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Articles avec #nebal regarde des bons films tag

"Don't Be Afraid of the Dark", de Troy Nixey

Publié le par Nébal

Don-t-Be-Afraid-Of-The-Dark.jpg

 

Titre alternatif : No temas a la oscuridad.

Réalisateur : Troy Nixey.

Année : 2010.

Pays : USA / Australie / Mexique.

Genre : Fantastique / Horreur.

Durée : 99 min.

Acteurs principaux : Katie Holmes, Guy Pearce, Bailee Madison, Jack Thompson…

 

La jaquette, signée TF1 Vidéo, est un modèle de racolage malhonnête : il s’agit ici de faire péter aussi souvent que possible (et en gros, tant qu’à faire) le nom vendeur de Guillermo Del Toro, réalisateur que je trouve pour ma part très inégal, mais qui a su faire quelques jolies choses (comme Le Labyrinthe de Pan et plus encore L’Échine du diable), et nous a fait rêver un temps avec un démentiel projet d’adaptation des « Montagnes Hallucinées » de Lovecraft. Mais qu’on ne s’y trompe pas : malgré les apparences, ce Don’t Be Afraid of the Dark n’est pas un film de Guillermo Del Toro, qui se contente des rôles (pas anodins, certes, et qui lui permettent effectivement d’insuffler au film sa « patte ») de producteur et de co-scénariste (en notant toutefois qu’il s’agit là d’un remake d’un téléfilm de 1973) ; non, non, le réalisateur est le Canadien inconnu – pour moi, en tout cas – Troy Nixey, dont c’est le premier long-métrage.

 

Don’t Be Afraid of the Dark s’ouvre sur une scène à la fois terrible et un peu ridicule, qui semble a priori inscrire le film dans une sorte de « gothique latin », un peu dans la filiation d’un Mario Bava en forme (voyez par exemple ce putain de chef-d’œuvre – dans tous les sens du terme – qu’est Le Masque du démon) : aux États-Unis, dans une demeure aussi somptueuse qu’inquiétante (hélas un peu trop mise en valeur par une photographie à mes yeux trop lumineuse, problème récurrent du film sur lequel j’aurai l’occasion de revenir), un peintre naturaliste du nom – probablement pas choisi au hasard – de Blackwood tend un piège à sa servante pour lui arracher les dents et les donner à de mystérieuses créatures… qui s’emparent de lui.

 

Générique, assez joli. Puis l’on se retrouve de nos jours, à accompagner une petite fille du nom de Sally, qui vient s’installer chez son père Alex (Guy Pearce, incroyablement mauvais) et sa nouvelle compagne, la jeune Kim (Katie Holmes, correcte), décorateurs d’intérieur qui ont emménagé dans le manoir gogoth de Blackwood pour le retaper et espèrent bien en tirer gloire et fortune. Un point de départ qui, vous l’avouerez, n’est pas exactement d’une originalité foudroyante… Mais passons.

 

Bien évidemment, Sally fait sa grognonne dans cette famille recomposée qui lui est imposée par sa mère qui l’a « abandonnée », et cette petite conne de bientôt susciter un bordel monstre, en retrouvant la cave murée de la bâtisse, et en libérant les petites bestioles qui s’y cachent, sortes de ouistitis féeriques (jolis effets spéciaux, certes) inspirés – c’est revendiqué – d’Arthur Machen, qui l’invitent à venir jouer avec elles… comme elles ont « joué » avec le fils de Blackwood plus d’un siècle plus tôt.

 

Je vais faire comme les auteurs, et briser illico tout suspense : ce Don’t Be Afraid of the Dark est à mes yeux un film raté. Et ce pour plusieurs raisons. J’ai déjà évoqué le jeu désastreux de Guy Pearce, mais le reste de la distribution ne vaut le plus souvent guère mieux (sauf, à la limite, la gamine, qui joue… ben, comme une gamine, quoi). Mais le film souffre également au niveau de l’écriture – sur le thème du gosse confronté à son imaginaire noir et souffrant de la défaillance familiale, on privilégiera franchement les films d’Hideo Nakata, le Shining de Kubrick ou, plus proche dans l’esprit, le très beau Les Autres d’Alejandro Amenabar –, ainsi que du rythme, franchement hasardeux.

 

Mais le gros problème, à mon sens, est ailleurs : c’est que Don’t Be Afraid of the Dark est un peu le cul entre deux chaises, si ce n’est plus, ce qui nuit considérablement à son ambiance. Et la réalisation plan-plan de Troy Nixey n’arrange rien à l’affaire. On a l’impression que le film se cherche sans jamais vraiment parvenir à se trouver. Je parlais plus haut de « gothique latin » : c’était une erreur. En effet, le cadre gothique du film est étrangement sous-exploité, la faute notamment à une image beaucoup trop lumineuse, franchement inappropriée. Puis le film hésite entre un onirisme noir à la Guillermo Del Toro versant Labyrinthe de Pan (ou Burton première manière) et, en opposition totale, une horreur « graphique », très démonstrative. Et à mes yeux clairement trop démonstrative. On sent les auteurs très contents de leurs effets spéciaux (réussis, il est vrai, ainsi que je l’ai déjà dit) ; aussi Don’t Be Afraid of the Dark est-il un film où l’on voit tout, absolument tout, et ce très rapidement. Or ça ne passe pas, mais alors pas du tout. Impossible d’installer une ambiance dans ces conditions, et impossible surtout de faire peur : le film est entièrement dénué de suspense, hautement prévisible jusqu’à son final éculé, et le spectateur, qui s’habitue très tôt à voir les vilaines bébêtes partout, ne frissonne jamais à leur apparition, systématique ou presque. Aussi le film tente-t-il de faire dans l’horreur « presse-bouton », celle qui fait sursauter à coups de gros plans et de petites giclées de sang, mais c’est là aussi un échec. Notons d’ailleurs qu’il ne s’épargne du coup pas quelques scènes franchement ridicules, comme un étrange pastiche de Psychose avec la gamine dans sa baignoire… Pas d’ambiance, donc, ou trop d’hésitations à ce niveau pour qu’il puisse véritablement s’en instaurer une d’efficace.

 

Aussi se retrouve-t-on en définitive devant un énième film fantastique sans âme. C’est en effet surtout à ce niveau que Don’t Be Afraid of the Dark pèche : il est tristement dénué de personnalité (malgré l’apport de Del Toro), et ressemble à beaucoup de choses bien plus convaincantes, à la cheville desquelles il ne parvient jamais à se hisser. Une déception, donc, pour un petit film anodin qui ne mérite guère qu’on s’y attarde.

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"The Whisperer in Darkness", de Sean Branney

Publié le par Nébal

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Réalisateur : Sean Branney.

Année : 2011.

Pays : USA.

Genre : Horreur / Science-fiction.

Durée : 103 min.

Acteurs principaux : Matt Foyer, Barry Lynch, Matt Lagan, Andrew Leman…

 

Vous l’avez peut-être remarqué, ça fait un bail que je n’ai pas livré ici de compte rendu de flim. Il y a une raison à cela : depuis pas mal de temps déjà, j’éprouve de terribles difficultés à me concentrer sur le moindre objet filmique, aussi intéressant soit-il. Je pense ne pas avoir regardé de flim en entier d’un seul coup depuis mon visionnage des trois versions d’Häxan, dont je vous avais parlé ici y a une éternité de cela…

 

(Ah, si, maintenant que j’y pense, j’ai eu l’audace de regarder Saw 3 du bien nommé Bousman entre-temps ; mais ça valait vraiment pas le coup d’en parler…)

 

Comme le dit si bien l’autre, « ça peut plus durer ». J’ai donc décidé – courageux que je suis – de m’y remettre. Mais, tant qu’à faire, je me suis pris par les sentiments. Et c’est donc avec The Whisperer in Darkness de ces joyeux dingues de la Howard P. Lovecraft Historical Society que je me suis attelé à la tâche. On leur devait déjà une fort sympathique adaptation en flim muet de The Call of Cthulhu, débordant certes d’amateurisme, mais qui ne pouvait que séduire, complicité oblige, le lovecraftien fanatique qui sommeille en moi (enfin, ces derniers temps, d’ailleurs, on peut pas dire qu’il sommeille vraiment…).

 

Leur nouvelle adaptation du pôpa de Cthulhu, The Whisperer in Darkness (« Celui qui chuchotait dans les ténèbres », in français in ze texte, si je ne m’abuse), dirigé par Sean Branney, est cette fois – le titre nous l’indique assez – un flim parlant. Mais il est toujours en noir et blanc, et réalisé à la manière des classiques de l’horreur de la Universal ou de la RKO. Et c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve le Mythoscope, mêlant moyens (plus ou moins) modernes et esthétique vintage. Et si on peut toujours, sans doute, parler d’amateurisme eu égard aux conditions de réalisation et au résultat final, on s’oriente quand même ici de plus en plus vers le professionnel : la réalisation est très correcte, les acteurs (du moins les premiers rôles) sont assez bons, la musique sympathique et nettement moins synthé cheapos que dans The Call of Cthulhu, les effets spéciaux sont même à vrai dire trop bons (j’aurais pour ma part préféré que les auteurs s’engagent plus résolument dans la voie de l’illusion à l’ancienne, à la Ray Harryhausen et compagnie)… Techniquement, il n’y a donc pas grand-chose à reprocher à The Whisperer in Darkness.

