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Gunnm, t. 9 : La Conquête de Zalem (édition originale), de Yukito Kishiro

Publié le par Nébal

Gunnm, t. 9 : La Conquête de Zalem (édition originale), de Yukito Kishiro

KISHIRO Yukito, Gunnm, t. 9 : La Conquête de Zalem (édition originale), [Gannmu 銃夢], traduction depuis le japonais [par] David Deleule, Grenoble, Glénat, coll. Manga Seinen, [1990-1995, 2013] 2018, 252 p.

Eh bien, nous y arrivons… La fin de Gunnm ! Ou du moins de la série originelle, car il y a eu depuis des prolongements, d’abord Gunnm Last Order, à la réputation pas top semble-t-il, ensuite Gunnm Mars Chronicle, dont je ne sais absolument rien, si ce n’est que la publication française en avait été entreprise parallèlement à cette reprise de Gunnm-tout-court en « édition originale » (et dont la traduction, notamment, me laisse parfois sceptique, ç’a été vrai tout du long). Mais Gunnm-tout-court s’arrête donc là – et il y a une vraie fin, même si avec suffisamment de portes ouvertes pour broder séquelles et préquelles.

 

À vrai dire, c’est un peu la ruée, dans ce neuvième tome très dense, qui doit rassembler pas mal de ficelles pour aboutir à une conclusion. Et, du coup, cela peut être un tantinet indigeste, je suppose… En fait, j’avais lu cet ultime tome il y a quelque chose comme deux semaines de cela, sans avoir le temps de le chroniquer dans la foulée ou disons dans les jours qui suivaient – pour faire mariner un peu. Mon ressenti… était un peu perplexe, disons. Mais, histoire d’en livrer une chronique pas trop totalement à l’ouest (dans l’idée, mais je suppose qu’elle le sera quand même), j’ai préféré relire ce neuvième tome avant de vous en causer – et bien m’en a pris, je crois, parce que c’est beaucoup mieux passé ; il y a des choses qui ne fonctionnent pas très bien à mes yeux, toujours, mais globalement ça se tient, et, oui, c’est une vraie fin, et probablement une bonne fin ; ce qui n’était vraiment pas gagné.

 

Nous avions laissé Gally seule contre tous ou presque, et quasiment en morceaux, atteindre enfin sa némésis Desty Nova, avec l’assistance du fiston chelou dudit savant dingue et flanophile, Kaos. Gally, qui s’est endurcie avec toutes ces années passées dans les Badlands, n’a pas exactement envie de faire dans la demi-mesure, et compte bien massacrer Desty Nova sans faire de manières, et tant pis pour ses connards d'employeurs sur Zalem. Mais une chose la ronge : quel est donc le secret des Zalémiens, justement ? Ce qui a rendu fou Ido, au point où il s’est réfugié dans une autre vie bienheureusement amnésique ? Je mets la balise SPOILER au cas où, mais cette « révélation » apparaît à la page 14, hein… Adonc, ni une, ni deux, Desty Nova découpe son crâne et exhibe la micropuce qui a remplacé son cerveau – car tel est le sort de tous les citoyens de Zalem quand ils atteignent l’âge de 19 ans, et c’est la condition de leur citoyenneté…

 

Bon. La découverte de ce secret, systématiquement, rend tous les Zalémiens dingues, et je suppose que, dans leur position, cela peut se comprendre, aussi les scènes illustrant leur folie, qu’elle tienne de la catatonie ou de l’automutilation précédant le geste authentiquement suicidaire, fonctionnent ma foi plutôt bien. Le rapport de Lou à cette révélation s’avère d’ailleurs plus subtil et convaincant que ce à quoi nous avait habitué le personnage, et c’est tant mieux – elle y gagne enfin de la chair et de l’âme, même stockée dans une micropuce. Reste que, de mon point de vue de lecteur bien éloigné de tout ça, ce terrible secret est de suite beaucoup moins terrifiant et scandaleux… On avance d’ailleurs (Desty Nova sauf erreur) que, cerveau cybernétique et corps organique, ou l’inverse comme pour Gally, ça n’est jamais qu’une question d’assemblage… C’est l’approche du savant fou, elle n’est donc probablement pas canonique, mais, après tout, la perspective transhumaniste de la série depuis ses tout premiers épisodes constituait à mes yeux un de ses atouts majeurs, et je tends donc à lui donner raison. Mais bon. D’une certaine manière, je conçois bien que ce « secret » soit constitutif d’une fin correcte pour la série, qui tient ses promesses ; c’est vraiment à titre très personnel que cet aspect de l’histoire me laisse passablement froid – de même à vrai dire pour les autres institutions de Zalem ici décrites, quand on y met enfin les pieds, et qui orientent absolument sans surprise la techno-utopie vers quelque chose qui tient bien davantage de la dystopie (chambres de suicide et expérience grandeur nature sur un mode typique de la thématique des arches stellaires, et, donc, disons auto-mutilation volontaire, qui est en même temps un auto-aveuglement) ; sans parler de la « justification » du nom même de la cité des nuages, mf…

 

Cela fonctionne donc, sans être forcément très enthousiasmant en ce qui me concerne. Mais, à mon sens, ce tome de conclusion contient suffisamment de bons moments ailleurs pour que l’ensemble en bénéficie, dont ces moments en rapport avec Zalem et ses secrets – notamment dans la manière de l’affrontement entre Gally et Desty Nova. Notez, il n’est pas dénué de trucs un peu lourds, le retour d’Eli au premier chef, dont on se serait très bien passé – tandis que le grand finale de Den vaut essentiellement pour le rôle ambigu de la petite Koyomi dans tout ça ; les errances plus ou moins psychiques de Kaos y sont forcément liées, et parlent plus ou moins. Non, ce qui est vraiment bon à mes yeux, et en même temps pas vraiment surprenant dans l’absolu, c’est que le combat se déroule dans le crâne même de Gally – que Desty Nova soumet à des rêves et cauchemars, tour à tour poignants et terribles, teintés de regrets aussi ; une ou des vies alternatives, parfois heureuses – insupportablement heureuses ; moyen de questionner la prédestination martiale de Gally. Dans ces scènes tantôt horribles, tantôt plus calmes et sereines que d’usage, le dessin toujours très bon de Kishiro Yukito brille tout particulièrement, sur un mode parfois sensible qui renvoie aux premiers tomes de la BD – les époques d’Ido et de Yugo… Un autre aspect intéressant de ces passages réside dans l’amorce d’une réévaluation du personnage de Desty Nova – dingue et dangereux sans doute, mais bien plus que cela en même temps ; s’il a commis suffisamment d’horreurs pour que l’on souhaite y mettre un terme, et si ce trifouillage de la mémoire et des sensations de Gally/Alita en fait d’ailleurs partie, il est quelques moments pourtant où, dans le rôle du tonton excentrique, il se révèle étrangement humain – et pas si éloigné d’un Ido, jusque dans leur désir partagé et un peu perturbant de « jouer à la poupée » avec Gally/Alita ; peut-être était-ce aussi le désir secret de Kishiro Yukito – voire, horreur glauque, des lecteurs de Gunnm ? Gally parviendra certes à fuir ce rêve – mais pour réaliser qu’elle n’en a absolument aucun, ce qui est plutôt douloureux…

 

Mais je disais donc que cet ultime tome était très dense – et il reste encore deux aspects à mentionner, plus rapidement, mais liés. Le plus intéressant à mon sens est ce flashback dans lequel Gally découvre enfin la Yôko qu’elle était – une militaire martienne impitoyable, à l’époque d’un conflit entre Mars et la Terre, pardon, Röte et Blau ; Gally est horrifié par ce dont elle se souvient enfin, mais l’épisode a aussi pour fonction de justifier… eh bien, le point de départ même de la BD : comment ce cerveau organique dans un corps hétéroclite en lambeaux a pu finir dans la Décharge, où Ido le trouvera, toujours en état de marche, quelques siècles plus tard… Noter que la BD prend soin de ménager un grand flou sur une durée de 200 ans au moins, laissant de la marge pour des épisodes ultérieurs – en tant que tel, le procédé, bien employé, n’est pas frustrant, mais vraiment intrigant.

 

Enfin, les destins de Gally et de Zalem doivent s’unir. Les fantasmes de Den et de la Décharge s’associent également aux illusions aveugles des Zalémiens – tandis que Desty Nova s’engage plus avant, même follement, sur la voie d’un semblant de rédemption. Sans vraie surprise, Gally nous offre donc un finale christique, non sans une certaine grâce cela dit – une manière de boucler la boucle, ou, plus exactement, de relier les mondes. La forme même de ce sacrifice donne tout d’abord une vague impression d’improvisation (notamment les rôles de Desty Nova et aussi de Lou dans tout ça, avec des équivalents gadgétoïdes de deus ex machina), mais, là encore, en définitive, cela fonctionne ; et, comme de juste, un épilogue ouvre à nouveau quelques portes pour raconter d’autres histoires…

 

Arrivé au terme de cette BD, quel est mon ressenti global ? Positif – largement, je crois. En commençant par une évidence : le dessin de Kishiro Yukito est vraiment très bon, et progresse même de tome en tome. Le personnage de Gally est très réussi. Quelques autres personnages de même – Ido dès le départ, plus tard Kaos même s’il a ses moments pénibles, et finalement Desty Nova ; d’autres noms pourraient sans doute être avancés. Il y a eu des hauts et des bas, sans doute ; comme je l’ai dit dans tous mes comptes rendus depuis le troisième volume, le principal bas de la série est clairement, en ce qui me concerne, le pénible arc du motorball. Le tournant madmaxien à partir du tome 6 m’a bien plu, par contre. Il y a des choses qui fonctionnent très bien du début à la fin, cela dit – et notamment cette veine plus ou moins transhumaniste, sur un socle cyberpunk, qui autorise une sorte de gore très improbable mais d’autant plus enthousiasmant. Et des choses qui fonctionnent beaucoup moins bien dès les premières occurrences, pour compenser – le catalogue de coups spéciaux et d’armes de destruction massive, avec des notes de bas de case régulièrement crétines à la manière d’un Shirow Masamune dans The Beurk in the Shell… Mais les qualités l’emportent clairement sur les défauts : Gunnm est un bon manga de SF, et un bon manga d’action ; peut-être pas tout à fait à la hauteur de son culte, même si j’y ai participé non sans une certaine nostalgie adolescente – néanmoins bien au-dessus du lot, pas l'ombre d'un doute à ce sujet.

 

Ce que confirme en définitive cet ultime tome, très dense : tout ne se montre pas totalement convaincant, mais les bons moments rachètent sans peine les moins bons, et c’est une conclusion appréciable à une série de qualité.

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CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (11)

Publié le par Nébal

CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (11)

Onzième séance de « The Great Northwest » pour Deadlands Reloaded. Vous trouverez la première séance , et la séance précédente ici.

 

Les inspirations essentielles se trouvent dans la campagne Stone Cold Dead et le scénario Coffin Rock, mais les événements de cette séance sont largement personnels.

 

Tous les joueurs étaient présents, qui incarnaient Beatrice « Tricksy » Myers, la huckster ; Danny « La Chope », le bagarreur ; Nicholas D. Wolfhound alias « Trinité », le faux prêtre mais vrai pistolero ; et enfin Warren D. Woodington, dit « Doc Ock », le savant fou.

Vous trouverez également l’enregistrement de la séance dans la vidéo ci-dessous.

I : LE POIDS DE SES FAUTES

 

[I-1 : Danny, Nicholas : Russell Drent] La posture christique de Russell Drent a quelque chose d’extatique. Les adjoints ne réagissent pas – c’est comme s’ils n’avaient pas conscience de ce phénomène pourtant à même de capter l’attention… Le shérif explique qu’il lui a fallu faire des sacrifices pour le bien commun – ce que Danny est plus à même de comprendre que le faux prêtre Nicholas (qui est très nerveux et s’agrippe à sa croix, Christina). Danny fait le benêt – il faudrait soigner le shérif, il perd tout de même beaucoup de sang… Mais il s’y refuse : « C’est le sang de la Nouvelle Alliance. De temps en temps il faut que le sang coule. Cela régénère les terres. » Mais il replie enfin ses bras, et lape le peu de sang qui gouttait encore de ses paumes.

 

[I-2 : Danny, Beatrice : Russell Drent] Le shérif se tourne à nouveau vers Danny : lui qui a exercé ses fonctions en temps de crise, a-t-il des suggestions à lui faire ? Oui – il faut se rendre à la blanchisserie avec les adjoints (ils sont une quinzaine) pour sauver les habitants de Crimson Bay qui s’y sont réfugiés. Mais Russell Drent dit trouver cela prématuré – il y a des centaines de morts-vivants entre le bureau du shérif et l’usine… Il faut patienter encore un peu. Danny insiste : ils n’ont pas assez de vivres pour deux jours ! Le shérif l’entend bien : « Vous connaissez cet Anglais qui parle de la "sélection naturelle" ? » Danny le regarde l’air perplexe… « C’est dans l’ordre des choses que les faibles périssent – ce qui laisse du champ aux forts. » Le bagarreur y réfléchit, et trouve cela affreux – et ils sont les représentants de la loi dans cette ville, ils ont pour tâche de protéger les faibles ! Beatrice ajoute que ce qui se produit en ville n’est pas très « naturel »… Le shérif l’admet – mais, dans ce cas, il faut prendre garde à ne pas aller à l’encontre des plans du Seigneur !

 

[I-3 : Beatrice, Danny : Russell Drent, Bill ; Fedor] Mais Beatrice demande alors à Drent, qui a cette relation si particulière avec Dieu, s’il sait qui est derrière l’invasion de morts-vivants. Il a son idée, oui : « Ce nègre, Fedor… C’est un nègre des îles, ils sont un peu différents de ceux du Sud. Ils ont cette religion étrange, le vaudou, je crois… Ils sont en lien avec des esprits maléfiques, des démons ! Qui leur permettent de réveiller les morts… » Naïvement, Danny en conclut : « C’est peut-être à cause de nous, alors. » Drent le croit ; mais il est toujours utile d’admettre ses erreurs. Sauf qu’ils ne parlent pas de la même chose : « Cela ne doit pas être facile d’avoir sur ses épaules le poids de toute cette responsabilité… Mais vous savez ce que vous avez fait, là-bas. » Le shérif insinue en fait que les PJ, en prévenant la communauté des anciens esclaves de l’expédition, ont permis à Fedor de s’enfuir avec les femmes et les enfants – c’est donc leur faute ! « C’est fâcheux, il aurait fallu l’abattre… » Danny hurle : « QUOI ?! » Il n’en revient pas. Mais Drent, d’un calme olympien, n’en démord pas – poliment, aimablement, il accuse le bagarreur et ses amis d’être les responsables de la mort de dizaines, peut-être de centaines d’habitants de Crimson Bay

 

[I-4 : Danny, Beatrice, Warren, Nicholas : Bill, Russell Drent ; Tom Jenkins, Jeff Liston] Les adjoints ne réagissent toujours pas. Danny fait appel à eux, mais ils l’ignorent. Qu’est-ce que Drent leur a fait ? Bill est là, la goutte au front, la mâchoire crispée, mais il ne dit rien. Il retient visiblement des sanglots. Il balbutie, puis finit par dire et répéter : « LA NOUVELLE ALLIANCE ! LA NOUVELLE ALLIANCE ! » D’autres adjoints reprennent ses paroles, plus sèchement. Drent, lui, engage les PJ à se mettre au travail – à sortir d’ici, donc. Quant aux réfugiés de la blanchisserie… Le shérif ne pense pas agir avant au moins trois ou quatre jours : « À raison de, disons, trente ou quarante morts par jour… Oui, voilà, quatre jours, ce sera de suite beaucoup plus raisonnable. » Danny est furieux – qu’il lui confie du moins quelques adjoints, deux ou trois ! Le shérif refuse : « Un peu de patience ; quatre jours, ce n’est pas grand-chose… » Beatrice, Warren et Nicholas ont compris le message : Drent les met dehors, avec tous les zombies qui rodent… Mais ils y sont prêts – le savant fou aimerait jeter un œil à l’atelier de Tom Jenkins pour récupérer des outils et du matériel, la huckster compte se réfugier chez Jeff Liston. Mais Danny s’obstine : il s’adresse à Bill, qui a l’air de résister au contrôle de Russell Drent – lui au moins pourrait le suivre ! Mais le vieil adjoint, secoué par des spasmes, marmonne désespérément entre ses dents serrées : « La Nouvelle Alliance ! La Nouvelle Alliance ! » Danny insiste – avec Bill, ils vont boire un verre au Red Bear… Mais Bill dégaine son Colt, l’amène contre sa tempe et fait feu. Contemplant le cadavre du suicidé, Drent dit d’un air navré : « Encore une mort tragique dont vous devrez porter la responsabilité… » Danny furieux suit ses camarades dehors – tandis que les adjoints qui restaient sous l’auvent, à disperser les zombies un peu trop téméraires, retournent à l’intérieur du bureau : où qu’ils aillent, les PJ seront seuls avec les morts-vivants.

