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"La Mécanique du Centaure", de M. John Harrison

Publié le par Nébal

 

HARRISON (M. John), La Mécanique du Centaure, [The Centauri Device], traduit de l’anglais par Jean-Pierre Pugi, [Paris], Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [1975] 2003, 302 p.

 

Un ouvrage lu par le truchement du truculent Patartre (Dieu que l’élocution de cet homme à l’index balladeur est étrange), qui ne pouvait pas mieux tomber a priori : cela faisait un certain temps déjà que je comptais lire du M. John Harrison, auteur à propos duquel je n’avais entendu dire que du bien (notamment de la part de l’ignoble Raoul Abdaloff). Cette Mécanique du Centaure jouant la carte du space op’ semi parodique, à l’instar de certaines choses fort réjouissantes que j’ai pu lire et apprécier récemment (à titre d’exemple, du Charles Stross – Crépuscule d’acier et sa « suite » Aube d’acier – et du John Scalzi – la trilogie (?) du Vieil Homme et la guerre), je n’en attendais que du bien.

 

Alors, alors.

 

Un bon point d’entrée de jeu : le « héros » est un paumé, un loser fini comme je les aime. John truck, vaguement dealer, vaguement routier galactique, est par sa mère le dernier des Centauriens, race exterminée deux siècles plus tôt par les Terriens. Et cette unique particularité va suffire pour le foutre dans la merde.

 

On a en effet découvert une étrange machine centaurienne, typique du « Big Dumb Object », dont on ne sait à peu près rien, si ce n’est qu’elle serait en mesure de foutre la merde dans la politique humaine si elle était récupérée par un des deux grands camps qui se fritent la gueule, le Gouvernement Mondial Israélien et l’Union des Républiques Socialistes Arabes (ça aussi, j’aime bien ; même si cette « guerre froide redux » témoigne de l’âge du roman, publié en 1975, et donc bien plus ancien que les œuvres que j’ai pu citer précédemment ; j’y reviendrai).

 

Du coup, John Truck, ce loser pathétique, devient « l’homme le plus recherché de l’univers ». Car lui seul semble en mesure de faire fonctionner la machine. Dès lors, il ne cessera, tout au long du roman – au rythme frénétique – de tomber de Charybde en Scylla, et de se voir infliger les pires humiliations et/ou tortures.

 

 

Alors, alors.

 

Ben, j’en suis désolé, truculent Patartre, mais malgré les atouts que je viens d’exposer brièvement (et quelques très bonnes idées ici ou là, comme cette secte qui expose à la vue de tous les entrailles de ses religionnaires), ce roman m’a tristement déçu. La faute à quoi ? Pas facile à dire, même si j’aurais bien quelques idées : une trame confuse et assez vite lassante, déjà. Des personnages qui manquent de caractère, aussi : John Truck, pas plus que les autres personnages, ne parvient pas à susciter la moindre empathie. C’est un loser, d’accord, mais quand même… Un style, mmmh, « déconcertant », aussi, tout en métaphores alambiquées qui passent plus ou moins bien la frontière de la traduction.

 

En fait, j’ai surtout l’impression que ce roman accuse son ancienneté relative : « pionnier » dans ce genre de space op’ s’amusant avec les clichés du genre, il me semble souffrir de la comparaison avec des ouvrages plus récents jouant en gros la même carte ; ainsi les romans de Charles Stross ou de John Scalzi que j’ai déjà évoqués, et, je n’en doute pas même si, honte sur moi, je ne les ai pas lus, ceux de Iain M. Banks (faut vraiment que je me mette à « la Culture », un de ces jours), voire de John Varley. Et très probablement ceux que M. John Harrison lui-même a pu écrire plus tard ; aussi ne vais-je pas pour autant fermer l’accès de mon étagère de chevet à cet auteur.

 

Mais, pris isolément, cette Mécanique du Centaure m’a tristement déçu, et même ennuyé. Le space op’ n’y est pas palpitant, et l’humour narquois, « l’ironie respectueuse », ne fonctionnent pas vraiment non plus. Dommage…

Merci quand même, hein, ô Patartre. N’empêche, Abattoir 5, ça n’a rien à voir (ou presque), mais c’est mieux. Ah.

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"Seigneurs de lumière", de Roger Zelazny

Publié le par Nébal

 

ZELAZNY (Roger), Seigneurs de lumière, traduit de l’américain par Claude Saunier, Mélusine Claudel et Luc Carissimo, traductions révisées et complétées par Thomas Day et Luc Carissimo, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [1967, 1969, 1972, 1975, 1982, 1983, 2009], 815 p.

 

La propagande tétardienne m’avait, il y a de cela quelque temps, imposé la lecture d’Une rose pour l’Ecclésiaste de Roger Zelazny, et j’avais dû m’incliner devant les faits : c’était bien un très bon recueil de nouvelles, témoignant assurément de ce que le mauvais souvenir que m’avait laissé le long « cycle d’Ambre » ne devait pas m’empêcher de prospecter à nouveau du côté de cet auteur. Aujourd’hui, c’est la propagande thomasdayenne qui entend enfoncer le clou, avec ce beau et gros Seigneurs de lumière, inaugurant un vaste chantier de rééditions zélazniennes. Trois romans imprégnés de mythologie – le domaine de prédilection de l’auteur –, qui réclament (euh…) donc aujourd’hui un avis définitivement nébalien.