 

L’histoire ? Vous la connaissez déjà, bien sûr… mais dans les grandes lignes, cette fois. En effet, à la différence de ce qui s’était passé pour The Call of Cthulhu, ces petits malins de la HPLHS ont cette fois décidé de prendre quelques libertés avec le matériau original. Ce qui pourra faire hurler les puristes… ou pas. Mais introduisons donc le propos. Nous sommes dans l’ère lovecraftienne classique, les années 1920 ou 1930, je ne saurais le dire avec plus de précision (enfin, si, je le pourrais sans doute si je regardais à nouveau la nouvelle et sa date de composition, mais j’ai la flemme, là…). Des inondations ont eu lieu dans le Vermont, à la suite desquelles des rumeurs ont ressurgi faisant état de l’existence d’étranges créatures mythiques. Pour le professeur Albert Wilmarth, folkloriste à l’Université Miskatonic, Arkham, Massachusetts, ce ne sont là, à l’évidence, que des superstitions ; c’est la thèse qu’il soutient lors d’un débat radiophonique l’opposant au fameux Charles Fort. Pourtant, Wilmarth entretient depuis quelque temps déjà une relation épistolaire avec Henry Akeley, du Vermont, qui lui soutient l’existence de ces créatures et, via son fils George, en fournit bientôt des preuves au distingué professeur : photographies, enregistrement phonographique… il lui promet aussi une mystérieuse « pierre noire », qui n’arrive cependant pas à destination. Puis Wilmarth reçoit une dernière lettre d’Akeley, l’invitant à venir le rejoindre dans le Vermont pour s’entretenir avec lui de l’existence de ces mystérieuses bébêtes…

 

Je n’en dirai évidemment pas plus ici : lisez ou relisez la nouvelle, et/ou voyez donc le flim. Arrêtons-nous cependant un instant sur les divergences par rapport à la nouvelle de Lovecraft. Pendant la majeure partie du flim – ah, au fait, c’est un long-métrage, cette fois –, celles-ci sont assez discrètes, et le résultat reste éminemment lovecraftien. On retrouve bien l’ambiance des nouvelles du maître de Providence, restituée avec un certain brio (c’est que c’est pas évident, mine de rien, et l’histoire des généralement piteuses tentatives d’adaptation de Lovecraft l’a suffisamment démontré). Avec cependant ce corollaire : c’est bavard, mais ça ne bouge pas beaucoup… Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai, j’adore ça. Mais il est vrai que ce qui fonctionne remarquablement bien dans une nouvelle peut poser problème pour un flim. Cela explique sans doute les innovations apportées dans la conclusion du flim, qui fait dans le spectaculaire. C’est à la fois très hollywoodien (et toujours dans cet esprit Universal/RKO), et très… rôlistique, en fait. Et, disons-le franchement : c’est souvent too much. C’est un peu regrettable à mon sens, même si je ne hurlerai pas à la trahison ; il est cependant clair que l’on perd ici l’esprit purement lovecraftien qui faisait jusqu’alors nos délices. Est-ce véritablement une erreur, une faute de goût de la part de la HPLHS ? Je n’en suis pas pour autant certain, et vous laisserai juger vous-mêmes.

 

 Car ce bémol final ne change rien à l’impression générale que m’a faite The Whisperer in Darkness. Certes, on ne parlera pas de chef-d’œuvre ; mais c’est néanmoins dans son genre si difficile une franche réussite, et je me suis régalé au visionnage de cette adaptation dans l’ensemble vraiment plus que correcte. Et j’espère que la HPLHS continuera à nous abreuver de flims aussi franchement sympathiques ; je serais à vrai dire très curieux de voir ce qu’ils seraient capables de faire du « Cauchemar d’Innsmouth », de « L’Abomination de Dunwich », voire – rêvons un peu – des « Montagnes Hallucinées »… Prions, mes frères ! Iä ! Iä ! Shub-Niggurath !

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"Carnival of Souls", de Herk Harvey

Publié le par Nébal

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Titre alternatif : Le Carnaval des âmes.

Réalisateur : Herk Harvey.

Année : 1962.

Pays : USA.

Genre : Fantastique / Horreur.

Durée : 74 min.

Acteurs principaux : Candace Hilligoss, Frances Feist, Sidney Berger, Art Ellison, Stan Levitt, Herk Harvey…

 

Attention : parler de Carnival of Souls sans spoiler me paraît impossible (ou sans intérêt).

 

Encore que, soyons franc, de l’eau ayant coulé sous les ponts depuis 1962 (si j’ose dire…), l’effet de surprise de la « révélation finale » ne fonctionne plus véritablement aujourd’hui. Dès les premières images, on a pigé le truc : Carnival of Souls s’inscrit bien dans la lignée d’Ambrose Bierce et l’on pourrait le qualifier de dickien avant l’heure (il est contemporain de la grande période romanesque de l’auteur) ; c’est l’illustre précurseur de films tels que L’Échelle de Jacob, Le Sixième Sens ou Les Autres. Autant l’écrire noir sur blanc : oui, l’héroïne est morte, et ne le sait pas (ou ne veut pas l’admettre). L’histoire du cinéma fantastique étant ce qu’elle est, il est aujourd’hui impossible de ne pas le comprendre dès le début ou presque. Mais, à la différence du Sixième Sens, et comme pour L’Échelle de Jacob ou Les Autres, que l’on soit conscient de ce fait ne nuit pas à l’intérêt du film, qui ne repose pas intégralement sur cette pirouette finale qu’il s’agit dès lors d’amener avec astuce ; aussi, reprocher le caractère « prévisible » de la fin du film serait tout à la fois anachronique et absurde. Outre son caractère séminal – c’est indéniablement un grand classique du cinéma fantastique, et cela faisait des années que je m’étais promis de le voir (chose pourtant pas bien compliquée : le film est disponible légalement et gratuitement sur Internet) –, Carnival of Souls ne manque pas d’intérêt, quand bien même on pourra légitimement renâcler devant telle ou telle défaillance.

 

Donc : Mary Henry (Candace Hilligoss) est une jeune organiste, qui « réchappe » miraculeusement (…) à un terrible accident de voiture sur un pont (pré-générique particulièrement brutal). Elle est embauchée par une église de l’Utah, et s’y rend peu de temps après ; pour elle, ce n’est qu’un travail comme un autre. La jeune femme, passablement asociale, s’installe dans une sorte de pension, où elle a pour voisin un gros beauf qui l’accable de sa drague lourde au possible. Mais, surtout, elle a de plus en plus souvent – surtout la nuit – des visions : celles d’un homme inquiétant au teint cadavérique (Herk Harvey), qui semble la suivre partout. Puis, en journée, elle se met à connaître des crises durant lesquelles les gens ne font pas attention à elle et elle se retrouve complètement sourde… Et elle ne peut s’empêcher de relier, sans trop savoir pourquoi, tous ces phénomènes avec un étrange bâtiment monumental, ancien site de bains puis fête foraine, à l’abandon depuis des années…

 

Dès la première apparition de « the man » (le réalisateur du film, donc ; très beau maquillage), au cas où on n’aurait pas pigé le truc dès l’accident, tout doute sur la conclusion du film disparaît. Mais peu importe. On se laisse néanmoins emporter par l’histoire, menée avec beaucoup d’efficacité, d’autant que ces apparitions restent aujourd’hui encore terriblement angoissantes (et ont sans doute fait beaucoup d’effet à un certain David Lynch, notamment pour Lost Highway). Bien que souffrant d’un budget étique, Carnival of Souls, à l’instar, disons, de, quelques années plus tard à peine, La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, reste passablement effrayant aujourd’hui encore, ce qui n’était pas gagné d’avance. Il a bien gagné son titre de classique du cinéma fantastique, et, avec ses imperfections, mérite de figurer au panthéon du genre.

 

Le film, outre son scénario d’une audace rare pour l’époque – mais le génie, à en croire Baudelaire, si je ne m’abuse, ne consiste-t-il pas à inventer les clichés ? –, bénéficie d’une photographie et d’un cadrage soignés, autorisant de temps à autre des plans de toute beauté, évoquant tant le cinéma expressionniste allemand que celui de Tourneur et Lewton. Il sait mettre en place une atmosphère délicatement intemporelle et subtilement décalée, qui participe de son efficacité.

