles de Robert H. Barlow, alors un adolescent, révisées par H.P. Lovecraft, et qui n’ont été mises à jour que récemment (c’en est la première publication). Mais la mention « & H.P. Lovecraft », si elle se justifie assurément (voir plus bas), ne doit pas nous tromper : cette fois, il s’agit bien de « révisions », au sens où Lovecraft s’est « contenté » de faire des suggestions, même « poussées », pour améliorer le style, le rythme, etc. Il ne s’agit cependant pas d’un authentique travail de nègre comme il a pu en accomplir par ailleurs, écrivant véritablement la quasi-totalité d’un texte à partir d’un maigre synopsis, par exemple. Non, cette fois, Lovecraft conserve toutes les idées de départ, et se livre bien à une sorte de travail éditorial, accompli gratuitement pour venir en aide à un auteur débutant avec lequel il avait noué progressivement des liens très forts (rappelons au passage que ce fut Robert H. Barlow qui devint l’exécuteur littéraire de Lovecraft, ce qui posa d’ailleurs des problèmes avec August Derleth).
S.T. Joshi le dit dans son introduction, et c’est repris en quatrième de couverture : « Certainly, no one is likely to consider « The Hoard of the Wizard-Beast » or « The Slaying of the Monster » preeminent masterworks of weird fiction... » En effet. Ces deux textes – le second tenant en une page – n’ont pas une grande valeur intrinsèque. Il s’agit bien des œuvres d’un adolescent, sans doute relativement doué, mais par nature bancales et d’un intérêt limité (euphémisme).
Non, ce qui importe ici – et cette édition permet intelligemment d’en juger, qui reproduit les manuscrits originaux en fac-similé –, c’est de voir comment pouvait travailler Lovecraft pour venir en aide, avec patience et tact, à son jeune correspondant. Et ce n’était pas un mince travail, même dans le cadre d’une pure révision gracieuse. Certains paragraphes sont bien entièrement réécrits, même si Lovecraft entend respecter au mieux le travail original. Mais entre les coupes, les ajouts, les déplacements, le texte de Barlow subit (bien volontiers) une remise en ordre complète, qui tente autant que faire se peut de gommer les maladresses pour aboutir à quelque chose de plus élevé. « Travail éditorial », disais-je plus haut ; vu de loin, oui. Mais, en replaçant le travail de Lovecraft dans son contexte, on voit bien qu’il s’agit ici de faire œuvre de pédagogie, de manière amicale et désintéressée.
Les deux nouvelles sont, à en croire Lovecraft, « visiblement » inspirées par Lord Dunsany. Il y a sans doute de ça, et le lecteur de HPL ne peut que penser à ses propres productions dites « des Contrées du Rêve ». Mais S.T. Joshi suggère aussi une autre influence : celle de Clark Ashton Smith, que révérait Robert H. Barlow. Quoi qu’il en soit, ces deux récits censément « weird » relèvent davantage, selon nos conceptions modernes, de la « fantasy » (au sens « français »). De même que pour les textes « dunsaniens » de Lovecraft, il y a une ambiguïté sur leur caractère onirique ou antédiluvien (mais, de même que pour Lovecraft, c’est sans doute le deuxième qualificatif qui se rapproche le plus de la « vérité »).
Le premier texte, qui occupe la majeure partie de ce petit volume (en deux fois, donc), « The Hoard of the Wizard-Beast », est particulièrement bancal dans sa construction en deux parties (Lovecraft en avait gentiment fait la remarque à Barlow), mais, à mon sens, il n’est pas dénué dans les premières pages d’un certain charme « onirique » (voir plus haut…) : l’univers est posé, et le héros, Yalden, rencontre une étrange créature qui lui livre un oracle ; problème : la quête qui s’ensuit n’est elle guère folichonne…
Pas grand-chose à dire sur le très très court texte qu’est « The Slaying of the Monster », si ce n’est qu’il s’agit d’une sorte de fable sans grand intérêt.
Peu importe. Ce n’est donc pas ici la valeur des textes en eux-mêmes qui justifie véritablement la publication, mais bien l’étude qu’elle autorise du travail de révision de Lovecraft sous son angle le plus désintéressé. Et à cet égard, c’est un joli témoignage. Qui n’intéressera vraisemblablement que les fans les plus acharnés, certes… Mais je suis un peu acharné, comme vous avez sans doute eu l’occasion de le constater particulièrement ces derniers temps (pardon, pardon)…
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