Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #horreur tag

H.P. Lovecraft et Robert E. Howard : amitié, controverses et influences

Publié le par Nébal

 

Voici un enregistrement complet, illustré, de mon article sur les relations entre Lovecraft et Howard, initialement publié dans la monographie Lovecraft : au cœur du cauchemar (Éditions ActuSF), et qui développait considérablement une première version publiée dans le n° 84 de Bifrost, consacré au créateur de Conan.

 

ActuSF a commencé à mettre cet article en ligne, ici. Il sera en trois parties.

 

J'ai usé de nombreuses illustrations pour cette vidéo, et ne dispose bien sûr pas de leurs droits – je ne voyais pas comment faire autrement. Si un illustrateur réclame une mention, je m'exécuterai, bien sûr.

 

De même pour la musique de fond, qui est le morceau « Aldebaran of the Hyades », par Lustmord, issu de l'album The Place Where the Black Stars Hang.

 

J'espère que cette vidéo vous plaira ; n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires.

Voir les commentaires

Bienvenue à Sturkeyville, de Bob Leman

Publié le par Nébal

 

LEMAN (Bob), Bienvenue à Sturkeyville, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Serval, illustré par Stéphane Perger et Arnaud S. Maniak, Paris, Scylla, 2019, 184 p.

 

Ma chronique figure dans le cahier critique du Bifrost, n° 98, pp. 94-95.

 

Le moment venu, elle sera reprise sur le blog de la revue, et j’en donnerai le lien ici, avec la vidéo – mais n’hésitez pas à réagir d’ores et déjà si jamais.

 

EDIT : la critique est en ligne, et vous pouvez la lire ici.

Voir les commentaires

Black Library Célébration 2019

Publié le par Nébal

 

Black Library Célébration 2019, [Black Library Celebration 2019], traduit de l’anglais par Kevin Miane et Matthieu Volait, Nottingham, Black Library, 2019, 199 p.

 

La Black Library, l’organe éditorial de Games Workshop, produit chaque année un petit recueil gratuit en guise d’appeau promotionnel (compilant sauf erreur des récits déjà publiés en ligne). J’avais rapidement évoqué Black Library Célébration 2020 en chroniquant Le Culte de la Spirale Sacrée, et le bilan n’était pas gégé, mais mon aimable boutiquier Warhammer m’a par la suite offert le présent volume, soit le recueil de 2019.

 

Et c’était un recueil largement placé sous le signe de Nurgle – remarquable anticipation, parce que là, en mars et avril 2020, le Grand-Père est décidément hyperactif…

 

Le recueil comprend six nouvelles en tout, de taille variable. Côté Warhammer 40,000, on est assez gâté, au moins en quantité (...), avec quatre nouvelles, dont une associée à « The Horus Heresy » et une autre censément à « The Horus Heresy : Primarchs », mais on verra qu’il y a là comme un petit souci. Les deux nouvelles restantes sont associées à Age of Sigmar, sans plus de précisions.

 

Procédons dans l’ordre. Le recueil s’ouvre sur la nouvelle de « The Horus Heresy », à savoir « Les Pièces sont en place », de Gav Thorpe. Ce récit se déroule très peu de temps avant le Siège de Terra par les forces d’Horus, et met en scène Malcador le Sigillite, peut-être le plus proche conseiller de l’Empereur. Et le bonhomme n’est pas très confiant, à la veille de la plus cruelle bataille jamais livrée par l’Imperium. Pour préparer ses défenses, le conseiller… joue à un wargame ? Plutôt une sorte de jeu de plateau, incluant des cartes, et la description des combos, fonction de votre background, évoquera le Kamoulox ou un cadavre exquis (je me suis demandé s’il s’agissait du régicide, variante des échecs souvent mentionnée dans cet univers, mais je n’ai pas l’impression que ça colle – n’hésitez pas à me renseigner à ce propos). En tout cas, l’Empereur est ici typiquement l’adversaire chiant – pas forcément parce qu’il est fort, mais parce qu’il plie abusivement les règles à sa volonté et humilie Malcador au nom de la « guerre psychologique ». Bien sûr, il s’agit pour le Maître de l’Humanité de pousser le Sigillite dans ses derniers retranchements pour qu’il se dépasse, mais la cruauté des attaques impériales constitue le meilleur moment de la nouvelle, je suppose – car l’Empereur joue ici sur les doutes de Malcador, avec la possibilité que ses insultes soient fondées et sincères. Hélas, cette nouvelle ne m’a pas paru terrible – mais peut-être pour une bonne part parce que je suis passé à côté des très, très nombreuses allusions qu’elle comprend semble-t-il, ayant trait aux événements récents et tout autant à venir sous peu de l’Hérésie d’Horus. Mais bon, mon gros problème, ç’a été la forme – un vrai crève-cœur, à la traduction très lourde, fait d’autant plus sensible que la nouvelle est saturée de références cryptiques qui ressortent très mal ainsi… Parmi lesquelles, j’imagine, ce surnom (?) de l’Empereur, qui est systématiquement appelé « Révélation » ici ? Là encore, des références me manquent sans doute. Le principe même de la nouvelle autorisait des délires surréalistes qui auraient pu contribuer à élaborer une ambiance correcte, au-delà du principe de base de la nouvelle, somme toute convenu, mais pas inintéressant. En l’état, cependant, cette nouvelle ne m’a donc pas parlé, et vaut bien d'être qualifiée de déception.

 

Ensuite… Il y a un souci – un bug, si j’ose dire, aha. Une mouche à peste, j’imagine. En effet, la nouvelle suivante, « Le Cadeau du Grand-Père », de Guy Haley, est censée relever de « The Horus Heresy : Primarchs », mais ça n’est clairement pas le cas : sa dépiction de la Death Guard est visiblement bien postérieure à l’Hérésie, et les allusions faites à l’Empereur témoignent bien de ce qu’il pourrit/ne pourrit pas sur le Trône d’Or depuis bien, bien longtemps. Et Mortarion n’apparaît nulle part ici. J’ai cru comprendre, en fait, que le recueil VO contenait une nouvelle différente, et dans laquelle figurait bien Mortarion, si sa temporalité n’était pas certaine ? Bizarre… Et pas sûr ? Quoi qu’il en soit, la présente nouvelle, très courte, ne présente guère d’intérêt : nous y voyons un monde impérial en proie à la peste réclamer, sans savoir de quoi il retourne au juste, le soutien de Nurgle via la Death Guard pour y mettre un terme – le genre de facepalm aux proportions cosmiques bien à sa place dans l’univers impitoyable (Daaaaallaaaaaaas…) de Warhammer 40,000. Mais, pour le coup, cette nouvelle n’apporte absolument rien… Elle évoque le genre de petits textes d’ambiance que l’on trouve régulièrement dans les pages de White Dwarf, et qui ont pour seule fonction d’illustrer à la hâte tel ou tel point de règles ou conseil de peinture. Ça n’est pas désagréable, mais ça s’oublie aussitôt lu.

 

On passe ensuite aux deux nouvelles se déroulant « officiellement » durant le XLIe Millénaire. La première s’intitule « Endurer », et est due à Chris Wraight. Là encore, la Death Guard est à l’honneur, et les Dons de Nurgle. Le titre de la nouvelle renvoie probablement à la caractéristique la plus typique de la Death Guard, mais avec un twist qui n’en est pas vraiment un, en s’appliquant également aux Space Marines loyalistes figurés en alternance par le récit, et qui en chient depuis bien trop longtemps, mais tiennent encore bon. Toujours. Malgré tout. Est-il vraiment utile, dans ces conditions, de recourir à la traditionnelle balise de spoilers ? Eh bien, non, parce que vous savez très bien de vous-mêmes ce que rapporte cette nouvelle au juste, avec sa temporalité un peu à l’arrache. La pire nouvelle du recueil en ce qui me concerne.

 

Bilan pas très glorieux pour les nouvelles de Warhammer 40,000 jusque-là, hein ? Mais il en reste une – la plus longue (en fait la plus longue de tout le recueil) : « La Compagnie des Ombres », de Rachel Harrison. Pourrait-elle renverser la balance ? Eh bien, avec quelques réserves non négligeables, je dirais que oui – et que c’est bien la meilleure, ou la seule bonne, nouvelle de Warhammer 40,000 dans cette Black Library Célébration 2019. Faut dire, j’avais un a priori plutôt positif, après avoir lu Marque de Foi de ladite Rachel Harrison, certes pas un chef-d’œuvre, mais un roman honnête, avec des personnages archétypaux mais relativement bien campés, et un style au-dessus de la moyenne. Autant de caractéristiques que l’on retrouve également dans cette nouvelle, antérieure, et liée au premier roman 40K de l’autrice, Dans la loyauté et la foi. La nouvelle met en scène la courageuse commissaire Severina Raine et ses troufions aigris, alors qu’un accident les fait se retrouver derrière les lignes ennemies – la mission passant avant tout, la commissaire élabore un plan la mettant personnellement en danger, et qui ne peut réussir que si elle peut se fier à ses hommes – or celui d’entre eux qui est le plus souvent mis en scène, un certain Wyck, est un sale bonhomme, haineux, borné, qui n’incite vraiment pas à la confiance… Tout cela évoque passablement « Les Fantômes de Gaunt », je suppose – aussi bien pour Severina Raine en alter ego (féminin, c'est pas encore si courant) d'Ibram Gaunt que pour Wyck en variation sur Rawne. C’est une limite de cette nouvelle, je suppose. Cela dit, elle fonctionne, ne serait-ce que parce que l’autrice caractérise bien ses personnages, ce qui atténue l’impact négatif de leur relative banalité. À vrai dire, en ce qui me concerne, la nouvelle fonctionne surtout au regard du personnage de Wyck, vraiment très réussi – c’est cette ordure que j’aimerais bien revoir. Mais, oui, « La Compagnie des Ombres » est bien la nouvelle Warhammer 40,000 (au sens large) la plus intéressante de ce recueil, clairement. Et je vais donc donner sa chance au roman Dans la loyauté et la foi sous peu – peut-être en parallèle avec « Les Fantômes de Gaunt », d’ailleurs, ça pourrait être instructif.

 

Puis on passe aux deux nouvelles dans l’univers d’Age of Sigmar. Et, ici, je dois faire un aveu : je connais très mal cet univers, et j’ai beaucoup de mal à le visualiser. Si le Vieux Monde était un contexte de fantasy plutôt commun (c’est peu dire, en fait), le complexe multivers des Royaumes Mortels est autrement singulier, et difficile à se figurer, d’une manière ou d’une autre. Tel est du moins mon sentiment à cet égard : trop souvent, lisant çà et là une nouvelle d’Age of Sigmar, j’ai dû me rendre à l’évidence que j’en ratais l’essentiel, parce que je n’en avais pas les codes – parfois au point de l’incompréhension totale. Cela s’était vérifié notamment à la lecture du recueil Black Library Célébration 2020, au point où j’ai lâché l’affaire sur le tard. Mais, dans le cas présent, j’ai tout de même lu ces deux nouvelles, non sans une certaine appréhension.

 

Pour un bilan contrasté. Concernant la première de ces nouvelles, « Don des Dieux » (décidément…) de David Guymer, mes craintes se sont rapidement confirmées – il faut dire, ai-je cru comprendre depuis, que cette nouvelle s’inscrit dans un cycle de récits courts, qui, pris dans son ensemble, pouvait éclairer cette nouvelle précisément. Mais, en l’absence de ces références… De ce héros très crâneur, je ne savais rien – du lieu de l’action non plus (un plan chaotique semble-t-il), et pas davantage de ses adversaires, des hommes-bêtes pour l’essentiel. Pourtant, j’ai trouvé la dimension horrifique de cette nouvelle relativement convaincante – là où sa dimension martiale m’a vite saoulé. En définitive, je n’en ai pas retenu grand-chose, sinon la conviction renforcée qu’acquérir les bases de l’univers d’Age of Sigmar serait un préalable nécessaire pour en apprécier ne serait-ce qu’un chouia les fictions associées.