 

Pourtant, le film pèche par certains aspects. Son montage, ainsi, est parfois hasardeux (on ne compte pas les faux-raccords) ; la bande-son est pavée de bonnes intentions, et tente des effets audacieux, mais avec plus ou moins de réussite ; mais, surtout, l’interprétation est dans l’ensemble au mieux médiocre, au pire exécrable, et cela vaut hélas aussi pour l’actrice principale, Candice Hilligoss (dont la performance, reconnaissons-le, n’était tout de même pas évidente).

 

Mais étrangement, on veut bien faire l’impasse sur ces défaillances, que l’on n’oserait pas pardonner pour tout autre film, et se montrer bon prince. Parce que ce film, série B tournée avec un budget dérisoire et à marche forcée, reste tout simplement fort et beau un demi-siècle après sa sortie. Il bénéficie d’une aura sidérante, celle des grands classiques du cinéma fantastique. Et, effectivement, on ne peut que remarquer à quel point ce métrage fauché, qui aurait pu disparaître dans les limbes du cinéma, a eu une influence sur toutes les productions fantastiques ultérieures ou presque. La jaquette racoleuse cite David Lynch et Tim Burton, mais, outre les films mentionnés tout au long de ce compte rendu, on pourrait à vrai dire en citer bien d’autres. Ses visions hallucinées ont durablement marqué le genre, et conservent aujourd’hui encore toute leur force.

 

 Carnival of Souls, avec ses défauts, mérite donc bien ses lauriers. C’est un film que l’on se doit de voir (« On ne peut pas se proclamer cinéphile sans l’avoir vu », affirme la jaquette…), car, chose rare, il change notre perception du monde et du cinéma. Pas mal pour une série B de 30 000 $.

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"Häxan", de Benjamin Christensen

Publié le par Nébal

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Titres alternatifs : La Sorcellerie à travers les âges, Witchcraft Through the Ages.

Réalisateur : Benjamin Christensen.

Année : 1922.

Pays : Danemark – Suède.

Genre : Documentaire / « Docu-fiction » / « Mondo » / « Historique » / « Fantastique » / « Horreur »

Durée : 87 min. / 76 min. / 104 min.

Acteurs principaux : Benjamin Christensen, Maren Pedersen, Clara Pontoppidan, Elith Pio, Oscar Stribolt, Tora Teje, John Andersen…

 

Une fois n’est pas coutume, c’est un véritable bijou que Potemkine (à qui on devait déjà le DVD de l’extraordinaire Requiem pour un massacre) et Agnès B. DVD ont exhumé avec Häxan. Un film muet suédois assez unique en son genre, réalisé par Benjamin Christensen entre 1919 et 1921, pour sortir l’année suivante : oui, certes, un documentaire ; mais sous la forme d’un étrange « docu-fiction d’horreur », plus ou moins lointain précurseur du « mondo », dont les images d’une rare poésie et d’une force non moindre marquent durablement. Le sujet ? La Sorcellerie à travers les âges, nous dit l’autre titre de ce film ; mais surtout, en fait, la sorcellerie médiévale et sa poursuite inlassable par l’Inquisition, au cours de ce que d’aucuns ont qualifié de véritable « sexocide » – il est vrai que la lecture, à titre d’exemple, du tristement célèbre Marteau des sorcières est pour le moins éloquente à cet égard.

 

Le film présente, à sa manière, une thèse, certes non dénuée de préjugés anticléricaux, et plus particulièrement anti-catholiques – rappelons que le « grand flamboiement » d’Allemagne est en fait postérieur à la Réforme. L’idée maîtresse est celle d’un délire obsessionnel – attesté –, relatif en fait, d’une part à des fausses accusations témoignant tant d’une conception « primitive » du monde que de la peur et de la « mauvaise foi » pure et simple, et d’autre part à des pathologies mentales bien réelles, au premier rang desquelles se trouve bien entendu l’hystérie. En sept chapitres édifiants, Benjamin Christensen nous amène ainsi à nous interroger sur la réalité des faits de sorcellerie au Moyen Âge, sur la superstition qui règne toujours quand sort son film, et sur la cruauté aveugle dont ont toujours fait preuve ceux qui ont chassé les sorcières… ou interné les hystériques, au travers d’un parallèle audacieux sur lequel se clôt la projection.

 

Mais c’est en usant d’une forme pour le moins unique, qui rend ce film à la fois difficilement classable et particulièrement savoureux. Le premier chapitre, composé pour l’essentiel de documents d’époque et de saisissants automates, adopte une forme de documentaire « classique ». Mais c’est pour mieux céder la place, dès le chapitre suivant et jusqu’à la fin, à des « reconstitutions » mises en scène avec un brio poétique certain, teinté d’un racolage non moins certain – promettant belles dénudées (de manière très prude, n’exagérons rien), blasphèmes à foison et cruautés multiples, dans une veine très sado-masochiste. L’implication du réalisateur – qui use de la première personne dans les intertitres… et s’attribue rien de moins que le rôle de Satan dans son film ! – participe de cette étrange atmosphère, qui confère au métrage des allures de « mondo » avant l’heure, en nettement plus respectable que la plupart, certes, et l’idéologie nauséabonde d’un, au hasard (eh eh), Suède enfer et paradis en moins. Häxan, « documentaire d’exploitation » ? Tout anachronisme mis à part, il y a en effet un peu de ça dans ce film précieux, très avant-gardiste à sa manière.

 

Häxan alterne ainsi tableaux « historiques » et fantasmagories bien « dans l’esprit d’un Jérôme Bosch et de Goya » ; le résultat est imparable, tour à tour expressionniste – c’est l’époque –, baroque et gothique. La poésie du film éclate lors de scènes particulièrement marquantes, du sulfureux rêve de la vieille saoularde Apolone au sabbat tel que décrit par la pauvre Maria, victime de l’Inquisition (sans oublier, sur un plan plus « réaliste », une remarquable scène d’hystérie au couvent, qui ne manque pas de faire penser au superbe film de Ken Russel Les Diables… voire plus généralement à une « nunsploitation » bien postérieure…). Mais les scènes « historiques » ne manquent pas non plus de force : difficile de rester de marbre devant la présentation des instruments de torture utilisés par les juges pontificaux – qui n’hésitent pas par ailleurs à user de la méthode « gentil flic – méchant flic », entre autres entourloupes… –, et la douleur des « sorcières », celles, plus ou moins authentiques, du Moyen Âge comme les malades mentales du dernier chapitre, est palpable. Mis en scène avec brio, dans des décors fascinants et à l’aide de costumes étonnants – les démons sont de toute beauté, à la fois effroyables et burlesques –, et bénéficiant d’une photographie sublime, Häxan envoûte plus certainement que les « sorcières » qu’il évoque. Tantôt « piquant », tantôt pathétique, toujours fort et beau, le film de Benjamin Christensen est un régal de la première à la dernière image.

 

Il nous est ici proposé dans trois versions différentes. La première, sur un nouveau master restauré (et teinté), dure 87 minutes, et bénéficie d’une très belle bande son composée par Bardi Johannsson, du groupe islandais Bang Gang, et interprétée par le Bulgarian Chamber Orchestra (2006).

 

La deuxième, intitulée La Sorcellerie à travers les âges, est une version de 1968 durant 76 minutes, en noir et blanc « pur » (ce que je préfère pour ma part aux versions teintées, plus sombres), narrée par nul autre que William S. Burroughs – ce qui en dit long sur le caractère du film –, et bénéficiant d’une bande son entre jazz et musique contemporaine, due, non pas à Jean-Luc Ponty, comme le prétend le DVD, mais au percussionniste Daniel Humair – Jean-Luc Ponty est au violon, et bien entouré : Bernard Lubat, Michel Portal, Guy Petersen. C’est de très loin la version la plus « dynamique », et celle qui permet à mon sens le mieux d’apprécier la photographie du film. Mais j’avouerai que la bande son, si elle ne manque objectivement pas de qualités, ne colle pas toujours (souvent ?) très bien aux images, l’anachronisme ne passant pas toujours…

 

Reste enfin une dernière version sur le nouveau master restauré, la plus longue (104 minutes – est-ce dû à une plus longue insistance sur les intertitres ? Je ne saurais autrement expliquer ce décalage d’avec la première version, qui ne vient en tout cas pas d’images supplémentaires) et peut-être ma préférée (malgré la teinte), dans la mesure où elle bénéficie d’une excellente bande son de Matti Bye (2007), lorgnant plus qu’à son tour vers le dark ambient.

 

En bonus, nous avons également droit à une présentation du film par son réalisateur, datant de 1941.

 

 Un bien bel objet, donc, pour un film génial et fou, rare et précieux. Jetez-vous dessus, c’est une merveille.

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"Outland", de Peter Hyams

Publié le par Nébal

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Titre alternatif : Outland… loin de la Terre.