 

Commençons donc par le Seigneur de lumière qui donne (plus ou moins) son titre à l’omnibus. Ici, ce sont les mythologies hindouiste et bouddhiste qui passent à la casserole. Dans un lointain futur, Zelazny nous décrit une planète dominée par une vigoureuse théocratie : les « Premiers » colons humains, forts de leur science, se sont faits dieux du panthéon hindouiste, ont asservi la population indigène, et maintiennent la population humaine dans l’ignorance la plus totale et la pire des stagnations intellectuelles (« c’est pour leur bien », évidemment). Mais voici qu’un des Premiers, rebelle et facétieux, donne le signal de la révolte prométhéenne : on l’appelle Seigneur de lumière, Siddhartha, Bouddha, ou encore Sam… Et il entend bien mettre à bas le joug théocratique de ses camarades.

 

Qu’on ne s’y trompe pas : Seigneur de lumière est bien un roman de science-fiction, non de fantasy ; mais, dans sa manière de triturer les mythes et de traiter des divinités, il se pare d’atours épiques qui lui donnent un ton assez unique. Le rythme, nonobstant la pompe des discours – et les brusques mais savoureux changements de registre – se fait d’ailleurs frénétique, les affrontements « divins » s’enchaînant sans cesse dans un tourbillon de hauts-faits tous plus considérables les uns que les autres. Zelazny joue adroitement des mythes hindouistes et bouddhistes, avec le sourire étrange de son héros, et son roman, pour être déstabilisant au premier abord, se révèle bien vite passionnant, impressionnant de finesse et d’astuce. Cela dit, l’emphase générale peut ennuyer…

 

Et c’est à vrai dire un problème que l’on retrouvera en pire dans les deux autres romans constituant cet omnibus, à mon avis bien inférieurs à cette brillante entrée en matière. En effet, Zelazny, que la quatrième de couv’ présente comme un des « plus grands stylistes » de la science-fiction, multiplie les expérimentations littéraires – typiques de la « new wave » ? – dans ces trois romans, et avec plus ou moins de réussite ; mais le brio de la forme – d’ailleurs contestable : on peut n’y voir qu’artifice et lourdeur… – accuse quelque peu son âge (toute une époque…), et ne parvient pas toujours à emporter l’adhésion, a fortiori si le fond fait défaut.

 

En témoigne d’une certaine manière immédiatement Royaumes d’ombre et de lumière, le plus bref de ces trois romans « mythologiques », dans lequel Zelazny s’amuse cette fois avec le panthéon égyptien. Mais si début du roman est brillant, et bien digne de Seigneur de lumière – meilleur encore, si ça se trouve ? –, les péripéties expédiées de cette sombre histoire d’affrontement millénaire entre Osiris et Anubis (entre autres…) lassent bien vite, s’enchaînant sans véritable logique, et donnant au roman un triste goût d’inachevé. Un ouvrage fait de bric et de broc, qui contient quelques moments réjouissants, mais ne se montre pas convaincant en définitive…

 

Le cas du dernier de ces romans, le bien plus récent L’Œil de Chat, est un peu différent. Ce sont alors les mythes navajos qui trinquent, mais l’histoire n’a pas la majesté et le grandiloquent des deux romans précédents. Dans le fond, il s’agit en effet d’une histoire de chasseur chassé, un pisteur navajo étant poursuivi par une mystérieuse créature du nom de Chat, télépathe et métamorphe, dont il ne peut guère se protéger qu’en retrouvant au fond de lui même une forme de mentalité archaïque, de « pensée sauvage ».

 

Le rythme est à nouveau très soutenu, ce qui est plus approprié à cette trame qu’à celles des deux romans précédents. Pourtant, je ne cacherai pas m’être profondément ennuyé à la lecture de ce roman, malgré quelques hausses de tension de temps à autre. Mais la forme, multipliant à nouveau les expériences, m’a cette fois franchement agacé. Si l’on en excepte quelques-unes – le « zapping » à la Tous à Zanzibar, notamment –, le reste m’a donné une triste impression de formule, d’artifice, ne collant en définitive guère au sujet, et n’apportant pas grand chose au roman…

Bilan contrasté, donc, pour ces trois romans « mythologiques », dans lesquels je compterais pour ma part une vraie réussite, et deux tentatives bancales. Si, au-delà des variations mythologiques, la pompe et les expérimentations littéraires datées ne vous rebutent pas, nul doute que vous saurez trouver votre bonheur dans ce gros volume. Quant à moi, j’avoue que la déception domine, et que ma curiosité quant à l’œuvre zélaznienne s’en ressent : j'ai toujours tendance à voir en lui un écrivain surestimé... Peut-être serai-je plus convaincu par les nouvelles de l’auteur, comme dans Une rose pour l’Ecclésiaste ? On verra bien…

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"La Saga de Hrolf Kraki", de Poul Anderson

Publié le par Nébal

 

ANDERSON (Poul), La Saga de Hrolf Kraki, [Hrolf Kraki’s Saga], traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti, [Paris], Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [1973, 2004] 2006, 388 p.

 

J’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir de Poul Anderson à plusieurs reprises, que ce soit à propos de l’Orphée aux étoiles de Jean-Daniel Brèque qui lui était consacré, ou de son fameux cycle de « La Patrouille du temps », dont le quatrième et dernier tome devrait enfin être publié en français sous peu. Mais je n’avais pas encore eu l’occasion d’aborder le versant « fantasy » de cet auteur un peu maltraité dans nos contrées, et ce quand bien même c’est ce versant qui me semblait le plus prometteur. Gardant en outre un excellent souvenir du « Chagrin d’Odin le Goth », superbe et tragique novella, j’ai décidé d’aborder finalement ce nouveau versant par le roman que voici, où l’auteur, travaillé par son ascendance danoise, retrouve les anciens Goths et leurs sagas.