 

Mais peut-être pas dans tous les cas ? En effet, la dernière nouvelle du recueil, plus longue, « Les Fantômes de Demesnus », par Josh Reynolds, s’est avérée une sacrée surprise, ici – et une bonne. Dans le cas présent, le manque de certaines clefs, sinon toutes, ne s’est pas avéré si pénalisant ; peut-être parce qu’il s’agit, au fond, d’une bonne nouvelle, et pas seulement d’une bonne nouvelle d’Age of Sigmar. Nous y suivons Gardus, personnage récurrent, un chevalier qui fut dans une autre vie (littéralement) un saint homme, guérisseur de la lèpre – et qui est toujours adoré comme tel, à son grand dam, bien des siècles plus tard, par des gens dont il ne sait rien, et qui ne savent rien de ce qu'il est devenu. De retour dans sa ville, incognito, l’ex-saint s’interroge sur son passé tandis qu’il partage le quotidien de ses fidèles qui n’ont plus que lui – à ceci près qu’ils ne savent rien de sa véritable identité. Or les terres de ces pieux malades sont convoitées par un fonctionnaire diligent… qui s’avère forcément être un séide de Nurgle – mais beaucoup moins caricatural que d’usage. Les atouts de cette nouvelle résident dans son ambiance très travaillée et, chose rare du côté de la Black Library, dans la psyché complexe de ses personnages, et au premier chef de notre vieux héros. En même temps, cette aventure a quelque chose d’un western, avec Gardus dans le rôle de l’Homme Sans Nom, seulement en moins ouvertement violent (entendre par-là qu'il peut assurément se montrer violent, et redoutable, mais l’action est cantonnée aux toutes dernières pages, assez réussies dans le genre d’ailleurs). Mais, quitte à faire dans la référence clintesque, j’ai surtout pensé à L’Homme des Hautes Plaines, pour ce personnage d’étranger mystérieux déboulant dans une ville, et dont l’aura, au moins, a quelque chose de surnaturel (si le film a quelque chose de démoniaque, ici, qui tranche sur le personnage de Gardus, croisé de Sigmar). On pourrait aussi penser aux chanbara ayant inspiré ces films, bien sûr – davantage Les Sept Samouraïs que Le Garde du corps, pour le coup. Quoi qu’il en soit, ça fonctionne très bien : l’ambiance est irréprochable, les thématiques justes, les personnages incomparablement plus profonds que d’usage dans la Black Library… En dépit de mes préventions concernant les récits d’Age of Sigmar, « Les Fantômes de Demesnus » m’a beaucoup plu – c’est clairement, de très loin, la meilleure nouvelle de ce recueil, en ce qui me concerne, et c’est, au-delà, une bonne nouvelle tout court.

 

Excellente surprise, donc – et qui, arrivant en dernière position, tempère un chouia mon sentiment au mieux mitigé au regard de ce recueil. Au mieux… J’en retiens essentiellement cette nouvelle, et celle de Rachel Harrison, donc – les deux les plus longues, par chance. Ainsi que dit plus haut, je lirai sous peu Dans la loyauté et la foi de ladite, mais il faudrait aussi que je fouine du côté des productions 40K de Josh Reynolds, je suppose… À creuser.

 

Si Grand-Père Nurgle veut bien nous lâcher un peu, là. Faisons-lui des doigts.

Voir les commentaires

Lovecraft en 25 œuvres essentielles

Publié le par Nébal

 

Un petit peu d’autopromo, aujourd’hui...

 

Il y a quelque temps de cela, j’avais livré un article intitulé « Lovecraft en 25 œuvres essentielles » pour la monographie Lovecraft, au cœur du cauchemar, publiée par les Éditions ActuSF. Or celles-ci ont choisi de reprendre cet article sous la forme d’un livre numérique indépendant, titré donc Lovecraft en 25 œuvres essentielles. Vous pouvez vous le procurer par exemple ici.

 

Je me dois de préciser qu’il s’agit peu ou prou d’une reprise à l’identique : il y a bien quelques corrections mineures, mais elles concernent pour l’essentiel la forme plutôt que le fond.

 

N’hésitez pas à me faire part de vos retours.

 

Et en voici déjà un pour commencer, Célindanaé sur Au Pays des Cave Trolls.

Voir les commentaires

Le Culte de la Spirale Sacrée, de Peter Fehervari

Publié le par Nébal

 

FEHERVARI (Peter), Le Culte de la Spirale Sacrée, [Cult of the Spiral Dawn], traduit de l’anglais par Philippe Olivier, Nottingham, Black Library, coll. Warhammer 40,000, 2019, 376 p.

 

Bon, ce blog a été mis en pause – une fois de plus – depuis pas mal de temps déjà, côté chroniques en tout cas. Manque d’envie, manque de concentration – éventuellement manque de temps, mais le confinement change un peu la donne ici, je suppose... Portez-vous bien, les gens ! Mais je me dis du coup que je peux bien retenter…

 

J’ai assez peu lu, relativement, ces derniers mois, de toute façon – l’absence de concentration, encore une fois, a été un élément clef, ici. Ça ne veut pas dire que je n’ai rien lu, ou rien lu de bon. J’ai livré quelques chroniques pour Bifrost, parmi lesquelles j’ai envie de mettre en avant Bienvenue à Sturkeyville de Bob Leman, mais la parution du prochain numéro est retardée pour les raisons que vous supposez. Hors Bifrost, j’ai eu quelques belles lectures, aussi – et s’il en est une que j’ai envie de mettre en avant, c’est clairement Jardins de poussière, excellent recueil de nouvelles de Ken Liu, décidément un des maîtres contemporains du format court en imaginaire ; à vrai dire, ce recueil m’a probablement davantage parlé que son prédécesseur La Ménagerie de papier, et je tends à croire qu’il aurait sa place dans mon top 10 perso du registre.

 

Maintenant, je ne vais pas vous mentir : ces derniers temps, j’ai surtout lu beaucoup de bouquins de la Black Library, liés à l’univers de Warhammer 40,000. Il y a des périodes comme ça – c’en est une. Je n’ai pas envie de graaaAAAAaaande littérature là maintenant, mais plutôt de pop-corn, quelque chose de suffisamment efficace pour susciter et maintenir ma concentration autrement défaillante. Et si cela implique de mettre toute prétention au « bon goût » sur off, ça n’est pas un problème.

 

Dans le lot, il y a eu un peu de tout, du bon, du moins bon… J’avais rapidement évoqué Les Ruines de la Foi, de Danie Ware, en chroniquant Amputés de Nate Crowley (lequel m’avait vraiment beaucoup plu) : c’était sympa, sans plus, mais ça fonctionnait.

 

Côté recueils de nouvelles, Croisade, le volume d’introduction à l’univers de Warhammer 40,000, s’est avéré plutôt une bonne surprise, même si, inévitablement, ce fort volume contient aussi de pénibles ratages (pas de bol pour moi, un des plus significatifs est le récit portant sur les Nécrons, qui est vraiment naze). En revanche, le volume promotionnel de la Black Library Célébration 2020 m’a paru globalement mauvais, à l’exception appréciable de la nouvelle d’Aaron Dembski-Bowden qui le conclut, liée à « The Horus Heresy », que pour le coup j’ai trouvée très bonne.

 

En parlant de la mythique série, je n’en ai lu qu’un seul roman depuis l’interruption de ce blog, à savoir Prospero brûle de Dan Abnett (lu en VO, pour le coup), effectivement un bon cru comme on me l’avait dit, même si j’ai trouvé sa mise en place un peu trop lente et ai regretté que l’affaire de Prospero, qui donne son titre au bouquin, ne soit véritablement importante… que dans les toutes dernières pages. À ce compte-là, ce n’était pas vraiment le pendant attendu à A Thousand Sons de Graham McNeill – mais un bon roman néanmoins, avec une approche narrative diamétralement opposée : les deux m’ont bien plu, chacun dans son registre.

 

Et sinon, en romans Warhammer 40,000, j’ai deux titres à mentionner, tous les deux liés à l’Adepta Sororitas, qui sera ma nouvelle faction pour cette année dans le wargame : Marque de foi, de Rachel Harrison, un inédit, m’a paru correct, en dépit d’une histoire au mieux médiocre et d’une mise en place beaucoup, beaucoup trop longue ; mais plusieurs atouts compensent ces défauts, parmi lesquels des personnages, certes très archétypaux, mais suffisamment bien identifiés pour se montrer relativement attachants (ou utilement répugnants), et une plume qui m’a paru bien, bien meilleure que d’usage dans la Black Library – la traduction a pu avoir sa part, ici. Surtout, je retiens cette section, assez longue et très réussie, décrivant le voyage à travers la Grande Faille : l’ambiance est parfaite, mêlant flippe, désespoir et dégoût.

 

Le roman restant, c’était Requiem infernal, de Peter Fehervari – le même auteur donc que pour le roman dont je vais vous causer aujourd’hui, et qui est peut-être lié au précédent au-delà. C’était plutôt sympa – un poil plus ambitieux que d’usage, même si avec une contrepartie sur laquelle je reviendrai : le goût de l’auteur pour l’obscur – il tend à rendre délibérément les choses un peu confuses, par divers procédés, et avec plus ou moins de pertinence. Mais globalement, j’avais plutôt aimé – là aussi, le style était plutôt dans la tranche haute au regard des critères de la Black Library, même si de manière moins flagrante que pour Marque de foi ; surtout, l’ambiance horrifique du roman était plutôt efficace, et m’a captivé tout du long – même si, classiquement, la fin du roman a davantage fait parler les bolters.

 

Ce ressenti plutôt positif a sans doute eu sa part dans l’achat du Culte de la Spirale Sacrée, roman dû au même auteur donc. Maintenant, il me faisait de l’œil avant la lecture de Requiem infernal – en raison de son thème : il portait clairement sur les Cultes Genestealers – et je ne suis pas certain qu’il y ait d’autres romans dans ce cas.

 

Or ces cultes figurent parmi les très bonnes idées de l’univers Warhammer 40,000, qui lui confèrent une forte personnalité – et qui débouchent, dans le wargame, sur une très chouette faction, avec une identité unique et des mécaniques très amusantes. Pour résumer à la hache tronçonneuse : les Tyranides sont une des pires menaces dans l’univers du 41e Millénaire – ces créatures, clairement inspirées par Alien, et qui viennent d’une autre galaxie (comme le Capitaine Flam), constituent une masse de bio-formes insectoïdes unies par une psyché supérieure unique, l’Esprit-Ruche. Si les Tyranides ne semblent pas avoir d’autre objectif que de tout dévorer sur leur passage (ce qui contribue et pas qu’un peu à les rendre aussi terrifiants), l’Esprit-Ruche n’en est pas moins d’une intelligence exceptionnelle, à même de mettre en œuvre des plans complexes en faisant preuve d’une rare patience. Les assauts tyranides sont souvent précédés par l’envoi d’éclaireurs qui préparent le terrain pour les flottes-ruches, avec des décennies d’avance. Les genestealers (je crois qu’on disait génovores en français, dans le temps) s’infiltrent ainsi individuellement sur des planètes en se cachant à bord de vaisseaux spatiaux, toujours plus à la Alien, sauf qu’eux, pour le coup, ne se contentent pas de massacrer les quidams pour assouvir leur faim : ils se cachent, et ils « embrassent » des humains qui tombent sous leur coupe. Le genestealer responsable devient alors le Patriarche. Le nombre des « infectés » s’accroît avec les années, et même les générations – or leurs héritiers sont bel et bien des créatures mi-humaines, mi-xenos, ce qui ressort plus ou moins de leurs traits selon la génération à laquelle ils appartiennent. Certains de ces hybrides peuvent parfaitement passer inaperçus dans les sociétés humaines, là où d’autres sont plus franchement xenos, par exemple en raison du développement d’un troisième bras. Et, le moment venu, le culte, car il a sa dimension religieuse marquée, le Patriarche étant perçu comme un saint, ses comparses comme des anges, et tout ce qui n’appartient pas au culte étant comme de juste hérétique, le moment venu donc (l’approche d’une flotte-ruche ?), le culte organise un soulèvement planétaire, ourdi donc depuis des décennies. Ces cultes prospèrent surtout dans les classes populaires, qui sont les plus à même de vouloir secouer le joug tyrannique et cauchemardesque de l’Imperium, en plaçant (vainement, naïvement) tous leurs espoirs dans l’arrivée de ces sauveurs xenos qui, en vérité, n’ont aucunement l’intention de les libérer ou récompenser de quelque manière que ce soit – seulement de les dévorer, comme tout le reste. Mais les cultistes n’en ont pas conscience – et, disons-le, la nature révolutionnaire de leurs plans peut susciter la sympathie, si leur subversion fanatique est plus qu’inquiétante ; ceci parce que l’Imperium est un abominable et cauchemardesque oppresseur. Maintenant, si l’alternative est une flotte-ruche qui veut tout bouffer de toute façon…

 

Ceci dit, les Tyranides à proprement parler n’apparaissent pas dans ce roman, s’il décrit bien un soulèvement planétaire. Celui-ci se fait un peu « dans le vide », même s’il y a quelques raisons à cela, dévoilées au fur et à mesure du récit.