 

II : L’OURS DANS SA TANIÈRE

 

[II-1 : Nicholas, Danny, Beatrice, Warren : Jeff Liston] Les PJ partent donc vers l’ouest – dans la direction du Red Bear, en espérant que leur ami Jeff Liston est toujours de ce monde. Mais nombre de zombies sont sur leur chemin… sans parler de ceux qui les suivent, maintenant que les adjoints ne s’en occupent plus ! Il y a plusieurs centaines de mètres à parcourir dans ces conditions… Et il va falloir faire vite ! Le périple est compliqué par la masse toujours renouvelée des assaillants – Nicholas, qui prend un peu de retard, est rapidement entouré par une foule de morts-vivants dont il ne s’extraie qu’à grand peine ; de l’autre côté, Danny, qui avait pris de l’avance et assénait de furieux coups de gourdin aux morts-vivants à portée, est bientôt dans une situation aussi mal engagée. Mais quelqu’un vient à leur secours : Jeff Liston ! L’ex-trappeur, qui a préparé plusieurs fusils de chasse, dégage l’accès au Red Bear, où les PJ se précipitent tandis qu’il les couvre ; Danny et Nicholas, qui sont parvenus à se dégager de la foule de leurs assaillants, sont les derniers à gagner l’abri du Red Bear, et Liston, assisté de Beatrice et Warren (dont le bras mécanique Hippolyte, qui produit des éclairs meurtriers, s’est avéré utile), entreprend aussitôt de fermer la porte et de la barricader – pour autant qu’ils le sachent, cette porte est l’unique accès à ce bouge dénué de fenêtres…

 

[II-2 : Beatrice, Warren : Jeff Liston] L’endroit devrait être sûr – mais tous, une fois à l’intérieur, ont le même réflexe : recharger leurs armes… Beatrice, notamment, a vidé quelques chargeurs ! Elle pensait avoir de la marge, mais c’est de moins en moins le cas, avec pareils ennemis… Liston fait de même avec ses divers fusils de chasse, posés dans des endroits stratégiques. Après quoi il redevient, même brièvement, « le tavernier ». Warren, après tout de même avoir remercié son hôte, n’a en effet guère tardé à lui commander, tout naturellement, une limonade, qu’un Liston perplexe lui sert bientôt, sur un plateau ; le savant fou se tient un peu à l’écart, c’est comme s’il discutait avec ses bras mécaniques – il songe aux plans d’un dispositif pour leurrer les morts vivants…

 

[II-3 : Beatrice, Nicholas : Jeff Liston ; Gamblin’ Joe Wallace] Puis Jeff Liston ouvre une bouteille : « Un vrai bon whisky. J’en n’ai acheté qu’une bouteille dans ma vie, je crois que c’est l’occasion que j’attendais pour la boire. » Et il s’installe à table avec les autres. Ils échangent leurs informations, racontent comment ils ont survécu. Beatrice mentionne aussi leur entrevue avec Gamblin’ Joe Wallace, qui avait avancé que, de tous les habitants de Crimson Bay, le patron du Red Bear était peut-être le seul à entretenir au moins de vagues contacts avec les Indiens de la tribu des Red Suns, dans la forêt du même nom ; Liston dit les croiser parfois, oui – ils ne lui ont jamais posé de problème… Il lui est arrivé de discuter avec quelques-uns d’entre eux autour d’un feu de camp : la valeur de cette peau d’ours, ce genre de choses… Guère plus. Nicholas, cependant, devine que l’ex-trappeur ne dit pas toute la vérité à ce propos – il lui demande s’il n’aurait pas fricoté avec une Indienne, mais Liston l’ignore… En tout cas, le patron du Red Bear se montre réservé, devant ce qu’il perçoit comme des accusations de la part de Wallace : dès qu’il y a un souci, dans ce pays, on dit « les Indiens, les Indiens »… Conneries. Les Red Suns sont paisibles. Mais Beatrice n’accuse personne – c’était seulement pour savoir si les Indiens du coin tireraient à vue ou discuteraient, dans l’éventualité où ils en rencontreraient… Liston répond qu’il y a un problème : ce qui se passe à Crimson Bay se passe peut-être aussi chez les Red Suns – ça pourrait les inciter à tirer (à l’arc, ils sont assez traditionalistes) d’abord et poser les questions ensuite… Mais Liston y a réfléchi : il pense que la forêt serait plus sûre que la ville – « enfin, à condition de connaître la forêt, bien sûr ». Il songeait à s’y planquer.

 

[II-4 : Beatrice, Danny, Nicholas : Jeff Liston ; Rafaela Venegas de la Tore, Russell Drent, Bill, Mr Chow] Mais Beatrice mentionne les réfugiés à la blanchisserie (dont Rafie), qui ont besoin d’aide… Et il y a un autre souci : Drent. Danny maugrée en se resservant un verre, et prend le relais : le shérif se la joue christique, mais il a des fantasmes d’épuration – il a clairement dit qu’il allait laisser les gens de la blanchisserie crever pour régner ensuite sur les survivants, sinon sur les cadavres. Liston s’enquille une bonne rasade – ça fait beaucoup de bonnes nouvelles… Danny est formel : il faut prévenir les réfugiés de Chinatown que Drent ne fera rien pour les aider. Mais une puissante magie est en jeu, de toute évidence. Le terme même fait hausser le sourcil de Liston­ – mais, après tout, les morts-vivants… Nicholas et Beatrice décrivent avec précision ce qui vient de se passer dans le bureau du shérif – et le contrôle « démoniaque » qu’il exerçait sur ses adjoints, au point de pousser le seul qui tentait de lui résister, Bill, au suicide. Mais peut-on organiser un repli des réfugiés de la blanchisserie dans la forêt ? Personne n’y croit – ils sont trop nombreux, et les morts-vivants plus encore… Et, parmi eux, il y a des vieillards, des enfants… Et même si ça marchait, qu’en diraient les Indiens ? Non, ce plan n’est pas raisonnable. Par ailleurs, le vieux Chinois qui dirige tout là-bas, Mr Chow, pue la magie et en tout cas le pouvoir – Jeff Liston ne lui avait jamais vraiment prêté attention… Mais la menace, c’est Drent – outre la famine, bien sûr.

 

[II-5 : Danny, Warren, Nicholas : Jeff Liston] Danny est persuadé qu’il faut qu’ils retournent d'abord à la blanchisserie. Liston est sceptique : ça fait toute une ville à traverser, avec ces macchabées partout… Danny est confiant : ils l’ont déjà fait, ils peuvent le refaire. Mais Liston est pensif – il a réfléchi à quelque chose… D’où viennent tous ces morts-vivants ? Il y en a des centaines, peut-être même des milliers… Le cimetière de Crimson Bay n’abritait certainement pas autant de monde. Et s’il fallait y ajouter des millénaires de cadavres d’Indiens ? Mais il n’en sait rien – il s’égare peut-être… Warren avait relevé que les cadavres étaient généralement assez récents, en même temps – pas des squelettes sans le moindre lambeau de chair ; et il s’agissait plutôt de Blancs a priori. Nicholas avance qu’ils ont les moyens de piéger ces morts-vivants – mais Liston le reprend : ce sont eux qui sont piégés. L’avantage d’un cerveau ? De la vitesse ? Oui, mais face à des hordes infinies… Beatrice et Danny n’y croient pas davantage que l’ex-trappeur : le bon père Nicholas est un peu trop optimiste…

 

[II-6 : Danny, Beatrice, Warren, Nicholas : Jeff Liston ; Mr Chow] Cependant, si retourner à la blanchisserie est la priorité pour Danny, il n’exclut pas de rendre ensuite une visite aux Red Suns – ce en quoi il est appuyé par Beatrice et Warren. Ils auraient pour cela bien besoin de l’aide de Jeff Liston… Il pourrait tenir un bon moment au Red Bear, même seul – mais il admet avoir une sortie de secours : il a, depuis des années, « au cas où » (« je suis un chasseur, merde »), creusé un tunnel vers l’ouest, et débouchant dans la forêt, au-delà de la voie ferrée, pas très loin de la côte. Il suffit de continuer à creuser sur quelques mètres au bout, et on est hors de la ville. Ils peuvent l’emprunter – et gagner Chinatown en faisant un détour par les collines au nord de Crimson Bay ; il pense que les morts-vivants y seront moins nombreux. Mais, quant à lui… Il n’est pas un bon samaritain – il ne risquera pas sa peau pour les gens de la blanchisserie ; mais il n’empêchera par les PJ de le faire. S’ils ont besoin de son aide, ils peuvent le retrouver dans deux jours dernier délai – après quoi il se réfugiera de toute façon dans la forêt. Il fixe un point de rendez-vous aisé à repérer pour qui n’a jamais pratiqué la forêt de Red Sun – un petit cap à quelques centaines de mètres au nord du port, avec une vieille cabane de pêcheur en sale état. Il a une vraie planque dans la forêt – mais impossible de l’indiquer, c’est trop compliqué pour se repérer ; en tout cas, c’est là qu’il se rendra ensuite. Nicholas envisage d’autres moyens de se retrouver – par exemple en faisant usage des feux d’artifice trouvés dans la boutique de Mr Chow, mais l’ex-trappeur le reprend aussitôt ; s’ils doivent s’associer, d’une manière ou d’une autre, la règle numéro un est : « On n’attire pas l’attention. »

 

[II-7 : Warren : Jeff Liston ; Gamblin’ Joe Wallace] C’est entendu. Les PJ prennent un minimum de repos avant de s’atteler à achever le tunnel – long et obscur, étroit surtout, il les met quelque peu mal à l’aise ; ils ont de la chance que Liston soit un homme d’une certaine carrure… Creuser sur les derniers mètres demandera bien trois ou quatre heures de travail avec pelles et pioches ; Roselyne, le bras mécanique de Warren, est d’une aide appréciable. Ils sortent du tunnel non loin des rails, au nord-ouest de Crimson Bay. Ils vont longer la ville par le nord, dans les collines boisées, pour rejoindre Chinatown et la blanchisserie – ce qui impliquera de passer dans un « couloir » assez étroit, finalement, car, un peu plus loin au nord, il y a d’une part, sur les collines, les sources qui approvisionnent Crimson Bay en eau potable, et d’autre part l’usine de munitions de Gamblin’ Joe Wallace… Cependant, les suppositions de Jeff Liston, et des PJ tout autant, s’avèrent fondées : dans cet espace distinct de la ville, il y a beaucoup moins de zombies – car il y a beaucoup moins de viande. Jeff Liston les regarde une dernière fois : « Vous avez deux jours. Pas une minute de plus. » Les PJ prennent la direction de l’est…

III : FORT FONG CHOW

 

[III-1 : Warren, Danny : Mr Fong, Mr Chow] Contourner la ville discrètement demande un certain temps, mais ne présente pas de vrai danger – ou, du moins, les PJ ont de la chance à cet égard. Reste, ensuite, à gagner la blanchisserie – elle est certes située à la limite nord de la ville, mais il y a tout autour, cette fois, quantité de morts-vivants qui errent, affamés de la chair des réfugiés. Et il faut parvenir ensuite à remonter sur le toit de la boutique, pour accéder à la trappe qu’ils avaient empruntée pour sortir de l’usine ; là, ils ont convenu d’un code avec les hommes de Mr Fong. Le meilleur moyen reste de faire diversion, une fois encore : ils vont utiliser pour ce faire un des feux d’artifice du bazar de Mr Chow ; c’est Warren, avec l’aide de son bras mécanique Roselyne, qui se charge de le tirer. La diversion fonctionne, pour l’essentiel – nombre de zombies s’avancent en direction de l’explosion, mais pas tous. Une majorité, cependant – et les PJ ne peuvent pas se permettre d’attendre mieux : ils gagnent la boutique de la blanchisserie au plus tôt. Quelques zombies les approchent, mais Danny fait la courte échelle aux autres (avec l’assistance toujours bienvenue de Roselyne) afin qu’ils montent tous sur le toit bien avant que les morts-vivants ne représentent à nouveau une véritable menace. Le bagarreur peut ensuite escalader la façade, c’est dans ses cordes.

 

[III-2 : Danny, Warren : Mr Fong] Danny tape le code sur la trappe – pas de réponse. Mais c’est que le bagarreur s’est trompé ! Warren, lui, s’en souvient parfaitement. Ils tapent à nouveau le code… et, au bout de quelques minutes un peu angoissées, la trappe s’ouvre enfin : les hommes de Mr Fong permettent aux PJ de pénétrer à l’intérieur de l’usine.

 

[III-3 : Nicholas, Warren] Sitôt à l’intérieur, Nicholas se fait une idée de la situation : depuis leur départ, il y a eu des pertes – d’autres morts subites, sans doute ; mais au-delà d’une récurrence statistique – il y a eu comme un pic, qui a compliqué la tâche des gardiens ; d’autant que, en l’absence de Warren pour surveiller au mieux l’état de la chaudière, ils ont préféré se montrer prudents, et ne pas la pousser à fond. Il y a de nombreux cadavres décapités à proximité, tellement que s’en débarrasser prend beaucoup de temps. Sans surprise, le moral est au plus bas – mais la plupart des réfugiés ont dépassé le stade de la panique pour s’en tenir à l’apathie désespérée.

 

[III-4 : Nicholas, Beatrice, Warren : Rafaela Venegas de la Tore ; Josh Newcombe] Nicholas repère également Rafie, toujours plongée dans son rituel de Sanctuarisation – ce qui implique qu’elle se déplace sans cesse pour couvrir tout le bâtiment. Il la rejoint, avec Beatrice et Warren. Elle est visiblement épuisée – et craint, sans le dire ouvertement, de ne pas parvenir à exécuter son Miracle à temps… Il lui faudrait bien quatre jours encore ! Mais elle continuera. Pas le choix. La Vierge de Guadalupe ne l’a pas envoyée ici pour rien : si cet effort ne sauvait qu’une seule personne, il en vaudrait toujours la peine. Mais Rafie a eu d’autres visions, ponctuellement – quelque chose de l’ordre de la crainte, cette fois. Newcombe en avait vaguement parlé : « Le cannibalisme. Il y a quelque chose, dans cette région, avec le cannibalisme… Surtout l’hiver… Ces histoires de wendigos… » Les visions de l’élue allaient dans ce sens : qu’importe l’absence de blizzard, dans l’usine même elle voyait des hommes manger la chair des cadavres… et se transformer progressivement en créatures hirsutes et maléfiques. « C’est dans la région, ça fait partie d’elle. » À ce stade, ce qu’elle craint par-dessus tout, c’est d’en arriver là. Un destin bien pire que la mort. Beatrice la prend (plus ou moins) au sérieux – il faut voir avec les patrons de Chinatown, trouver comment ravitailler en nourriture les réfugiés de la blanchisserie.

 

[III-5 : Danny : Mr Fong ; Russell Drent] Danny, de son côté, avait aussitôt pris la direction de la mezzanine, pour s’entretenir avec les maîtres de Chinatown, toujours en réunion permanente. Les gardes de Mr Fong ont hésité un instant, puis ont décidé de le laisser passer. Arrivé au bureau, il est interrogé par le patron de la blanchisserie, et lui rapporte ce qu’ils ont vu en ville – au premier chef la situation avec le shérif Russell Drent ; si c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler… Car « quelque chose » habite Drent – quelque chose qui est derrière les malheurs de la ville. En ce qui concerne Danny, ce « démon » est la vraie menace : il n’y va pas par quatre chemins, et avance qu’il faut prendre les armes pour éliminer Drent. Une bonne fois pour toutes. Mais Mr Fong trouve la menace des morts-vivants autrement palpable… Oui, ils sont juste à côté ; mais ceux que les zombies n’auront pas tués seront exterminés par Drent et ses hommes d’ici à quatre jours.

 

[III-6 : Danny, Beatrice : Mr Fong, Mr Chow] Les autres PJ rejoignent Danny. Beatrice, un brin sarcastique, demande à Mr Fong s’ils ont « avancé ». Sans surprise, ce n’est pas le cas – et il y a eu des morts à la pelle… Il faut trouver une solution de ravitaillement – certains gardes devraient pouvoir se débrouiller comme les PJ l’ont fait, non ? Peut-être. Mais la boutique de Mr Chow est vide… Beatrice ne mange pas de ce pain-là : il y a forcément d’autres sources d’approvisionnement – l’élevage de porcs, etc.  En même temps, Danny revient sans cesse sur la menace constituée par Drent ; mais Mr Fong monte le ton (tandis que Mr Chow a l’air amusé…) : quoi ? Lever une armée ? Qui devrait déjà franchir des centaines, des milliers de zombies avant d’entrapercevoir le bureau du shérif ? Folie ! Les PJ insistent sans cesse sur leur brillante réussite – mais en oubliant un paramètre essentiel : ils étaient un tout petit groupe ! Déplacer dans ces conditions un corps armé pour faire la guerre au shérif, ça n’est pas du tout la même chose !

 

[III-7 : Warren, Nicholas, Beatrice, Danny : Mr Chow, Mr Fong] Mais Warren a de tout autres pensées en tête : ce qui se passe ici a à voir avec le passé de la ville. Ils ont besoin d’informations. Naïvement, il avance que Mr Chow et les autres pourraient leur en fournir… Danny aussi avait lâché l’affaire avec Mr Fong pour s’adresser directement au vieil épicier. Et celui-ci leur répond – de manière très déconcertante, car les PJ savent qu’il leur parle en chinois, mais pourtant le comprennent… Les paroles des PJ sont sévères mais justes. Il va dépêcher quelques hommes à l’élevage de porcs ; il y aura probablement des pertes, mais acceptables (Warren envisage de concevoir un mécanisme permettant de hisser les provisions, voire les porcs, sur le toit de la boutique de la blanchisserie, et laissera des instructions aux gardes). Concernant Drent… Non, effectivement, ce n’est plus de Drent qu’il s’agit – comme ils le savent très bien. Ils devraient savoir aussi que des armes « normales » ne lui feront absolument rien ; on peut certes détruire son enveloppe corporelle (« J’avoue que j’y prendrais un certain plaisir… »), mais la créature à l’intérieur… Non, il ne sait rien de très précis la concernant – tout au plus son espèce ? En chinois comme en anglais, on parlerait de « démons » (Nicholas tique à ce mot). Pour les vaincre, il faut bénéficier d’une aide... particulière. Un vrai prêtre (il regarde Nicholas d’un air qui ne laisse aucune place au doute) pourrait se livrer à un « exorcisme », mais la créature lui rirait au nez – « ceci, bien sûr, avant de plonger ses griffes dans sa poitrine pour en extirper le cœur et s’en repaître sous ses yeux ». Un véritable… « élu »… pourrait se montrer plus efficace : « votre amie, quelque peu invertie mais qu’importe », a sans doute de la ressource, pas assez toutefois pour triompher du démon, ce n’est pas dans ses cordes ; et on peut d'ailleurs douter qu’elle accomplisse son rituel de Sanctuarisation à temps. Lui pourrait peut-être se montrer à la hauteur, si les PJ y tiennent... Mais il ne va pas risquer inutilement sa vieille carcasse. Il sait de toute façon qu’il ne pourra rien faire de concret sans davantage… d’informations – eh oui, lui aussi en a besoin, dit-il en fixant Warren… « Cette créature… Je veux son nom. Et son rôle exact dans cette affaire. » Beatrice lui demande s’il a une piste – trouver le nom d’un démon n’a pas l’air facile… Mais non, il n’en sait rien – si ce n’est que l’intuition du savant fou est juste : c’est sans doute dans le passé de la ville qu'ils trouveront quelque chose. La huckster avance que les Indiens pourraient être impliqués – possible, mais Mr Chow dit ne jamais avoir eu de contacts avec eux ; il sait, cependant, qu’il y un certain « pouvoir » chez eux, « comme il y en a trop dans cette ville ». La conversation s’arrête là – Danny remercie Mr Chow de leur avoir parlé franchement.

 

IV : FIDÈLES LECTEURS

 

[IV-1 : Nicholas, Beatrice : Josh Newcombe] La quête d’informations sur le passé de cette ville incite les PJ à envisager de rendre une nouvelle visite à l’étonnant Josh Newcombe… Par chance, les bureaux du Crimson Post ne se trouvent pas en pleine ville, mais à l’entrée est (la principale) de Crimson Bay. Il est donc possible, là encore, de contourner par les collines – dans une certaine mesure, et il y a tout de même plus de morts-vivants ici qu’ailleurs. Toutefois, les PJ prennent soin de ne pas trop s’écarter de la bourgade – à l’est de leur route se trouve le cimetière de Crimson Bay, et ils préfèrent éviter de passer trop près… À distance, ils y jettent cependant un œil : Nicholas et Beatrice partent en éclaireurs ; ils constatent qu’il y a eu du passage et des dégradations, mais ne distinguent pas spécialement de mouvement – ils relèvent aussi qu’il y a une sorte de caveau bien plus massif que toutes les autres tombes (sans compter une sorte de sépulcre commun). Ils poursuivent leur chemin en direction du Crimson Post.