 

Un roman un peu particulier, cela dit : La Saga de Hrolf Kraki est plus exactement une adaptation d’un texte ancien, difficilement lisible pour les non-initiés, tournant autour d’un roi danois du VIe siècle. Pour reprendre les mots de l’auteur, Hrolf Kraki « devint au Nord ce que fut Arthur à la Grande-Bretagne et Charlemagne à la France » (p. 14). Le roman se fonde donc sur un personnage historique, ce qui donne de suite un ton très particulier à cette saga.

 

En fait de fantasy, d’ailleurs, il n’y a pas forcément grand chose : dieux, elfes et trolls n’interviennent qu’épisodiquement, même si l’on croise de temps à autre quelques noms fameux (et notamment celui de Beowulf, le héros qui terrassa le monstre Grendel – une passerelle particulièrement visible vers une autre saga, mais il y en a d’autres, y compris vers les bien plus célèbres Niebelungen).

 

Mais Poul Anderson, tout en modernisant la forme, a su remarquablement bien conserver le souffle des sagas, pour nous livrer un roman épique et lyrique, un grand roman de fantasy en somme. Conteur d’exception (quand il le veut bien, comme dans « Le Chagrin d’Odin le Goth » et le présent texte), Anderson se situe clairement ici parmi les plus grands auteurs du genre (à la différence, pour citer une lecture récente, de Glen Cook dans La Compagnie noire, roman auquel ce souffle si particulier fait cruellement défaut).

 

Cependant, Poul Anderson n’est pas Tolkien, et sa saga n’est pas Le Seigneur des anneaux ; nulle critique ici, mais un simple constat, dû à l’auteur lui-même (p. 16) : « Le risque le plus important réside dans l’esprit même de cette saga qui n’est pas Le Seigneur des anneaux, œuvre d’un auteur civilisé, chrétien, même si elle a sans doute constitué l’une des nombreuses sources de Tolkien. » Effectivement, la saga se montre essentiellement « barbare » et « païenne » (même si les Danois se montrent ici un tantinet plus policés que les Vikings norvégiens ou les Suédois, ou les mystérieux Finnois), ce qui nous rapprocherait davantage de Robert Howard. Et si l’on ne peut s’empêcher, par moments, de penser à Tolkien, c’est à certains des récits du Premier Âge qu’il faut se référer, particulièrement imprégnés des sagas : Le Silmarillion, et plus encore Les Enfants de Hurin.

 

Question de souffle, là encore, le fond et la forme s’entremêlant pour renouveler les récits antiques et ceux du Haut Moyen Âge, et leur conférer une certaine intemporalité, à condition pour le lecteur de ne pas rester obnubilé par les principes de la littérature postérieure, chrétienne et « morale ».

 

Et c’est ainsi que, finalement, du récit historique légèrement teinté de merveilleux, on aboutit en somme à un récit d’un autre monde, d’un autre temps, où les valeurs diffèrent du nôtre. Les héros de la saga ont en effet tout de barbares, qu’ils soient positifs ou négatifs : les trahisons s’enchaînent, ainsi que les massacres et les viols, et c’est une union incestueuse qui se trouve au centre de la saga.

 

Hrolf Kraki, le grand roi, est le fruit de cette union « contre-nature ». Mais si la saga porte son nom, il n’en est que le personnage central, et non principal. À la manière d’un Tristram Shandy nettement plus hirsute, Hrolf n’apparaît que tardivement dans la saga (vers le milieu du roman). La saga est en fait constituée de dits consacrés aux personnages gravitant autour de la figure centrale de Hrolf Kraki. C’est ainsi que le roman se consacre essentiellement, non à un personnage seul, mais à une dynastie entière, celle des Skjoldung (leur arbre généalogique figure en p. 11) ; une dynastie comprenant autant de « bons » que de « méchants », de héros énergiques que de tristes figures lymphatiques, de guerriers sans peur (mais pas sans reproches) que d’administrateurs feutrés.

 

Quand Hrolf devient roi à son tour, il constitue à certains égards une synthèse de son père et grand-père Helgi, le guerrier farouche, et de son oncle et grand-oncle Hroar, le dirigeant compétent. Grand roi, qui entend bien faire du Danemark une puissance sereine, il n’est pas le plus héroïque des personnages de ce temps-là. De même qu’Arthur, à vrai dire, il est bien moins charismatique que bon nombre de ses fidèles serviteurs, qui constituent une sorte de « Table ronde » barbare multipliant les exploits les plus audacieux. Et ce sont les hauts-faits de ces personnages guère chevaleresques qui retiennent l’attention, Hrolf restant souvent dans l’ombre (même s’il a sa part de gestes héroïques). Mais dans cette histoire – celle de la naissance d’une nation, à bien des égards –, les drames et déconvenues sont tout aussi nombreux…

C’est ainsi que Poul Anderson, en revisitant et adaptant une saga classique, nous livre un roman palpitant de bout en bout, souvent tragique, toujours épique. De l’excellente fantasy, bien digne de figurer dans les plus belles réussites du genre, et qui confirme, s’il en était besoin, le grand talent de conteur de Poul Anderson. Un auteur qu’il est décidément urgent de découvrir ou redécouvrir. Je n’y manquerai pas.