 

L’action se déroule sur Rédemption – une des centaines de planètes à porter ce nom dans l’Imperium. C’est un monde sanctuaire, ou ça l’était, mais l’Adepta Sororitas en est partie il y a bien longtemps, laissant les clefs de la maison à une secte dite de l’Aube Spirale – pratiquant pour l’essentiel le culte impérial, mais avec des variations locales tolérées (ou ignorées ?) comme bénignes par l’Ecclésiarchie et l’Inquisition.

 

Cette secte a essaimé, cela dit, et des pèlerins extérieurs reviennent sur Rédemption quand le roman débute – parmi lesquels la dégourdie Ariken, moins fanatique que d’autres, et aussi, mais par accident (car lui n’est pas le moins du monde un pèlerin), un certain Cross, militaire de son état, mais aussi probablement déserteur ?

 

Et, quand ils arrivent sur Rédemption, le tableau n’est guère engageant. La secte locale a des pratiques vraiment étranges, et les bisbilles sont quotidiennes avec les forces de l’Astra Militarum sur place, qui semblent d’une manière ou d’une autre gangrenées de l’intérieur. La suspicion règne… Et pour cause : le soulèvement est pour bientôt ! Le culte, pèlerins compris, est corrompu, une part non négligeable des forces de la Garde Impériale également – l’heure de l’affrontement approche, et la secte frappera comme un voleur dans la nuit… Et, pourtant, le culte est tenu à l’œil – avec grande attention à vrai dire… et depuis fort longtemps, si ça se trouve…

 

C’est que certains rebondissements ne sont à vrai dire guère surprenants. Et pourtant, la narration est un peu confuse… Je crois décidément que cela tient à un goût du mystère de la part de l’auteur, mais utilisé ici à moins bon escient, et avec moins d’effet, que dans Requiem infernal. Il complique inutilement les choses, et notamment en raison d’un procédé particulier, je crois : la multiplication des personnages points de vue.

 

Par la force des choses, Cross est ce qui se rapproche le plus d’un héros, ici. Il est acceptable dans cet office, même s’il y a des trous dans son historique. Engagé (ou réengagé…) dans les forces de l’Astra Militarum dès son arrivée sur Rédemption, il a pour lui d’être plus finaud que le garde impérial lambda, en même temps qu’il se montre un sous-officier compétent. Ariken est un peu sa disciple, et disons l’incarnation du courage dans le conflit à venir. Mais Peter Fehervari ne s’en tient pas là, et nous suivons, à vue de nez, au moins une dizaine, plus probablement une quinzaine, d’autres personnages points de vue, dans les deux camps – et tous ceux-là manquent vraiment de personnalité, à vrai dire peut-être surtout les membres du culte genestealer, dont le fanatisme est absolu et le libre-arbitre inexistant. Ce qui est cohérent au regard du fluff de la faction, mais dans son acception la plus radicale, et probablement la moins intéressante. Mais tous ces personnages, en dehors de Cross, s’avèrent le plus souvent bien fades, et leur identité est trop floue pour qu’on y voie autre chose que des archétypes, voire des statistiques, dans le conflit à venir. Là encore, cela peut faire sens dans le concept, mais cela ne fonctionne pas vraiment dans les faits.

 

Dès lors, le roman se partage entre deux ou trois genres : il y a une dimension vaguement policière, qui est plutôt bâclée, pour cause d’empilement de clichés et de faux rebondissements ; il y a une dimension horrifique, qui fournit les meilleures scènes du livre ; il y a, enfin, une dimension d’action martiale, très inégale – elle fonctionne au mieux, sans surprise, quand elle se mêle d’horreur ; sinon, boum boum takatak, ce qui est attendu dans un roman Warhammer 40,000, mais fonctionne plus ou moins bien selon les auteurs (et, ici, Peter Fehervari n’est pas, disons, Dan Abnett ou Graham McNeill).

 

L’ensemble constitue une livraison plutôt médiocre de la Black Library – bon, disons, médiocre +, j’ai lu bien pire… Mais c’est donc plutôt une déception – et en tout cas un roman bien moins palpitant et utilement intriguant que Requiem infernal. Moins bien écrit, aussi, et/ou (très probablement, en fait) traduit. Clairement. Ouais, ça pique plus qu'à son tour...

 

À noter, le livre se conclut sur une nouvelle titrée « L’Ombre affamée ». Elle est passablement obscure, les éléments de contexte manquant – délibérément là encore, je suppose. Je l’ai lue comme une sorte de préquelle au roman Le Culte de la Spirale Sacrée. Mais son atmosphère est étrange, qui voit plusieurs cultes (genestealer, chaotique, impérial ?) se fritter entre eux en se traitant mutuellement d’hérétiques. Boum boum takatak très vite, du coup, et étrangement sur un mode qui évoque plus, disons, à vue de nez, Warcry que Warhammer 40,000, tandis que le cadre de Rédemption paraît encore plus hostile que dans le roman, au point où les codes post-apocalyptiques à la Mad Max sont de la partie. Il y a un peu de ça dans le roman, certes – les véhicules du culte, dérivés de leurs figurines, s’y prêtent bien. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître dit là comme ça, ça m’incline d’autant plus à envisager cette nouvelle comme une préquelle. Je peux me planter. Mais je suppose que ça n’est pas bien grave, car… eh bien, cette histoire est de toute façon d’un ennui mortel. Et c’est dommage, parce que, dans le principe, il y avait peut-être un certain potentiel.

 

Bilan pas terrible, donc, si pas scandaleux non plus, pour Le Culte de la Spirale Sacrée. J’aurais espéré mieux, avec ce chouette thème des cultes genestealers, mais ça n’est donc pas encore pour cette fois…

Voir les commentaires

Financement participatif : Le Monde de Lovecraft

Publié le par Nébal

Illustration de Nicolas Fructus

 

Ph’nglui.

 

Une fois n’est pas coutume, j’aimerais porter à votre attention un financement participatif, dont la campagne débutera le 29 novembre, soit dans une semaine tout juste, pour un objectif de 30 000 €.

 

Le Monde de Lovecraft sera un film documentaire consacré à H.P. Lovecraft et à son œuvre.

 

Le film sera réalisé par Marc Charley, qui a déjà réalisé plusieurs métrages tournant autour de Lovecraft.

 

L’auteur, mais aussi le directeur des entretiens avec tout un ensemble de spécialistes ès lovecrafteries, sera le professeur Gilles Menegaldo, grand connaisseur de Lovecraft (et plus généralement de littérature fantastique et de science-fiction ainsi que de cinéma), que vous avez régulièrement pu croiser sur ce blog, par exemple en tant qu’éditeur de H.P. Lovecraft. Fantastique, mythe et modernité ou encore, plus récemment, de Lovecraft au prisme de l’image.

 

L’équipe comprendra également Nicolas Fructus, qui officiera en tant que directeur artistique. Vous l’avez lui aussi régulièrement croisé sur ce blog – il est entre autres l’illustrateur de Kadath : le guide de la Cité Inconnue et plus récemment l’auteur-illustrateur de Gotland, deux très beaux ouvrages lovecraftiens que je vous ai ardemment recommandés (et je continue de le faire).

Vous pourrez en apprendre plus sur ce site, ainsi que sur cette page Facebook.

 

N’hésitez donc pas à vous inscrire d'ores et déjà, et, à partir du 29 novembre, à participer au financement de ce beau projet !

 

Fhtagn !

Voir les commentaires

Une cosmologie de monstres, de Shaun Hamill

Publié le par Nébal

 

HAMILL (Shaun), Une cosmologie de monstres, [A Cosmology of Monsters], traduit de l’anglais (États-Unis) par Benoît Domis, Paris, Albin Michel, coll. Imaginaire, 2019, 404 p.

 

Parfois, pour quelque raison indicible, les étoiles s’alignent et un premier roman devient un événement avant même sa (putain de) sortie : tel est bien le cas pour Une cosmologie de monstres, signé Shaun Hamill, bouquin dont le projet d’adaptation en série TV est antérieur à sa date de publication. Et, à propos de celle-ci, il faut relever que la présente traduction française, due à Benoît Domis, est sortie « officiellement » quelque chose comme deux semaines seulement après la version originale.

 

Cerise sur le gâteau, le Maître Stephen King himself adoube le jeune auteur et son roman dans un blurb plus qu’élogieux (et on notera au passage que la quatrième de couverture s’en tient à ce blurb – il n’y a pas le moindre résumé du roman, et ça n’est pas plus mal, au fond). Bon, maintenant, avec toute l’estime que j’ai pour le grand Stéphane Roi, je me méfie un peu de ses blurbs… Non que je doute forcément de leur sincérité, hein ! C’est plutôt qu’il me fait l’effet d’avoir l’enthousiasme un peu expansif, parfois, et du coup plus ou moins lucide (qui suis-je pour le lui reprocher…) – un peu comme son confrère Neil Gaiman, disons, dont le nom figure, durant la bonne saison, sur trois bandeaux rouges sur cinq. En fait, à cet égard, j’ai sans doute abordé la lecture d’Une cosmologie de monstres avec un biais un tantinet fâcheux, hérité de, par exemple, Les Mortes-Eaux d’Andrew Michael Hurley (même si j’avais oublié, et le nom du bouquin, et le nom de l’auteur, bordel, et c’est en soi éloquent) : soit la crainte d’un soufflé qui retombe vite… Un roman certes pas mauvais, globalement, mais pas génial non plus, et qui ne restera pas.

 

Bien sûr, il y a ici une accroche supplémentaire : la référence à Lovecraft. Il est partout, hein ? Pour autant, Une cosmologie de monstres ne relève probablement pas de la lovecrafterie à proprement parler. Aussi la (très belle) couverture d’Aurélien Police (l'excellent Aurélien Police) a-t-elle pour cette raison suscité quelques haussements de sourcils… De fait, les tentacules de la couverture sont grosso merdo absents du roman – comme ils le sont de la majeure partie de l’œuvre de Lovecraft, à vrai dire… Mais qu’on associe pavloviennement Lovecraft et tentacules en dit peut-être plus sur les lecteurs que sur l’auteur, et si l’illustrateur et l’éditeur en jouent, ma foi… Pourquoi pas ? C’est de la référence en biais, dans un livre assurément très référentiel, et ça se tient – on n’est pas obligé d’y voir de la putasserie (et je la vois pourtant volontiers, de manière générale). Je l’aime bien, moi, cette couv… Et, thématiquement, je la trouve en fait appropriée. Mais je reviendrai sur le contenu lovecraftien (ou pas) du roman un peu plus tard.