Réalisateur : Peter Hyams.

Année : 1981.

Pays : Royaume-Uni.

Genre : Science-fiction / Action / « Policier » / « Western »

Durée : 112 min.

Acteurs principaux : Sean Connery, Peter Boyle, Frances Sternhagen, James B. Sikking, Kika Markham…

 

Mine de rien, avant de sombrer dans la médiocrité complète, Peter Hyams aura, à sa manière discrète, un tantinet contribué à l’histoire du cinéma de science-fiction. On lui doit en effet le paraît-il très bon Capricorn One, que je n’ai toujours pas réussi à voir. On lui doit aussi le très sous-estimé  2010 – L’Année du premier contact (l’odyssée continue), qui a bien évidemment souffert de la comparaison avec son illustre prédécesseur, mais se révèle, pour peu qu’on le regarde avec les œillères adéquates (en se répétant que la comparaison avec ce qui constitue un des plus grands films de tous les temps est hors de propos), un film finalement très correct (au passage, il en va de même pour 2010 : Odyssée 2, le roman d’Arthur C. Clarke qui l’a inspiré, et qui constitue à mon sens de très très loin la meilleure des « odyssées », tout à fait potable… surtout dans la mesure où le « roman » 2001 n’est jamais qu’un scénario mal dégrossi, et où 2061 et 3001 sont purement et simplement catastrophiques).

 

Et, surtout, entre les deux, il écrivit et réalisa Outland, avec Sean Connery, qui se paye encore aujourd’hui une petite réputation de classique mineur de la SF au cinéma. Il faut dire que ce film sans prétention repose sur une idée simple mais efficace, à même de ravir l’amateur de « mauvais genres » : adopter un cadre science-fictif, un prétexte et des situations de polar burné, et y ajouter les codes du western. On mélange, on secoue, et on a Outland : certainement pas un chef-d’œuvre, mais a priori de quoi passer une bonne soirée en compagnie du plus écossais des shérifs de l’espace.

 

Nous sommes sur Io, troisième lune de Jupiter, dans une gigantesque mine de titane dirigée par Mark Sheppard (Peter Boyle). Vient tout juste d’arriver sur place le nouveau shérif (puisqu’on vous le dit !) William T. O’Niel (Sean Connery), avec sa petite famille… laquelle ne tarde pas à le larguer, because of qu’elle en a marre de suivre le flicaillon de trou perdu en trou perdu, et qu’elle aimerait bien respirer du vrai air sur Terre, pour changer un peu. Notre bon shérif est abattu, on le serait à moins, mais se met tout de même au travail, en véritable incarnation de la conscience professionnelle.

 

Et cela l’amène bientôt à s’intéresser à une étrange « épidémie » de morts mystérieuses sur la station : un ouvrier qui devient fou et déchire sa combinaison spatiale, un autre qui sort sans scaphandre (suicide, vraiment ?), etc. Il semblerait que les « cas » se soient multipliés ces derniers temps. Et s’il y avait « quelque chose » derrière tout ça, mmmh ? O’Niel fouille un peu partout, assisté du docteur Lazarus (Frances Sternhagen) et de son second plus ou moins corrompu, le sergent Montone (James B. Sikking)… et soulève un gros poisson. Il devient bientôt l’homme à abattre…

 

Rien de bien original, vous le voyez. On s’en fout, ce n’est pas ce qu’on demande à ce film. Au contraire, presque : ce qu’on en attend, c’est des codes (j’insiste : des codes, pas des clichés). Et, de ce point de vue, Outland est parfaitement maîtrisé. Porté par une interprétation solide et une écriture aux petits oignons, il coule tout seul du début à la fin, comme le bon divertissement que l’on est en droit d’exiger. Et si la réalisation de Peter Hyams n’a dans l’ensemble rien d’exceptionnel, elle contient néanmoins quelques beaux moments : une très chouette scène de poursuite en espace clos, notamment ; mais aussi quelques pics intenses de suspense, relevant tant d’Hitchcock que de Leone (même si la référence la plus probable est bien Le Train sifflera trois fois, pour la conclusion).

 

Alors, évidemment, il ne faut pas non plus trop en demander. Notamment, précisons à tout hasard aux puristes SF que nous ne sommes pas exactement ici dans un film de hard science : les gens qui explosent quand ils sont exposés au vide spatial, les séquences finales de baston en apesanteur, j’imagine que ça pourrait faire ricaner… mais parlons plutôt de « licence poétique » (paf boum eurgh).

 

 Non, sans être un grand film, Outland est un bon film. Je l’avais déjà vu avec plaisir, je l’ai revu avec plaisir. Nombreux sont ceux qui ont été recalés au deuxième service, particulièrement en SF (la SF au cinéma m’a très souvent déçu…), mais cela n’a pas été le cas de ce film. Classique mineur, alors ? Classique mineur. Allez.

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La 7e Nuit Excentrique

Publié le par Nébal

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Cela faisait un sacré bout de temps que je comptais me faire la Nuit Excentrique, l’événement nanarlandais annuel, en collaboration avec la Cinémathèque française. Las, quand j’étais encore un pauvre provincial naïf, je ne me sentais guère de monter à la Kapitale pour cette occasion, je l’avoue… Mais étant maintenant un putain de Parigot (toujours naïf), je n’avais plus vraiment d’excuse. Il fallait, cette fois, que j’y assiste. Et il le fallait d’autant plus que la programmation de cette septième Nuit Excentrique s’annonçait pour le moins exceptionnelle. Petit retour sur les quatre films projetés lors de cette grand-messe du mauvais film sympathique.

 

Nous eûmes tout d’abord droit à la traditionnelle « découverte » de la Cinémathèque. Cette année, une première : ce fut un documentaire. Enfin, un « documentaire »… un mondo, quoi (pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, hop, un lien vers l’indispensable glossaire de l’indispensable Nanarland, où on vous expliquera tout ça beaucoup mieux que je ne saurais le faire). Adonc, Suède, enfer et paradis de Luigi Scattini. Après ce film, vous ne regarderez plus jamais la Suède de la même façon. Sans parler des Suédoises : imaginez un peu, ces salopes ont des cours d’éducation sexuelle et prennent la pilule ! Et comme elles travaillent, plutôt que de rester à la maison, elles laissent leurs pauvres enfants dans des crè… des « parkings pour enfants » ! Rien d’étonnant à ce que ces derniers tournent mal et que, à dix ans, il s’en trouve pour tuer leurs parents à coups de pieds ou multiplier les coucheries avec les voisins débouchant sur d’inévitables avortements à répétition. Le relâchement moral des Suédois (et en particulier des Suédoises, notamment des hôtesses de l’air qui laissent mourir leurs vieux sans un adieu) est en effet consternant. Effet des pornophones en vente libre, sans doute. La gabegie socialo-communiste a fait des ravages dans ce pays nordique aux statistiques confuses. Preuve en est son étrange système pénal : si vous êtes jeune, vous avez parfaitement le droit de voler une voiture ou de défoncer un parcmètre pour en chourer la monnaie (après quoi, il faut le jeter dans le lac ; les aveugles, à l’aise dans les profondeurs, se feront un plaisir de le remonter à la surface) (si, si) ; mais gare à celui qui voudrait empêcher le petit voyou de perpétrer ses malveillances, c’est lui qui s’attirera l’ire de la police ! D’ailleurs, même un ministre, pour avoir bu un peu trop avant de conduire, risque d’être condamné à couper du bois dans un camp de travail… Et puis la Suède a ses parias, qui se défoncent au white spirit et bouffent des tartines de cirage… Sans parler de ses blousons noirs, qui violent les jeunes filles innocentes (mais une Suédoise peut-elle être innocente ?) juste là, devant vous, en plein dans le champ de la caméra ! Mais on les comprendrait presque, ces mauvais garçons, quand on sait qu’aujourd’hui le fier mâle latin n’a plus les faveurs de ces demoiselles : la mode est au tiers-monde, que voulez-vous… Pourtant, la Suède, pays sans nation dont le prince dessine des cabinets, n’en entend pas moins dominer le monde d’après l’apocalypse nucléaire, en préservant sa race débauchée dans des abris anti-atomiques définitivement suédois. SALAUDS DE SUÉDOIS ! « La Suède vue depuis l’Italie, ou plus exactement du Vatican », comme le patron de la Cinémathèque nous avait présenté le film. Effectivement ; il faut croire que la Scandinavie était alors suffisamment « exotique » aux yeux des Italiens pour qu’on puisse raconter autant de bêtises dessus. Le discours, digne des pires JT de Jean-Pierre Pernaud (aidé pour le script par Francis « Kafka » Kuntz et Pierre Desproges à l’occasion de certaines scènes qu’il faut voir pour y croire, et même là encore c’est pas sûr), est tellement réac, tellement outrancier, et en même temps tellement hypocrite (puisqu’il s’agit bien avant tout de racoler et de se rincer l’œil), qu’il en devient plus hilarant que véritablement répugnant. Avant la séance, j’avoue que je craignais un peu que ce film pèche par manque de nanardise… Mais quelle erreur ! Ce mondo stupéfiant de connerie est à mourir de rire du début à la fin ; cela faisait vraiment longtemps que je ne m’étais pas autant marré, et ce n’était pourtant que le premier film de la soirée, et celui dont j’attendais le moins… Mais avec le recul, j’en viens à me demander si ce n’était pas carrément le meilleur ?