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Je suis en retard ! épisode 3

Publié le par Nébal


PICCIRILLI (Tom), Un Chœur d’enfants maudits, [A Choir of Ill Children], traduit de l’américain par Michelle Charrier, Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [2003] 2006, 296 p.

 

Très bon. Une plume subtile (et une traduction à l’avenant) pour un cadre superbement glauque. Un roman qui vaut beaucoup pour son ambiance, et a tout pour satisfaire le lecteur moyen, et combler de plaisir les amateurs de rednecks et de freaks dans mon genre. À lire.



 

 

PICCIRILLI (Tom), La Rédemption du marchand de sable, [The Dead Letters], traduit de l’américain par Michelle Charrier, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [2006] 2009, 336 p.

 

Là, par contre, ça n’a pas marché. Sur moi… Tout simplement parce que ce roman, bien que publié en Lunes d’encre, m’a fait avant tout l’effet d’un polar et/ou thriller, bien foutu certes (et écrit et traduit). Mais un polar et/ou thriller quand même ; or ces genres ne m’ont jamais vraiment attiré (les thrillers ayant même tendance à m’agacer) : je ne constituais définitivement pas le « cœur de cible » pour ce roman qui n’est jamais parvenu à me toucher…



 

 

SELLIG, Pour une poignée de koumlaks…, préface de Bernard Werber, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière blanche, 2008, 330 p.

 

De la SF humoristique pas drôle (on s’approche même parfois du concept troublant de « comédie nanarde », à savoir une comédie qui fait rire justement parce que ses effets comiques tombent à plat). Qui plus est écrite avec les pieds (attention, l’auteur souffre de poindexclamationite aiguë !!! Et c’est pénible !!! Si ! Si ! Je vous jure !). Passez votre chemin.



 

 

SPITZ (Jacques), L’Œil du purgatoire, préface de Bernard Echasseriaux, Paris, Robert Laffont – Pocket, [1972] 1980, 159 p.

 

Un véritable chef-d’œuvre que ce court roman tout récemment réédité chez L’Arbre vengeur, mais que j’ai lu pour ma part dans une vieille édition Pocket. De l’excellente SF française d’avant-guerre, délicieuse de cynisme et de misanthropie, et superbement écrite. Il va falloir que j’approfondisse l’œuvre du bonhomme, moi ; ça tombe bien, c’est au programme…



 

 

WHALE (Laurent), Le Chant des psychomorphes, Encino, Black Coat Press, 2006, 188 p.

 

Un bon roman de gare, bien dans la manière du Fleuve Noir Anticipation (avec une touche d’Heinlein, ai-je trouvé). Par contre, si je me souviens avoir passé plutôt un bon moment à la lecture de ce court roman, je suis dans l’incapacité totale de vous dire aujourd’hui de quoi ça parle… Du vite lu et vite oublié, mais versant plutôt positif, en somme.



 

 

ZAMIATINE (Eugène), Nous autres, traduit du russe par B. Cauvet-Duhamel, préface de Jorge Semprun, Paris, Gallimard, coll. L’Imaginaire, [1971, 1979] 2006, 218 p.

Un chef-d’œuvre de dystopie, dont l’influence est impressionnante. C’est d’une intelligence rare, d’une audace et d’une inventivité exemplaires. À lire à tout prix (surtout si, comme votre serviteur, vous vous êtes pris une baffe à la lecture de 1984).

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Je suis en retard ! épisode 2

Publié le par Nébal


HEINLEIN (Robert), Double Étoile, [Double Star], traduit de l’américain par Michel Chrestien, traduction révisée et complétée par Thomas Day, [Paris], Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [1956] 2007, 290 p.

 

Un bon roman d’Heinlein, comme toujours d’une grande fluidité, et intéressant par le regard qu’il porte sur le jeu politique. Cela dit, ce roman m’a tout de même paru quelque peu surestimé : on est loin de ce qu’il a fait de mieux (Révolte sur la Lune, notamment), et la caricature n’est jamais très loin. Un point intéressant, cela dit : l’ambiguïté relative du héros, le Grand Lorenzo, qui est quand même un peu un couillon puant. Ça change des héros habituels, et pour le mieux.

 



 

LAMBERT (Christophe), La Brèche, Paris, Fleuve Noir – Pocket, coll. Science-fiction, [2005] 2007, 325 p.

 

Un bon divertissement, roman guerrier et « time opera » palpitant de la première à la dernière ligne, doublé d’une satire cette fois un peu convenue de la télé-réalité. N’empêche, ça se lit vraiment avec beaucoup de plaisir ; ça n’en fait pas un chef-d’œuvre, mais peu importe : l’essentiel est que ça se lit tout seul, en quelques heures à peine. Bien plus réussi que Le Commando des immortels.



 

 

LE GUIN (Ursula), L’Autre Côté du rêve, [The Lathe of Heaven], traduit de l’américain par Henry-Luc Planchat, Paris, LGF, coll. Le Livre de poche Science-fiction, [1971, 1984] 2002, 219 p.

 

C’est décidément le versant SF de la dame qui me séduit le plus. Ce court roman, qui ne s’intègre pas dans le « cycle de l’Ekumen » et se montre passablement dickien, est un vrai petit chef-d’œuvre jouant adroitement et originalement du « complexe du messie » comme de l’utopie. Très bon et toujours remarquablement intelligent.