 

Commençons en présentant un chouia l’histoire – sans aller trop loin non plus, encore que je ne pense pas qu’Une cosmologie de monstres soit un roman « à spoilers ». C’est l’histoire d’une famille, sur cinq décennies environ – au Texas ; et rappelez-vous que seuls les fourmis et les Texans survivront à l’hiver nucléaire ! Mais je m’égare…

 

Nan, notre histoire commence en 1968 environ, et nous parle tout d’abord d’amûûûr. Margaret, une jeune fille issue de la petite bourgeoisie WASP par essence coincée du cul, choque ses géniteurs en même temps que son milieu social en convolant, plutôt qu’avec le quarterback bon chrétien et héritier de la fortune de papa de service, avec l’excentrique Harry, geek jusqu’au bout des pulps et des comics plastifiés, et véhicule idéal à la projection du lecteur de SFFF mâle (dit-il d'expérience). Le couple Turner s’installe dans sa petite banlieue médiocre (on voit très bien les palissades blanches et le gazon impeccable), et pond des gosses, parce que c’est comme ça qu'il faut faire – chronologiquement, deux filles, Sydney la danseuse sarcastique qui a comme un petit souci de complexe d’Électre, Eunice la nerd tourmentée, et plus tard Noah, le mini-Harry qui nous raconte tout ça. Las, Papa a des soucis, puis ses filles, et tout ceci dégénère mollement au fur et à mesure que les années passent. Ce qui pourrait être le tableau parfaitement banal d’une petite famille américaine parfaitement banale.

 

À ceci près que.

 

Tout d’abord, Harry… est un fan de Lovecraft, et plus généralement d’horreur, qu’il cultive et savoure dans les pulps comme dans les salles de cinéma de quartier. Ses goûts vont de La Famille Addams à Yog-Sothoth en passant par Les Contes de la Crypte et Rosemary’s Baby, ce qui couvre un large spectre (si j’ose dire). Il aime probablement aussi les citrouilles d’Halloween, et se découvre en définitive une vocation : il bâtira dans son jardin une maison des horreurs, une sorte de train fantôme sédentaire, où les banlieusards du coin, pour une modique somme, viendront éprouver quelques frissons amusants. En fait, la passion pour l’horreur qui caractérise Harry dévie de sa voie la famille entière, jusqu’à constituer pour elle une norme dont il faudra bien s’accommoder – ce dont le roman se fait nécessairement l’écho.

 

Mais ensuite… Eh bien, rien que de très naturel, au fond : le petit Noah a un copain imaginaire – c’est le cas de nombre d’enfants, paraît-il, et de la totalité des croyants, alors bon.

 

 

Il est forcément imaginaire, hein ?

 

Mais ce qui ne l’est pas, ce qui pèse de tout son poids sur la famille maudite des Turner, c’est la réalité affreusement concrète de la mort et de la souffrance. Oh, oui.

 

Sur ces bases… Eh bien, on ne s’étonnera pas vraiment que Stephen King ait aimé. Les Turner pourraient aussi bien vivre à Castle Rock, Maine, et Shaun Hamill consacre l’essentiel de son roman à nous narrer par le menu la destinée de cette famille. Ce qu’il fait globalement très bien, je suppose – encore que je doive aussitôt préciser qu’à titre tout personnel, le thème de la famille, ben, de manière générale, je m’en bats copieusement les glaouis… Et l’amûûûr… Bon. Mais, oui, ça fonctionne, indéniablement – et la plume fluide y est pour beaucoup.

 

En fait, à certains égards, le sort des Turner pourrait relever avant tout d’une sorte de soap opera deluxe, un peu tordu certes, le fantastique n'en constituant qu’un soubassement (même si comme tel fondamental) ; pendant une bonne partie du roman, le fantastique et a fortiori l’horreur relèvent plus de la citation que de l’expérience authentiquement vécue ; puis le surnaturel s’immisce dans le récit – en même temps qu’une horreur très humaine s’insinue çà et là, qui à vue de nez tiendrait plus du thriller que du fantastique : l’horreur surnaturelle, ce sera pour les dernières pages du roman seulement. Du coup, j’ai lu quelques retours sceptiques à cet égard – éventuellement liés d’ailleurs aux critiques adressées à la couverture tentaculaire : Une cosmologie de monstres ne serait pas très horrifique, etc. Peut-être… En même temps, paradoxe du jour, et de tous les jours qui ont précédé, l’horreur littéraire ne me paraît que rarement très horrifique… Pour frissonner à la lecture d’un bouquin, j’ai besoin du talent des meilleurs : Lovecraft ou King, oui, ou Dan Simmons, ou Clive Barker… Au-delà, le fantastique n’a pas à se montrer nécessairement horrifique, et l’horreur me paraît souvent opérer au mieux quand elle est ponctuelle – en conclusion d’un récit, mettons. Ce en quoi Une cosmologie de monstres me paraît remplir son contrat, et à vrai dire d’une manière assez… banale. Le King lui-même a souvent procédé de la sorte – assez récemment encore dans le plutôt lovecraftien également Revival, par exemple.

 

Mais justement : et Lovecraft, dans tout ça ? Eh bien, à s’en tenir à cette brève présentation du roman, il est très, très, trèèèèèès loin de tout ça. Je veux dire… Bordel : les gens, les sentiments, la famille ?! On ne fera pas plus anti-lovecraftien – le gentleman de Providence aurait trouvé tout cela parfaitement répugnant. Et à bon droit, bien sûr. Alors que les tentacules non-euclidiens, ça va. Et ça va avec tout. Ceci dit, il n’y en a guère ici – et pourtant il y a bien Lovecraft.

 

Mais il y est, durant la majeure partie du roman, essentiellement sous forme de citations. Souvent explicites, d’ailleurs : les titres des différentes parties du roman renvoient tous à des nouvelles de Lovecraft – « L’Image dans la maison déserte », « La Tombe », « Le Monstre sur le seuil », « Celui qui chuchotait dans le noir », « La Cité sans nom », « La Maison maudite », « Celui qui hantait les ténèbres » enfin. Shaun Hamill balaye (devant sa porte) un large spectre (toujours) : il évoque de la sorte aussi bien la première nouvelle « adulte » de Lovecraft, soit « La Tombe », que la dernière, « Celui qui hantait les ténèbres » ; entre les deux, on a du « conte macabre » aussi bien que du « Mythe de Cthulhu ». Ces titres sont globalement pertinents, même s’ils m’ont régulièrement fait l’effet d’être un peu trop forcés. Mais la citation explicite ressort également de passages commentés des œuvres de Lovecraft – plutôt critiques, d’ailleurs, comme il se doit : je ne vous détaille pas le blabla « mal écrit », « personnages ineptes », etc., vous le trouverez dans 95,2 % des romans et nouvelles de la « nouvelle littérature critique lovecraftienne ». Avec pertinence le plus souvent, mais disons que ça se répète. En cela aussi le roman de Shaun Hamill est somme toute banal.

 

Y a-t-il du Lovecraft au-delà, dans Une cosmologie de monstres ? Au-delà notamment de ce titre pour le moins connoté, d'ailleurs, veux-je dire ? Probablement – mais de manière un peu plus subtile cette fois : dans les procédés, et dans les thèmes. Encore qu’en fait de subtilité… Car le premier procédé à évoquer est probablement celui de l’attaque en force. Une cosmologie de monstres, passé l’exergue associant Bradbury à Lovecraft (eh, Weird Tales bro), s’ouvre sur une sentence pour le moins perturbante : « Je me suis mis à collectionner les lettres de suicide de ma sœur Eunice à l’âge de sept ans. » Difficile ici de ne pas penser à la fameuse ouverture du « Monstre sur le seuil », j’ai logé tout un chargeur dans la trogne à mon pote mais je vais vous expliquer qu’en fait je ne l’ai pas tué… C’est assez grotesque, bien sûr – et plus ou moins honnête ; mais de manière pertinente, le cas échéant, car, comme dans la nouvelle de Lovecraft, cette entrée en matière tient du gros panneau rouge clignotant affichant « LE NARRATEUR DE CETTE HISTOIRE N’EST PAS FORCÉMENT TRÈS TRÈS FIABLE ». D’autres techniques de ce genre ponctuent le roman, même s’il est parfois plus difficile de faire le tri entre ce qui relève de la référence lovecraftienne consciente… et de la mécanique passablement aseptisée du thriller pondu en atelier d’écriture (on y reviendra). À moins que cela ne fasse justement partie du jeu ?

 

Cela dit, en définitive, je tends à croire que, au-delà de la citation et des procédés techniques, c’est du côté des thématiques que le roman de Shaun Hamill affiche bel et bien une certaine parenté, si j’ose dire, avec Lovecraft. Car si le gentleman de Providence ne prisait guère les sentiments humains en littérature, il pouvait certes lui arriver, et assez régulièrement, de traiter pourtant de la famille – mais sous l’angle perverti de la généalogie morbide, de l’ascendance maudite et qui marque nécessairement de son empreinte funeste les générations suivantes, en guise d’héritage imposé sans bénéfice d’inventaire (ce qui est plutôt approprié, ici, pour le rapport de Noah à son père Harry). Si Une cosmologie de monstres, pour l’essentiel, ne fait pas vraiment dans le « Mythe de Cthulhu », et s’en tamponne en tout cas le coquillard des divinités extraterrestres indicibles et des cultes impies et non-euclidiens qui les révèrent, en revanche, dans son approche de la famille, il suscite de nombreux échos lovecraftiens – des textes comme, parmi ceux qui ont fourni les titres des parties du roman, « Le Monstre sur le seuil » (bis – en fait, le titre de cette nouvelle est sans doute le plus pertinent à l’égard du roman dans son ensemble ; oui, on gratouille à votre fenêtre en ce moment même, à défaut d’émettre des borborygmes aqueux) ou « La Maison maudite » (qui souligne l’ambiguïté fondamentale des murs dans lesquels demeurent et travaillent les Turner), mais aussi, en vrac, L’Affaire Charles Dexter Ward, « Les Rats dans les murs », « Le Festival », « Le Cauchemar d’Innsmouth », « Faits concernant feu Arthur Jermyn », « La Peur qui rôde »… C’est en fait un thème extrêmement fréquent, chez Lovecraft – et qui, oui, a éventuellement ses connotations génético-racistes, pour le coup absentes (eh) du roman de Shaun Hamill. Et ça, yep, c’est très bien fait, et ça fonctionne très bien – c’est là, pour moi, l’âme de cette histoire, et ce qui rend la référence lovecraftienne pertinente en définitive. Sans le supplément de tentacules – on s’en passe très bien.

 

Car il y a bien aussi, en dernier ressort, cette histoire d’un monde derrière le voile, qui permet enfin à l’horreur véritable et véritablement surnaturelle de s’immiscer dans le récit, mais ça me paraît à ce stade secondaire. Cela suscite certes quelques images plutôt fortes, mais probablement pas autant que la conclusion de Revival (donc) de Stephen King, dans un registre très proche – je relève au passage que cette dimension du roman de Shaun Hamill m’a beaucoup, beaucoup fait penser à la nouvelle « Waller », de Donald Tyson (dans l’anthologie lovecraftienne Black Wings III, éditée par S.T. Joshi), même si celle-ci joue à donf de la carte du grotesque en flirtant ouvertement avec le ridicule, là où Une cosmologie de monstres se veut à ce stade parfaitement sérieux, et joue davantage du pathos.