 

Pourtant, il y avait du lourd pour la suite : une programmation de toute beauté, vous dis-je. Hommage oblige, il fallait diffuser cette année un film de Jean Rollin. Et, Nanarland oblige, ce ne pouvait être que le cultissime Le Lac des morts-vivants (hop, la chronique de Nanarland), signé J.A. Lazer, production Eurociné (gage de qualité) commencée par Jess Franco qui, lui-même, trouvait que non, là, y’avait abus, quand même. C’est dire le niveau. Un film au rythme éminemment rollinien (du coup bien placé dans la soirée, plus tard ç’aurait été plus dur), mais riche en pépites nanardes : grotesque du, euh, « scénario », amateurisme hallucinant de la quasi-intégralité du casting (Howard Vernon étant un cas à part, mais, bon…) sans parler des figurants, maquillage douteux et probablement pas waterproof, femmes à poil pour un oui pour un non, doublage magnifique… D’ailleurs, sans surprise, la terre a tremblé lors de l’inévitable : « Promizoulin, finissons-en ! » Un grand moment de nanardise, pour un film assurément mauvais mais tout aussi certainement sympathique.

 

Plus de tonus pour le troisième film, Les Barbarians de Ruggero Deodato (hop), un réalisateur qui n’est pas toujours mauvais, puisqu’il a fait Cannibal Holocaust… ce qui ne l’empêche pas d’être à l’affiche de la Nuit Excentrique pour la deuxième fois avec cet affligeant sous-Conan le barbare produit par la Cannon (re-gage de qualité) et scénarisé par un certain James R. Silke que je suppose être l’auteur avec Frank Frazetta du Death Dealer (ce qui ne fait pas très envie, du coup…). Un « scénario » qu’on évacuera d’ailleurs très vite, mélangeant plagiat outrancier de La Référence et gamineries sans nom. C’est grotesque, mais là n’est pas vraiment le problème. La réalisation, quant à elle, est plutôt correcte. Bon, les effets spéciaux, c’est une autre histoire, il y a bien un peu de craignos monster… Mais c’est surtout « l’interprétation » qui fait toute la saveur de cette petite perle : Michael Berryman qui cabotine comme un taré, certes, mais surtout les frères Paul, jumeaux culturistes parfaits dans leur rôle de tas de muscles mongoliens. Il faut dire que, à en croire les rumeurs, c’était pour eux tout sauf un rôle de composition… Difficile, du coup, de se retenir d’exploser de rire devant leurs innombrables conneries ponctuées de beuglements repris en chœur par une assistance aux anges : « BWEEEEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUUUUUUUUUUH !!! » Mais je dois avouer que je m’interroge sur la réelle portée nanarde de la bête : entendons-nous bien, c’est très très TRÈS drôle, et j’étais pété en deux du début à la fin (enfin, pas tout à fait au début, c’est surtout quand les frères Paul arrivent à l’écran que le spectacle commence vraiment) ; mais on ne m’ôtera pas de l’idée que, du moins de la part de Deodato – c’est plus ou moins ce qu’il prétend, en tout cas –, il y avait une bonne part de « volontaire » là-dedans, imposé par la stupéfiante bêtise des frères Paul et de leurs personnages. Du coup, en maintes occasions, le film ressemble plus à une comédie parodiant Conan le barbare et compagnie qu’à un véritable film de « conansploitation », si j’ose employer ce terme… barbare (aha). Quoi qu’il en soit, à la fin de la séance, j’avais mal aux côtes tellement j’avais ri et beuglé. Un vrai bonheur, enthousiasmant et communicatif.

 

Et il fallait bien une ninjaterie pour finir : ce fut donc (inévitablement ou presque) un 2 en 1 (hop), à savoir Clash Of The Ninjas aka Clash Commando, attribué sur le programme à Godfrey Ho, mais à tort semble-t-il. Serait-ce donc Thomas Tang qui se cacherait derrière l’énigmatique Wallace Chan ? Je vous laisse voir sur Nanarland tous les complexes enjeux du problème (« hors de portée de mon atteinte »). Quoi qu’il en soit, ce spécimen un peu particulier de 2 en 1 (dans la mesure où il semblerait que des acteurs du film « caviardé » aient joué dans la partie « gweilo » pour faire le raccord, enfin, autant que possible…) s’est révélé de très grande qualité nanarde, et figure désormais parmi mes films de ninjas préférés, aux côtés du superbe Black Ninja dont je vous avais déjà parlé en ces lieux interlopes. Le « scénario » est aussi incompréhensible que d’habitude, mais peu importe : c’est un festival de scènes stupides et de doublages foireux (ah, Henry – Louis Roth – et son si diélieucat euccent bwitteunique, « tyouez ceys deux zigowtows ») et, évidemment, de ninjateries crétines, avec moult bombinettes à fumée, et un combat final d’anthologie. Noter la performance en « héros » de Paulo Torcha, vague « sosie » de Stallone, avec doublage à l’avenant. Une très bonne note pour finir.

 

Mais la Nuit Excentrique, ce n’est pas « que » quatre films (projetés dans une ambiance de dingues, ça hurle et ça explose de rire de partout, et ça fait plaisir). C’est aussi la projection d’extraits de films (j’ai été particulièrement marqué par le générique de Parole de flic avec Delon), de très nombreuses bandes-annonces (avec en guise d’inauguration un mémorable Scratch, mais aussi bon nombre d’autres invraisemblances filmiques, jusqu’à la clôture, qui se fait traditionnellement sur les bandes-annonces « coquines » – en l’occurrence, ici, je crois que La Comtesse est une pute nous a tous achevés…) et de magnifiques « cuts excentriques » montés par les Nanarlandais, sur lesquels il y aurait tant et tant à dire… Je me contenterai de noter ici que le cinéma indien est décidément le plus décomplexé du monde (et que cela est bon), et que j’y ai appris l’existence d’une version marocaine de L’Exorciste qui a l’air de valoir son pesant de couscous. La Nuit Excentrique, ce fut aussi des quizz, à base de titres de films improbables ou de répliques cultes, d’affiches africaines de toute beauté et d’extraits vidéos à regarder attentivement… ou à interpréter.

 

 Bref, ce fut exceptionnel. En gros douze heures de pur plaisir nanar, dans une ambiance géniale. Je sais pas vous, mais moi, l’an prochain, j’y retourne.

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"Zardoz", de John Boorman (2)

Publié le par Nébal

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Réalisateur : John Boorman.

Année : 1974.

Pays : Royaume-Uni / Irlande.

Genre : Science-fiction.

Durée : 105 min.

Acteurs principaux : Sean Connery, Charlotte Rampling, Sarah Kestelman, John Alderton, Niall Buggy…

 

 Oui, je sais, je l’avais déjà chroniqué, celui-ci, mais j’en ai fait une mise à jour, à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard Cosmique.

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"Batman Begins" & "The Dark Knight", de Christopher Nolan

Publié le par Nébal

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(Je rapatrie ici deux brèves notes faites sur le forum du Cafard cosmique parce que groumf, d’où l’aspect peut-être un peu, euh, « polémique »… d’autant qu’elles se fondent sur de vieux souvenirs.)

 

Titre : Batman Begins.

Titre original : Batman Begins.

Réalisateur : Christopher Nolan.

Années : 2005.

Pays : Etats-Unis / Royaume-Uni.

Genre : Science-fiction / action / super-héros.

Durée : 152 min.

Acteurs principaux : Christian Bale, Michael Caine, Liam Neeson, Katie Holmes, Gary Oldman, Cillian Murphy, Rutger Hauer, Ken Watanabe, Morgan Freeman…

 

On évacuera rapidement le premier Batman de Nolan, Batman Begins, en deux mots : purge ridicule. Difficile en effet de relever quoi que ce soit de réellement positif dans ce film, et ce à quelque niveau que ce soit.

 

La réalisation ? À l’évidence, Nolan ne sait pas filmer les scènes d’action, qui sont toutes plus brouillonnes les unes que les autres, à grands coups de montages cut cut cut et de mouvements de caméras incompréhensibles ; le résultat est tout simplement illisible : ce genre de procédé, dans un nanar, sert souvent à cacher la misère ; ici, il ne fait que témoigner de l’incompétence du réalisateur et du monteur. Les scènes « calmes » ne valent guère mieux dans mon souvenir – et il en ira de même sous cet angle pour Dark Knight, de cela j’en suis certain –, Nolan semblant incapable de poser sa caméra : ah ça, il aime faire des ronds autour de ses personnages... Beuh...