 

 

LE GUIN (Ursula), Le Vent d’ailleurs, [The Other Wind], traduit de l’américain par Patrick Dusoulier, Paris, Robert Laffont, coll. Ailleurs & Demain, [2001] 2005, 232 p.

 

Là, par contre, c’est la confirmation que « Terremer » me séduit nettement moins que les romans de SF d’Ursula Le Guin. Ce dernier volume du fameux cycle de fantasy n’est certes pas inintéressant, mais son rythme très lent, et la relative confusion de la trame, m’en ont rendu la lecture un peu laborieuse. Cela dit, il y a de très beaux moments, et l’amateur de « Terremer » ne saurait passer à côté.



 

 

McNEIL (Legs) & McCAIN (Gillian), Please Kill Me. L’Histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs, [Please Kill Me. The Uncensored History of Punk], traduit de l’anglais [Etats-Unis] par Héloïse Esquié, Paris, Alia, [1996, 2006] 2008, 625 p.

Lu dans la foulée de l’excellent Outrage et rébellion de Catherine Dufour. Tout est dans le titre ? Pas tout à fait. Le punk dont il est question ici est le punk américain des années 1960-1970, du Velvet Underground aux Ramones en passant par le MC5, les Stooges et les New York Dolls, puis à la naissance (envisagée de manière sarcastique et méprisante) du punk anglais. Autant dire que l’on parlera ici de choses que le lecteur (européen ?) aurait parfois envie de qualifier de proto-punk, etc. Mais cet ouvrage ne nous parle guère de musique, de toute façon : on fait plutôt dans le sensationnalisme à base de sexe et de drogue à tout va. C’est un peu dommage… Mais on ne fera pas la fine bouche, cette lecture vaut le détour : souvent drôle, parfois tragique, c’est un bouquin passionnant, et souvent édifiant sur ces icônes qui se révèlent finalement humaines, tour à tour sympathiques et pathétiques. Dommage aussi, cependant, que l’ouvrage, volumineux il est vrai, s’en tienne à sa définition du punk, sans vraiment chercher les choses passionnantes qui ont pu se faire en Angleterre, ou un peu plus tard aux Etats-Unis. Mais j’ai dans mon étagère de chevet un bouquin de Simon Reynolds consacré au post-punk, chez le même éditeur, qui, je l’espère, saura combler ces lacunes.

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Je suis en retard ! épisode 1

Publié le par Nébal

Bon, je suis vraiment trop en retard, et ça ne peut plus durer. D’autant que, à mesure que le temps passe, mon souvenir se trouble un petit peu, m’empêchant de faire des comptes rendus dignes de ce nom. Alors, désolé, les gens, mais je vais vraiment être obligé de faire dans le lapidaire. En trois épisodes.




 

 

BESTER (Alfred), L’Homme démoli, suivi de Terminus les étoiles, préfaces de Serge Lehman et Neil Gaiman, traduit de l’américain par Patrick Marcel, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [1953, 1956, 1999, 2006] 2007, 578 p.

 

Deux classiques de la SF, surtout L’Homme démoli, premier prix Hugo, souvent considéré comme constituant une charnière vers plus de maturité dans la SF américaine. Le pitch était séduisant au possible, les personnages sont bien fouillés, le style intéressant… mais j’avoue avoir été déçu. L’adage s’est à mon sens vérifié une fois de plus : rien ne vieillit plus vite que l’avant-garde. Le rythme surtout m’a posé problème, la trame étant en outre passablement confuse. Il y a de très beaux moments, mais d’autres n’étaient pas loin de m’évoquer le sinistre Van Vogt. Non, déçu…




 

COOK (Glen), La Compagnie noire. Les Livres du Nord, traduit de l’anglais par Patrick Couton et Alain Robert, illustré par Didier Graffet, Nantes, L’Atalante, coll. La Dentelle du cygne, 1020 p. + [10] p. de pl.

 

De l’heroic fantasy qui se prétend « dark », mais ne l’est finalement pas tant que ça (si vous voulez vraiment des « héros méchants », tournez-vous plutôt vers l’incomparable Kane de Karl Edward Wagner). J’ai peiné sur La Compagnie noire, roman très classique dans le fond comme dans la forme, avec une interminable bataille finale manquant quelque peu de souffle. Mais les deux suivants m’ont paru bien plus intéressants, avec leurs trames plus complexes, leurs narrations alternées, et, ce qui ne gâche rien, un brin d’humour de temps à autre. Je lirai donc peut-être la suite un de ces jours… Notons au passage que les illustrations de Didier Graffet, pour être rares, sont assez sympathiques, et, chose peu banale, en couleurs.




 

 

DISCH (Thomas), Camp de concentration, [Camp Concentration], traduit de l’américain par Marcel Battin, Paris, J’ai lu, coll. Science-fiction, [1970, 1978] 1983, 222 p.

 

Après la claque de l’excellent Génocides, ce roman m’a quelque peu déçu. Relativement, hein : cela reste de la bonne SF, remarquablement bien foutue. Mais, là où le roman suscité m’a durablement marqué, Camp de concentration ne m’a finalement laissé que peu de souvenirs. Mon état d’esprit lors de la lecture n’y est peut-être pas pour rien, en même temps…



 

 

ELLIS (Warren) & ROBERTSON (Darick), Transmetropolitan, t. 4. Éloge funèbre, introduction de Darren Aronofsky, Saint-Laurent-duVar, Panini France, coll. Vertigo Big Book, [2000-2003] 2009, [n.p.].