 

Reste à causer rapidement de la forme – et c’est lié, car l’émotion est au premier plan : dans l’ensemble, ouais, ça marche bien, très bien même, et on ressent véritablement les personnages des Turner, leurs sentiments, etc. Ils sont humains, authentiques, on est régulièrement amené à s’y identifier, bref, ils sont parfaitement pas lovecraftiens du tout, donc. On n’est pas à l’abri, cependant, de l’excès de pathos occasionnel – et, lors de certaines séquences, j’avais au fond du crâne ces putains de violons sirupeux, ou ces pas moins putains de ballades folk fades, que l’industrie cinématographico-télévisuelle américaine se sent obligée de nous balancer à la moindre « séquence émotion », ce que j’ai toujours trouvé excessivement pénible (oui, c’est de toi que je parle, calamiteux dernier épisode de The Haunting of Hill House – entre autres – beaucoup trop d’autres).

 

Mais, dans l’ensemble, oui, tout cela se lit très bien – c’est fluide, on tourne les pages sans y penser, on se rend compte un peu tard qu’on a prolongé le séjour chez les Turner jusqu’à une heure indécente et qu’il serait bien temps d’éteindre la lumière, ce genre de choses. Shaun Hamill écrit plutôt bien, son traducteur Benoît Domis aussi, en tout cas ça coule tout seul.

 

Maintenant, ici, Une cosmologie de monstres a peut-être les défauts de ses qualités… Il y a cette critique qui revient de temps en temps, et qui, de tel ou tel texte, consistera à dire : « C’est un pur produit formaté des ateliers d’écriture à l’américaine. » Et cette critique me laisse plus qu’à mon tour perplexe. Mais là… Ouais. Là, ouais. Grave. De fait, Shaun Hamill a bien travaillé son roman en atelier, et s’étend copieusement à ce sujet dans les remerciements d’usage en fin d’ouvrage. Et, pour le coup, ça se sent. Ça fonctionne, oui, c’est très pro pour un premier roman, mais, justement, ça l’est peut-être un peu trop. Parce que, du coup, ça a quelque chose d’un peu mécanique parfois, d’un peu fade trop souvent, car finalement assez convenu… Lovecraft, si décrié pour son adjectivite et compagnie, avait néanmoins un style qui lui était propre, comme le relevait très justement Le Terrible Michou.

 

Cela dit, en faisant la part des choses, oui, Une cosmologie de monstres est un bon roman, et se lit très bien. Vraiment très bien. C’est bien fait, c’est réfléchi, ça touche, bref, ça fonctionne. Ça n’est pas un chef-d’œuvre. Ça ne mérite probablement pas tout ce battage événementiel. Mais c’est bien – au-dessus du lot à n’en pas douter. Une lecture recommandable, donc, à condition de ne pas trop en attendre non plus : Shaun Hamill n’est pas le messie, avec ou sans tentacules.

Voir les commentaires

La Maison hantée, de Shirley Jackson / La Maison du Diable, de Robert Wise

Publié le par Nébal

 

 

JACKSON (Shirley), La Maison hantée, [The Haunting of Hill House], traduit de l’anglais (États-Unis) par Dominique Mols et révisé par Fabienne Duvigneau, Paris, Payot & Rivages, coll. Rivages/Noir, [1959, 1979] 2016, 269 p.

 

Titre : La Maison du diable

Titre original : The Haunting

Réalisateur : Robert Wise

Année : 1963

Pays : Royaume-Uni

Durée : 114 min.

Acteurs principaux : Julie Harris (Eleanor Lance), Claire Bloom (Theodora), Richard Johnson (Dr. John Markway), Russ Tamblyn (Luke Sanderson)…

Il faut croire que c’est mon moment Shirley Jackson ! De l’autrice, je n’avais lu jusqu’à présent (et beaucoup aimé) que le roman Nous avons toujours vécu au château. Mais Rivages a publié tout récemment un excellent recueil de nouvelles sous le titre La Loterie et autres contes noirs, que j’ai chroniqué pour Bifrost. Et j’en ai profité pour lire aussi La Maison hantée, une chose que je voulais faire depuis un bail, et dont j’avais causé il n’y a pas si longtemps en chroniquant la très, très libre adaptation en série The Haunting of Hill House, sur Netflix. Et, tant qu’à faire, je me suis dit que c’était une excellente occasion de revoir la superbe adaptation cinématographique qu’en avait livré Robert Wise en 1963, sous le titre The Haunting, ou, de par chez nous, La Maison du Diable (et, non, je n’ai pas jugé bon de voir le film réalisé par Jan de Bont en 1999, parce que bon). Cette chronique portera avant tout sur le roman de Shirley Jackson, mais avec quelques aperçus du film de Robert Wise.

 

À vrai dire, il me paraît particulièrement pertinent d’envisager les deux ensemble, car cela a des conséquences notables sur la définition même des deux œuvres – notamment au regard de la question du fantastique « psychologique ». Il est très tentant d’inscrire aussi bien le roman que le film dans ce registre, et je suppose qu’il n’y aurait rien d’outrancier à inscrire Shirley Jackson, ici, dans la filiation du Tour d’écrou de Henry James – outre que l’autrice a eu plusieurs fois recours au procédé emblématique du genre qu’est le narrateur non fiable, comme en témoignent le roman postérieur Nous avons toujours vécu au château, mais aussi certaines nouvelles de La Loterie et autres contes noirs. Ici, La Maison hantée se distingue tout de même, en n’ayant pas recours à la première personne, mais j’y reviendrai.

 

Quoi qu’il en soit, quand Robert Wise et son scénariste Nelson Gidding ont développé le projet d’adaptation cinématographique, ils ont dérivé du roman une lecture particulièrement orientée dans cette optique – l’idée avait même été évoquée de rendre plus explicite ce traitement, en « révélant » que l’héroïne était internée dans un hôpital psychiatrique, que ses compagnons étaient des soignants ou des patients, ce genre de choses ; finalement, le film n’est pas allé jusque-là, et c’est sans doute tant mieux, car il a pu dès lors jouer avec bien plus de pertinence sur l’incertitude permanente. Mais les deux hommes voulaient en discuter avec Shirley Jackson : à ce qu’il semblerait, l’autrice aurait trouvé que le traitement psychologique de son roman était une bonne idée – mais que, à ses yeux, le roman qu’elle avait écrit était « objectivement surnaturel ». Et ces développements peuvent surprendre, peut-être – car, lisant le roman puis revoyant le film, j’avais à vrai dire tendance à juger le premier plus « psychologique » que le second… outre que mes autres lectures de Shirley Jackson ne jouaient que très exceptionnellement du surnaturel.

 

Essayons de résumer l’histoire – en mettant de manière générale le roman en avant (et en relevant que, pour quelque raison, les noms des personnages varient parfois entre le livre et le film). Hill House est une riche demeure très fantasque sise dans un coin paumé de Nouvelle-Angleterre (Lovecraft approved), le caprice d’un riche industriel « victorien » du nom de Hugh Crain – et il s’y est passé bien des choses étranges et morbides… Hill House n’a pas manqué de développer la réputation d’être une maisons hantée.

 

Ce qui suscite l’intérêt du Dr. John Montague (le Dr. John Markway dans le film, où il est campé par Richard Johnson), un scientifique un peu hétérodoxe qui souhaite apporter la preuve de l’existence du surnaturel. Il obtient des propriétaires de Hill House la permission de louer la vieille bâtisse pendant quelques semaines, pour y habiter avec son équipe d’ « experts » triés sur le volet ; les propriétaires lui imposent cependant la compagnie de Luke Sanderson (incarné par Russ Tamblyn dans le film), un jeune homme de leur famille (à leur corps défendant…) qui doit hériter un jour de Hill House, et veillera donc à ce qu’on n’y fasse pas n’importe quoi ; mais sa réputation est plutôt douteuse – celle d’un petit escroc, disons (dans le livre, c’est un personnage spirituel et à vrai dire plutôt charmeur, même si la romancière nous a mis en garde contre ses impostures, ce qui biaise forcément le regard du lecteur d’une manière très amusante ; dans le film, disons-le, c’est un imbécile et un lâche, un matérialiste au sens le plus vulgaire du terme…).

 

Mais, des « experts » contactés par le Dr. Montague, seuls deux, finalement, ont répondu à l’appel – deux jeunes femmes que tout oppose. Il y a tout d’abord Theodora, ou Theo – car elle se fait un point d’honneur de ne pas porter de patronyme (elle est jouée par Claire Bloom dans le film – qui porte des vêtements spécialement conçus par Mary Quant, ce qui contribue à la distinguer de tous les autres). La très « libre » et jolie demoiselle, à la langue acérée, est supposée bénéficier de dons de perception extrasensorielle – à moins bien sûr qu’elle ne soit qu’extrêmement perspicace. Il me paraît utile de relever une chose : ni le roman, ni le film, n’en font des caisses à ce sujet, mais tous deux font plus que suggérer qu’elle est lesbienne (ou bisexuelle, peut-être, le roman du moins semble plutôt pointer dans cette direction) – ce qui n’était peut-être pas très courant dans la littérature (populaire ?) ou le cinéma de l’époque, du moins dès l’instant qu’il ne s’agissait pas d’en dériver des « antagonistes » caricaturaux. Et ce trait n’est pas gratuit, car il joue un rôle non négligeable dans les relations entre les deux personnages féminins principaux de cette histoire, mais tout autant celles qu’elles entretiennent avec leurs deux comparses masculins. Une anecdote au passage : si le film ne laisse donc guère de place au doute quant à l’orientation sexuelle de Theo (la série Netflix toute récente pouvait bien sûr se montrer autrement explicite, autres temps, autres mœurs), il semblerait toutefois que la production aurait « incité » Wise et Gidding à limiter autant que possible les occasions de « contact physique » entre les deux femmes ; j’avoue ne pas trop savoir qu’en penser, car il y en a tout de même quelques exemples dans le film…

 

Mais passons à l’autre jeune femme – qui s’avère en fait « l’héroïne » de cette histoire : Eleanor Vance (Eleanor Lance dans le film – où c’est Julie Harris qui joue son rôle). Si Theo est flamboyante, excentrique, très consciente de sa beauté, Eleanor, ou Nell, est discrète, effacée, timide, horriblement mal à l’aise en société à vrai dire, et une collection de névroses. Il y a peu encore, elle vivait avec sa vieille mère, sacrifiant « ses plus belles années » pour l’assister au quotidien – mais la vieille peau, qu’elle en était venue à exécrer, est morte il y a peu, et Eleanor n’a pas encore digéré ce bouleversement de sa situation (et sa responsabilité éventuelle dans tout ça). L’invitation du Dr. Montague (car, enfant, elle aurait été très liée à un phénomène de poltergeist) lui fait l’effet d’une délivrance – des vacances, enfin ! Après s’être accrochée avec sa très condescendante sœur et le mari de cette dernière, Nell fuit avec sa (pour moitié) voiture, et se rend à Hill House.

 

Là-bas, ces quatre personnages (Montague, Luke, Theo et Eleanor) découvrent une bâtisse totalement folle et proprement hideuse à force de surcharges rococo ou néo-gothiques – un mauvais caprice architectural conçu selon des angles étranges, un vrai labyrinthe, dont les portes se ferment toutes seules, certains endroits étant traversés par de glaçants courants d’air, etc. Mais le petit groupe s’installe, et le Dr. Montague détaille l’histoire de la demeure, ses intentions quant à ce séjour, et la méthode scientifique qu’il entend mettre en œuvre.

 

Mais Hill House est une maison décidément étrange – et à la hauteur de sa réputation de hantise. Des phénomènes toujours plus étranges se produisent… Mais sont-ils vraiment le fait de la maison ? Ici, le roman comme le film, mais à des degrés divers et selon des procédés qui leur sont parfois propres, sèment le doute. Bon nombre de ces apparitions étranges, ces manifestations souvent sonores par exemple, semblent être « objectives », dans la mesure où plusieurs personnages y assistent en même temps. À ce compte-là, la maison pourrait effectivement en être responsable – et devrait de toute façon être envisagée comme un personnage elle aussi, dans une ronde de relations complexes entre les psychés si différentes des deux hommes, des deux femmes et de leur résidence temporaire. La maison contamine ses antagonistes, éventuellement au point de la possession dans le cas d’Eleanor.