 

[IV-2 : Nicholas : Josh Newcombe] À l’entrée de la ville, la concentration de zombies est particulièrement importante – moins qu’aux environs de la blanchisserie ou du bureau du shérif, mais des plus conséquente tout de même ; une vingtaine de morts-vivants encerclent les bureaux du Crimson Post. Nicholas comprend pourquoi : les zombies se rassemblent autour de la viande ; Josh Newcombe relève de cette viande… et pourtant les morts-vivants ne semblent pas en mesure de s’en prendre à lui. Ils sont pris dans un paradoxe, à l’échelle de leurs capacités de réflexion très limitées, et ne parviennent pas à résoudre ce dilemme… Le faux prêtre est à peu près certain qu’il y en aura au moins autant dans les bureaux mêmes du journal !

 

[IV-3 : Nicholas, Beatrice, Danny, Warren] Les PJ se rapprochent – cherchant à trouver un accès à l’arrière du bâtiment. Mais, à l’exception des très prudents Nicholas et Beatrice, ils ne sont pas très discrets… Ils attirent l’attention d’une bonne vingtaine de zombies ! Danny, notamment… qui court pour rentrer dans un bâtiment voisin et gagner l’étage ; Warren le suit – mais les morts-vivants pourront monter les escaliers : pour s’en protéger, il faut passer sur le toit ; les talents du bagarreur pour l’escalade leur permettent d’y parvenir sans trop de problèmes. Mais les PJ se retrouvent ainsi scindés en deux groupes, deux îlots, entourés de morts-vivants affamés.

 

À suivre…

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No Guns Life, vol. 1 et 2, de Tasuku Karasuma

Publié le par Nébal

No Guns Life, vol. 1 et 2, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 1, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2016, 244 p.

No Guns Life, vol. 1 et 2, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 2, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2017, 228 p.

Une fois n’est pas coutume, c’est l’excellente revue Atom qui a attiré mon attention sur ce manga de Karasuma Tasuku, un auteur jusqu’alors très méconnu de par chez nous. Il s’y est ajouté une opération promotionnelle, avec ces deux premiers tomes pour le prix d’un… Occasion, larron – et au final ? Je ne suis pas parfaitement convaincu, mais demeure bel et bien intéressé, suffisamment pour avoir envie de lire la suite.

 

Nous sommes dans un futur plus ou moins proche – après une terrible guerre qui a vu des massacres sans nom. Lors du conflit sont apparus les extends – des hommes auxquels on greffait des implants destinés à en faire des machines à tuer. Maintenant, la guerre est finie… et les gens ont peur de leurs « sauveurs ». D’autant qu’il y a des intérêts colossaux en jeu, qui voient s’opposer diverses factions : la cynique mégacorpo Berühren à l’origine des extends, et dont le building noir trône au centre de la ville comme un certain monolithe ; le gouvernement et son « agence pour la reconstruction » ou plus précisément son « bureau des mesures anti-extends », aux intentions ambiguës et aux moyens qui ne le sont pas moins ; les réactionnaires du Spitzbergen, qui ne rechignent pas au terrorisme anti-extends ; les yakuzas du Kyûseikai…

 

Tout ce qui fait le cyberpunk, mais No Guns Life affiche d’emblée la couleur : NOIR. Les références, pas seulement graphiques, à l’univers du polar hard-boiled, abondent. Reste à associer ces différents éléments, mais les modèles ne manquent pas. Rien d’étonnant sans doute à ce que l’auteur cite George Alec Effinger parmi ses influences, mais on pourrait tout aussi bien évoquer Blade Runner, de manière plus consensuelle. C’est, à vrai dire, peut-être une limite de la BD, à l’horizon du moins : elle cite beaucoup. Et, côté mangas, notamment, il est impossible de ne pas penser à Gunnm, si l’on cite aussi systématiquement, et en ce qui me concerne ça ne joue pas en faveur de No Guns Life, les BD de Shirow Masamune (aheum...) ; le premier tome comprend par ailleurs une référence jugée explicite à Matsumoto Leiji, mais qui m’a tout aussi bien évoqué Akira (le gamin bizarre aux facultés étranges du nom de Tetsurô). Il y aurait sans doute bien d’autres exemples.

 

Sur ces bases, pas évident de livrer quelque chose qui parvienne à se singulariser suffisamment pour avoir un intérêt propre. Karasuma Tasuku, pourtant, y parvient – en usant de nouveaux des codes/clichés, mais cette fois pour en tirer quelque chose d’éventuellement... bizarre. C’est pour une bonne part son héros qui l’y autorise : Jûzô Inui, détective privé. Forcément… Mais ce « private eye » n’est pas comme les autres – de toute évidence : c’est un extend, considérablement retouché, et dont la tête même… a été remplacée par un énorme revolver ! Un Gun Slave Unit, disait-on pendant la guerre… Une créature très ironique – car cette arme très intimidante, Jûzô Inui ne peut pas en faire lui-même usage : la gâchette se trouve derrière sa tête, inaccessible pour lui – il faut que quelqu’un d’autre tire… mais Jûzô Inui ne conférera pas ce privilège à n’importe qui ! Idée à la fois débile et géniale, et qui suscite des développements intéressants (notamment, à vrai dire, dans l’épisode « one shot » qui avait précédé la série, et que l’on trouve à la fin du tome 2).

 

Mais cela débouche sur un autre atout pas si évident : la BD met en scène un personnage principal qui n’a littéralement pas de visage. Sa simple présence est plus qu’inquiétante, et l’impossibilité de lire les sentiments sur un Colt Python ne le rend que plus intimidant et dérangeant. Pourtant, le canon comme le barillet donnent sous certains angles et sous une certaine lumière la sensation d’un visage, et même d'yeux – on croit y lire quelque chose… et peut-être à bon droit ? Car Jûzô Inui n’est pas aussi froid que sa tête métallique : oui, il ressent pas mal de trucs. Et si cette allure, pour lui, peut d’abord donner l’impression d’une malédiction, elle constitue pour le personnage un atout indéniable – en contribuant et pas qu’un peu à son étonnant charisme. À vrai dire, les personnages secondaires (tous, en y incluant Mary, la technicienne de génie, qui rappelle beaucoup l’Edward Wong Hau Pepelu Tivrusky IV de Cowboy Bebop, une autre référence évidente) sont considérablement effacés (et moins intéressants), dans l’ombre de Tête-De-Flingue. Le méchant du tome 2 ne s’en tire pas si mal, cela dit...

 

Les histoires, par ailleurs, sont globalement assez convenues pour l’heure. Là encore, la série baigne dans les codes du cyberpunk et du noir, avec le risque qu’ils virent aux clichés. Cependant, l’auteur se montre assez malin, et sait, régulièrement, relancer la sauce en infusant dans ses enquêtes plus ou moins déjà lues des éléments davantage « bizarres ». Cela tient parfois du détail, relevant par ailleurs de la caractérisation des personnages – un exemple éloquent : Jûzô Inui qui fume clope sur clope… comme un bon privé en imper et chapeau mou, mais il a une très bonne raison de le faire ! L’impact cosmétique n’en est que plus marqué – et ludique… Mais la BD bénéficie d’autres idées assez futées, qui tordent suffisamment les codes pour entretenir l’intérêt du lecteur – par exemple, à la fin du tome 1, avec ce gamin qui se veut héroïque et commet la terrible boulette « d’emprunter » le corps de notre monolithique héros… mais ne le met que davantage en danger, car il ne sait pas en faire usage ; plus globalement, d’ailleurs, la naïveté de ce personnage tranche intelligemment sur la dureté de Jûzô Inui – même si cette dernière est parfois une façade. Le deuxième tome comprend également de bons moments du même ordre – et, par ailleurs, il se montre plus habile, je crois, dans l’alternance entre humour et gravité. Clairement, ça ne révolutionne absolument rien, mais j’ai lu ça avec un plaisir indéniable.

 

Reste un point à mon sens plus problématique : le dessin. Karasuma Tasuku a un style, et maîtrise les jeux d'ombres. Son découpage n'est pas spécialement barré, mais il est efficace. Comme dit plus haut, le personnage à l’allure si étrange de Jûzô Inui est brillamment employé, le dessin mettant en valeur ce que son apparence a de profondément dérangeant, mais aussi son improbable charisme, et peut-être même son ressenti. Les autres personnages sont moins marquants – et les personnages féminins un peu trop érotisés, je suppose, même si on a lu bien, bien pire, ça demeure raisonnable (ils sont généralement plus complexes qu'ils n'en ont tout d'abord l'air, et ça c'est toujours bon à prendre).

 

Ce qui m’ennuie un peu plus, ce sont les scènes d’action – que je trouve globalement illisibles, d’autant qu’elles sont régulièrement saturées d’onomatopées qui ne font que compliquer encore la lecture. No Guns Life mêle donc polar et cyberpunk, mais avec une approche tout de même assez musclée – si les combats ne sont pas systématiques, loin de là, ils occupent néanmoins une place non négligeable dans la narration ; or j’ai vraiment du mal à m’y repérer… même si j’ai l’impression que le tome 2 marque déjà un certain progrès à cet égard ? Nous verrons bien…

 

Car, oui, j’ai envie d’en lire davantage. Encore une fois, No Guns Life ne révolutionne rien… Mais il y a dans ces deux premiers tomes suffisamment de bonnes idées, notamment autour du personnage étonnant de Jûzô Inui, pour entretenir ma curiosité. Un de ces jours, je vous toucherai donc sûrement un mot de la suite.

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CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (10)

Publié le par Nébal

Illustration tirée du supplément *Stone Cold Dead*

Illustration tirée du supplément *Stone Cold Dead*

Dixième séance de « The Great Northwest » pour Deadlands Reloaded. Vous trouverez la première séance , et la séance précédente ici. L’enregistrement de la séance est disponible .

 

Les inspirations essentielles se trouvent dans la campagne Stone Cold Dead et le scénario Coffin Rock, mais les événements de cette séance sont largement indépendants.

 

La joueuse l'incarnant ayant dû s'arrêter, le personnage de Rafaela Venegas de la Tore, alias « Rafie », devient un PNJ. Étaient présents tous les autres joueurs, qui incarnaient Beatrice « Tricksy » Myers, la huckster ; Danny « La Chope », le bagarreur ; Nicholas D. Wolfhound alias « Trinité », le faux prêtre mais vrai pistolero ; et enfin Warren D. Woodington, dit « Doc Ock », le savant fou.

Vous trouverez l'enregistrement de la séance ci-dessous.

I : LES RUES ENVAHIES

 

[I-1 : Danny : Rafaela Venegas de la Tore] Les PJ bataillent contre une horde de zombies dans les rues de Chinatown. Ils ont pris la direction de la blanchisserie, et entendu des bruits de combat en provenance du nord. Bientôt, ils voient apparaître, dans cette direction, le molosse chinois à la chemise rouge sang – cet homme qui les suivait systématiquement dès l’instant qu’ils pénétraient dans Chinatown. Il n’est pas tout seul, d’autres le suivent. Mais, par ailleurs, une foule de morts-vivants arrive par le sud… Danny rejoint le Chinois, en constatant au passage que d’autres zombies arrivent par l’est et le nord-est. Il voit que Rafie fait partie de ce petit groupe autour de l’homme à la chemise rouge, avec d’autres Chinois au profil de combattants – dont un qui se bat d’une manière inédite pour le bagarreur. Tous se rassemblent progressivement.

 

[I-2 : Nicholas : Rafaela Venegas de la Tore] Nicholas comprend que Rafie était sortie pour les retrouver… là où ses compagnons chinois avaient pour mission de la garder à la blanchisserie, qu’elle avait entrepris de « sanctuariser » : ils ont donc une attitude un peu ambiguë, cherchant tout à la fois à protéger l’élue, et, d’une certaine manière, à « l’enlever », ou du moins à la ramener à la blanchisserie contre sa volonté… Mais le fait de retrouver les PJ change la donne – car Rafie a bien conscience que l'usine, dans leur situation, est le seul abri envisageable… et ils en reprennent donc le chemin – après que l’élue a eu un bref échange, visiblement sec, en mandarin, avec l’homme à la chemise rouge sang.

 

[I-3 : Danny, Nicholas, Beatrice] Alors que les PJ arrivent aux environs de la blanchisserie, la foule des zombies approchant par l’est se fait tout particulièrement menaçante : il faut entrer dans le bâtiment, et vite ! Danny, qui reste un peu en arrière avec son gourdin (il est ivre, et bénéficie de son Courage liquide…), et Nicholas et Beatrice avec leurs armes à feu, font de leur mieux pour éliminer les morts-vivants les plus avancés – mais la progression de la horde est inexorable… et la huckster est à deux doigts d’abattre Danny d’une balle perdue ! Ils ont toutefois éliminé suffisamment d’assaillants pour se dégager du combat et rejoindre les autres devant la porte de la blanchisserie – non pas la porte principale de l’usine, qui a été barricadée ainsi que toutes les autres, mais une plus petite et plus facile à contrôler. Elle est fermée… Le Chinois à la chemise rouge cogne comme un sourd sur la porte métallique – il n’y a pas de réponse immédiate… Il crie quelque chose en chinois : la porte s’ouvre enfin, ils se ruent à l’intérieur et on ferme aussitôt derrière eux ; les zombies sont à quelques mètres en arrière à peine.

 

II : LA BLANCHISSERIE ASSIÉGÉE

 

[II-1 : Rafaela Venegas de la Tore ; Mr Fong] Outre les gardes armés (de pistolets mais aussi d’armes blanches, un peu inattendues parfois – ils n’ont pas l’air commode, et on peut supposer qu’ils savent s’en servir), il y a beaucoup de monde à l’intérieur – non seulement ceux qui s’étaient réfugiés dans l’usine sur le conseil des PJ, mais aussi nombre d’habitants de Chinatown, qui n’avaient pas forcément eu ce réflexe lors de la tempête, mais ont afflué en masse sous le coup de l’invasion des morts-vivants. Dans les 300 personnes s’entassent dans l’usine – des gens hagards, terrifiés… Les PJ discutent avec Rafie, qui fait le point – notamment sur ce qui s’est passé dehors avec les Chinois ; Mr Fong tient vraiment à ce que l’élue achève son rite miraculeux sur la blanchisserie… Elle compte bien le faire, même si cela prendra encore plusieurs jours, mais n’a pas apprécié qu’on se comporte de la sorte avec elle – même si sortir dans ces conditions était peu ou prou suicidaire, elle l'admet.

 

[II-2 : Nicholas, Warren : Mr Fong, Mr Shou, Mike Jones, Mrs Duvall, Ms Worthington, Rafaela Venegas de la Tore] En faisant le tour de l’usine (sans véritablement repérer des réfugiés qu’ils ont eu l’occasion de croiser, en mettant à part Mr Fong, bien sûr, qui est chez lui, et Mr Shou – autrement, il y a aussi Mike Jones, Mrs Duvall et Ms Worthington, et c’est tout : le reste de la foule est anonyme), les PJ constatent qu’il y a des morts à l’intérieur – une trentaine de corps rassemblés dans un coin au nord-est : ces cadavres ne présentent pas de signes particuliers, ils en déduisent que les morts subites ont frappé ici également… et les réfugiés ne savent absolument pas quoi faire à ce propos. Nicholas et Warren, tout particulièrement, s’en inquiètent : il faut s’en débarrasser – sinon, « ils reviendront ». Il faut faire ça dans les formes : leur couper la tête… Les brûler, peut-être ? Rafie en souffre visiblement, mais concède qu’ils ont raison. C’est une chose terrible à admettre, pour elle – mais ce sera encore pire avec les parents et les proches des victimes : comment leur faire comprendre une chose pareille ? Voyez par exemple Mrs Duvall, perdue dans ses dévotions larmoyantes… Nicholas considère justement que c’est à Rafie et lui d’agir : ils ont du réconfort religieux à prodiguer ! Le faux prêtre pose sa croix Christina dans un coin, et elle constitue un autel improvisé.

 

[II-3 : Danny, Beatrice : Mr Fong] Il faut dire que l’ambiance est pesante… notamment quand se font entendre, certes de moins en moins souvent, les cris de désespoir de personnes ayant tenté trop tard de gagner la sécurité de la blanchisserie, et auxquelles on refuse l’accès à ce refuge. Leurs hurlements de détresse et de douleur pénètrent seuls à l’intérieur… Danny en est révolté – mais sait qu’il ne pourra rien y faire, et que les gardes de la blanchisserie, à supposer même qu’ils puissent l’entendre, refuseront d’agir autrement. Ils obéissent à leurs chefs – pas seulement Mr Fong, d’autres sommités de Chinatown sont impliquées, qui tiennent une réunion permanente dans le bureau du patron de la blanchisserie, situé à la mezzanine (laquelle permet à la fois de surveiller tout le grand hangar de l’usine, et aussi de jeter un œil à l’extérieur, au travers de grandes baies vitrées autrement inaccessibles).

 

[II-4 : Nicholas, Danny, Beatrice : Rafaela Venegas de la Tore ; Mr Fong] Mais Nicholas, de son côté, tout en jouant au prêtre, est formel : il faut s’occuper des cadavres au plus tôt. Les moyens ne manquent pas : ici, il y a de grandes cuves, une immense chaudière… Il sait que cette hypothèse heurte les sentiments religieux de Rafie, mais pas le choix – il faut en parler à Mr Fong et aux autres ; l’élue pouvant s’adresser à eux en chinois, ce qui peut constituer un atout, il vaut mieux que ce soit elle qui les persuade. Danny et Beatrice ont d’ailleurs été refoulés par les gardes, qui se moquent bien de l’étoile de shérif du bagarreur… Ils ne parlent qu’en chinois, et la huckster, qui se posait la question, suppose que ce n’est pas de la comédie : ils ne comprennent pas l’anglais au-delà de quelques tournures simples. Rafie perçoit bien ce qu’elle a à faire : elle ne se pose même pas la question de demander aux gardes de la laisser passer, elle gagne la mezzanine d’autorité, en ayant à peine dit trois mots de mandarin, et en ayant fait signe aux PJ de la suivre.