 

Un volume plus court que les précédents, et sans véritable trame qui se dégage (si ce n’est que Spider Jerusalem, désormais rédacteur pour Le Trou, se montre plus libre que jamais). C’est toujours très bon, et je suis toujours amoureux des Sordides Assistantes, mais c'est quand même moins percutant que les trois premiers volumes. On verra bien ce qu’il en sera pour la suite…



 


 

GUDULE, Le Crépuscule des Dieux… La Ménopause des fées, Paris, Bragelonne, 2005, 183 p.

 

De la fantasy burlesque versant trash (attention aux chastes oreilles : c’est très vulgaire). On passe plutôt un bon moment avec cette parodie ordurière de la matière de Bretagne reprise dans le Paris (plus ou moins) contemporain le plus populo (argot pas toujours pertinent inside), avec un Merlin clochard alcoolique, et ses trois fées (l’une néo-nazie, l’autre pédophile et masochiste, la dernière abusant des pires jeux de mots de l’almanach Vermot), mais les amateurs de finesse passeront à bon droit leur chemin, Gudule ne faisant pas exactement dans la dentelle.

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"Bifrost", n° 53

Publié le par Nébal


Bifrost, n° 53, Saint Mammès, Le Bélial’, janvier 2009, 182 p.

 

Bon, ayant participé – même si ce n’est qu’un chouia – à la chose, il ne me paraît pas honnête d’en faire un compte rendu…

 

Donc je vais faire ma feignasse, et me contenter de rappeler que s’y trouvent quatre de mes comptes rendus : La Nuit de la lumière de (feu) Philip José Farmer (pp. 77-79), À la pointe de l’épée d’Ellen Kushner (pp. 86-87), Crépuscule d’acier de Charles Stross (pp. 90-91), et enfin Perdido Street Station de China Miéville dans le guide de lecture consacré à l’auteur (pp. 146-149).

 

 

Mais il y a quand même une partie de ce numéro que j’ai envie de commenter (parce que c’est le jeu) : les Razzies 2009, le prix du pire. Juste quelques remarques en passant, sur ce que j’ai pu en lire.

 

Je note, parmi les nominés, catégorie « pire nouvelle francophone », Maudit soit l’éternel ! de Thierry Marignac, qualifié à juste titre de « sous Frédéric Dard anti-cureton, une infâme bouillie dure à digérer (mais qui, pour une raison incompréhensible, fait rigoler les mongoliens) » ; il n’a pas eu le prix, c’est donc qu’il y avait du lourd en face…

 

Rien à dire pour la « pire nouvelle étrangère », je n’ai rien lu de tout ça.

 

Du lourd aussi, à vue de nez, dans la catégorie « pire roman francophone », mais n’ayant lu aucune de ces horreurs probables, je n’ai rien à en dire.

 

Par contre, en « pire roman étranger » et « pire traduction », le lauréat est Code source de William Gibson : ça semble se vérifier, je suis le seul à avoir aimé ce bouquin… Franchement, quitte à se payer un gros machin, le dernier G.P.I. (pas lu) m’aurait semblé plus approprié, ou, dans la catégorie « parution longtemps attendue d’un truc qui se révèle nul, en fait », Gravité de Stephen Baxter, pas mentionné (mais, il est vrai, publié au Bélial’). Certes, pour la « pire traduction », l’allusion était tentante ; mais, parmi les nominés, j’aurais pour ma part récompensé Élizabeth Vonarburg pour Les Disparus de Kristine Kathryn Rusch.

 

Le prix de la pire couverture a été très justement renommé « prix Jackie Paternoster de la pire couverture », ce qui permet de fait un doublé en l’attribuant aux éditions de l’Atalante (il n’est pas cité ici, mais j’avais déjà dit deux mots de ce que je pensais de la couv’ de La Dernière Colonie de John Scalzi, attention les yeux…). Rien à redire.

 

Du lourd encore pour le prix de la non-fiction, même si je trouve le jury bien dur avec Jeanne-A Debats ; figurait parmi les nominés « l’immense Roland C. Wagner » pour sa croisade anti-Vélum ; je lui aurais volontiers donné le prix, plus généralement pour son comportement sur le ouèbe. J’accorderais dans mon immense mansuétude une circonstance atténuante à ceux qui l’ont suivi, en raison du buzz entretenu (trop longtemps et maladroitement, qui plus est) sur ce bouquin, très bon certes, mais quand même pas si bon que ça.

 

Sans surprise, j’aurais pour ma part donné le « prix de l’incompétence éditoriale », parmi les nominés, aux Moutons électriques « pour leur célèbre suivi de corrections sur Fiction n° 8 ». En notant cependant que Bifrost, des fois, c’est pas beaucoup mieux, mais bon, quand même...

 

Le « prix putassier » a toujours été mon préféré : parmi les nominés, Gilles Dumay, Albin Michel, Gérard Klein, Mnémos, Pygmalion, Télémaque et Les Trois Souhaits avaient tous de bonnes raisons d’y figurer. Le prix est revenu à Mnémos, mais je l’aurais pour ma part sans hésiter attribué à Télémaque pour Un peu de ton sang de Theodore Sturgeon (ça m’avait vraiment énervé, cette arnaque…).

 

Rien à dire sur le « Grand Master Award », je ne suis pas qualifié pour en juger.