 

Seulement, le cas d’Eleanor doit être singularisé – car la jeune femme, très anxieuse, entretient d’emblée une relation très particulière avec Hill House, jusqu’à ce que l’horreur architecturale devienne « chez elle ». C’est que Nell, avec toutes ses névroses, est un personnage assurément peu fiable... Eleanor est possédée par un puissant désir de susciter l’attention, et dévorée par un besoin maladif d’amour, y compris, mais pas seulement, au sens de ses romances rêvées, essentiellement avec Luke dans le livre, et plutôt le très attentif et réconfortant Dr. Markway dans le film – là où le Dr Montague est autrement plus distant : lui ne demande jamais à ce qu’on l’appelle simplement « John », il tient à son titre, et cela rejaillit sur son épouse, comme on le verra… Mais, dans les deux cas, une chose est certaine, qui est que la présence de Theo vient parasiter le bovarysme de Nell. Dont les soucis vont bien au-delà : ses remords quant au sort de sa vieille mère, ses rancunes envers sa sœur et son beau-frère, bien d’autres choses encore, tout cela se combine pour fausser le jugement de la jeune femme, et l’incite à de menus mensonges, qui prennent parfois des dimensions inattendues. Eleanor ment (sur son appartement, notamment), à ses interlocuteurs, mais elle se ment aussi à elle-même, aussi ses voix intérieures en viennent-elles en définitive à mentir au lecteur/spectateur – qui le perçoit bien, et subit de la sorte quelque chose comme un malaise intime, qui renforce l’identification pour le personnage tout en la rendant plus problématique et gênante à chaque page (ou scène, car cette ambiguïté vaut tout autant pour le film). Si Hill House contamine ses résidents et au premier chef Eleanor, celle-ci, ses fantasmes (si l’on ose dire), ses mesquineries, ses espoirs forcément déçus, ses remords, tout cela contamine le récit et en définitive le lecteur/spectateur. À la différence notamment de Nous avons toujours vécu au château, La Maison hantée n’est pas un roman à la première personne – mais le point de vue d’Eleanor, même à la troisième personne, produit un effet parfaitement comparable, et peut-être en fait d’autant plus saisissant, de narrateur non fiable.

 

D’autant que cette éventualité est envisagée par les personnages eux-mêmes, et jusqu'à Eleanor : dans le roman comme dans le film, elle plaisante avec le Dr. Montague/Markway – peut-être tout cela n’est-il que dans sa tête, peut-être même le Dr. Montague, Theo et Luke ne sont-ils que des inventions de son esprit malade ? Elle dit cela avec le sourire, mais le scientifique ne goûte pas exactement la plaisanterie : si Eleanor développe ce genre d’idées, il vaudrait mieux, pour tous, y compris elle-même, qu’elle quitte Hill House au plus vite…

 

Mais cette ambiguïté n’est pas qu’un tour de passe-passe essentiellement ludique, si cette dimension est sans doute présente – car elle relève en même temps d’un profond malaise, intimement ressenti. Et, cette fois, ce ressenti un peu nauséeux est probablement davantage mis en avant dans le roman. Ce qui n’est pas si étonnant – du moins à en juger par mes autres lectures de Shirley Jackson : ce malaise, intime ou au cœur des relations sociales, est à certains égards comme une marque de fabrique, et en même temps bien davantage, car c’est tout sauf un artifice creux. Le contexte de la maison hantée y incite – et notamment sa dimension de huis-clos, pourtant moins accentuée dans le roman (où plusieurs séquences, et parfois très importantes, se déroulent dans le parc – dans le film, on s’aventure rarement au-delà de la façade de Hill House, tout au plus Eleanor cherche-t-elle l’angle le plus approprié pour observer du dehors la tour de la bibliothèque, mais le parc, en tout cas, est hors-concours… sauf, bien sûr, dans les déplacements en voiture au début et à la fin du film). Quoi qu’il en soit, tout l’art de Shirley Jackson s’exprime dans les relations forcément un peu tendues, voire plus que cela, entre les quatre protagonistes principaux (et quelques autres) : tous leurs échanges sont chargés d’insinuations cruelles (la très perceptive Theo, surtout, étant une orfèvre en la matière – Luke aussi mais de manière moins affirmée, davantage entre deux eaux), de non-dits, de menaces voilées, d’ententes de circonstances, d’accusations blessantes, etc. Et le tableau est probablement plus noir dans le roman, qui souligne tout ce que cette cohabitation forcée, fantômes ou pas, a de malaisant…

 

Ce qui redouble à vrai dire le caractère tragique de cette histoire, qui ne fait bientôt guère de doute. Les hésitations du Dr. Markway, plus prononcées que celles du Dr. Montague, accentuent à vrai dire cette dimension dans le film. Mais l’identification douloureuse avec Eleanor, dans tous les cas, pèse sur le lecteur/spectateur – et il n’était sans doute pas si évident de forcer un ressenti aussi intime sur la base d’un personnage présenté d’emblée comme étant « sévèrement perturbé ».

 

Il y a cependant un point sur lequel, je crois, le roman et le film diffèrent assez profondément – et c’est que le livre de Shirley Jackson « relâche » un peu la tension de temps à autre, avec quelques moments humoristiques, qui parviennent pourtant à ne pas dénaturer le récit de manière contradictoire. Les reparties spirituelles de Luke (dans le roman seulement) et de Theo y participent, mais l’autrice en rajoute, de manière à vrai dire tout à fait jubilatoire, au travers de personnages secondaires : tout d’abord, les Dudley, le couple qui entretient Hill House – les menaces de Mr Dudley, sorte de bully bouseux qui en a visiblement après « ceux de la ville », inquiètent tout d’abord, mais le complément apporté par son épouse suscite bientôt le rire nerveux : Mrs. Dudley est un disque rayé, un robot qui répète toujours les mêmes phrases, concernant son emploi du temps rigide, ou l’assurance que personne ne pourra venir au secours des occupants de Hill House « in the night… in the dark... » ; le film choisit là encore de renforcer le côté inquiétant de ce comportement – le sourire de Mrs. Dudley a de quoi glacer le sang ! Même si la situation est assurément assez grotesque pour susciter un rire nerveux. Mais le roman est plus léger, ici, et franchement drôle.

 

Mais le contraste à cet égard est surtout marqué plus loin dans le récit, à un moment où le roman et le film divergent de manière particulièrement franche (là où, jusqu’alors, l’adaptation était globalement fidèle, si le film donne une impression de narration davantage condensée et précipite résolument les événements inquiétants dans Hill House). En effet, au bout d’un certain temps, dans le roman, deux personnages viennent compléter le petit groupe des résidents de Hill House : l’épouse de Montague, un dragon et une haïssable bourgeoise incroyablement hautaine, et son « compagnon », qu’on devine être une sorte d’amant serviable, même pas dissimulé mais tout bonnement imposé au bon docteur quoi qu’il en pense, un imbécile ridicule du nom d’Arthur Parker. Mrs. Montague humilie dès que possible son époux, c’est visiblement elle qui porte la culotte, comme on dit étrangement, et elle s’impose dans l’expérience scientifique – qu’elle prétend gérer de manière bien plus efficace, car Madame se pique d’être une spirite, communiquant avec les défunts au travers d’une planche oui-ja… Et elle obtient forcément des résultats, à la hauteur de sa personne et de sa science : parfaitement grotesques. L’irruption de ces deux intrus, dans le roman, produit des scènes très drôles – mais c’est là encore un sacré témoignage de l’art consommé de Shirley Jackson de ce que ces variations dans le sentiment d’oppression ne contreviennent pas à la cohérence du récit, et même, d’une certaine manière, renforcent le malaise qui sourd toujours sous les incongruités de Mrs Montague et de son « ami », a fortiori telles qu’elles sont perçues et interprétées par Eleanor.

 

Ici, le film se montre très différent : Mrs Markway seule débarque à Hill House, sans « compagnon » – et de manière totalement inopinée, là où l’arrivée de Mrs Montague, dans le roman, offrait un exceptionnel repère chronologique à des personnages qui ne savaient autrement plus où ils en étaient, pour avoir passé un certain temps déjà dans Hill House. Mrs Markway a ceci de commun avec Mrs Montague, que, quand elle arrive sur place, elle chapitre de manière assez humiliante son époux, sur le ton de maman qui gronde affectueusement (mais en public…) son petit garçon. Au-delà, les deux personnages sont drastiquement opposés – car là où Mrs Montague est une spirite de seconde zone, parfaitement ridicule, et d’autant plus horripilante, Mrs Markway est quant à elle une sceptique, toute dédiée à faire abandonner à son pauvre époux ses lubies de collégien qui a lu trop de romans… Ce qui l’amène par ailleurs à jouer un rôle plus prononcé dans le film, même avec très peu de présence à l’écran, car, par deux fois, elle est (involontairement) celle qui précipite la catastrophe – de manière sans doute un peu forcée, pour être honnête.

 

Ce vague souci mis à part, et quelques autres notamment dans l’introduction (le film choisit de montrer d’emblée l’histoire tragique de Hill House plutôt que de la faire raconter ultérieurement par le Dr. Markway – et les morts des deux Mrs Crain successives convainquent plus ou moins, si j’aime beaucoup, dans le second cas, cette caméra qui tombe brutalement au sol, à l’envers…), l’adaptation réalisée par Robert Wise est une immense réussite – et demeure un des plus grands films de l’histoire du cinéma fantastique, et aussi, étrangement ou pas, 56 ans plus tard, un des plus effrayants… probablement bien davantage que le livre, à vrai dire.

 

Là où le cinéma fantastique de l’époque, via la Hammer, Amicus ou Roger Corman, prisait le flamboiement des couleurs et les brumes gothiques, Wise, qui avait exigé de tourner en noir et blanc (et à bon droit : c’est un très beau noir et blanc), avait probablement d’autres références en tête, plus sobres : le cinéma fantastique à petit budget et essentiellement allusif de Jacques Tourneur et Val Lewton (notons d’ailleurs que le premier film de Robert Wise en tant que réalisateur, The Curse of the Cat People – que je n’ai pas vu, hein –, était une suite à La Féline, et produite par ledit Val Lewton…). En même temps, la manière de filmer Hill House, pour le coup suffisamment dégoulinante pour être gothique, tendait à jouer des angles incongrus dans une perspective renvoyant probablement davantage à l’expressionnisme allemand, je suppose. Et avec succès là encore : la bâtisse est indiciblement mais indéniablement menaçante – ce qui contribue là encore à en faire un personnage à part entière de cette histoire.

 

Pour ce qui est des autres personnages, le casting s’est avéré plus que concluant : Richard Johnson compose un Dr. Markway un peu grotesque, mais en même temps bien plus sympathique, car empathique, que le Dr. Montague dans le roman ; Russ Tamblyn est parfait dans le rôle de ce petit con de Luke ; la très jolie Claire Bloom, avec ses tenues singulières, est idéale en Theo – et, bien sûr, Julie Harris porte une bonne partie du film sur ses épaules, en interprétant remarquablement une Eleanor fragile et perturbée, qui suscite tour à tour voire en même temps la compassion et… un sacré embarras.