 

[II-5 : Danny, Beatrice : Mr Fong, Mr Shou, Rafaela Venegas de la Tore, Nicholas ; Denis O’Hara] Le bureau de Mr Fong est un outil de surveillance – il a de grandes baies vitrées. La contrepartie est que les PJ, quand ils parviennent au balcon, peuvent également voir ce qui se passe à l’intérieur. Plusieurs sommités de Chinatown sont présentes, mais, de toute évidence, les puissants Mr Fong et Mr Shou ne sont pas en position d’autorité : il apparaît clairement qu’ils ont un rang subordonné par rapport à un très vieil homme (dans les 80 ans ? au moins ?), vêtu traditionnellement, qui les toise très sévèrement, et ne dit pas grand-chose – mais chacune de ses paroles a visiblement quelque chose de définitif. Rafie doit cependant patienter quelques petites minutes avant qu’on lui autorise l’accès au bureau, ainsi qu’à ses amis. La répartition des rôles, à l’intérieur du bureau, change aussitôt : concernant les PJ, Mr Fong retrouve sa position hiérarchique supérieure, tandis que le vieil homme se tient en retrait et n’intervient pas ; le patron de la blanchisserie, par ailleurs, sait que Rafie est une femme, mais ni lui ni elle n’y attachent d’importance. Danny, à sa demande, lui résume ce qu’il a vu en ville – en y incluant les événements de l’église, et l’aura diabolique du père O’Hara ; Beatrice l’interrompt pour expliquer qu’ils ont dû partir suite à une explosion – l’idée étant de ne pas en supporter la responsabilité…

 

[II-6 : Beatrice : Mr Fong, Rafaela Venegas de la Tore ; Warren, Nicholas] Mais Beatrice ne s’y attarde pas : bien plus pressant, il y a le problème des morts subites – qu’ils ont pu constater en ville avant d’atteindre la blanchisserie ; or, la plupart du temps, ces morts se relèvent… et il y en a une bonne trentaine ici. Il faut faire quelque chose. Mr Fong le supposait bien… Beatrice avance que la solution la plus humaine et la plus rapide serait de faire brûler les cadavres dans la chaudière. Le patron de la blanchisserie est d’accord, mais, même si c’est une grande chaudière, cela prendra du temps… et il ne faudrait pas qu’il lui arrive un « souci technique », dans ces circonstances – une nouvelle explosion, pour dire les choses. Mais Warren pourra y veiller. Beatrice suggère en outre de couper préalablement la tête des cadavres avant de les enfourner dans la chaudière. Il faudra garder les réfugiés à l’écart, pour éviter tout débordement – le père Nicholas pourrait célébrer un office à l’autre bout de l’usine, captivant les plus religieux… Ce plan paraît sensé à Mr Fong, qui quête par réflexe l’approbation discrète du vieil homme mutique, puis donne de brefs ordres en mandarin. Après quoi il se tourne vers Rafie, mais en s’adressant visiblement aux PJ par la même occasion : « Vous nous êtes précieux. Ne nous faussez pas compagnie. »

 

[II-7 : Danny : Mr Fong] Mr Fong aimerait maintenant retourner à sa réunion, mais Danny ne s’en va pas de suite ; assez brutalement, il lui demande ce qu’il compte faire – à part attendre… Le patron de la blanchisserie, un peu interloqué, fait un bilan de la situation : il y a dans les 300 personnes à l’usine – et clairement pas de nourriture pour ces 300 personnes, même pour une seule journée, si l’approvisionnement en eau ne devrait pas poser de problème (des canalisations joignent directement les sources non loin au nord et la blanchisserie). Et comme ils n’ont aucune idée du temps qu’il leur faudra passer ici – du temps que durera… « ce phénomène »… C’était bien ce qu’entendait souligner Danny – qui songe déjà à mener une petite expédition à l’extérieur ; il faut pour cela que les gardes les laissent sortir… et rentrer. Mr Fong exige qu’il lui en parle d’abord, le moment venu. Le bagarreur hoche la tête.

 

[II-8 : Beatrice, Nicholas, Danny : Mr Fong] En bas, les gardes ont entrepris, assez rudement, de séparer les vivants des morts. Ce qui n’a rien d’évident, avec tous ces proches de victimes en larmes, et qui vivent cette séparation comme un drame de plus… Beatrice rejoint Nicholas pour lui expliquer ce qu’ils vont faire : lui, il doit faire diversion, en organisant une sorte de messe. D’ici-là, la huckster va parcourir les rangs des fidèles pour les prévenir de cet office religieux (à l’autre bout de l’usine…) – en commençant par les plus éplorés. Ses mots les touchent, et elle les convainc sans peine de participer à la cérémonie. Nicholas se prépare – avec du whisky de Danny en guise de « sang du Christ ». Il fait tendre des draps pour séparer son « église » du reste de l’usine, et éviter que les fidèles puissent voir les hommes de Mr Fong s’occuper des cadavres de leurs proches… Le prêche de Nicholas est un peu bancal, mais fait illusion. Maintenant, ses ouailles ne sont pas stupides… Sans doute ont-elles parfaitement compris ce qui se passait de l’autre côté des draps. Mais la messe improvisée leur a fourni un bon prétexte pour fermer les yeux. En fait, ce sont les moins religieux qui posent problème : en dehors de « la chapelle » du père Nicholas, quelques protestations se font entendre épisodiquement – sèchement rabrouées en chinois. Mais Beatrice ne perd pas le nord – qui fait la quête « pour la reconstruction de l’église » ; les fidèles ne savaient même pas qu’elle était détruite… et ils se méfient un peu de cette jeune femme qui n’a pas vraiment l’allure d’une bonne chrétienne. Mais il n’y a pas d’esclandre – c’est seulement que la huckster ne collecte pas grand-chose.

 

[II-9 : Warren, Danny : Mr Fong] De l’autre côté des draps, Warren, qui se sent mal dans cet espace confiné et bondé, d’autant plus quand la religiosité se met de la partie, surveille la chaudière. Mais il est aussi très intrigué par les cadavres qu’on y enfourne, et qu’il observe avec une grande attention. Il constate aussi que les hommes de Mr Fong (et probablement d’autres personnalités de Chinatown) agissent avec un professionnalisme quelque peu inquiétant : couper des têtes et enfourner des cadavres dans une chaudière n’a pas l’air de leur poser le moindre souci. Danny, qui ne s’est pas attardé dans « l’église », fait le même constat.

 

III : LES SECRETS D’UN CROQUE-MORT

 

[III-1 : Warren, Beatrice : Rafaela Venegas de la Tore ; Jon Brims, Jeff Liston] Mais, dans leur situation, les PJ comme les autres sont contraints d’attendre. Warren et Beatrice ont cependant quelque chose à faire (tandis que Rafie poursuit son rite de Sanctuarisation) : étudier les documents récupérés chez Jon Brims (qui ne figure pas parmi les réfugiés de la blanchisserie, pas plus que Jeff Liston – ce sont les deux personnages qu’ils cherchaient en priorité, mais ils ne se trouvent de toute évidence pas ici). Ils s’isolent tant bien que mal – ça n’a rien d’évident avec cette foule, mais, même dans ces circonstances, demeure un certain besoin d’intimité. Warren s’intéresse au journal intime du croque-mort, tandis que la huckster se penche sur son exemplaire abondamment annoté du Livre des jeux de Hoyle.

 

[III-2 : Beatrice : Jon Brims, Richard Lightgow] Visiblement, Brims savait très bien ce qu’il étudiait, et ses analyses sont d’une extrême finesse – elles sont très abstraites, aussi, et pourtant pas dépourvues à terme d’applications pratiques, c’est une approche très rationnelle, scientifique ; Beatrice se souvient que, lors du tournoi de poker, c’était le Dr Lightgow qui avait mis en avant son intérêt pour les statistiques et les probabilités appliquées aux jeux de cartes, mais la huckster en vient à se demander si ce n’était pas le taiseux Brims qui, à un moment ou un autre, avait pu façonner cette approche particulière du jeu. Un temps, Beatrice s’inquiète de ce que le huckster caché aurait pu s’intéresser à la résurrection des morts, ce genre de choses, mais rien n’en fait état dans ce livre. Mais c’est une approche de la magie très différente de la sienne – Beatrice s’est largement formée sur le tas, et les passages où Brims parle, très posément, des manitous, la mettent un peu mal à l’aise… C’est qu’elle ne sait pas grand-chose de tout cela : elle a eu affaire, en ce qui la concerne, à quelque chose qui pourrait être un manitou, mais sans bien savoir s’il en existe d’autres – et, même si elle n’en a bien évidemment pas conscience, elle sait tout au fond d’elle-même que cette unique rencontre, traumatique, a bouleversé sa vie [et entraîné son délire sur les Barons du Rail qui mettent des puces dans la tête des gens pour les contrôler…]. Mais ce livre n’a probablement pas été ouvert depuis longtemps, de toute façon.

 

[III-3 : Warren : Beatrice ; Jon Brims, Mary Brims, Mortimer Stelias, Gamblin’ Joe Wallace, Cordell] Warren, de son côté, en apprend davantage sur le parcours de Jon Brims en étudiant son journal intime (et en jetant un œil à la photo qui l’accompagnait, datée de 1865 (et visiblement pas prise à Crimson Bay – mais probablement quelque part dans l’Ouest). Les notes liées le plus précisément à l’activité de huckster dépassent largement les compétences du savant fou, mais il comprend du moins que Jon Brims était un individu de la sorte de Beatrice – ainsi que sa femme, Mary. Tous deux étaient d’habiles joueurs de poker, et ils ont beaucoup voyagé dans tout l’Ouest étrange. Ils se sont fait beaucoup d’argent ainsi… jusqu’à ce qu’ils tombent sur deux autres hucksters, de très mauvais perdants ; il en a résulté un affrontement très violent, où la magie s’est déchaînée – Mary est morte à cette occasion… Brims rendu fou de rage et de tristesse a éliminé ses deux assassins, mais l’événement l’a profondément marqué – et il a décidé de « prendre sa retraite » : fini, la magie ; fini, le jeu – tout ça était désormais du passé. Brims a poursuivi ses voyages, jusqu’à se fixer à Crimson Bay, qui n’était alors qu’un petit port de pêche. Il s’est lié avec le principal (le seul ?) propriétaire terrien du coin, Mortimer Stelias ; c’était avant l’arrivée de Gamblin’ Joe Wallace – mais Warren apprend que c’est Stelias qui a fait venir ce dernier : il semble qu’ils se connaissaient du temps où ils vivaient sur la Côte Est, et ils étaient bons amis. Mais les notes de Brims deviennent amères au moment du décès de Stelias (de vieillesse) : très vite, il a le sentiment désagréable d’être le seul à se souvenir du défunt – ce n’est pas que Wallace ait délibérément pris la place de son ami, mais il a tant accompli depuis que le souvenir de l’ancien propriétaire a sombré dans l’oubli, d’autant que, la ville se développant à marche forcée, la très grande majorité des habitants de Crimson Bay ne sont arrivés que bien après la mort de Stelias, qu’ils n’ont donc jamais connu ; seuls quelques-uns s’en souviennent – parmi lesquels son ancien jardinier, Cordell, et les autres membres de la communauté des anciens esclaves, qui en ont hérité le terrain où ils vivaient jusqu’aux fâcheux événements de ces derniers jours. Une des dernières entrées du journal (qui date cependant de quelques années) est très hermétique, une simple note soulignée de trois traits : « Stelias – subjugué manitou ? » Warren la montre à Beatrice – qui est perplexe : faut-il comprendre que Stelias aurait subjugué un manitou, ou au contraire aurait été subjugué par un manitou ? Mais, dans tous les cas, la huckster n’est pas certaine de bien comprendre ce que cela signifierait au juste… Warren pense que Wallace pourrait les éclairer sur pas mal de points. S’ils peuvent sortir de la blanchisserie, et si le maire est toujours en vie, le savant fou aimerait lui rendre une petite visite…

 

IV : D’AUTRES MAGICIENS CACHÉS ?

 

[IV-1 : Beatrice : Rafaela Venegas de la Tore ; Mr Fong, Mr Chow] De toute façon, ils ne sortiront pas durant la nuit. Mieux vaut qu’ils se reposent quelques heures avant de tenter quoi que ce soit. Mais, avant d’aller se coucher, Beatrice va voir Rafie. La huckster se méfie de leurs hôtes chinois – ne cachent-ils pas quelque chose ? L’élue pouvant comprendre leur langue quand elle bénéficie du Miracle adapté, peut-être a-t-elle pu surprendre quelque chose ? Rafaela emmène Beatrice dans un endroit un peu à l’écart – et use d’un autre Miracle pour les isoler. Ces précautions sont nécessaires… Le vieil homme, dans le bureau de Mr Fong, est de toute évidence le vrai maître de Chinatown. Mais ce Mr Chow est plus que cela, Rafaela en est convaincue : elle sent en lui un pouvoir débordant – mais certainement pas celui d’un élu ; en fait, c’est probablement bien davantage du domaine de la huckster… Pour autant, Rafie ne pense pas qu’il soit le responsable des calamités qui se sont abattues sur Crimson Bay ; ce qu’elle craint, c’est qu’ils se retrouvent au milieu de l’affrontement entre cet homme et un autre puissant sorcier, celui qui a fait appel aux zombies…

 

[IV-2 : Beatrice : Rafaela Venegas de la Tore ; Jon Brims, Mortimer Stelias, Russell Drent] Beatrice digère l’information – et dit à Rafaela ce qu’ils ont trouvé dans les affaires de Jon Brims. Notamment ce qui concerne Mortimer Stelias… qui n’est peut-être pas tout à fait mort ? Serait-ce lui, le véritable supérieur de Drent ? Rafie, à vrai dire, redoute qu’il y ait plus de deux pouvoirs en jeu dans cette affaire… C’est comme si beaucoup trop de gens beaucoup trop puissants s’étaient retrouvés au même endroit ; ça a mariné pendant des années et des années de coexistence plus ou moins forcée, jusqu’à ce que ça explose… Mais ils sont toujours là, et ne comptent pas se faire éliminer par les autres. Reste que les PJ sont au milieu de la poudrière…

 

[IV-3 : Beatrice : Rafaela Venegas de la Tore] Un silence pesant s’installe… Il apparaît clairement que Rafie a autre chose à dire, mais qui lui coûte. Elle finit cependant par s’en ouvrir à Beatrice – à la condition que la huckster n’en parle à personne ! Elle a eu une autre vision… mais pas de la Vierge de Guadalupe, cette fois : un… vieil Indien ? Une sorte de chaman ; il n’avait pas l’air spécialement hostile, mais, à vrai dire, Rafie n’a pas su décrypter ses intentions – peut-être parce qu’elle n’acceptait de recevoir de semblables visions que de la part de la Vierge de Guadalupe. Il la regardait, sans un mot… Elle ne sait pas ce qu’il faut en penser. Ce qu’elle sait, c’est que sa protectrice l’a envoyée ici pour une raison – à Beatrice avançant qu’il faudrait fuir cette poudrière, mais bien consciente que c’était inimaginable pour l’heure, l’élue répond qu’elle ne partira pas de Crimson Bay tant qu’elle n’aura pas accompli ce pourquoi elle a été appelée ; quoi que ce soit. Et elle reprend son rite de Sanctuarisation.

V : PRENDRE L'AIR

 

[V-1 : Nicholas : Josh Newcombe] Après s’être reposés quelques heures, maintenant que le soleil s’est levé, les PJ réfléchissent à une sortie – au moins, dans un premier temps, pour ramener des vivres. Nicholas va jeter un œil à l’extérieur depuis les baies vitrées de la mezzanine. Les morts-vivants cernent la blanchisserie – ils ne sont pas en mesure de lancer un assaut planifié, mais ils sont très nombreux ; avec toute cette viande à l’intérieur… Mais Nicholas observe aussi une scène très incongrue : un homme se déplace parmi les zombies, qui n’en est de toute évidence pas un – le faux prêtre le reconnaît enfin : c’est Josh Newcombe ! Et le journaliste se promène au milieu des morts-vivants le calepin en main – comme s’il cherchait à les interviewer… Or les morts-vivants ne lui prêtent aucune attention ; Newcombe n’est visiblement pas le moins du monde menacé !

 

[V-2 : Beatrice, Danny, Warren : Mr Fong, Rafaela Venegas de la Tore] Mais sortir de la blanchisserie, et a fortiori y rentrer après coup, est de toute façon problématique. Il faut convaincre les gardes, ou, mieux, leur chef théorique, Mr Fong. Beatrice demande à Rafie de les accompagner au bureau. Danny et la huckster défendent leur idée, avec le soutien de Warren : rester ici sans rien faire, c’est mourir à petit feu ; sans nourriture, sans espoir de sortie, les gens péteront les plombs d’ici à quelques dizaines d’heures au plus tard ! Les gens qui se sont réfugiés dans la blanchisserie ont besoin de vivres, et d’informations sur la situation en ville. Le groupe des PJ a fait la démonstration qu’ils pouvaient survivre dehors – plus que quiconque ici. Il faut les autoriser à sortir – mais aussi à revenir le moment venu : ils ne partiront pas tant qu’ils n’auront pas de certitude à cet égard. Mr Fong, de toute façon, n’en croit pas ses oreilles : sortir ? Ses hommes ne cessent de lui ramener les mêmes rapports, sur cette foule de morts-vivants qui entoure la blanchisserie ! Mais Danny est convaincu qu’il y a moyen de contrôler un passage vers l’extérieur, qui ne représenterait pas pour autant une menace. Or la situation ici risque de devenir très vite intenable… Danny a à peine le temps de finir sa phrase que résonne un coup de feu à l’intérieur de l’usine : un garde vient d’abattre un des morts de la nuit (il y a eu de nouvelles morts subites pendant que les PJ se reposaient), qui s’était soudain animé et montré menaçant alors qu’on était en train de tirer le cadavre vers la chaudière, pour y être décapité et brûlé… Les réfugiés sont terrifiés – le coup de feu a illico entraîné des hurlements de panique. Le temps presse ! martèle Danny. Mr Fong se tourne enfin vers Mr Chow – qui donne son accord d’un mouvement du menton presque imperceptible. Le patron de la blanchisserie concède que l’intuition de Danny est bonne : effectivement, il y a un accès sur le toit de la boutique – une sorte de trappe. Ce toit est plus bas que celui du hangar, il se situe à quelque chose comme trois ou quatre mètres de hauteur par rapport au niveau de la rue… Accessible pour des humains, pas pour des zombies. Mais, en contrepartie, les toits des bâtiments adjacents, de toute façon éloignés de quelques cinq à six mètres au moins, par endroits dix mètres, sont plus élevés. Durant l’excursion des PJ, les hommes de Mr Fong surveilleront cet accès, et leur ouvriront le moment venu ; ils conviennent au cas où d’un code.

 

[V-3 : Nicholas, Danny, Warren : Yuen Chang, Mr Chow] L’expédition est décidée. Nicholas confectionne des cordes avec des draps (Danny a déjà une vraie corde sur lui). Warren se munit d’autres pièces de tissu, colorées, qu’il compte disposer au bout de ses bras mécaniques – en guise de leurres, cette stratégie avait pu se montrer efficace lors de leur fuite du bureau du shérif à la blanchisserie. Ils se munissent tous de sacs, bien sûr. Danny songe qu’il vaut mieux ne pas descendre dans les rues – mais par les toits, ou les étages des bâtiments abandonnés, ça devrait être jouable. Maintenant, où trouver de la nourriture à proximité ? On leur indique l’élevage de porcs de Yuen Chang, non loin, mais comment ramener un porc dans ces conditions ? Sinon, l’épicerie la plus proche… est celle de Mr Chow. On dessine un plan pour que Danny puisse se repérer.