 

Puis vient enfin le « prix des lecteurs ». Je n’ai pas voté, pas plus que l’année dernière. Ce prix me paraît en effet être une erreur. Là où un jury, dont les membres sont connus (malgré le pseudonyme transparent), peut se permettre d’être bête et méchant, la populace ainsi amenée à s’exprimer verse quasi nécessairement dans le lynchage et la vendetta, protégée par son anonymat et l’effet de masse. Ça n’a pas manqué cette année, avec en troisième place le Cafard cosmique ; promis, on fera mieux la prochaine fois. Sans surprise, Milady a gagné, et l’Atalante eu sa deuxième place. Quitte à taper sur les éditeurs, cela dit, j’aurais pour ma part employé le même argumentaire que pour l’Atalante, mais en l’appliquant à J’ai lu, parce que, à ce stade, c’est quand même triste, ma bonne dame.

 

« Et on s’amuse, et on rigole… »

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"Fiction", t. 8

Publié le par Nébal


Fiction, t. 8, Lyon, Les Moutons électriques, automne 2008,  335 p.

 

Ils sont un peu agaçants, chez Fiction, des fois. Cette « anthologie périodique » est généralement de très haut niveau, avec à l’occasion des numéros exceptionnellement bons (le tome 7, par exemple), et d’autres nettement en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre. Hélas, ce tome 8 en est un triste exemple à mes yeux. D’autant que ce numéro, par ailleurs rare en textes francophones, est régulièrement traduit avec les pieds, et – j’en ai l’impression, du moins – encore plus saturé de coquilles que d’habitude (un exploit !), et parfois même émaillé de fâcheux oublis dans le suivi des corrections (dont un éloquent « ??? » dans l’article de Raphaël Colson – p. 316 – qui m’a fait sourire, je le confesse). En fait, pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter la relative brièveté du numéro – et l’édito n’a fait que renforcer cette impression –, j’ai eu le sentiment de tenir entre les mains un numéro tout simplement pas fini. Ce qui m’effraye un peu : cela commencerait-il à sentir le sapin ?

 

Évoquons tout d’abord l’aspect graphique, traditionnellement un des points forts de Fiction. En dehors de la jolie couverture, il y a cette fois à boire et à manger. Côté positif, on retiendra notamment les illustrations de J.-J. Grandville qui émaillent le numéro, ainsi que les portfolios d’Hans Georg Rauch (pp. 241-246 ; impressionnant) et de J. Allen St. John (pp. 303-308 ; du pulp tout ce qu’il y a de savoureux). De l’autre côté de la balance, hélas, David de Thuin nous livre une courte BD totalement dénuée d’intérêt (« Prémonition », pp. 103-106), et Béatrice Tillier (pp. 196-209) nous inflige d’insupportables ‘tites fées banales au possible (je hais ce genre de fées, bordel ! qu’est-ce que ça vient foutre ici ?).

 

Tant qu’on est dans les reproches, profitons-en pour évacuer rapidement un des points faibles habituels de Fiction : les non-fictions (eh eh). Les deux chroniques d’André-François Ruaud, sans grand intérêt (« Féerie en exil », pp. 162-169, qui arrive bien après la bataille, et pontifie laborieusement ; « Pour s’envoyer en l’air le regard. De mythe en mythe », pp. 322-331, pas inintéressant, comme d’habitude, mais pas forcément à sa place) tendent à confirmer que le monsieur est bien meilleur éditeur qu’essayiste ou chroniqueur. Cependant, cette fois, il sauve un peu l’honneur, tant sont mauvaises les deux seules autres non-fictions de ce numéro : une « analyse » (faut le dire vite) de La Route par le compère Raphaël Colson, qui arrive carrément après la guerre, et se pose tristement en bande-annonce du pas glorieux Science-fiction. Les Frontières de la modernité (« La Route, ou le crépuscule de la civilisation », pp. 309-321) ; et la chronique ultra-dispensable de Serge-André Matthieu, totalement à côté de la plaque (« Carnet de bal. À travers le monde du vrai », pp. 210-219).

 

Passons maintenant aux nouvelles. Pour les Français (etc.), ça sera vite vu : Timothée Rey est tout seul dans son coin ; la médiocrité et l’artifice de son texte oulipien-chiant n’en ressortent que davantage (« Évasion sans issue », pp. 221-225).

 

Pour le reste, il y a un peu de tout. « Le Calorique » de Paolo Bacigalupi (pp. 7-39) ne parvient décidément pas à m’intéresser à cet auteur ; son texte anti-OGM, s’il a gagné le prix Theodore Sturgeon (mais pourquoi ?), m’a paru affreusement convenu. Mais il y a pire dans le genre, ainsi qu’en témoigne immédiatement le creux « Tikuka » d’Anna Feruglio Dal Dan (pp. 41-71).

 

En farfouillant un peu, je n’ai rencontré que des éloges pour le texte suivant, « Cordes » de Kathleen Ann Goonan (pp. 73-89) – et de même, plus loin dans le numéro (pp. 257-302), pour « Dernier été à Mars Hill » d’Elizabeth Hand (qui a d’ailleurs raflé les prix Nebula et World Fantasy) ; pour ma part – mais les traductions au polonium y sont peut-être pour quelque chose –, j’avoue avoir peiné sur ces deux textes dégoulinants, sirupeux, et pitoyables (dans tous les sens du terme). Comme quoi, hein…

 

Le premier texte à avoir retenu mon attention est une vieillerie, « Le Professeur et le médium » d’Harry Morgan (pp. 91-102), une sympathique variation sur le thème de Flatland – que l’on retrouve plus tard avec Vandana Singh, dont « Le Tétraèdre » (pp. 171-195) est en outre agréablement dépaysant.