 

Le scénario ? Soyons sérieux deux secondes. Si l’on excepte quelques menus emprunts au Batman Year One de Frank Miller et David Mazucchelli concernant essentiellement le commissaire Gordon (si ma mémoire est bonne), le reste est d’un ridicule achevé : Bruce Wayne qui va apprendre les arts martiaux, franchement... Je sais bien que Kill Bill est (hélas) passé par-là, mais quand même ! Ca nous donne Oskar Schindler en grand méchant, avant d’avoir un semi-Épouvantail totalement dénué de charisme. Cohésion du scénar : néant.

 

Ah ben on peut enchaîner sur l’interprétation : j’ai déjà expédié les méchants, reste pour l’essentiel Bruce Wayne/Batman. Soit Christian Bale, qui cabotine comme un taré, dans une dégaine étrange de quasi-drag queen, et achève de faire perdre toute crédibilité à son personnage quand il a le malheur de lui faire adopter une GROSSE VOIX TENEBREUSE BOUH. La première fois que je l’ai entendue, j’ai explosé de rire. La deuxième aussi, d’ailleurs.

 

Quant à l’univers... Outre que le film s’éloigne de Gotham pendant pas mal de temps, la cité de Batman n’a absolument aucune personnalité, rien de rien. Le film ayant en outre le malheur d’être régulièrement diurne, on peut dire qu’il est sous cet angle aussi complètement à côté de la plaque.

 

Alors quoi ? Un Batman plus réaliste ? Et mon cul, c’est du poulet ? Plus réaliste son méga-entraînement kung-fu de la mort ? Plus réalistes les pièges de l’Épouvantail ? Bah non. Désolé, mais non. On pourrait se poser la question « un Batman plus réaliste, pour quoi faire ? », mais, en fin de compte, elle ne se pose même pas, puisque ce soi-disant réalisme supplémentaire se révèle une imposture.

 

Divertissement raté, mal fait, et chiant comme la pluie, filmé avec les pieds de la scripte et écrit n’importe comment, Batman Begins est un triste navet, l’antithèse du bon divertissement hollywoodien.

 

 

Titre : The Dark Knight : le chevalier noir

Titre original : The Dark Knight.

Réalisateur : Christopher Nolan.

Années : 2008.

Pays : Etats-Unis / Royaume-Uni

Genre : Science-fiction / action / super-héros.

Durée : 140 min.

Acteurs principaux : Christian Bale, Heath Ledger, Aaron Eckhart, Michael Caine, Maggie Gyllenhaal, Gary Oldman, nabe, Morgan Freeman…

 

Le cas de The Dark Knight est un peu plus complexe, et, si le film est bien à mes yeux tristement mauvais, je lui reconnais cependant des qualités dont son prédécesseur ne pouvait pas se targuer.

 

Deux progrès sont en effet notables. Le premier concerne la réalisation : entre-temps, Nolan a appris à filmer les scènes d’action ; la différence entre les deux métrages est flagrante, et clairement à l’avantage du second : cette fois, le résultat, sans être transcendant, est tout à fait correct, je l’admets volontiers.

 

Le second concerne l’interprétation. En effet, il y a cette fois UN bon acteur, en l’occurrence Heath Ledger, qui fait un Joker tout à fait convaincant, dans un registre bien différent de celui de Jack Nicholson, mais tout aussi efficace. Rien à redire sous cet angle... si ce n’est qu'il bouffe l’écran, les autres « acteurs » faisant tous pâle figure auprès de lui.

 

J’accorde donc volontiers, sur ces deux plans, une meilleure note à The Dark Knight qu’à Batman Begins. Il n'en reste pas moins que c'est à mes yeux un très mauvais film, essentiellement à cause de son scénario lamentable, pas plus « réaliste » qu'auparavant (la batmobile panzer et la moto aussi grosse aha) et manquant toujours autant d’ambiance (film diurne), qui pèche par deux aspects : a) il manque de burnes ; b) il pue.

 

Mais avant de développer ces deux aspects, commençons par dissiper un fâcheux malentendu relatif au titre de ce film : non, The Dark Knight n’a strictement rien à voir avec The Dark Knight Returns de Frank Miller, pas plus qu’avec Dark Knight 2 : La Relève. Mais alors rien de rien. Le « scénario » (mal branlé, avec des twists ridicules – Gordon…) s'inspire en fait (mal) d’un excellent story arc de la sympathique série Gotham Central, qui a pour personnages principaux les flics de Gotham, et non Batman ; story arc dans lequel lesdits flics se retrouvent confrontés à un Joker plus dingue que jamais.

 

Mais donc a) Le manque de burnes. « Dark » ? Tu parles ! Si l’on excepte le sympathique coup du crayon dans une des premières scènes du film, Dark Knight a tout du PG-13 abominablement moralisant, le pire étant cette insupportable scène du ferry. Quant à Batman, c’est un héros « à l'ancienne », bien loin de la version « à la Miller »... ou même « à la Burton », d’ailleurs : je vous rappelle que dans les films de Burton, le Batman n’hésitait pas à tuer, contrairement à celui-ci...

 

b) Ça pue. Et c’est surtout ça qui m’a gêné. Le personnage d’Harvey Dent/Double-face est envisagé sous un jour uniquement positif, ce qui fait du film... une véritable apologie de la politique law and order ! Donc, au moment où, avec les comics plus « réalistes », justement, post-Watchmen, on interroge le côté éventuellement fascisant des héros en collants, on a là un film qui fait l’éloge des politiques les plus répressives, sans qu’on ait besoin d’en passer par les héros costumés ! De manière très hypocrite, en plus (voir la scène du ferry, encore une fois...), mais c’est pourtant bien à ça qu’on aboutit... Et c’est à ça qu’on est censé applaudir sous couvert de « divertissement de qualité, réaliste et intelligent » ?

 

 Ben merde.

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"Starship Troopers", de Paul Verhoeven

Publié le par Nébal

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Titre original : Starship Troopers.

Réalisateur : Paul Verhoeven.

Années : 1997.

Pays : Etats-Unis.

Genre : Science-fiction.

Durée : 125 min.

Acteurs principaux : Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Jake Busey, Neil Patrick Harris, Clancy Brown, Patrick Muldoon, Michael Ironside…

 

 Hop, ma chro est à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard Cosmique.

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Conan le barbare, de John Milius

Publié le par Nébal

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Titre original : Conan the Barbarian.

Réalisateur : John Milius.

Années : 1981.

Pays : Etats-Unis.

Genre : Heroic-fantasy / Sword’n’Sorcery.

Durée : 129 min.

Acteurs principaux : Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Sandahl Bergman, Gerry Lopez, Mako, Ben Davidson, Sven Ole Thorsen, Max Von Sydow…

 

Cette chronique se trouvait à l'origine sur le beau site du Cafard cosmique...

 

 

Créé par Robert E. Howard, le personnage de Conan a acquis au fil des années une renommée mondiale, même si ce n’est que récemment que nous avons enfin pu accéder aux textes originaux dans toute leur pureté. Mais le mythe Conan avait depuis longtemps déjà dépassé le seul domaine de la littérature populaire, pour connaître un grand succès en bande-dessinée, et enfin triompher au cinéma en 1981, dans une superbe adaptation de John Milius. Aujourd’hui encore, son Conan le barbare reste une œuvre phare de l’heroic fantasy cinématographique, unique en son genre.