 

[V-4 : Beatrice] Maintenant, la vraie question, c’est comment passer à travers tous ces zombies ? L’idée d’une diversion s’impose : Beatrice offre de se munir de casseroles, etc., qui feront beaucoup de bruit. Or elle dispose d’un Pouvoir de Téléportation : elle l’utilisera pour se positionner en sécurité sur un toit à l’opposé de ses camarades et fera un boucan de tous les diables pour attirer les morts-vivants vers elle, sans se mettre en danger pour autant ; à condition de répéter l’opération à plusieurs reprises, les rues devraient être suffisamment dégagées pour que les autres aillent où ils le souhaitent… et en reviennent.

 

VI : EN QUÊTE DE VIVRES, ET D’INFORMATIONS

 

[VI-1 : Beatrice, Danny : Josh Newcombe ; Mr Fong, Mrs Jansen, Mike Paltron, Russell Drent, Mr Jansen] L’idée de Beatrice est approuvée. Depuis le toit de la boutique (les gardes de Mr Fong referment la trappe aussitôt après leur passage), et sous une pluie un brin pénible mais bien plus supportable que les jours précédents, la huckster se téléporte sur le toit d’une maison un peu plus loin. Sur un signe de Danny, elle commence à marteler ses casseroles ; cela semble produire son effet – les réflexes des zombies sont on ne peut plus lents, mais la plupart des morts-vivants (et ça fait vraiment beaucoup) se dirigent vers Beatrice, dégageant le passage pour les autres. Mais, en faisant du bruit, Beatrice n’attire pas que des zombies… Du niveau de la rue, elle entend : « Ah ! Une survivante ! Ms Elizabeth Meyers, pourriez-vous m’accorder une interview ? » C’est Josh Newcombe, carnet de notes en main, tranquille au milieu des morts-vivants ! La huckster lui fait signe de monter. Le journaliste n’est pas des plus agile, il a besoin de son aide… Mais il parvient à la rejoindre sur le toit. « Je dois l’avouer, je suis heureux de rencontrer enfin quelqu’un de vivant ! Ils ne sont pas très communicatifs, vous savez... Mais racontez donc à nos lecteurs comment vous vous en êtes tirée ! » Beatrice se contente de dire qu’elle a tiré et couru… Mais lui, comment a-t-il fait ? Benoîtement, le journaliste répond qu’il n’a jamais été inquiété par les morts-vivants… Pourquoi donc ? Il y a beaucoup réfléchi ; il n’y a qu’une seule réponse possible, « et c’est la grâce divine, bien entendu ». Mais Beatrice est méfiante : est-il bien sûr d’être vivant ? C’est qu’ils ont eu quelques soucis avec Mrs Jansen… Le journaliste s’offusquait de ce qu’on le soupçonne d’être mort, mais la mention de la tenancière du Washington suffit à détourner sa colère. Il explique très simplement qu’il savait très bien ce qu’il en était, la concernant, et depuis des années – depuis, en fait, cette dispute conjugale qui avait décidé de son état ; il avait même publié un article à ce sujet, mais, bizarrement, les gens n’y ont pas accordé beaucoup de crédit. Il y a pourtant eu d’autres cas en ville – de ces disputes qui tournent mal, veut-il dire : « Vous savez, Mr Paltron, par exemple, il est évident qu’il a tué sa femme – Russell Drent le savait aussi bien que moi ; bizarrement, c’est pourtant le shérif qui m’a dissuadé d’écrire un article à ce propos… Très bien, il avait sans doute ses raisons… Bah, ce n’est pas si grave. Mr Jansen avait certes poussé un peu fort Mrs Jansen dans les escaliers, mais qui ne le fait pas ? » Mais ils s’égarent – tout cela, c’est du passé, et ses lecteurs s’intéressent à l’avenir ! Alors, comment vont-ils faire – avec tous ces gens à l’intérieur de la blanchisserie, a-t-il cru comprendre ? Il a voulu essayer de rentrer à l’intérieur, mais ces Chinois ne se sont pas montrés très coopératifs… Beatrice préfèrerait que le journaliste l’assiste de ses conseils, elle en a bien besoin… Le journaliste semble réfléchir un instant ; puis : « Mangez des légumes. Des brocolis, par exemple. Vous savez, c’est très bon pour la santé, d’ailleurs j’avais écrit un arti… » Il n’a pas le temps de finir sa phrase que la huckster lui tire une balle dans le pied !

 

[VI-2 : Danny, Nicholas, Warren : Josh Newcombe, Beatrice] Entre-temps, les autres, inconscients de cette petite discussion avec Josh Newcombe, profitent de ce que les rues ont été dégagées pour progresser, autant que possible sur les toits ou d’étage en étage, par les fenêtres (en s’aidant des cordes), dans la direction opposée de Beatrice. Danny ouvre la marche, Nicholas la ferme, avec Warren au milieu. Mais la ruse de la diversion a ses limites : si la plupart des zombies y ont cédé, il en reste cependant çà et là dans les rues, voire dans certains bâtiments.

 

[VI-3 : Beatrice : Josh Newcombe] Josh Newcombe, blessé au pied par Beatrice, crie de douleur (« Aïe ! Mais qu’est-ce qui vous prend ? »), et tombe à la renverse dans la rue (« Aïe ! »). Depuis le toit, la huckster, toujours l’arme en main, se montre menaçante : « J’en ai assez de vos bêtises. Je veux savoir comment ça se fait que vous êtes toujours au courant de tout, et toujours épargné… » Le journaliste parvient tant bien que mal à se lever, et il est furibond : « Saleté ! Vous allez me le payer, Ms Elizabeth Meyers, je vous le garantis ! Je vais dresser de vous un portrait dont vous me direz des nouvelles ! » Et il s’en va clopin-clopant vers l’est – probablement dans la direction des bureaux du Crimson Post ; il semble déjà prendre des notes sur son carnet. Mais Beatrice lui jette une pièce d’un dollar – elle s’abonne ! S’il peut lui apporter en main propre les éditions spéciales… Le journaliste ignore la pièce et continue son chemin, en fulminant.

 

[VI-4 : Danny, Warren, Nicholas : Beatrice, Mr Chow] Le coup de feu a alerté les autres, mais ils ont supposé, comme il n’y en avait pas d'autres, que cela faisait partie de la diversion de Beatrice – qui continue de faire du boucan tant que les autres ne sont pas revenus. On entend les porcs de l’élevage, ils sont bien vivants – mais en ramener à la blanchisserie s’annonce compliqué… Danny n’y croit pas. Mieux vaut pour l’heure s’en tenir à la boutique de Mr Chow. À mesure qu’ils progressent, ils distinguent d’autres coups de feu – plus effacés, un de temps à autre ; ils proviennent du sud, probablement du bureau du shérif. La boutique tient plus du bazar que de l’épicerie. S’y repérer n’est pas très évident, car toutes les étiquettes, etc., sont en chinois – mais ils peuvent identifier sans trop de risque d’erreur des aliments, frais (du riz, du thé…) ou en conserve, et en remplissent leurs sacs ; Warren use de ses bras mécaniques, qui lui permettent de porter bien plus de sacs que les autres. Mais il n’y a pas de quoi nourrir tous les réfugiés de la blanchisserie… Nicholas cherche aussi d’autres choses qui pourraient être utiles en dehors de la nourriture ; le faux prêtre tombe notamment sur cinq feux d’artifice – des reliquats du nouvel an chinois, qui a eu lieu il y a déjà longtemps de ça… La diversion de Beatrice continue, permettant aux autres de retourner à la blanchisserie. La même manœuvre est répétée une autre fois, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à ramener de la boutique de Mr Chow.

 

VII : UN HOMME FORT EN TEMPS DE CRISE

 

[VII-1 : Warren : Gamblin’ Joe Wallace, Jeff Liston, Josh Newcombe] Mais les PJ ne s’en tiennent pas là : une fois le ravitaillement effectué, ils comptent bien, en usant de la même technique, jeter un œil à ce qui se passe en ville – notamment au bureau du shérif, d’où parviennent de temps à autre des coups de feu, ou encore, non loin, à la résidence de Gamblin’ Joe Wallace (Warren y tient beaucoup) ; les noms de Jeff Liston ou Josh Newcombe sont également évoqués, mais leurs logis sont aux deux extrémités de la ville… Ils s’y prennent très bien, et rejoignent sans trop de difficultés la grande rue (impossible à traverser de la même manière, elle est bien trop large), qu’ils remontent côté nord vers l’ouest, jusqu’à atteindre la maison du maire. Des zombies rôdent dans les environs, mais assez peu ; la plupart sont attirés par les coups de feu sporadiques émanant du bureau du shérif, un peu plus à l’ouest. En y jetant un œil au passage, les PJ constatent que la rue en face est jonchée de dizaines de cadavres de morts-vivants, laissés là où ils sont tombés – les canons de Winchesters jaillissent parfois des fenêtres, les tireurs prenant le temps de viser avant de faire feu, éliminant méthodiquement chaque zombie qui s'approche un peu trop d’une balle en pleine tête. Mais les munitions manqueront très vite, à ce rythme…

 

[VII-2 : Danny, Warren : Gamblin’ Joe Wallace] Les PJ descendent dans la rue, pour gagner l’entrée de la maison de Wallace. Danny élimine de son gourdin les zombies les plus proches, mais d’autres les ont repérés et avancent lentement dans leur direction. Warren toque tout naturellement à la porte, mais sans obtenir de réponse ; il est évident qu’elle a été barricadée – et toutes les fenêtres du rez-de-chaussée de même. Mais à l’étage ? La paroi est glissante, avec tout cette pluie, mais Danny parvient à accéder à une fenêtre du premier, fermée mais aisée à franchir. Le bagarreur pénètre à l’intérieur de la maison, et, sur ses gardes, il descend au plus vite au rez-de-chaussée, afin de trouver une ouverture rapide à dégager pour que ses amis puissent se réfugier à leur tour dans la belle bâtisse ; ils parviennent à le faire avant que les zombies qui s’approchaient ne soient trop menaçants, et, sitôt à l’intérieur, ils barricadent la fenêtre derrière eux.

 

[VII-3 : Warren, Danny : Gamblin’ Joe Wallace] Quand ils se retournent, ils voient le domestique chinois de Wallace, qui se tient raide comme un piquet en haut de l’escalier, une carabine en main. Il n’est pas hostile – dès l’instant qu’il les voit barricader la fenêtre derrière eux. Il est simplement méfiant. Mais Warren lui fait part de ce qu’ils aimeraient s’entretenir avec Wallace – tandis que Danny indique son étoile de shérif, au cas où… Comme si la situation était parfaitement ordinaire, le domestique, s’il mentionne en passant que Mr Wallace est quelque peu fatigué, demande aux visiteurs de patienter le temps qu’il les annonce, après quoi il les invite à le suivre dans le bureau du maire, au premier étage.

 

[VII-4 : Danny, Warren, Beatrice, Nicholas : Gamblin’ Joe Wallace ; Russell Drent, Jon Brims, Mortimer Stelias, Jeff Liston, Mr Fong] Gamblin’ Joe Wallace est dans un état lamentable – une loque humaine, qui a bu beaucoup, beaucoup d’alcool ces derniers jours. Le domestique part préparer du thé – tandis que Danny ramasse un seau d’eau, qu’il balance à la figure du maire. Amorphe et déprimé, Wallace se plaint de ce qu’ils veulent l’humilier encore davantage. Warren veut se montrer diplomate… mais se rend compte qu’il ne sait pas quoi dire ; il fait quelques pas en arrière, et marmonne indistinctement… Vu de l’extérieur, c’est un peu comme s’il s’entretenait avec Roselyne et Hippolyte, ses bras mécaniques ! Danny est plus direct : maintenant que Drent est hors-jeu… Mais Wallace affirme qu’il n’est pas hors-jeu. Il demande à ses visiteurs où ils se sont planqués, ce qui pourrait expliquer qu’ils ne soient pas au courant concernant le shérif ? Danny dit que, la dernière fois qu’il a vu Drent, il se faisait dessus dans une cellule de son propre bureau… Mais Wallace lui rétorque que, la dernière fois qu’il l’a vu lui, par cette fenêtre juste à côté, et tout récemment, il coordonnait ses hommes dans l’élimination méthodique des morts-vivants des environs – froid, distingué, classe : du pur Drent d’avant toute cette folie… Le maire remarque alors seulement que Danny arbore l’étoile de shérif : « Il va vouloir la récupérer… » Warren sort de son soliloque, et demande à Wallace s’il a vu Jon Brims – mais ce n’est pas le cas : « Encore un peu tôt pour le croque-mort ? » Les gens n’ont plus besoin de « venir quémander des audiences à Sa Majesté Gamblin’ Joe Wallace » Warren veut l’aider – mais il lui faut comprendre ce qui se passe ; le maire n’a-t-il rien à dire sur tous ces événements surnaturels ? Il évoque aussi le nom de Mortimer Stelias ; comment est-il mort ? « De sa belle mort… Enfin, de vieillesse. Il aurait peut-être trouvé une autre mort plus belle. Il a été colonel de cavalerie de l’Union, vous savez… » Le souvenir semble quelque peu émouvoir le maire : « C’était un type bien. Y en a pas beaucoup. » Mais Warren a appris que Mr Stelias avait eu affaire à des… manitous ? Cela pourrait avoir un lien… Il fait appel à Beatrice – qui se contente de dire qu’il s’agit d’esprits du folklore indien ; d’ailleurs elle se demande si un Indien du coin ne serait pas impliqué dans l’affaire… « Dans le coin, côté Indiens, y a que la tribu des Red Suns – dans la forêt du même nom. Z’ont jamais posé de problème. Enfin… Vous le savez, hein : terra nullius, tout ça, c’est des conneries, quand les Blancs s’installent quelque part dans l’Ouest, c’est pas sur des terrains vierges, c’est sur les territoires de tels ou tels Indiens… Alors ils se sont plaints, dans les premières années. Ça n’a pas duré. » Wallace dit ne jamais avoir eu affaire à eux, c’était déjà du passé quand il est arrivé de Boston. Le seul habitant de Crimson Bay à y connaître quoi que ce soit, ça serait Jeff Liston – qui va chasser l’ours dans la forêt de Red Sun. Peut-être. « Les Indiens… Faut croire qu’on avait pas assez de soucis, hein ? Des tiques de prairie, des dégénérés cannibales, des morts-vivants, des démons même à ce qu’on dit… Et tout ça depuis votre arrivée… dans la charmante petite ville de Crimson Bay. » Et les Chinois ? demande Beatrice. Wallace n’en sait rien – il traitait avec Mr Fong, c’est tout ; et à travers lui avec les triades de Shan Fan voire de Hongkong, qui approvisionnaient l’usine en poudre… Ça n’a rien d’un secret. Il n’a pas de secrets. Et le surnaturel ? Il n’y connait rien – il n’y croyait pas il y a de ça trois jours à peine. De toute façon, c’est Drent qui va régler la situation : c’est un malin… Wallace savait dès le départ que c’était un dur – il le savait parce que c’était exactement ce qu’il recherchait. Une ville doit avoir un shérif. Et… « À l’époque, chaque nuit, je faisais des cauchemars, terribles – c’était l’anarchie, le chaos à Crimson Bay… C’était comme un message : embauche quelqu'un pour maintenir l'ordre. Quelqu'un qui sait y faire. Les cauchemars ont cessé avec l’arrivée de Drent. Il a fait son office. Vous connaissez la suite. » Des coups de feu retentissent par intermittence du bureau du shérif. Danny redescend, il en a assez – ils ne tireront rien d’utile de ce pauvre type. Beatrice compte le suivre, mais dit d’abord au maire qu’il lui doit 35 $... Wallace se lève, tangue un peu, ramasse une liasse entière dans son coffre ouvert et la jette aux pieds de la huckster. « Servez-vous. Ça servira à payer la caution quand Drent vous coffrera. Enfin, s’il vous laisse la possibilité de payer une caution... » Mais Beatrice se contente de ses 35 $ (Nicholas est moins scrupuleux…).

 

[VII-5 : Danny, Beatrice, Nicholas, Warren : Gamblin’ Joe Wallace, Russell Drent] Les PJ laissent là Wallace, et prennent la direction du bureau du shérif, tout proche – en profitant d’un moment d’accalmie, quand les morts-vivants sont relativement peu nombreux, et trop éloignés pour être vraiment dangereux. Danny a l’intention de rendre à Russell Drent son étoile – il est d’un calme olympien, face à Beatrice et Nicholas de plus en plus démangés par l’envie de tirer sur tout le monde… Le bagarreur ne fait certainement pas confiance au shérif (Warren était très inquiet à ce propos…), mais il ne veut pas avoir tout le monde à dos – pas maintenant. Il a d’autres méthodes pour passer ses nerfs – les zombies les plus proches font les frais de son gourdin, le faux prêtre et la huckster achevant ceux qui sont un peu plus loin. Ils attirent ainsi l’attention des adjoints – deux sont sortis sous l’auvent, qui voient bien qu’ils ne sont pas des morts-vivants, et les laissent approcher…

 

[VII-6 : Danny, Beatrice, Nicholas, Warren : Russell Drent ; Gamblin’ Joe Wallace, Mr Fong, Mr Shou, Josh Newcombe] Et Russell Drent sort également du bureau, comme pour prendre l’air – et il est ainsi que Gamblin’ Joe Wallace l’avait décrit : froid, distingué, classe. Le Drent d’avant – rien à voir avec l’homme qui s’était effondré sous les yeux des PJ. Danny et Beatrice l’approchent, l’air de rien – Nicholas et Warren restent un peu plus en arrière. Drent les remarque enfin et les regarde approcher, souriant. Danny lui rend illico son étoile – comme il a repris ses esprits… Drent le remercie – ajoutant qu’il avait eu raison de faire ce qu’il a fait. Il s’était effondré, c’était… lamentable. Danny, conciliant, avance que ça arrive à tout le monde, mais Drent, avec un regard dur, lui répond sèchement : « Non. Cela ne m’arrive pas. À moi. » Ou du moins ça ne devrait pas être visible – il y a peu de choses aussi importantes que ce qui est visible, et ce qui ne l’est pas. Passons : ils ont à discuter ! 300 civils se sont réfugiés dans la blanchisserie, et ils ne tiendront pas trois jours. Drent commence par féliciter les PJ : la blanchisserie, c’était une bonne idée. Ce sont probablement les seuls à avoir survécu, à quelques exceptions près, comme bien sûr Drent et ses adjoints (une quinzaine). « C’est bon à savoir que toute la population de mes administrés se trouve là-bas. » Danny suggère de faire une battue pour dégager les ruelles – là-bas, ils sont encerclés. Drent est d’accord – et ses administrés seront heureux de voir qu’en ces temps troublés un homme à poigne a pris les rênes du pouvoir : « Ensemble, nous allons pouvoir bâtir une nouvelle alliance. » L’expression n’a pas échappé à Nicholas... Qu’entend-il par-là ? « Il faut faire un pacte. Il y a ceux d’en dessous, et ceux d’au-dessus. Qui les dirigent. Et les protègent. Exactement, le troupeau et son berger. C’est une chose que vous, homme d’Eglise, comprenez parfaitement. Le berger a tout intérêt à garder son troupeau en vie. » Mais « ces Fong, ces Shou… Il faudra qu’ils se soumettent. On dit que les Orientaux sont pragmatiques… » Danny n’est pas exactement un lettré, mais cette idée de soumission l’étonne – ce n’est pas ça, une alliance… Drent affiche un rictus sardonique : « Demandez à votre ami le prêtre, il vous expliquera comment ça se passe dans la Bible… » Warren lui demande s’il a vu d’autres personnalités de la ville : « Les personnes qui comptent sont toutes ici en ce moment même. » Et Newcombe ? Il est passé lui poser quelques questions – un homme étonnant… et qui sait raconter des histoires – c’est une qualité bien singulière. Peut-être est-il protégé par Dieu, ainsi qu’il le prétend… Peut-être le shérif lui-même, et Danny, et ses camarades, sont-ils également sous la protection du Seigneur ? Croient-ils vraiment qu’ils ont survécu par hasard ? On a toujours besoin d’une volonté supérieure… « Plus que jamais. Devant cette… parodie du Jugement Dernier… Je ne peux pas tolérer pareille chose. Moi moins que quiconque. » Le shérif écarte les bras en croix, et du sang s'écoule des stigmates de ses paumes…

 

À suivre…

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One-Punch Man, t. 05 : Amoché mais resplendissant, et t. 06 : La Prédiction, de One et Yusuke Murata

Publié le par Nébal

One-Punch Man, t. 05 : Amoché mais resplendissant, et t. 06 : La Prédiction, de One et Yusuke Murata

ONE et MURATA Yusuke, One-Punch Man, t. 05 : Amoché mais resplendissant, [Wanpanman ワンパンマン : Zutaboro ni kagayaku ズタボロに輝く], œuvre originale de One, traduction [du japonais par] Frédéric Malet, Paris, Kurokawa, coll. Shônen, [2012] 2016, [208 p.]

