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"Time and Tide", de Tsui Hark

Publié le par Nébal

Time-and-Tide.jpg

 

 

Titre original : Time and Tide.

Réalisateur : Tsui Hark.

Année : 2000.

Pays : Chine (Hong Kong).

Genre : Action / Comédie / Policier.

Durée : 113 min.

Acteurs principaux : Nicholas Tse, Wu Bai, Candy Lo, Cathy Tsui, Anthony Wong Chau-Sang, Jun Kung…

 

Je ne saurais en aucun cas prétendre être ne serait-ce qu’un simple connaisseur du cinéma de Hong Kong. Mes lacunes sont terribles en la matière, et j’ai vu fort peu de films antérieurs à 1990. Mais, malgré tout, s’il est un réalisateur de là-bas qui me parle tout particulièrement, c’est sans conteste Tsui Hark. Auteur (et producteur) prolifique, capable de s’illustrer dans bien des genres parfois aux antipodes les uns des autres, Tsui Hark est notamment connu pour ses réjouissants films mettant en scène le célèbre personnage de Wong Fei-hong, incarné par Jet Li, les Il était une fois en Chine ; ces films, aussi hystériques dans leurs chorégraphies que dans leur humour, constituent un vrai type idéal du mélange entre kung fu et comédie, et, sauf erreur, ce fut par là que je découvris Tsui Hark.

 

Mais j’ai dû voir pour la première fois à peu près à la même époque ce Time and Tide, qui remporta un certain succès international. Tsui Hark y délaisse le kung fu pour les flingues, et livre ainsi un vrai modèle de film d’action teinté de comédie, à mille lieues, au hasard (…), des films de John Woo (produits par Tsui Hark, cependant, si je ne m’abuse ?), qui se prennent autrement au sérieux et ne m’ont du coup jamais pleinement satisfait. Ici, le fun se voit accorder une grande importance, et le résultat est un cocktail détonnant, qui laisse parfois un brin perplexe, mais emporte au final l’adhésion.

 

Disons-le tout net : le scénario n’est pas exactement le point fort de ce Time and Tide… Non content de tenir sur un ticket de métro, il s’avère passablement confus au(x) premier(s) visionnage(s), et ce n’est à vrai dire qu’en me le rematant pour la énième fois il y a quelques jours que j’ai eu l’impression, enfin, d’y comprendre quelque chose. Pour faire simple, disons que l’on y suit les destins entrecroisés de deux personnages bien différents, Tyler (Nicholas Tse, très beau gosse dans le genre petit minot, faut dire ce qui est) et Jack (Wu Bai, une gueule impressionnante). Le premier est un petit minable passablement bouffon, qui engrosse « par erreur » une policière lesbienne un soir de beuverie. Désireux de venir en aide à sa compagne d’un soir et future mère de son enfant, il se met à travailler pour son oncle, qui dirige une compagnie de sécurité privée illégale. Jack, de son côté, dont la femme est également enceinte, est un tueur redoutable, qui cherche plus ou moins à se ranger. La route des deux hommes se croisera à plusieurs reprises, et l’imbroglio débouchera sur leur implication mutuelle dans une affaire qui les dépasse, un règlement de comptes entre Jack et ses anciens employeurs, prêts à tout mettre à feu et à sang.

 

Mais, très franchement : on s’en fout. J’aimais déjà ce film sans rien y comprendre. Et on avouera de toute façon que même après un visionnage plus attentif afin de saisir un peu ce qui se passe, le jeu des coïncidences, des parallèles et des quiproquos est passablement artificiel et ne convainc pas pleinement. Pas grave : devant Time and Tide, on se demande, au fond, qui a besoin d’un scénario, dans la mesure où ce film semble s’en passer très bien.

 

C’est que son intérêt est ailleurs, dans ce mélange aussi détonnant qu’hystérique entre action pure et dure et comédie bouffonne, le tout sur un rythme endiablé assez caractéristique du réalisateur (pour ce que j’en ai vu tout du moins, mais il a semble-t-il également œuvré dans un registre plus « posé »). Servi par des acteurs très charismatiques, Time and Tide combine avec une maestria rare gunfights tout bonnement surréalistes et chorégraphiées au millimètre, et humour ravageur, dans un registre plus ou moins burlesque et qui ne rechigne pas à la parodie. C’est là ce qui fait toute la saveur de Time and Tide, un film qui a le bon goût de ne pas se prendre trop au sérieux. Exit le pathos à la John Woo, on est là pour s’amuser, en prendre plein les yeux et rire aux éclats. Et c’est peu dire que le contrat est rempli : le film enchaîne les séquences d’action les plus impressionnantes et les gags hilarants, et on en ressort le sourire aux lèvres, heureux de s’être pris une bonne grosse claque visuelle et d’avoir profité d’un grand spectacle incomparable, d’une légèreté aérienne.

 

Mais qu’on ne s’y trompe pas : si Time and Tide, et c’est donc à mon sens un de ses principaux atouts, sait ne pas se prendre trop au sérieux, il est par contre réalisé avec la plus grande attention, le moindre détail étant pensé au plus près pour livrer en définitive un spectacle ahurissant et proche de la perfection. La caméra de Tsui Hark y fait des merveilles, et, sur le plan technique, Time and Tide est au-dessus de tout reproche. De la photographie sublime (ces couleurs !) au montage au petit poil en passant par les chorégraphies hallucinantes, tout est au service du spectacle, et on en prend effectivement plein les yeux. À vrai dire, et le côté très secondaire du scénario ne fait que renforcer cette impression, on a presque le sentiment d’un film touchant, malgré son hystérie, à l’épure (je n’ai pas dit la sobriété…), ou en tout cas à l’abstraction (et y a « action » dedans, après tout). Time and Tide est un show qui laisse sur le cul, et secoue sans cesse le spectateur à coups de merveilles visuelles.

 

Superbement réalisé, avec une maestria qui n’appartient qu’aux plus grands, Time and Tide constitue ainsi un type idéal du film d’action, dépassant la seule sphère de Hong Kong pour lutter avec Hollywood sur son propre terrain, et tataner au final les productions ricaines (ou le pseudo-Hong Kong aseptisé d’un John Woo « passé à l’ennemi ») en montrant, tel un maître à ses élèves, toutes les possibilités offertes par le genre. C’est bien simple : si je ne devais retenir que deux films d’action dans toute l’histoire du cinéma, Time and Tide en ferait partie, seul à même de rivaliser avec le bien différent mais révolutionnaire en son temps Piège de cristal de John McTiernan. C’est que Tsui Hark y écrase la « concurrence », non seulement par son brio technique, mais aussi par son humour et son grain de folie, qui fait toute la différence.

 

N’en jetez plus : dans son genre, Time and Tide approche de la perfection (ne lui manquerait donc pour cela qu’un scénario digne de ce nom, peut-être, mais en l’état, on s’en tape), et constitue un grand spectacle à même de parler à ceux qui, en temps normal, ne prisent guère ces fusillades et cascades foisonnantes. Vous voulez en prendre plein les yeux ? Essayez-moi ça, vous m’en direz des nouvelles…

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G
C'est une histoire de grossesse au final ;)
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