 

RÉSUMÉ

 

L’action se déroule durant la préhistoire fantasmée de l’Âge Hyborien. Le jeune Cimmérien Conan fait partie des rares survivants d’un raid mené par une troupe de pillards aux mobiles incertains. Fait prisonnier, il devient esclave, et s’endurcit au fil des années, jusqu’à devenir un véritable colosse. Il entame ensuite une sanglante carrière de gladiateur puis de mercenaire, jusqu’à ce que son maître se décide enfin à le libérer. Conan fait alors l’apprentissage de la liberté et, en compagnie de l’archer Subotai et de la belle Valeria, se fait voleur ; avec une audace insensée, ils s’emparent de l’Œil du Serpent, un joyau d’une valeur inestimable, ce qui leur vaut l’amitié du roi Osric. Celui-ci leur demande de l’aider à se débarrasser du chef du culte de Set, le sorcier Thulsa Doom, en qui Conan a identifié le meurtrier de ses parents, et qui a séduit la fille du roi. Commence alors pour le barbare une longue quête de vengeance…

 

L’ADAPTATION, I : LES EMPRUNTS HOWARDIENS

 

L’élaboration du scénario de Conan le barbare connaît bien des aléas. Le premier script est en effet rédigé par Ed Summer et le scénariste de Marvel Roy Thomas. Mais ils sont bientôt remplacés par le jeune et prometteur Oliver Stone, dont le premier jet, très inspiré par deux textes de Howard (« Une sorcière viendra au monde », et « Le Colosse noir »), est très violent et riche en éléments fantastiques, Conan y affrontant des hordes de mutants. Reste encore à trouver un réalisateur… Plusieurs sont approchés, dont – excusez du peu – Alan Parker et Ridley Scott, mais c’est finalement le très connoté – mais rescapé d’American Zoetrope (voir ma chronique de THX 1138) – John Milius qui est choisi. Milius, comme la plupart des membres de l’équipe, ne connaît à l’origine à peu près rien de Conan, au-delà des illustrations de Frazetta, et a fortiori des textes de Robert E. Howard… Pourtant, le scénario finalement retenu – co-écrit par Milius, qui a décidé de retourner à quelque chose de plus « réaliste », et Stone – est émaillé de nombreux emprunts à l’œuvre howardienne… même si ceux-ci sont parfois biaisés par les traficotages de Lyon Sprague de Camp, inévitable à l’époque, et qui est par ailleurs crédité comme « conseiller technique » pour le film…

 

Prenons les choses chronologiquement. Le monologue d’entrée est tiré des « Chroniques némédiennes », et emprunté à la première nouvelle de Conan, « Le Phénix sur l’épée ». L’hypnotisme dont fait preuve Thulsa Doom se retrouve dans « Le Peuple du cercle noir ». Le vol dans la Tour des serpents emprunte bon nombre de ses péripéties à « La Tour de l’éléphant ». Quant au personnage de Valeria, il apparaît dans la dernière aventure de Conan, « Les Clous rouges » – même si son amour pour le Cimmérien évoque davantage Bêlit, « La Reine de la Côte noire ».   Le subterfuge du déguisement en prêtre, employé deux fois dans le film, d’abord par Valeria lors de cette scène, plus tard par Conan, est emprunté à L’Heure du dragon. Mais les emprunts peuvent être extérieurs au cycle de Conan : si le roi Osric peut à certains égards faire penser au mélancolique roi Conan du « Phénix sur l’épée » son discours serait directement inspiré des « Miroirs de Tuzun Thune », une nouvelle du roi Kull (en même temps, l'inspiration originelle de ladite nouvelle de Conan était justement une nouvelle de Kull…). La crucifixion, scène particulièrement marquante, est un emprunt évident à « Une sorcière viendra au monde ». Plus tard, après l’orgie, tant la métamorphose de Thulsa Doom en serpent que sa transformation d’un serpent en flèche figurent dans « Le Peuple du cercle noir », tandis que le bûcher funéraire et le « retour » de Valeria/Bêlit nous ramènent une fois de plus à « La Reine de la Côte noire ».

 

Les sources peuvent à l’occasion être multiples, et la fameuse scène de la sorcière en fournit un bon exemple : certains éléments sont empruntés assez clairement au roman de Conan L’Heure du dragon… mais d’autres, plus clairement encore, à l’excellente nouvelle de Bran Mak Morn intitulée « Les Vers de la terre » (peut-être « conanisée » par Lyon Sprague de Camp ou par Marvel ? Ce ne serait pas une première…). Autre emprunt « multiple » : le serpent géant, que l’on retrouve dans « La Citadelle écarlate » et « Le Diable d’airain », mais aussi dans L’Heure du dragon, ou encore dans la nouvelle de James Allison « La Vallée du ver », qui multiplie les allusions à la chute des royaumes hyboriens.

 

Enfin, certains emprunts se limitent à des noms : celui de Thulsa Doom, ainsi, provient du cycle de Kull, antérieur à celui de Conan (et le personnage, après tout, est bien présenté comme étant « vieux de mille ans »). Le nom de Subotai apparaît dans « Les Épées rouges de Cathay la noire » (dans Le Seigneur de Samarcande), où il désigne un personnage historique, un général de Gengis Khan – et l’on sait que Milius s’est beaucoup documenté sur les Mongols pour son film. Quant au nom d’Osric, il provient de deux nouvelles de Cormac Mac Art (sur toutes ces questions, nous invitons les lecteurs avides de détails à se reporter à cet excellent article des excellentes Chroniques némédiennes).

 

En définitive, Conan le barbare est donc bel et bien, au moins dans ses inspirations, un film howardien, ce qui n’était pas gagné d’avance… et les puristes exagèrent peut-être un pêu en hurlant à la trahison. Cependant, il est vrai que le Conan de John Milius et Oliver Stone n’est pas celui de Robert E. Howard, et que certaines différences essentielles sont à souligner.

 

L’ADAPTATION, II : LE BARBARE, L’ESCLAVE, LE SURHOMME, LA TÉLÉOLOGIE

 

Avec un titre tel que Conan le barbare, on pourrait s’attendre à retrouver dans le film de John Milius une des préoccupations essentielles de Robert E. Howard, à savoir l’opposition entre barbarie et civilisation. Étrangement, ce n’est quasiment pas le cas… Seuls deux ou trois éléments, très brefs et allusifs, vont dans ce sens. Tout d’abord, une remarque de Subotai à Conan quand ils croisent pour la première fois une ville : l’Hyrkhanien parle d’une civilisation « ancienne et cruelle », comme si les deux allaient de pair… Plus tard, dans le même registre, mais sur un mode plus mineur, on peut retenir leur remarque sur « l’air qui ne rentre jamais » dans les murs de la ville, opposée aux magnifiques plans larges de la course des héros libérés hors les murs (la superbe musique de Basil Poledouris y est pour beaucoup). Enfin, on pourrait évoquer ici également le discours tenu par le roi Osric, un vieux barbare qui regrette les temps anciens de sa liberté… Mais c’est à peu près tout.

 

Le propos essentiel du film est ailleurs, et mêle les préoccupations philosophiques de Milius et de Stone aux traficotages de Lyon Sprague de Camp. En effet, le film a un abord téléologique : Conan est un homme destiné à devenir « roi de ses propres mains », et on insiste sur ce fait dès le début, de même qu’on y revient à la fin. On est ici clairement dans la logique de Lyon Sprague de Camp, non d’Howard, qui ne concevait sans doute pas son cycle de Conan comme chronologique, ni la royauté comme une fin en soi. La royauté a d’ailleurs chez lui un goût amer, teinté de mélancolie, non de triomphe, que ce soit chez Conan ou chez d’autres personnages (on lira à ce sujet le passionnant article de Patrice Louinet dans Échos de Cimmérie).

 

Mais cet aspect téléologique fait sens, chez Milius et Stone, dans la mesure où il se conjugue avec une philosophie nietzschéenne, simpliste peut-être, mais soulignée dès l’exergue du film par la fameuse citation : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. » Toute la première partie du film – largement due à l’imagination de Milius, a priori (dont on retrouve l’obsession pour les armes, avec le fameux « secret de l’acier ») – semble dédiée à vérifier l’adage, plus particulièrement illustré par le fameux montage de la « roue de la douleur », qui voit le jeune Conan (esclave, chose impensable chez Howard, pour qui le personnage se caractérise avant tout par sa liberté !) grandir jusqu’à devenir le colosse Schwarzenegger – scène que Milius lui-même (sans doute un brin provocateur comme il se doit…) qualifie de « darwinienne »… Mais cette idée reste également très prégnante par la suite (la scène de la crucifixion en témoigne jusqu’à l’extrême sur le plan physique, de même que, sur le plan moral, celle du bûcher funéraire), et ce, à vrai dire, jusqu’à la fin du métrage. Ce n’est qu’alors, en tuant le père, en s’accomplissant, en « franchissant le pont », en abandonnant définitivement son statut d’esclave, que Conan, d’homme, devient surhomme ; et, ayant accompli sa vengeance, fait parler sa volonté de puissance. Ce qu’il a déjà fait, dans un sens, lors de la dernière bataille, à l’occasion de son ultime – et unique – prière à Crom, s'il s'agit bien d'une prière, car elle peut très bien se résumer à un déicide éminemment nietzschéen…

 

Cela peut certes paraître simpliste… Mais il faut remettre les choses dans leur contexte : Oliver Stone, très ambitieux, souhaitait faire de Conan une véritable saga cinématographique à la James Bond ; Milius et les producteurs, plus réalistes, pensaient à une trilogie : dans cet esprit, le thème central du premier film était « la force brute » (sic ! cela explique bien des choses…) – les suivants devant traiter de la responsabilité, puis de la tradition et de la loyauté. Hélas, les choses ne se passèrent pas ainsi…

 

LA DISTRIBUTION

 

Une fois les scénaristes, les producteurs et le réalisateur trouvés, restait à se pencher sur la distribution. Pour le rôle-titre, la question ne se posait même pas : le film s’est construit autour de la personnalité d’Arnold Schwarzenneger, alors simple culturiste et illustre inconnu ou peu s’en faut, repéré par Edward Pressman dans le documentaire Pumping Iron. On avouera cependant que ses talents d’acteur sont assez limités – ce qui explique peut-être le scepticisme de Dino de Laurentiis à son encontre (on l’a pourtant connu peu regardant !) –, et que son accent autrichien encore assez marqué justifie sans doute le petit nombre de ses répliques, et – cette fois, c’est une certitude – le fait qu’il ne soit pas le narrateur du film, contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier temps. Le rôle du narrateur, outre celui du sorcier, fut donc confié à Mako, qui dirigeait par ailleurs une école de théâtre, dans laquelle il forma notamment durant le film Gerry Lopez (Subotai) : celui-ci, en effet, n’avait jamais tourné dans le moindre film ; c’était un surfer, et un ami de Milius… Mais il s’en est très bien tiré. Pour en finir avec les héros, évoquons enfin Sandahl Bergman (Valeria), retenue par John Milius pour son physique de « Walkyrie ».