 

Et c’est merveilleux de constater à quel point ce film, aujourd’hui encore, peut se montrer effrayant – et, à la Tourneur/Lewton, sans débauche d’effets spéciaux. Pour l’essentiel, Robert Wise fait appel au son : le « boum… boum… boum... » qui résonne dans le couloir et terrifie Theo et Nell en est un exemple saisissant, mais tout autant cette autre scène où un visage apparaît dans les frises du mur, tandis qu’Eleanor terrorisée entend comme les geignements d’un enfant sous les marmonnements d’un homme, dont on hésite à supposer qu’il chante, là où le contexte laisse plutôt supposer qu’il récite sur le mode de la litanie quelque passage de la bible destiné à terrifier sa pauvre fille, cette litanie évoquant bien plutôt de la sorte quelque rituel satanique… Rare effet visuel, il faut aussi mentionner cette très oppressante séquence qui voit les murs et les portes de Hill House gonfler et se dégonfler, comme au travers d’une respiration – un effet qui aurait pu se montrer risible dans bien des circonstances, mais s’avère ici incroyablement juste et efficace.

 

Mais les autres effets visuels du film tiennent uniquement au maniement de la caméra – et Wise est virtuose, tentant des choses très audacieuses, comme cette chute de la caméra mentionnée plus haut, ou son déplacement félin et en même temps vertigineux dans les marches de tel ou tel escalier, notamment celui de la tour. Les jeux d’ombre et de lumière sont bien sûr très travaillés, qui alternent la pleine lumière dans les pièces saturées au point d’en être hideuses qui forment l’essentiel de Hill House, et des ombres qui peuvent renvoyer aussi bien, et de manière très cohérente, aux menaces impalpables qui rôdent entre les murs de Hill House… et à la psyché torturée d’une Eleanor qui entre en symbiose maladive avec l’abjecte demeure. Le montage très sec, avec des cuts brutaux, est une technique récurrente dans le film quand survient l'horreur, mais, en d’autres occasions, Robert Wise a su concocter des plans-séquences remarquables et parfois même virtuoses – souvent en jouant des miroirs, et parfois des « espaces » laissés dans le décor, ainsi quand Eleanor danse devant l’horrible statue de la famille Crain, et que ses pas sont entrevus sous l’aisselle du vieil industriel, ou à hauteur des yeux de la pauvre petite Abigail – en même temps sous le regard austère de « la compagne » de ses vieux jours, que tous tendent à identifier avec Eleanor…

 

Oui, le film de Wise est un chef-d’oeuvre – à la hauteur du roman de Shirley Jackson, et pourtant en s’en démarquant sur un certain nombre de points non négligeables. La Maison hantée vaut assurément d’être lue encore aujourd’hui, de même que La Maison du diable vaut toujours d’être vue ; les deux conservent leur supériorité sur les tentatives ultérieures de broder sur l’un comme sur l’autre – mis à part le scandaleux dernier épisode, The Haunting of Hill House, la série Netflix, était plutôt une réussite, mais, de toute évidence, avec Shirley Jackson comme avec Robert Wise, nous sommes dans la catégorie au-dessus.

 

Bien au-dessus.

Voir les commentaires

Les Montagnes Hallucinées, t. 2, de Gou Tanabe

Publié le par Nébal

Les Montagnes Hallucinées, t. 2, de Gou Tanabe

TANABE Gou, Les Chefs-d’œuvre de Lovecraft : Les Montagnes Hallucinées, t. 2, [Kyôki no Sanmyaku Nite Lovecraft Kessakushû 狂気の山脈にてラヴクラフト傑作集 vol. 3&4], [d’après une nouvelle de Howard Phillips Lovecraft], traduction [du japonais par] Sylvain Chollet, [s.l.], Ki-oon, [2017] 2019, 336 p.

Attention, il y aura plein de SPOILERS !!!

 

Suite et fin de la sublime adaptation par Tanabe Gou des Montagnes Hallucinées de Lovecraft, avec un deuxième volume probablement encore plus bluffant que le premier – et toujours dans un aussi bel écrin, avec son simili cuir souple, la bonne idée que voilà (à noter au passage, ce second tome est un peu plus long que le premier, d’une cinquantaine de pages).

 

Quand le Pr Dyer et, avec lui, le gros de l’expédition antarctique de l’Université Miskatonic, sont arrivés au camp avancé du Pr Lake, au pied de ces colossales montagnes noires qui constituaient déjà une découverte exceptionnelle, ils ont trouvé une scène effroyable : le camp ravagé, les hommes et les chiens morts et mutilés… et les étranges créatures extraites de la glace disparues. Qu’est-ce qui a bien pu se produire ? La stupéfaction règne – l’angoisse, aussi. Mais la curiosité scientifique demeure – en outre, nos savants constatent qu’il manque un cadavre, celui de Gedney, un doctorant qui assistait le Pr Lake : il pourrait avoir survécu, et permettre de comprendre ce qui s’est passé au juste ! Mais comment retrouver sa trace ? À vrai dire, on est en droit de se demander si le sort de Gedney préoccupe tant que cela le Pr Dyer, quand il décide de partir en avion, accompagné seulement de son assistant, Danforth, pour franchir la passe et découvrir ce qui se trouve au-delà des montagnes…

 

Même s’il s’agira bien d’y trouver une explication au mystère du massacre au camp de Lake : une fois la passe franchie, c’est toute une cité titanesque (ou tentaculaire) qu’ils voient – une cité qui n’a de toute évidence pas été bâtie par des hommes. Ce qui nous vaut de ces doubles planches panoramiques ahurissantes, Tanabe Gou sachant à merveille retranscrire la démesure non humaine de cette mégalopole par essence cyclopéenne. L’avion se pose, et les deux scientifiques se mettent à parcourir cet environnement totalement fou, en quête de réponses… peut-être pas tant sur le sort de Gedney, ou ce qui s’est passé au camp de Lake, plutôt concernant l’histoire préhumaine de la Terre – et le caractère profondément dérisoire de l’humanité au regard du temps et de l’espace.

 

Dès lors, la où le premier tome mettait en scène toute une troupe de scientifiques agissant avec méthode, ce second volume, pour l’essentiel, se focalise sur deux personnages seulement, Dyer et Danforth – lesquels sont emportés par une pulsion de curiosité presque pathologique, où l’intérêt scientifique, la fascination métaphysique et la terreur pure se mêlent sans cesse. Et, à vrai dire, si nos « héros » demeurent des chercheurs avides de savoir, et si le récit se fait l’écho de découvertes scientifiques récentes (notamment la dérive des continents, selon Wegener, hypothèse avancée quelques années plus tôt mais qui ne serait totalement acceptée que bien plus tard), la science ne joue à ce stade plus le même rôle central que dans le premier tome – la transition entre ces deux parties étant par ailleurs remarquablement bien conçue. C’est que la science, cette fois, n’offre pas vraiment de réponses – elle botte en touche, d’une certaine manière, car ce que découvrent Dyer et Danforth dans la cité invalide trop de données censément « acquises », car bien trop centrées sur l'homme.

 

Mais, oui, la quête du savoir persiste – qui motive Dyer, surtout, et en dépit du bon sens ; là où le jeune Danforth, amateur de Poe, a bien conscience de ce qu’une menace inconnue rôde dans la cité, Dyer, lui, n’en tient pas compte – il lui faut toujours avancer un peu plus, ils ne sauraient repartir avant d’avoir jeté un œil à la pièce suivante, puis à la suivante, puis à la suivante, etc., c’est sans fin. Or il est vrai que les parois des couloirs et des plus grandes pièces abondent en révélations stupéfiantes, qui produisent sur le lecteur aussi bien que sur Dyer et Danforth cette sensation de « sense of wonder » trituré par Lovecraft, qui associe en vérité l’émerveillement scientifique à la terreur pure, la fascination faisant office de passerelle entre ces deux ressentis.

 

Car, comme dans le roman de Lovecraft, les frises instruisent nos explorateurs de toute l’histoire (et même de la société !) des « Anciens ». Or c’est à la fois un élément déterminant du récit, et quelque chose d’un peu problématique dans sa structure – on a du mal à croire que Dyer et Danforth puissent en apprendre autant en quelques heures seulement d’exploration, au rayon d’une lampe torche, et sans maîtriser l’écriture hiéroglyphique ou peut-être plutôt cunéiforme des bâtisseurs de la cité… Et c’est aussi un aspect de la narration qui peut paraître intimidant à mettre en scène.

 

Pourtant, là encore, Tanabe Gou a fait le choix de la fidélité, et s’attarde donc, le long de trois chapitres, à mettre en scène ces découvertes hallucinantes. Et le résultat… est tout bonnement bluffant. Je ne vais pas revenir dans les détails, ici, de ce qu’est, ou n’est pas, « l’indicible lovecraftien », tout spécialement au regard des Montagnes Hallucinées, je me suis étendu à ce sujet, entre autres, en chroniquant le premier tome de cette adaptation, qui s’y prêtait bien. Mais, dans ce deuxième volume, l’éventuelle ambiguïté à cet égard n’est clairement plus de mise : si ce qui nous est montré demeure essentiellement incompréhensible ou peu s'en faut, les monstres indicibles sont néanmoins en pleine lumière, car ce sont eux-mêmes qui racontent leur propre histoire, centrée sur eux et non sur l’humanité – laquelle s’avère bien être une de leurs créations périphériques, une fantaisie de peu d’importance, conçue par erreur ou par jeu… Et le mangaka en tire le meilleur parti, livrant des planches bluffantes, résolument non humaines, qui peuvent évoquer les gravures d’un Gustave Doré, celles de La Divine Comédie de Dante notamment, ou peut-être aussi, dans la profusion des détails surréalistes, les tableaux de Jérôme Bosch, et sans doute d’autres prestigieux noms encore. Tout spécialement, peut-être, quand le récit de la gloire et de la décadence des Anciens se pare d’atours épiques, en rapportant les guerres apocalyptiques qui les opposent aux rejetons de Cthulhu, puis aux Mi-Go, enfin… à leurs esclaves que sont les Shoggoths, qui prennent le relais de leurs anciens maîtres, et rapportent en définitive les faits à leur manière bien différente.

 

Un autre point appréciable de l’adaptation de Tanabe Gou est que, dans ces passages, mais aussi dans d’autres qui suivent, il a su rendre la dimension étrangement (ou pas) utopique de la description de l’univers antédiluvien des Anciens : ceux-ci ne sont pas simplement « des monstres », mais ils ont développé une civilisation brillante et qui devrait susciter, aux yeux d’un scientifique, l’admiration au moins autant et peut-être plus que l’effroi – si celui-ci persiste du fait de la requalification brutale de l’humanité que la découverte de cette histoire implique.

 

D’ailleurs, Tanabe Gou négocie plutôt bien à cet égard un autre passage périlleux du court roman de Lovecraft, quand Dyer, même en ayant bien en tête le sort de ses compagnons au camp de Lake, puis du « pauvre Gedney », fait cet aveu un peu naïf dans la forme, de ce que les « Anciens » sont d’une certaine manière des « humains »…

 

Et notamment en ce qu’ils sont aussi des victimes – de leurs propres créations, autant dire de leurs propres torts : les Shoggoths. Parce que Tanabe Gou a su aussi brillamment mettre en scène la gloire des Anciens, leur sort aux mains de leurs esclaves protoplasmiques peut toucher le lecteur comme Dyer et Danforth – et la vision de ces êtres décapités produit bel et bien, d’une certaine manière, un effet comparable à celui de la découverte des humains et des chiens mutilés dans le camp de Lake, par ces mêmes créatures.

 

Mais, oui, si l’horreur revient en force dans les derniers chapitres, c’est bien via les Shoggoths – ces monstres d’aspect fluctuant et indiscernable, ces masses changeantes et proprement indicibles. Mais parce que Tanabe Gou a su « montrer » les Anciens et leurs adversaires, il peut enfin montrer les Shoggoths – et, là encore, mêler la fascination et l’effroi, dans le ressenti de Dyer et Danforth comme dans celui du lecteur. Au point à vrai dire d’une séquence assez improbable, et qui aurait pu se montrer grotesque en d’autres circonstances, où l’on a l’impression… d’un arrêt sur image ? « Freeze », ce qui est approprié pour un récit en Antarctique… Quoi qu’il en soit, Dyer et Danforth fuient… mais en définitive se retournent pour voir ce qui les poursuit – ils « bloquent », comme le lecteur.