One-Punch Man, t. 05 : Amoché mais resplendissant, et t. 06 : La Prédiction, de One et Yusuke Murata

ONE et MURATA Yusuke, One-Punch Man, t. 06 : La Prédiction, [Wanpanman ワンパンマン : Daiyogen 大予言], œuvre originale de One, traduction [du japonais par] Frédéric Malet, Paris, Kurokawa, coll. Shônen, [2012] 2017, [208 p.]

Bon, allez, il est bien temps d’arrêter les frais… Dans ma dernière chronique de One-Punch Man, qui portait sur les tomes 3 et 4, j’avais été suffisamment convaincu par l’humour délirant du tome 3 pour envisager de jeter un œil sur la suite, là, comme ça, en passant… Ce que j’ai fait, donc, avec ces tomes 5 et 6… qui sont hélas parfaitement dans la lignée du tome 4, lequel m’avait beaucoup déçu.

 

À mes yeux d’ignare en shônen, le grand atout de la série était clairement son humour, son goût pour la parodie autant que pour l’absurde. C’est semble-t-il bel et bien ce qui a fait le succès du manga originel de One sur le ouèbe, et qui a permis à la série de se développer dans cette version papier adaptée par Murata Yusuke ainsi que dans une version animée qui a semble-t-il beaucoup plu (je n’y connais rien). À maints égards, One-Punch Man est un shônen avec plein de baston, mais qui en rigole et fait mumuse avec les codes du genre.

 

Ou du moins est-ce la théorie… Car, à ce stade du manga papier, cela fait trois tomes que l’humour est presque totalement aux abonnés absents, et que l’accent est uniquement mis sur la baston, la baston, la baston. Les spécialistes vous diront que, même dans ces épisodes, One-Punch Man casse quelques codes du nekketsu, et c'est bien possible, mais, pour un lecteur lambda ou moins que ça dans mon genre, c’est une dimension totalement hermétique, et ne demeure que la baston, la baston, la baston. On pourrait assez légitimement en conclure que One-Punch Man est devenu ce dont il se moquait.

 

Je ne connais à peu près rien au shônen, ou au nekketsu. Aussi mes références en la matière sont-elles très aléatoires… Mais, à la lecture de ces tomes, j’ai eu un peu le sentiment très navrant que j’avais ressenti, gamin, quand je regardais Dragon Ball au Club Dorothée truc. Dragon Ball, c’était cool : frais, drôle, de bons personnages… Déjà, à l’époque, mon intérêt pour la série avait diminué dans les pénibles séquences de tournoi semble-t-il typiques du nekketsu, avec la montée en puissance des adversaires ; mais, globalement, OK. Puis il y a eu ce moment bizarre où Dragon Ball est devenu Dragon Ball Z… et où je me suis mis à détester ce que j’avais adoré. L’humour n’était plus de mise, chaque épisode se focalisait sur la baston, ou peut-être autant et même davantage sur les poses badass des héros et des vilains, portés à avoir les dents qui grinçaient et la goutte au front – entre le résumé des épisodes précédents et le teaser de la suite, on n’avait pas grand-chose d’autre. Le trait qui demeurait, c’était le plus mécanique : la montée en puissance, toujours davantage, et le défi héroïque.

 

J’ai toujours trouvé ça chiant à mourir, et n’ai visiblement pas changé à cet égard. Ces tomes 5 et 6 de One-Punch Man en témoignent : au Roi des Profondeurs, qui constitue l’antagoniste dans la quasi-totalité du tome 5 (après avoir déjà bouffé de la place dans le tome 4), et qui était tellement plus balaise que tous ses prédécesseurs, succède un nouvel ennemi, ou plutôt un petit groupe d’ennemis, extraterrestre, qui latte tout le monde (dont l’intégralité du casting de la « classe S » des héros, les « meilleurs des meilleurs »), sauf Saitama, dans le tome 6 – sur presque toute sa durée là encore. Un schéma typique se répète, avec tous les héros censément super-badass (malgré leur nom ridicule, le cas échéant) qui se font tous latter la tranche, tandis que cette buse de Saitama progresse tranquillou (en sachant que le principe même de la BD implique qu'il triomphe des adversaires les plus redoutables avec un unique coup de poing, ce qui devrait pourtant contredire la mécanique même de la montée en puissance) – tandis que son « disciple » Genos nous commente l’action en voix off. Ad nauseam.

 

Ce schéma se répercute aussi dans le soupçon (infinitésimal) de dimension drama de la série : inévitablement, Saitama sauve tout le monde, mais on ne le prend jamais au sérieux – contrairement aux autres héros, si classe, il est considéré par la population civile comme un imposteur, au mieux, éventuellement une menace. C’est systématique. Problème : Saitama lattant du monstre, en dépit des apparences, ce n’est pas du comic de super-héros façons disons Marvel – dans son principe même, il ne peut pas être un Spider-Man ou un X-Man ; dans ces comics, il faut que le lecteur s’intéresse au moins dans une égale mesure à, mettons, Spider-Man, et à Peter Parker – c’est bien pourquoi l’action, essentielle, ne bouffe en principe pas l’intégralité des épisodes. C’est sans doute inenvisageable avec Saitama, dont l’essence est d’être une caricature passablement ridicule et superficielle, y compris au plan graphique (même si, à l’occasion, la BD louche ostensiblement sur le drama « pédagogique », dans les épisodes bonus notamment – ici, c’est flagrant dans celui du tome 6, qui porte sur le suicide et est bien lourdingue). Que Saitama ne puisse pas véritablement jouer ce rôle, de ma part, n’a rien d’un reproche, c'est un constat : ça n’est tout simplement pas le propos de la série.

 

Non, One-Punch Man, son rayon, son prétexte, son propos, ça devrait être l’humour, la parodie, la débilité, l’absurdité… C’était ce qui faisait la réussite des meilleurs épisodes antérieurs. Mais, à moins d’être en mesure de se satisfaire d'une unique réplique idiote çà et là, noyée dans soixante pages de poses badass, de grincements de dents et de baston toujours plus plus… Non, tout cela n’a absolument plus rien de drôle. Et le sentiment se renforce sans cesse de ce que One-Punch Man est devenu ce dont il se moquait, en remisant de côté ses singularités initiales au profit (si j’ose dire) d’un récit devenu parfaitement mécanique et sans âme.

 

Notez, même si ce n’est de toute évidence pas ma came, et que je dois me résoudre à arrêter les frais, je ne prétends pas « objectivement » que One-Punch Man est une mauvaise série – elle a ses fans, nombreux, qui s’y connaissent probablement bien davantage que moi en la matière (euphémisme). C’est surtout que nous n’avons pas les mêmes critères, je suppose… Et, par ailleurs, j’admets volontiers que le dessin de Murata Yusuke est très bon – spectaculaire, dynamique, lisible… Irréprochable à vrai dire – bon, en mettant comme d’hab’ de côté la question du floutage un peu trop récurrent… Oui, c’est du très bon boulot ; mais, en ce qui me concerne, cela ne suffit pas.

 

Il est bien temps d’arrêter les frais – j’ai d’autres choses à lire, qui me parleront davantage, et sans peine.

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CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (09)

Publié le par Nébal

CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (09)

Neuvième séance de « The Great Northwest » pour Deadlands Reloaded. Vous trouverez la première séance , et la séance précédente ici. L’enregistrement de la séance est disponible .

 

Les inspirations essentielles se trouvent dans la campagne Stone Cold Dead et le scénario Coffin Rock.

 

La joueuse incarnant Rafaela Venegas de la Tore, ou « Rafie », était absente, et devrait l’être pendant quelques séances. Étaient présents les joueurs incarnant Beatrice « Tricksy » Myers, la huckster ; Danny « La Chope », le bagarreur ; Nicholas D. Wolfhound alias « Trinité », le faux prêtre mais vrai pistolero (dont le joueur était cependant absent en tout début de séance) ; et enfin Warren D. Woodington, dit « Doc Ock », le savant fou.

Vous trouverez l'enregistrement de la séance ci-dessous.

I : LE CLIENT EST ROI ?

 

[I-1 : Beatrice, Danny : Mr Jansen, Mrs Jansen] Les PJ font face aux cadavres des Jansen… et s’étonnent enfin de ce qu’il n’y a pas eu la moindre réaction dans l’hôtel, ni au cri de Mr Jansen dévoré par son épouse, ni aux coups de feu qui ont suivi – et Beatrice a tout de même vidé son chargeur sur la morte-vivante anthropophage ! Danny va jeter un œil à l’entrée – la rue est déserte. Mais Beatrice fait un rapide tour des chambres ; toquer aux portes ne suscite pas la moindre réponse – pour la bonne raison que tous les clients du Washington, qui étaient une bonne quinzaine, sont maintenant des cadavres éviscérés… Mais la huckster ne se laisse pas abattre – elle ramasse quelques dollars qui traînaient sur une commode… Danny ne revient pas de ce qui vient de se produire – mais, surtout, il craint que Mrs Jansen ne soit pas le seul cadavre ambulant responsable du carnage ! Ils fouillent ensemble l’hôtel – notamment la cave ; mais rien de spécial.

 

[I-2 : Danny : Rafaela Venegas de la Tore ; Mrs Jansen, Jeff Liston] Mais il y a de toute évidence un problème en ville – qui dépasse le seul cas de Mrs Jansen. Une menace plane ; vaut-il mieux se rendre au bureau du shérif, où veillent nombre d’adjoints ? Ou à la blanchisserie, où compte retourner de toute façon Rafie, et où se sont installés contraints et forcés bien 200 à 300 habitants ? En sortant du Washington, Danny suggère déjà d’aller voir leur ami Jeff Liston, au Red Bear – qui est tout proche. Mais Rafie part de son côté.

 

[I-3 : Danny, Beatrice : Jeff Liston, Mr Fong] La pluie a forci. Elle n’est pas aussi menaçante que lorsque la tempête s’était abattue sur Crimson Bay, mais elle est très pénible, et ne facilite pas les déplacements dans les rues éventrées. Un simple coup d’œil vers l’ouest, en direction du port, laisse comprendre que la mer est démontée et qu'embarquer à bord d’un bateau serait peu ou prou suicidaire. L’impression générale est qu’il est impossible de quitter la ville pour l’heure, par voie de mer ou de terre – ce qui n’empêche pas quelques citoyens apeurés de charger leurs bagages et même leurs meubles à bord de charrettes, et qu’importe si elles ne feraient pas cinquante mètres avant de casser une roue… Et, devant le Red Bear, il y a foule – une foule avinée et de mauvais poil. Des clients refoulés se plaignent de Liston, qui refuse de les servir et les a jetés dehors ! Sous la pluie ! Ils sont complètement bourrés, et agressifs… Danny pense les disperser simplement en montrant son étoile d’adjoint, mais cela n’a aucun effet ; que Beatrice sorte son Colt, même sans le braquer sur qui que ce soit, est plus productif. Danny les aiguille tout de même vers la blanchisserie de Mr Fong, mais ils sont au-delà d’être raisonnés… Tous n’ont même pas le réflexe de s’abriter sous un auvent, avec cette pluie. Mais la façade du Red Bear est tout de même dégagée.

 

[I-4 : Danny, Beatrice, Nicholas : Jeff Liston ; Mrs Jansen] À l’intérieur, c’est plus ou moins le même tableau – en pire. Les clients qui restent se montrent agressifs, tandis que Liston, bourru, leur hurle qu’il ne les servira pas ; ce qui n’a probablement jamais eu lieu dans un bouge pareil. La tension est palpable – l’ex-trappeur a les mains sous le comptoir, là où il planque ses armes. Danny et Beatrice parviennent à le rejoindre, et Liston, nerveux, confirme qu’il n’a jamais vu ses clients boire autant, et en même temps avoir l’alcool aussi mauvais – au point où même lui s’en inquiète. Il a eu quelques rumeurs de ce qui s’est passé devant le bureau du shérif, mais n’y accordait pas vraiment de crédit – cependant, les PJ lui confirment que la rumeur disait vrai. Danny et Beatrice ajoutent que, depuis, ils ont croisé un autre mort-vivant – « la vieille Jansen »… et, non, ce n’est pas une blague. Elle a tué tout le monde au Washington. Liston, d’abord sceptique, est finalement prêt à les croire – lui aussi se rend bien compte qu’il se passe… quelque chose à Crimson Bay. En fait, Beatrice avance qu’il serait bien temps de fermer le Red Bear – peut-être définitivement, semble-t-elle sous-entendre… Mais Liston aurait déjà bien besoin de leur aide pour faire vider les lieux aux clients pénibles ; lui est porté à faire usage de la manière forte – mais un nouveau sermon bizarre du « père Nicholas » produit également ses fruits ; cependant, ceux qui quittent ainsi le bar tendent à grossir les rangs de ceux qui végètent juste devant, sous la pluie battante… Ils réclament à cor et à cri que Liston les serve : ils veulent boire ! Et c’est trop cher, ailleurs… « Jeff, merde, quoi, fais péter ta recette spéciale, c’est l’apocalypse, quoi ! » Beatrice ne rigole plus, toutefois – et ça se lit dans son regard, faut-il croire, car ses menaces pèsent bien plus que celles de Liston ; l’attroupement se disperse.

 

[I-5 : Beatrice, Danny, Nicholas : Jeff Liston ; Mr Fong, Denis O’Hara, Russell Drent, Gamblin’ Joe Wallace] Bien sûr, les PJ sont une clientèle que Liston veut bien servir… Il les fait entrer, et verrouille la porte du bar derrière eux. Il s’attable avec eux, ouvrant une bouteille d’un whisky parfaitement immonde. Ils ont tous fait le même constat : Crimson Bay part à vau l’eau – et à une vitesse ahurissante encore. Beatrice interroge Liston sur la tempête – en appuyant tellement sur le mot qu’il devient évident que la huckster ne lui parle pas simplement de la météorologie à Crimson Bay dans les dernières années. De toute façon, il est clair que la ville n’aurait pas pu se développer si elle devait régulièrement faire face à ce genre de cataclysmes. Mais les coulées de boue sont un moindre problème aux yeux de la huckster. Liston n’envisage pas les choses de la même manière – il confirme que la ville est coupée du monde ; quelques heures plus tôt, on lui a dit que la voie ferrée également était impossible à emprunter – les rails ont souffert au nord comme au sud, impossible de gagner Portland ou Shan Fan. L’ex-trappeur se dit qu’il aurait dû prolonger son escapade dans la forêt de Red Sun, il ne serait pas dans cette merde… Danny affirme que le mieux est encore de rejoindre les autres à la blanchisserie de Mr Fong – mais Liston n’en est pas convaincu : « Au moment de la tempête, c’était sans doute un bon conseil, z’avez bien fait… Mais maintenant, y a quoi, 200, 300 personnes là-bas ? T’imagines un peu s’y s’mettent à réagir comme ceux d’ici ? » Même chose pour l’église, lui a-t-on dit ; mais là, de toute façon, il n’a aucune envie d’y aller – et Nicholas le lui déconseille ouvertement ; Beatrice ajoute qu’il va falloir s’occuper du père O’Hara, ce qui interloque un peu Danny – elle ne le sent pas… Il y a une cause derrière tous ces phénomènes, et son instinct conduit la huckster à supposer que le pasteur rougeaud y est pour quelque chose… La « cloche fantôme » constitue un argument en ce sens – elle continue d’ailleurs de sonner, de manière très irrégulière. Cependant, Beatrice admet que le marionnettiste pourrait être quelqu’un d’autre – mais qui ? Drent, qui est complètement à l’ouest, et en principe assommé par l’opium ? Wallace, cette loque humaine ? Les Chinois ? Danny compte bien enquêter. Il propose à Liston de les suivre, mais il refuse – il préfère rester là à garder son bouge contre ses dégénérés de clients… Beatrice le comprend – et elle ne compte certainement pas dormir à la blanchisserie, les craintes exposées par l’ex-trappeur lui paraissent fondées ; clairement, elle demande à Liston s’il pourrait les héberger – il est surpris, mais ça lui va : « C’est pas l’grand luxe, par contre, hein… », dit-il en désignant les taches de vomi par terre. La huckster est décidément très convaincante, ce soir ! Les PJ le laissent là – il a chargé deux gros fusils de chasse, disposés au mieux sur le comptoir…

 

[Depuis le début de la séance, Beatrice a enchaîné les jets brillants ; j’ai considéré que cela méritait une récompense, et elle a tiré un Jeton rouge.]