 

En face, pour les « vilains », il était nécessaire de trouver quelqu’un de particulièrement charismatique pour interpréter Thulsa Doom : ce fut le cas avec le grand acteur noir James Earl Jones, plus habitué aux seconds rôles (et très connu, en Anglo-saxonnie, pour être la voix originale de Dark Vador…), et qui se révèle ici tout simplement parfait. Ses seconds, les « Grands Danois » comme les appelle Milius, sont des colosses destinés à en imposer à Schwarzenegger lui-même : le footballeur Ben Davidson incarne ainsi Rexor, tandis que le culturiste scandinave Sven Ole Thorsen joue Thorgrim (avec son gros marteau…).

 

On n’ira guère plus loin ici. On se contentera de mentionner deux seconds rôles importants, le roi Osric interprété par rien de moins que le grand Max Von Sydow (à l’origine, ce devait être Sterling Hayden, mais on ne peut pas dire que Milius ait perdu au change…), et sa fille, la princesse, jouée par Valérie Quennessen. On mentionnera brièvement qu’un caméo de John Milius a été finalement supprimé au montage, tandis que ceux du production designer Ron Cobb (le dealer de lotus noir) et de Yamazaki (le maître d’armes du Khitaï) ont été conservés. Un mot enfin sur les figurants, qui, pour certaines scènes, ont été plus de 1500…

 

LE TOURNAGE ET LA POST-PRODUCTION

 

Le tournage de Conan le barbare est une aventure presque aussi épique que celle qu’il est censée rapporter… Prévu initialement en extérieurs en Yougoslavie, il a finalement lieu six mois plus tard en Espagne, en raison du contexte politique (la mort de Tito).

 

Pour les acteurs – et au grand délice de Milius, qui s’est toujours plus considéré comme un général que comme un réalisateur… –, le tournage ressemble à un camp d’entraînement militaire : escrime, équitation, musculation, tous les jours… et enfin, tournage.

 

Mais dès le premier jour, les accidents se multiplient, et Schwarzenegger a ses premiers points de suture. Devant l’Autrichien qui se plaint de saigner, Milius reste stoïque, et même enthousiaste : « Cette blessure est temporaire, les films sont éternels ! » Ce sera loin d’être la dernière… Sandahl Bergman sera elle aussi assez grièvement blessée, et aura un doigt coupé lors d’une scène de combat à l’épée…

 

Pourtant, malgré toutes ces difficultés – et la construction de décors monumentaux, comme celui du Temple de Thulsa Doom –, le tournage arrive à son terme. Commence alors le travail de post-production. Et c’est à ce moment que se pose une nouvelle question : celle de la musique. Au départ, les producteurs entendent imposer au réalisateur le prestigieux Ennio Morricone ; mais John Milius, têtu, n’en veut pas, et impose son choix personnel : ce sera Basil Poledouris, ou rien. L’histoire lui a donné raison, car Poledouris a incontestablement signé là son chef-d’œuvre, une bande originale d’une puissance et d’un lyrisme rares, qui fait encore aujourd’hui figure de modèle du genre. À vrai dire, elle mériterait un article à elle seule…

 

LA RÉCEPTION DU FILM ET SES CONSÉQUENCES

 

La critique ne se montre guère tendre pour ce film violent et sans concessions – interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis –, ce qui n’arrange guère la réputation déjà pas terrible de Milius. Un journaliste va jusqu’à parler de « Star Wars filmé par un psychopathe » !

 

Mais, malgré tout, le succès populaire est là ; dès la première, les gens font la queue pour voir le film-événement, à tel point que l’on doit le programmer dans des salles supplémentaires. Le film lance la carrière de Schwarzie, qui devient une star du jour au lendemain, et initie – pour le pire, hélas… – un engouement passager pour le cinéma d’heroic fantasy, qui nous vaudra une kyrielle de nanars italiens pompant allègrement le chef-d’œuvre de Milius (vous en trouverez bon nombre d’exemples sur cette page de l’indispensable site Nanarland).

 

Pire encore, dans un sens, il y aura bien un deuxième film consacré à Conan, Conan le destructeur, qui est aussi le dernier film du vétéran Richard Fleisher, qu’on avait pourtant connu bien plus inspiré dans la veine épique, des années auparavant, avec Les Vikings… Le film est un navet parfaitement ridicule de bout en bout, sans aucun intérêt, et qui mettra un terme à une licence qu’on aurait pu espérer prometteuse…

 

Mais on touchera le fond avec les autres adaptations « howardiennes » : Red Sonja (qui a plus à voir avec la BD Marvel qu’avec le personnage de Robert Howard, et fut rebaptisé en France Kalidor, la légende du talisman pour mettre en avant le personnage incarné par… Schwarzenegger), plus récemment Kull et Solomon Kane… Non, décidément, il n’est pas donné à tout le monde d’adapter Robert E. Howard au cinéma.

 

CRITIQUE

 

Or Milius, lui, s’en est très bien tiré. Il a su rendre fidèlement l’atmosphère épique et violente, à la fois réaliste et fantastique, des récits de Conan. Son film est réalisé de main de maître, et, pour ce qui est de placer une caméra, Milius n’a de leçons à recevoir de personne. Le film est superbement construit, et, grâce à la géniale bande originale de Poledouris, fonctionne comme un véritable opéra, ce qui, paradoxalement, justifie de nombreuses et longues scènes sans dialogues (notamment au début du film : passé le prologue, si l’on excepte quelque interventions du narrateur, il n’y a quasiment pas de répliques pendant au moins une vingtaine, voire une trentaine de minutes). La photographie est en outre magnifique, à l’instar des décors – celui du Temple de Doom, avec ses 1500 figurants, reste très impressionnant trente ans plus tard – et, si les effets spéciaux ont naturellement vieilli, ils ont le bon goût d’être rares, ce qui évite au film de sombrer excessivement dans le kitsch.

 

Par ailleurs, Conan le barbare reste aujourd’hui ce qu’il était déjà à sa sortie en 1981 : un grand film d’action. Les scènes de bataille n’ont certes pas l’envergure mégalomane qu’autorise aujourd’hui le numérique, mais elles sont en contrepartie minutieusement chorégraphiées, riches en détails et d’une violence rare. On sent dans les gestes des acteurs le travail du maître d’armes Yamazaki, et on les croit volontiers quand ils expliquent que le « général » Milius préparait chaque bataille avec tout l’art d’un tacticien…

 

Finalement, en dehors du jeu pour le moins limité de Schwarzenegger et, si l’on tient à faire dans le « politiquement correct », d’une idéologie parfois « douteuse » – et encore… –, il n’est rien que l’on puisse véritablement reprocher à ce Conan le barbare. Mieux, il ne se trouve aucun film pour soutenir véritablement la comparaison : même depuis la sortie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson – dont on pensera ce que l’on voudra… –, le film de John Milius reste probablement encore aujourd’hui le seul – bon… – film d’heroic fantasy tourné spécifiquement à destination d’un public adulte. Ce qui lui confère toujours une saveur particulière, et une originalité qui le rend indémodable. À ce stade, on peut bien parler de chef-d’œuvre.

 

L’histoire a démontré qu’il n’était pas donné à tout le monde d’adapter Robert E. Howard. Mais John Milius, avec Conan le barbare, a parfaitement saisi l’atmosphère de l’Âge Hyborien, et livré un chef-d’œuvre indémodable d’heroic fantasy. Près de trente ans après sa réalisation, le film n’a pas pris une ride. C’est assez rare pour être signalé, et loué…

 

(Outre les Chroniques némédiennes déjà mentionnées, nous invitons les curieux à poursuivre l’aventure sur ce site très complet. Mille merci, enfin, à Simon Sanahujas, qui fut d’un grand secours dans la rédaction de cette chronique.)

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