 

Suit ce qui constitue à mon sens le meilleur texte de ce numéro, dû à l’habitué Jeffrey Ford : son « Whiskey nocturne » (pp. 107-129), inventif et adroit dans la description de son bled paumé, m’a séduit et touché. Ouf. Autre bonne nouvelle, « Urdumheim » de Michael Swanwick (pp. 131-161), chouette fantasy babylonienne, donne envie de lire le dernier roman de l’auteur, situé dans le même univers.

 

Bien plus loin, après l’exercice de style laborieux de Timothée Rey, nous trouvons une succession de courtes nouvelles plus ou moins expérimentales. On commence avec le très correct « Noir, gris, vert, rouge et bleu : lettre d’un peintre célèbre depuis la Lune » de Ben Greenman (pp. 227-231). Kevin N. Haw nous explique ensuite les « Conditions à remplir pour obtenir la Médaille du Mérite Mythologique » (pp. 233-235) : amusant… Mais la « Grippe de personnages » de Robert Reed (pp. 237-240) ne m’a par contre pas convaincu. Ray Vukcevich livre ensuite un texte en demi-teinte sur le test de Turing ; c’est assez drôle, mais un peu bancal (« Glacial Réconfort », pp. 247-250). Le dernier de ces textes est à mon sens le plus réussi (« L’Esprit de Noël » de Kurt Luchs, pp. 251-255 – antidote salutaire au sirupeux précédemment évoqué, et sur lequel on enchaîne immédiatement).

Non, y’a pas : ce numéro de Fiction m’a déçu. J’espère que le tome 9 saura redresser la barre…

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"Pensées, provocs et autres volutes", de Serge Gainsbourg

Publié le par Nébal


GAINSBOURG (Serge), Pensées, provocs et autres volutes, Le Cherche Midi – LGF, coll. Le Livre de poche, Paris, [2006] 2007, 155 p.

 

Impossible à chroniquer, mais ça faisait un moment que j’avais envie de le mentionner en passant. Ce recueil d’aphorismes, de paroles et autres interventions déviantes sur les plateaux télé est délicieux de poésie et de cynisme, d’humour et de machisme.

Idéal pour quand on va sur le trône.

Et sinon, Gainsbourg, c’est l’meilleur.

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"This is not America", de Thomas Day

Publié le par Nébal

 

DAY (Thomas), This is not America, Ris Orangis, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, 2009, 121 p.

 

Parmi les dernières productions livresques d’ActuSF, on trouve notamment ce petit mais joli volume dû à la plume de Thomas Day, auteur dont j’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir à plusieurs reprises. Je ne cacherai pas que ses alter ego éditeur (surtout) et critique m’ont souvent plus convaincu que l’auteur, qui n’a jamais emporté mon adhésion pleine et entière. Néanmoins, pour ce qui est de l’écrivain Thomas Day, le nouvelliste m’a toujours paru plus doué que le romancier, et capable d'écrire de fort bonnes choses – voyez notamment Sympathies for the Devil.

 

Or, derrière le titre à nouveau musical de ce dernier opus, qui évoque furieusement David Bowie, c’est-à-dire Dieu (pas ce qu’il a fait de mieux, cela dit), c’est bien trois nouvelles que l’on trouve regroupées, trois textes dépeignant une Amérique « qui n’est tellement plus elle-même qu’on a déjà l’impression de la connaître », nous dit joliment la quatrième de couv’. Attention, pas d’anti-américanisme primaire ici (ouf), mais du rêve américain, avec ses idoles et ses tares et ses interstates, trituré jusqu’à la moelle par un auteur qui connaît son sujet.

 

On débute avec « Cette année-là, l’hiver commença le 22 novembre » (pp. 9-49), qui nous explique à demi-mots ce qui s’est vraiment passé ledit 22 novembre 1963 à Dallas, en jouant plus ou moins sérieusement de l’inévitable histoire secrète, avec des vrais morceaux de l’inévitable théorie du complot. Un texte rondement mené, palpitant de bout en bout et tout ce qu’il y a de sympathique. Dommage, toutefois – mais cela faisait évidemment partie du jeu – qu’on ait plus ou moins déjà lu ça cent fois…

 

Dans le versant délirant de l’auteur, qui s’affiche plus ouvertement, on préférera probablement « American Drug Trip » (pp. 51-86), chouette variation dickienne sur les univers parallèles, avec plein de choses réjouissantes et improbables dedans. Une autre vision de l’Amérique, bourrée de références et pour le moins jubilatoire. En plus, on y retrouve Bowie, nettement plus inspiré ; alors, bon… Le meilleur texte du recueil à mes yeux.

 

La dernière nouvelle, « Éloge du sacrifice » (pp. 87-122), est plus grave en apparence, mais les références abondent à nouveau. J’avoue rester un peu perplexe devant ce texte, bourré de bonnes idées et posant un terrible dilemme, mais dont le fond me paraît un tantinet bancal. Jolies scènes de bataille, cela dit (même si les Thermopyles, j’en ai un peu soupé…). Un texte étrange, qui mériterait sans doute une nouvelle lecture d’ici quelque temps.

Au final, This is not America est un recueil plutôt convaincant, très sympathique sans être transcendant, et qui se lit tout seul. Une chouette friandise en attendant (eh oui, quand même) le nouveau roman de l’auteur, directement en Folio-SF.

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