 

II : SHÉRIF, FAIS-MOI PEUR

 

[II-1 : Danny] Les PJ prennent la direction du bureau du shérif. La pluie est toujours aussi pénible, mais le même tableau revient, de ces bons citoyens qui ont décidé de déménager dans l’urgence – un vœu pieux… Ainsi de cette petite famille qui s’embarrasse encore du superflu : la grande horloge murale, ce genre de choses. Leur fillette joue dans la boue – elle ne comprend sans doute pas très bien ce qui se passe autour d’elle, et s’amuse comme une petite folle… jusqu’à ce que la foudre s’abatte sur elle, et la carbonise en l’espace d’un instant ! Danny est sidéré, la bouche grande ouverte… La mère de la pauvre petite fille hurle et se précipite sur le fragile cadavre réduit en cendres, mais son époux reprend bien vite ses esprits – finalement, mieux vaut ne pas s’embarrasser de l’horloge de papy, et partir au plus vite… Les PJ aussi pressent le pas. Devant le Gold Digger, une scène assez proche de celle du Red Bear se déroule – avec peut-être un peu moins de monde. Le bureau du shérif, non loin, est gardé par des adjoints visiblement très nerveux – et leurs yeux témoignent de ce qu’ils ont sans doute vu eux aussi leur quota d’horreurs. Le triste sort de la fillette a ouvert les yeux de Danny et de ses camarades – peut-être ne voulaient-ils pas les voir, mais il y a çà et là des cadavres dans la rue…

 

[II-2 : Danny, Warren, Beatrice, Nicholas : Russell Drent, Bill ; Josh Newcombe] En dépit de leurs bisbilles avec Russell Drent, les adjoints ne s’opposent pas à ce que les PJ pénètrent dans le bureau. On entend le shérif ronfler dans la pièce où on l’a confiné – l’opium a dû faire son effet, même s’il a sans doute fallu y mettre la dose… C’est un adjoint relativement âgé, du nom de Bill, qui a tant bien que mal pris les choses en mains – même si le retour de Danny le soulage, à tort ou à raison. Reste que le bureau est géré comme une forteresse assiégée par un ennemi encore invisible – les fusils sont sortis, les munitions à portée. Ce qui rassure Warren : c’est l’endroit le plus sûr de la ville, bien plus que la blanchisserie ! Le savant fou va veiller le shérif quelque temps. Bill est effaré par l’état de Drent – c’était censé être un dur… Beatrice avance qu’il paye le prix de ses saloperies ; Bill ne les nie pas, mais pour lui ça n’a rien à voir… Danny se pose un peu – une bouteille à ses côtés. Nicholas aimerait bien aller poser quelques questions à Josh Newcombe – le journaliste a décidément prédit pas mal de choses qui se sont avérées fondées…

 

[II-3 : Nicholas, Danny, Warren, Beatrice : Bill, Russell Drent ; Richard Lightgow, Ms Lilly Brown, le Déterré, Denis O’Hara] : Ils attendent, pour l’heure – et Nicholas observe un petit manège qui se répète à plusieurs reprises : de jeunes adjoints paniqués qui viennent faire leur rapport à Bill… mais en le chuchotant dans son oreille ; il le signale à Danny, qui aimerait bien avoir quelques explications. Bill n’a rien à lui cacher : cela fait quelques heures qu’ils ont des… des informations… Les premières venaient de Richard Lightgow, ou de son infirmière Ms Lilly Brown… mais depuis… « Comment dire ça… Il y a… des morts subites. Des morts inexplicables. Dans plusieurs endroits de la ville, toute la ville, des types qui s’effondrent d’un seul coup, quoi qu’ils soient en train de faire, même en plein milieu d’une phrase, bam. Et je saurais même pas faire le compte des victimes. Mais, avec tous ces rapports… Disons qu’il y a eu au moins une cinquantaine de cas, et c’est pas parti pour s’arrêter… » Nicholas établit un lien avec le Déterré qui l’avait tant terrifié quelques heures auparavant. Il le décrit du mieux qu’il peut à Bill, mais, non, ça ne lui dit rien. Le faux prêtre mentionne aussi la cloche qui n’arrête pas de sonner – bien sûr que Bill l’entend, faudrait être sourd pour pas l’entendre, même s’il n’a aucune idée de pourquoi elle sonne comme ça – il a bien dépêché un ou deux adjoints sur place, mais… Nicholas lui révèle que le clocher a brûlé : il n’y a pas de cloche. Bill n’est tout simplement pas en mesure d’envisager une chose pareille – Danny s’esclaffe en se resservant un verre (un double ou un triple), mais il confirme pourtant que ce n’est pas une blague. Et Nicholas a son idée de pourquoi elle sonne : c’est le glas, même si c’est un glas impossible – la cloche sonne pour chaque mort… Bill fait un blocage, mais la vérité commence à lui apparaître, et il s’effondre désespéré sur une chaise… Nicholas convainc aussi Danny – qui a tout de même un petit coup dans le nez, même si sa longue expérience fait qu’il encaisse : « Faut s’occuper de ça, faut s’occuper du pasteur… Et maintenant, parce que plus on attend et plus y aura des morts… »

 

[II-4 : Warren, Danny, Beatrice : Russell Drent, Bill] Les PJ sont tous d’accord et prêts à partir. Warren récupère au passage l’étoile de Drent et la tend à Danny – tout en suggérant de mettre Drent dans une cellule « au cas où » (ce que Beatrice approuve également). Un petit jeune s’en offusque : « Hey ! C’est le patron, merde ! » Il cherche désespérément du soutien, notamment auprès de Bill… mais les autres adjoints, soit s’en foutent, soit considèrent que Danny est effectivement le plus compétent d’entre eux – et que garder Drent dans une cellule est bien la meilleure chose à faire.

 

[II-5 : Nicholas, Warren, Beatrice, Danny : Bill ; Denis O’Hara] Les intentions de Nicholas semblent cependant… « radicales » : il veut des explosifs pour « disperser la foule » ! Warren peut-il l’aider ? Ce n’est pas vraiment son domaine, mais… Beatrice suppose qu’il y a un moyen plus simple – le bureau du shérif a peut-être quelque chose dans ce goût-là ? Bill est très inquiet de la tournure que prend la situation… Beatrice insiste sur le « clocher fantôme » ; peut-être qu’en faisant disparaître le reste du bâtiment… Mais cette histoire n’a jamais convaincu Bill – et il craque : « C’est un message divin ! C’est ça, c’est l’apocalypse ! Le Jour du Jugement ! Les morts qui ressuscitent, et… ce qu’il faut faire, c’est rejoindre le père O’Hara ! N’est-ce pas, mon père ? », dit-il en se tournant vers Nicholas… lequel lui colle une baffe. Bill est tellement surpris qu’il n’a aucun réflexe de riposter. Nicholas livre un sermon nerveux : ce sadisme, ça ne peut pas être Dieu, Dieu ne tue pas ! C’est une lecture de la Bible expurgée de tous ses massacres, mais Bill est trop décontenancé pour contredire un homme en tenue de pasteur et qui porte sur le dos une immense croix de métal… Danny, plus pragmatique, se passe de l’autorisation de son désormais subordonné Bill, et se rend de lui-même à l’armurerie : il s’y trouve bien trois bâtons de dynamite – des instruments de démolition pour chantier, ce genre de choses, à mèche longue, pas destinés à être jetés, mais faits pour être disposés soigneusement. Danny en garde un et donne les deux autres à Nicholas – tous deux ont bien sûr de quoi les allumer… sachant qu’il pleut toujours des cordes.

 

III : UN PEU TROP DE MORGUE

 

[III-1 : Warren, Nicholas, Beatrice : Richard Lightgow ; Jon Brims, Ms Lilly Brown] Ils prennent la direction de l’église, sous une pluie battante, et à travers des rues largement impraticables. En chemin, Warren et Nicholas remarquent la silhouette de quelqu’un qui court dans leur direction – il s’agit du Dr Lightgow. Le médecin arrive auprès d’eux, il n’a plus du tout l’air défoncé, mais il est par contre saisi par une profonde panique. Reprenant son souffle, il explique tant bien que mal que, non seulement les gens tombent comme des mouches, mais aussi… « Je voulais en parler à Jon, mais je ne sais pas où il est, et… Warren, je ne plaisante pas, il… il y a du bruit dans la morgue ! Et ce n’est pas Jon, la porte de la morgue est verrouillée de l’extérieur chez lui aussi, et… » Warren est bien embêté, mais, ainsi que Beatrice l’explique, il tend à croire que la priorité est de se rendre à l’église – que c’est là-bas que se trouve la cause de tout ce mal… Un argumentaire qui sidère le bon docteur – lequel est aussi imperméable que Bill à l’idée d’une cloche qui sonnerait toujours alors que le clocher a brûlé… C’est forcément que ce dernier point est faux, non ? Warren l’engage à aller se réfugier dans le bureau du shérif, mais le docteur a une autre idée en tête : « Une dose, une bonne dose, oui… » Il s’en va sans plus attendre, laissant Warren stupéfait. Mais le savant fou ne peut pas laisser son ami dans cet état… Il n’attend pas qu’on lui en donne l’autorisation, et se met à suivre Lightgow, qui a pris la direction, non de son cabinet, mais du nord de la ville. Beatrice le rattrape – après avoir dit aux autres qu’ils les rejoindront rapidement. Le médecin est au bord du délire… et réalise subitement qu’il a laissé Lilly seule dans la clinique ! Il en prend cette fois la direction, et Warren et Beatrice pressent le pas.

 

[III-2 : Warren, Beatrice : Richard Lightgow ; Jon Brims, Ms Lilly Brown] Sur place, Richard Lightgow introduit Warren et Beatrice dans son cabinet, après avoir constaté que l’atelier de pompes funèbres de Jon Brims était fermé. Il y a toujours des patients, qui – pour ceux du moins qui sont encore vaguement en état de réagir – sont stupéfaits de voir leur docteur dans cet état ! Car il est visiblement au bord du délire, voire au-delà : il cherche partout Ms Lilly Brown, mais jusque dans les endroits les plus incongrus – en se mettant à quatre pattes pour jeter un œil sous chaque armoire, etc. Puis ils entendent des coups violents en provenance de la porte métallique de la morgue – du moins est-ce ce que comprend Warren, qui s’y était déjà rendu (c’est une structure semi enterrée qui fait la jonction entre la clinique et l’entreprise de pompes funèbres).

 

[III-3 : Beatrice] Beatrice enjoint les patients à se rendre à la blanchisserie – le docteur n’est pas en état de leur venir en aide… Ils sont totalement amorphes. « Ce sont les consignes du bureau du shérif ! C’est l’endroit le plus sûr en ville ! » Mais un des patients, d’une voix atone, lui répond qu’il n’y a pas d’endroit sûr en ville… « Vous savez pas ? Les gens tombent comme des mouches – même dans leur salon… » Il se lève, cependant, et paraît obéir – mais, à la vitesse à laquelle il se déplace, il n’arrivera pas à la blanchisserie avant un bon bout de temps…

 

[III-4 : Warren : Ms Lilly Brown, Jon Brims] Mais les coups contre la porte métallique résonnent à nouveau. Warren appelle Ms Brown, mais il n’y a pas de réponse. Beatrice suggère de passer plutôt par l’entreprise de pompes funèbres – Warren culpabilise un peu de laisser son ami le Dr Lightgow dans cet état… mais, en même temps, il est curieux du sort de Jon Brims, et se laisse persuader. À l’intérieur, effectivement, nulle trace du croque-morts – et des coups résonnent en provenance de la morgue… Le savant fou va jeter un œil dans l’appartement de Jon Brims à l’étage – en quête dit-il d’indices sur l’endroit où il pourrait se trouver ; mieux vaut ne pas se séparer, Beatrice le suit. C’est un petit appartement coquet ; rien ne laisse supposer qu’il aurait été abandonné délibérément, par quelqu’un qui aurait préparé ses affaires. Warren remarque (et prend) une photographie de Jon Brims souriant, une femme charmante à ses côtés. Il y a un journal intime dans un tiroir – et plusieurs jeux de cartes ; Warren adresse un regard à Beatrice, qui hoche la tête… Le tiroir a un double-fond : à l’intérieur, un exemplaire du Livre des Jeux de Hoyle, abondamment annoté – par quelqu’un qui l’a étudié en profondeur, pas un amateur…

 

[III-5 : Beatrice, Warren : Jon Brims, Ms Lilly Brown] La porte de la morgue, côté pompes-funèbres, est martelée de coups. Beatrice lâche à Warren que, après ce qui s’est passé avec Mrs Jansen, ils savent très bien ce qu’ils vont trouver de l’autre côté… Le savant fou acquiesce – et suggère de simplement barricader les portes, des deux côtés. Il appelle d’abord Jon Brims et Ms Lilly Brown… mais n’obtient pour seule réponse que des grognements.

 

[III-6 : Beatrice, Warren : Richard Lightgow ; Ms Lilly Brown] Après avoir renforcé la porte de la morgue côté pompes funèbres, ils sortent dans la rue, puis repassent dans la clinique, pour la consolider de ce côté également. Les patients sont partis, nulle trace de Lightgow, ni de Ms Lilly Brown. Mais, tandis que Warren ramasse une trousse de soins, « au cas où », Beatrice entend frapper faiblement à une autre porte – en bois, l’effet n’est pas du tout le même ; Warren comprend que cela vient de l’atelier où il travaillait avec le docteur. Ils ouvrent la porte (verrouillée) avec précaution… et, de l’autre côté, se trouve un homme, ou ce qu’il en reste, qui se traîne par terre en gémissant. Il est amputé des quatre membres, et on lui a greffé des prothèses – de celles sur lesquelles travaillait Warren –, mais n’importe comment : un bras droit au moignon du bras gauche, une jambe à celui du bras droit, etc. De toute évidence, ce n’était pas un cobaye volontaire ; la souffrance du pauvre homme saute aux yeux – son regard semble implorer la mort, et Beatrice achève son calvaire sans y penser à deux fois. Warren est tétanisé : il voit ce que le Dr Lightgow, à l’évidence, a fait des prothèses sur lesquelles ils avaient tous deux travaillé avec tant d’assiduité et d’enthousiasme, il est au bord de la nausée. Puis ils entendent la voix du docteur derrière eux : « Mais… mais qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez interrompu mon expérience ?! Ce n’est pas pour ça que je vous avais appelé, c’était pour la morgue, bon sang ! Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ?! Vous avez abattu ce pauvre homme ! Mais vous êtes complètement fous, ma parole ! Bon sang, c’était greffé si magnifiquement bien… Vous êtes sans cœur ! Et vous n’avez aucun respect pour la science ! » Lightgow fond en larmes, le cadavre dans ses bras, qu’il berce. Warren, lui, retient tant bien que mal ses propres larmes – chaque fois que le médecin prononce le mot « science », au fil de son discours totalement incohérent et inhumain, il est sur le point d’exploser. Le médecin le prononce une fois de trop : Warren se laisse emporter par la colère, et, à l’aide de son bras mécanique Roselyne, il brise la nuque du tortionnaire – son ami…

IV : PLUS PRÈS DE TOI MON DIEU

 

[IV-1 : Nicholas, Danny : Denis O’Hara] Pendant ce temps, Nicholas et Danny se sont rendus directement à l’église du père O’Hara. Celle-ci déborde de monde : le tableau est encore plus saisissant que les fois précédentes, et une bonne centaine de fidèles doivent rester dehors, sous la pluie – ils ne semblent pas y prêter la moindre attention, obnubilés qu’ils sont par leurs dévotions hystériques ; ils n’entendent pas le prêche, mais hurlent qu’il faut se repentir, se roulent dans la boue, se flagellent, etc. À l’intérieur, il y a sans doute encore plus de monde – mais, pour s’en assurer, il faudrait déjà pouvoir franchir la foule contrainte de rester à l’extérieur, et qui encercle le bâtiment.

 

[IV-2 : Nicholas, Danny : Denis O’Hara] Nicholas en fait le tour – et obtient confirmation de ce qu’il y a une autre porte à l’arrière, donnant sur le presbytère, et sans doute plus proche de l’autel derrière lequel doit se trouver le père Denis O’Hara en pleine homélie. Une quinzaine de fidèles aux yeux fous en barrent l’accès – impossible d’entendre le sermon d’ici, la pluie battante et la cloche qui ne cesse de sonner n’arrangeant rien à l’affaire. Danny essaye de faire une diversion pour dégager le passage pour Nicholas – il prétend que le pasteur est en train de sortir de l’église par la façade… Mais les fidèles sont bien au-delà de ce genre d’imposture. Danny n’insiste pas : il chope le premier venu et l’écarte violemment du chemin de Nicholas. Le problème est que la foule se renouvelle sans cesse : pour un d’écarté, deux arrivent qui le remplacent sans même en avoir conscience…

 

[IV-3 : Danny, Nicholas : Denis O’Hara] Danny comme Nicholas, en tout cas, ne comptent pas faire dans la demi-mesure : si l’accès à l’intérieur de l’église pose problème, ils sont prêts à la faire sauter de toute façon ; qu’importe si 200 personnes au moins se trouvent à l’intérieur, des citoyens innocents, venus en famille, quêter la protection de leur Seigneur… Danny suppose qu’il serait possible de grimper jusqu’au niveau d’un vitrail, et, de là, balancer un bâton de dynamite à l’intérieur, autant que faire se peut en direction du père O’Hara. Escalader la paroi est très compliqué, avec cette pluie qui rend en outre la surface glissante – mais le bagarreur a de la ressource et y parvient, pas le faux prêtre. Danny jette un œil par le vitrail… et il se produit quelque chose de très étrange : de l’extérieur, de nuit et sous cette pluie, il n’aurait jamais dû y distinguer quoi que ce soit – et pourtant, c’est comme s’il le voyait de l’intérieur et en plein jour, par grand beau temps ; le vitrail figure une scène apocalyptique, ou, plus largement, décrivant avec un luxe de détails les châtiments réservés aux pécheurs en enfer – cela n’a rien à voir avec la décoration antérieure de l’église. Pire : la scène s’anime sous ses yeux… et Danny se reconnait indubitablement sous les traits d’un mauvais chrétien vicieusement torturé par une cohorte de démons hilares. Le réalisme de la scène est tel que Danny hurle d’effroi et lâche prise – il tombe sur le dos, heureusement sans trop de dégâts.

 

[Cependant, il a gagné le Handicap Phobie mineure (scènes de torture)]

 

[IV-4 : Beatrice, Warren, Danny, Nicholas : Richard Lightgow, Denis O’Hara] C’est à ce moment que Beatrice et Warren rejoignent Danny et Nicholas devant l’église – ils ont couru depuis la clinique de feu le Dr Lightgow, et assisté à la chute de Danny. Autour d’eux, le comportement de la foule se modifie : sans doute en écho au sermon inaudible du père O’Hara à l’intérieur, ses fidèles se mettent à scander : « LA NOUVELLE ALLIANCE ! LA NOUVELLE ALLIANCE ! », en se martelant rythmiquement le torse du poing. Warren, qui avait hâtivement consulté les autres du regard, décide de disperser la foule à l’aide de son bras mécanique Hippolyte – dont l’éclair électrique devrait se montrer efficace, sous cette pluie ; le savant fou vise une flaque d’eau et fait confiance à la conductivité. Mais il est difficile d’en contrôler les effets… Pour le coup, la décharge sonne un dévot – et en grille un autre. En réaction, une trentaine de fidèles, les yeux fous, se tournent vers Warren – scandant toujours : « LA NOUVELLE ALLIANCE ! LA NOUVELLE ALLIANCE ! » Beatrice réagit en lançant son Pouvoir de Ténèbres sur les fanatiques en marche ; ils ne voient plus où ils vont, mais continuent mécaniquement d’aller tout droit, l’un d’eux, très inspiré, braillant même : « LA GRANDE NUIT TOMBE ! MAIS NOUS NE DEVONS PAS AVOIR PEUR, CAR LE SEIGNEUR EST AVEC NOUS », etc. Les PJ sortent de leur chemin – et, de la sorte, les dévots dégagent le passage vers le presbytère.