 

Et c’est peut-être ici que Danforth sombre dans la folie. Laquelle atteindra cependant une étape supplémentaire quand les deux explorateurs, parvenus tant bien que mal à quitter la cité et à retrouver la lumière du jour, montent dans leur avion et ont encore à franchir la passe qui les ramènera auprès des autres survivants de l’expédition de l’Université Miskatonic. Lors de ce vol tumultueux, Danforth voit… quelque chose. Mais, comme dans le roman de Lovecraft, l’adaptation par Tanabe Gou joue à nouveau ici, et à plein, de l’ambiguïté, après avoir tant montré (et de manière pertinente) au long de ce deuxième volume : ce que voit Danforth demeure cette fois insaisissable, indicible ; le dessin comme le récit autorisent bien des hypothèses, mais, cette fois, en dernier ressort, nous ne savons pas.

 

Et c’est terrible.

 

La bande dessinée s’achève sur un épilogue à Arkham, où Dyer évoque la folie de Danforth, et, surtout, fait le choix de raconter son histoire, mais en privé, pour dissuader l’expédition Starkweather-Moore de se rendre à nouveau dans cet endroit effroyable au bout du monde, abondant en révélations que l’humanité n’est à ce stade tout simplement pas en mesure d’encaisser… Peine perdue ? La suite, pour les rôlistes, ce sera Par-delà les Montagnes Hallucinées

 

Et… Oui, c’est bluffant. Tanabe Gou a réussi son pari, haut la main. Son adaptation des Montagnes Hallucinées est tout bonnement brillante, peu ou prou parfaite – très fidèle, par ailleurs, mais surtout très juste, fond et forme, parfaitement dans le ton. Si j’avais une seule petite, infinitésimale, réserve, au regard du dessin, ce serait encore une fois à propos de ces regards perpétuellement fous qui caractérisent… eh bien, à peu près tous les personnages humains. Cela dit, dans ce tome 2, le trop caricatural Pr Lake n’est plus de mise, et les découvertes stupéfiantes dans la cité des Anciens justifient sans doute le regard exorbité de Dyer – et que celui de Danforth soit de plus en plus fou au fur et à mesure de leur pérégrination. Mais c’est une critique bien dérisoire de toute façon…

 

Oui, Tanabe Gou a vraiment livré un travail exceptionnel. Cette brillante adaptation des Montagnes Hallucinées le hisse sans peine au niveau des meilleurs illustrateurs de Lovecraft – disons-le : au niveau de Breccia ; ils sont désormais deux tout en haut de la pyramide (cyclopéenne).

 

À cet égard, ce deuxième volume est à vrai dire probablement plus bluffant encore que le premier, ce qui n'était pas gagné, au regard des difficultés que présente le récit lovecraftien dans sa seconde moitié.

 

C’est peu dire que Tanabe Gou a progressé depuis sa première adaptation lovecraftienne, The Outsider

 

Et maintenant ? Maintenant, j’espèce que Ki-oon nous livrera la suite – les autres adaptations lovecraftiennes de Tanabe Gou. Le titre complet de cette édition, soit Les Chefs-d’œuvre de Lovecraft, semble laisser entendre que ça sera bien le cas – outre que, pour ce que j’en ai lu ici ou là, le premier volume des Montagnes Hallucinées a vraiment très bien marché, séduisant la critique comme le public, au point de rendre nécessaire une réimpression précoce. J’ai entrevu quelque part une rumeur évoquant Dans l’abîme du temps ? Je ne sais pas quel crédit il faut y accorder, mais, vraiment, j’espère de tout cœur que Ki-oon poursuivra dans cette voie – et on peut bien remercier l’éditeur pour ce choix et la qualité de cette édition française. C’est tout simplement parfait.

Voir les commentaires

Blame! Deluxe, t. 2, de Tsutomu Nihei

Publié le par Nébal

Blame! Deluxe, t. 2, de Tsutomu Nihei

NIHEI Tsutomu, Blame! Deluxe, t. 2, [Buramu! ブラム!], traduction [du japonais par] Yohan Leclerc, Grenoble, Glénat, coll. Seinen Manga, [1998-2003, 2015] 2019, 373 p.

Retour à Blame!, le manga culte de Nihei Tsutomu, dans sa récente réédition « Deluxe » chez Glénat – avec ce grand format si appréciable pour s’immerger totalement dans les planches virtuoses dépeignant la Mégastructure. Plus précisément avec le tome 2 (sur six prévus), sachant que le tome 3 sortira en principe dans une dizaine de jours.

 

Le premier volume m’avait collé une sacrée baffe – en même temps qu’il m’avait déstabilisé, ce qui, généralement, est plutôt une bonne chose. Le dessin tout en effet d’échelles, la narration mutique, l’absence de scènes d’exposition de quelque ordre que ce soit, tout cela contribuait à rendre ce tome 1 passablement cryptique – et une deuxième lecture s’était avérée précieuse pour ordonner un peu tout ça.

 

Ce trait caractéristique demeure dans le tome 2, mais sur un mode un chouia atténué : l’environnement comme le périple de Killee sont toujours plutôt obscurs, ou hermétiques, mais, avec la longue mise en place du premier tome, certains aspects, sans certes devenir limpides pour autant, sont désormais au moins vaguement de l’ordre du compréhensible.

 

Je suppose que cela doit beaucoup à ce que ce tome 2 est beaucoup moins elliptique que le premier. En effet, là où celui-ci consistait essentiellement en séquences juxtaposées sans vrai liant, avec des rencontres de passage qui ne se prolongeaient pas outre-mesure, une narration plus construite se dégage désormais, notamment du fait que Killee n’arpente plus seul les niveaux interminables de la Mégastructure : à la fin du premier volume, en effet, Killee a fait la rencontre de Shibo, une scientifique au passé un peu trouble (forcément) : le périple n’est dès lors plus solitaire, car les deux personnages voyagent désormais ensemble – et, si Killee demeure essentiellement taciturne, le simple fait d’avoir une compagne de voyage implique davantage de dialogues. La narration mutique du premier volume persiste dans les grandes lignes, mais sur un mode donc un tantinet atténué (les phylactères me paraissent à vue de nez au moins deux fois plus nombreux que dans le tome 1, qui était particulièrement extrême à cet égard). Et un troisième personnage les rejoint bientôt, Sanhakan, qui a ici un rôle de premier plan – et contribue largement, là encore, à faire basculer le récit, de la SF crasseuse et angoissante, à l’horreur pure et simple. Par ailleurs, et c’est lié, ce tome 2 commencera à dévoiler quelques éléments concernant la nature de Killee lui-même, ou son passé.

 

Et, enfin, les communautés rencontrées par les voyageurs ne sont plus nécessairement évacuées dans le sang et les explosions sitôt apparues. Killee et ses compagnes rencontrent ainsi un « village » dont les habitants sont de petite taille, et qui survivent tant bien que mal à proximité d’un immense chantier qui a pour eux quelque chose d’un mystère d’essence religieux. C’est que ces humains (?) ont oublié beaucoup de choses : ils ne savent plus fabriquer les redoutables armes qu’ils utilisent pour leur défense, des sortes de harpons, et ils ne savent pas lire les idéogrammes qui apparaissent çà et là à proximité des Industries : Shibo, elle, en est parfaitement capable, ce qui chamboule la vie de la communauté. On s’en doute cependant : cette révélation aura son coût, et l’utopie tant souhaitée, avec ses mystères, réclamera son lot de cadavres…

 

Mais cela tient aussi à ce que les conflits endémiques à la Mégastructure deviennent un tout petit peu moins hermétiques – car le tome 2 se montre ici plus formel, disons, que le tome 1. Deux factions (au moins – il y en a probablement une troisième) s’opposent en effet – de toute éternité ? Il y a, d’une part, l’Agence Gouvernementale, qui est intimement liée à la mystérieuse Netsphère – elle entend contenir la croissance folle de la Mégastructure, mais à besoin pour cela d’humains se connectant à la Netsphère en disposant des gènes adéquats – ce qui ne se produit tout simplement plus depuis longtemps à ce stade ; l’Agence gouvernementale est ainsi liée à la quête de Killee, à la poursuite de gènes d’accès réseau. Le problème, c’est que l’absence de ces gènes favorise la prolifération des Contre-Mesures attachées à la perpétuation de la Mégastructure et de sa croissance folle ; les objectifs des deux factions s’avèrent donc radicalement antagonistes, et irréconciliables ; or les humains sont pris entre les deux feux… ainsi que nos voyageurs.

 

Les Contre-Mesures sont clairement du côté de l'horreur. Pour autant, je crois que cette opposition fondamentale ne devrait peut-être pas être lue au prisme de l’eschatologie – les choses sont plus complexes que cela, et nos héros seront le meilleur vecteur de cette prise de conscience. Par ailleurs, la vie au sein de la Mégastructure n’est pas entièrement dépendante de cet affrontement, et, peut-être surtout, le développement de la Ville, via les Contre-Mesures mais aussi, de manière plus éloquente, via les titanesques Bâtisseurs (décidément très shoggoths en ce qui me concerne), le développement de la Ville donc ne saurait véritablement être envisagé selon une lecture d’ordre morale : c’est bel et bien toujours l’absurde qui domine, et il serait trop réducteur, je crois, de l’envisager sous un jour unilatéralement négatif, quand bien même il constitue à n’en pas douter un moteur essentiel du malaise, de l’angoisse, voire de l’horreur, qui suintent littéralement de ces pages.

 

J’imagine que certains lecteurs pourraient regretter que Nihei Tsutomu, dans ce tome 2, « explicite » un peu plus aussi bien son univers que ses personnages – une opinion qui se tiendrait parfaitement : l’abstraction absurde et elliptique du premier tome en constituait probablement une force, même si une deuxième lecture pouvait être dans l’ordre des choses pour vraiment apprécier ce que nous racontait l’auteur. Cependant, je crois quant à moi que Nihei a su « doser » ses révélations, tout en conservant l’ambiance hermétique du premier volume, et a ainsi atteint une forme d’équilibre que je trouve appréciable.

 

Mais, bien sûr, ce tome 2 de Blame! brille probablement surtout, ou en tout cas de manière plus immédiatement saisissante, par son graphisme tout bonnement exceptionnel. La Mégastructure est toujours aussi bluffante dans sa démesure, d’autant que les Industries mystérieuses que tentent d’explorer les personnages permettent d’en rajouter une couche, là encore dans les effets d’échelle, mais aussi d’autres manières, par exemple en jouant sur la gravité – et on pense plus que jamais à Escher. Mais il faut aussi prendre en compte ces créatures toutes plus étranges que les autres, dont la nature biomécanique renvoie plus que jamais à Giger outre Mœbius (et à Clive Barker en prose – avec aussi un peu de Lovecraft, décidément). La démesure est là aussi de la partie, qui produit des planches hallucinées et hallucinantes, que le grand format de cette réédition « Deluxe » sublime de manière très appréciable.

 

Les combats sont toujours très présents, mais, là encore, je crois que Nihei Tsutomu est parvenu à une forme d’équilibre dans ce tome 2 – d’autant qu’ils me paraissent un peu plus lisibles, à vrai dire. Le cadrage, dans ces séquences d’action, est toujours aussi génial, et la dynamique davantage palpable à mes yeux. L’auteur succombe peut-être parfois à quelques gimmicks (on ne compte pas les cases où Killee est emporté par le recul de son arme), mais le résultat est de toute beauté, et véritablement fascinant.

 

Ce deuxième tome, même sur un mode un peu différent, s’avère donc à la hauteur du premier – au moins. Je me suis régalé à sa lecture, et j’ai presque autant apprécié, à vrai dire, d’y revenir après coup en l’envisageant cette fois comme un artbook. Hâte donc de passer à la suite, avec le troisième tome, très bientôt.

Voir les commentaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>