 

[IV-5 : Danny : Denis O’Hara] Les PJ se glissent à l’intérieur. Le prêche du père O’Hara devient audible – et, confirmation, il n’a plus rien à voir avec le ton débonnaire associé au pasteur jusqu’alors : c’est un sermon radical, violent, terrible – qui martèle la crainte de l’enfer et prône la dévotion fanatique, sur un ton haché et grandiloquent. En même temps, comme un leitmotiv, revient sans cesse la nécessité de conclure une « nouvelle alliance » avec Dieu – et, chaque fois que le prêtre lance ses mots, ils sont repris en chœur par l’assistance : « LA NOUVELLE ALLIANCE ! LA NOUVELLE ALLIANCE ! » Par ailleurs, les PJ, comme Danny avant eux, voient désormais les vitraux de l’église, comme en plein jour – et les scènes de supplice qu’ils figurent, et qui les impliquent eux-mêmes. Cependant, ils tiennent le choc.

 

[IV-6 : Nicholas : Denis O’Hara] Nicholas s’approche discrètement dans le dos du père O’Hara, ses armes fétiches le Père et le Fils en mains. La foule comme le prêtre l’ignorent. Nicholas vise soigneusement la tête du père O’Hara, et fait feu – le pasteur s’effondre en avant, sur son pupitre ! La foule stupéfaite hurle : que s’est-il passé ? Mais, quelques secondes plus tard… le père O’Hara se redresse, les bras en croix, faisant face à ses ouailles et tournant le dos à Nicholas : l’arrière de son crâne est bel et bien explosé, mais cela ne semble pas l’affecter beaucoup… Les fidèles hurlent au miracle ! Nicholas interpelle le prêtre, qui se retourne : la balle a traversé son crâne, et il a la mâchoire démantibulée. Le pistolero lui jette un bâton de dynamite (non allumé…) dans l’espoir qu’il l’attrapera par réflexe, mais il l’ignore totalement – se contentant de fixer Nicholas d’un drôle d’air où se mêlent en parts égales la pitié et le sarcasme, et en le pointant du doigt. Nicholas essaye sans succès de tirer sur le bâton de dynamite qui a roulé aux pieds du prêtre ressuscité [sauf erreur, il n’aurait pas explosé ainsi de toute façon]. O’Hara crie, d’une voix qui n’a plus rien d’humain : « LA NOUVELLE ALLIANCE ! » Les dévots reprennent en chœur l’injonction du prêtre miraculé, et le voient pointer du doigt Nicholas dans l’entrebâillement de la porte du presbytère – ils avancent dans sa direction, hommes, femmes, enfants…

 

[IV-7 : Beatrice, Warren, Nicholas : Denis O’Hara] Beatrice ne prend pas de pincettes : elle ventile dans la foule menaçante, vidant son chargeur ! Cinq morts… Warren use de Hippolyte sur le père O’Hara ; il le touche, les éclairs se sont visiblement répercutés sur tout son corps, mais cela ne semble pas l’avoir affecté le moins du monde. Nicholas sort de sa croix Christina sa mitrailleuse Gatling, le Saint Esprit, et allume le prêtre à la mâchoire fracassée, qui parle maintenant dans une langue inhumaine : les balles percent de part en part le torse de Denis O’Hara, qui est déchiqueté ; il ne paraît pas en souffrir, mais son corps est dans un tel état qu’il ne peut plus en faire usage… Alors survient une vision totalement folle et démoniaque : s’extrait du corps en charpie une créature gigantesque à la peau rouge sang et dotée d’ailes de cuir dans le dos, qui fixe Nicholas des yeux ! Ce dernier recule, tétanisé – mais les dévots ne sont pas du tout perturbés par cette révélation, et marchent toujours en direction des PJ.

 

[Nicholas gagne le Handicap Phobie mineure (« démons »).]

 

[IV-8 : Beatrice, Nicholas, Danny] Beatrice recharge rapidement à l’aide d’un barillet préparé et ventile à nouveau dans la foule. Nicholas terrifié garde cependant suffisamment de contrôle sur ses propres actions pour allumer le bâton de dynamite qui lui reste et le jeter sur le démon – Danny allume également son bâton, et ils prennent tous la fuite ; quelques secondes plus tard, une violente explosion souffle le fond de l’église – Beatrice, qui avait trébuché dans sa course, a failli y passer, mais a su se reprendre au dernier moment. Impossible de faire le décompte des victimes, mais on peut supposer qu’une vingtaine de personnes au moins y sont passées – outre que l’église prend feu, et qu’il y a encore près de 200 fidèles terrifiés à l’intérieur ! La cloche sonne à tout va, sans cesse. Mais Nicholas garde en tête la vision d’une grande surface noire apparue dans le dos du démon peu avant l’explosion – il croit avoir vu la créature y disparaître, mais ne saurait en jurer… Il garde ça pour lui. Les PJ ne comptent certes pas s’attarder, et ils prennent comme un seul homme la direction du bureau du shérif – tandis que le glas résonne à n’en plus finir…

 

[Le choix des PJ de faire sauter l’église, avec tous ces fidèles à l’intérieur, venus en famille, et ce même s'ils étaient fanatisés, était d’une moralité plus que douteuse, qui appelait une sanction : ils ont tous perdu tous les Jetons qui leur restaient – dommage pour Beatrice, car elle avait pioché l’unique Jeton légendaire… qui retourne dans le pot.]

 

V : L’ASSAUT DES MORTS

 

[V-1 : Nicholas, Danny : Rafaela Venegas de la Tore] Les petites rues sont désertes, mais il y a du passage sur la rue principale – des gens qui cherchent désespérément à fuir Crimson Bay. Leur situation déjà terrible s’aggrave encore : la foudre tombe à plusieurs reprises sur la grande rue, comme quelques heures plus tôt avec la petite fille – chaque impact laisse un cadavre derrière lui, et la panique s’accroît. Nicholas, à vrai dire, est secoué par un éclair qui a frappé juste à côté de lui ! Dans le bureau du shérif, les adjoints se sont barricadés – et assistent sans pouvoir rien faire au massacre de la population de leur ville par cette foudre surnaturelle. Mais il y a pire… Le regard des PJ et notamment de Danny est attiré vers l’est – où une immense foule est rassemblée, peut-être des milliers de personnes, qui s’avance vers le cœur de la ville, très lentement… À mesure que cette horde se rapproche, sa nature ne fait plus aucun doute : ce sont des morts-vivants ! Que faire ? Un temps, Danny et ses camarades envisagent de se planquer dans le bureau du shérif – au moins, ils y auraient des alliés armés… Mais la menace est d’une ampleur telle que cet atout a quelque chose de futile. Et ils se rappellent que Rafaela se trouve à la blanchisserie, qu’elle a entrepris de « sanctuariser » ! « Entrepris » seulement – cela ne sera d’aucun secours pour l’heure… Mais ce n’est pas la question : les PJ partent aussi vite que possible dans la direction du nord de la ville, vers Chinatown.

 

[V-2 : Danny, Beatrice, Nicholas, Warren] Mais rejoindre Chinatown s’annonce compliqué : si le gros de la horde emprunte la rue principale, un nombre non négligeable de morts-vivants rôde dans les ruelles en provenance de l’est et du nord – il faudra les éliminer ou les leurrer pour gagner la blanchisserie. Pris isolément, les zombies ne constituent pas une très grande menace – le problème, c’est leur nombre : chaque mort-vivant éliminé est bientôt remplacé par deux ou trois autres… Le gourdin de Danny, les pistolets de Beatrice et de Nicholas, les bras mécaniques de Warren éliminent (ou trompent) de nombreux morts-vivants, mais la progression vers la blanchisserie est très lente et très compliquée… Et, au bout d’un moment, des bruits de combat leur parviennent du nord – là où ils se rendent…

 

À suivre…

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Introduction to Japanese Horror Film, de Colette Balmain

Publié le par Nébal

Introduction to Japanese Horror Film, de Colette Balmain

BALMAIN (Colette), Introduction to Japanese Horror Film, Edinburgh, Edinburgh University Press, [2008, 2010] 2013, XI + 214 p.

UNE INTRODUCTION

 

Introduction to Japanese Horror Film, de Colette Balmain, à n’en pas douter, est une conséquence « académique » de l’engouement passager, au tournant du millénaire, pour ce que l’on a appelé la J-Horror, sur la base de quelques succès japonais inattendus, dans la foulée du Ring de Nakata Hideo, jusqu’à ce que la vague retombe à force de mauvais remakes américains – et, bon, sans doute aussi d’un essoufflement du genre au Japon même, à force de variations qui ne faisaient même plus l’effort de se dissimuler un chouia (je suppose que la « K-Horror » a pu aussi y avoir sa part).

 

Mais ce livre est donc exactement ça : une introduction, pas une somme. Ce qui est parfois un peu frustrant, notamment parce que cet ouvrage n’ « analyse » véritablement qu’assez peu de films, chaque chapitre se focalisant sur trois, quatre métrages jugés pertinents (ce qui n’est pas nécessairement lié à la qualité intrinsèque desdits métrages). Ma foi, les introductions ont leur utilité...

 

Mais est-ce une bonne introduction ? Je suis partagé… Parce que, si ce livre présente à mes yeux certaines qualités, qui en ont fait une lecture que j’ai globalement trouvé intéressante, et en tout cas agréable, il est indéniable qu’il présente certaines failles, qui peuvent aller jusqu’à mettre en cause sa crédibilité.

 

DES FAILLES…

 

Et, au premier chef, je suppose que l’autrice, « senor lecturer in film at Buckinghamshire New University », n’est pas japonisante. Ce qui en soi n’a bien évidemment rien d’une tare – le problème, c’est que ça l’amène à commettre quelques erreurs à même de faire hausser le sourcil même à une tanche ignare ramant en deuxième année telle que votre serviteur… Il y a un indice de tout cela dans la transcription systématiquement erronée (donc pas simplement coquillée) de concepts qui peuvent avoir une certaine importance – par exemple, « shakai-mono » est systématiquement rendu par « shakiamono », ou « tatemae » par « tateme ». En soi, ce n’est pas dramatique, je suppose – juste pas très sérieux.

 

Ce qui est plus gênant (outre un certain nombre d'erreurs factuelles qui ont pu être signalées mais que je ne suis que bien trop rarement en mesure d'identifier), c’est que certains de ces concepts sont mal compris – ainsi de la distinction entre « l’intérieur » (uchi) et « l’extérieur » (soto)… ce qui, plus gênant encore, amène l’autrice à formuler (ou à reprendre, en fait) des généralisations abusives sur la culture japonaise et la perception du monde par les Japonais – en l’espèce avec une « théorie » sur le soi et l’autre, qui prétend emprunter à ces concepts mais tout autant à la grammaire du japonais, à ceci près qu’elle les déforme jusqu’à en extraire au forceps des conséquences très, très contestables (ici, par exemple, sur la base de « l’absence de pronoms », dont Colette Balmain dérive une confusion de la première et de la deuxième personnes, déterminante dans le rapport à l’autre, qui serait « forcément différent » de ce que nous connaissons en Occident).

 

Et pointe derrière tout cela un risque que l’autrice perçoit bien, pourtant, qui multiplie les avertissements à ce propos… mais tombe malgré tout dans le piège ? Colette Balmain emprunte à l’idée d’ « orientalisme », notamment, et évoque en passant quelques « nippologies », en sens inverse – ce qui devrait constituer autant d’illustrations de ce que la tendance à vouloir opposer, en l’espèce, le Japon et l’Occident, risque de réduire le premier à une « image d’Épinal », si j’ose dire, réductrice et biaisée à force de colportages des mêmes idées reçues sur la société japonaise. Ce qui était bien compréhensible chez Ruth Benedict en 1945 est sans doute moins acceptable au XXIe siècle…

 

Il n’est certes pas facile de se débarrasser de ce genre de prénotions – et, par ailleurs, « gommer » toutes les différences dans une optique universaliste ne ferait pas plus sens qu’un culturalisme un peu outrancier ne voulant voir que ces mêmes différences en gommant les similitudes ou les rapprochements. Le discours doit être nuancé. Parfois, Colette Balmain y parvient – dans les grandes lignes du moins : l’évocation du « gothique d’Edo » patine parfois un peu mais offre une piste de recherches comparatiste intéressante, tandis que la remise en cause d’une sorte de primat de la psychanalyse dans l’horreur occidentale débouche sur des développements qui me paraissent pertinents. La réflexion récurrente sur la désintégration de la structure familiale (l’autrice parle beaucoup du système ie, mais toujours dans une optique bien plus large, elle ne le lie pas initialement à la « maison » ou même à vrai dire à la famille) me paraît difficile à contourner, par ailleurs, même si elle est riche de clichés potentiels. D’autres approches éventuellement liées, comme celles opposant féminisme et patriarcat (j’y reviendrai) ou l’idée d’aliénation due à la modernité dans le registre de la techno-horreur, produisent des réflexions plus ou moins pertinentes, je suppose – cela relève davantage de la casuistique : ici, OK, là, un peu moins…

 

Le problème, c’est que, sous-tendant ces discours, il y a donc des généralisations abusives – à la manière des nippologies. Ceci étant, ce qui manque peut-être à l’autrice, ici, au-delà d'une expérience plus concrète de la société et de la culture japonaises, dont je ne peux certes pas moi-même me targuer, c’est aussi une certaine distance – car c’est après tout la raison d’être de ces nihonjinron : elles constituent un discours des Japonais sur eux-mêmes. Le succès de ces théories auprès du public japonais justifie assurément qu’elles transparaissent dans les films japonais – et, avec une certaine distance, donc, leur examen serait sans doute riche d’enseignements, dans une optique disons de sociologie des représentations ; le problème, c’est de les prendre au pied de la lettre – parce que, connoté positivement ou négativement, ou même prétendant (faussement dans la très grande majorité des cas) à la neutralité, un stéréotype reste un stéréotype.

 

LES ORIGINES ?

 

Le livre est divisé en deux grandes parties – un plan qui m’a paru plus ou moins convaincant… Dans la première, l’autrice traite des « origines » du cinéma d’horreur contemporain – que la deuxième partie étudie au prisme des divers sous-genres de l’horreur. Mais la limite est éventuellement floue, entre les « origines » et le « contemporain », a fortiori dans la mesure où la seconde partie, avec son classement par genres, aurait finalement pu intégrer les développements de la première partie concernant le « gothique d’Edo » ou les pinku eiga fantastiques (j’ajouterais que la délimitation de ces derniers est particulièrement problématique – outre que leur examen aurait pu faire sens, au moins de manière parallèle, quand on en arrive notamment aux films de rape-revenge).

 

Mais, à vrai dire, je n’ai guère envie de m’attarder sur la première partie : le champ des « origines » en fait un nid à clichés, et très, très peu de films sont étudiés ici. Et notamment rien d’antérieur aux années 1950 – c’est fâcheux, pour des « origines », même si nombre de films antérieurs à la guerre ont disparu, certes… Même au-delà, il n’y a pas grand-chose – moi qui étais curieux d’un certain cinéma fantastique contemporain du Kwaidan de Kobayashi Masaki, je n’ai pas eu grand-chose à me mettre sous la dent (enfin, n’exagérons rien : on évoque bien trois ou quatre classiques que je ne connais pas le moins du monde…).

 

Le point d’orgue de ces « origines » réside dans une analyse comparée, pas hyper convaincante à mes yeux, de Godzilla de Honda Ishirô et des Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi Kenji (si), comme deux symptômes de la crainte de la modernité (et de la désintégration de la structure familiale, et de l’individualisme, et des nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, etc.). Mouais…

 

Au-delà, l’idée d’un « gothique d’Edo » m’a paru intéressante dans une perspective comparatiste, mais l’examen des « histoires de fantômes érotiques », matière dont je ne sais absolument rien, certes, ne m’a pas convaincu non plus.

 

Bof bof au mieux.

GENRES

 

Heureusement, la deuxième partie me paraît plus intéressante, qui examine le cinéma d’horreur japonais contemporain au prisme de cinq sous-genres, eux-mêmes susceptibles de nouvelles subdivisions.

 

« Genre » est à vrai dire un terme ambigu, ici (en français, veux-je dire) – car l’autrice, dès la première partie, multiplie les analyses issues de la réflexion féministe sur le patriarcat et l’oppression des femmes. Il est vrai que le cinéma d’horreur constitue un champ privilégié de cette réflexion – il a comme un problème avec les femmes, parce que les hommes qui font ces films (et qui les regardent/consomment) ont un problème avec les femmes (coupable, votre honneure, supposé-je). Dans le cas du cinéma japonais, la place essentielle dans le genre fantastique/horrifique de la « femme lésée » (wronged woman) est ainsi régulièrement soulignée – avec des associations éventuelles, comme la « mère qui se sacrifie », etc. ; la simple formulation de ces deux approches du féminin dans le fantastique japonais évoque aussitôt des images, mettons, de Ring et de Dark Water, de Nakata Hideo (qui lie les deux thèmes à la « mère démissionnaire », même si je crois que Colette Balmain est un peu trop schématique quand elle analyse ses films – car ses personnages féminins sont très forts, et la critique sociale dans ses films n’est certainement pas prioritairement à leur charge).

 

Ce discours me paraît plus ou moins pertinent selon les différentes parties de l’ouvrage, même si généralement plutôt « plus » que « moins » – mais j’ai particulièrement apprécié cette approche dans l’analyse du genre rape-revenge, où elle s’accompagne de considérations plus vastes sur la réflexion féministe au regard de la pornographie, une réflexion très diverse, que l’autrice reprend avec un appréciable sens de la nuance. Je crains toutefois que Colette Balmain ne se focalise un peu trop sur les codes du rape-revenge américain, et que l’analyse concernant le cas japonais aurait pu/dû être davantage poussée – et peut-être, donc, l’examen du pinku eiga fantastique de la première partie aurait-il donc davantage fait sens ici (nombre des films étudiés, même extrêmes, sont à leur manière des pinku eiga, ai-je l’impression – par ailleurs, le liant entre l’horreur et l’érotisme, dont un Nakata Hideo, entres autres, a souvent témoigné, aurait sans doute justifié quelques développements plus « abstraits »… d’autant qu’un autre écueil de ces analyses est parfois celui de la paraphrase).

 

Cette approche revient ultérieurement, notamment quand l’autrice se penche sur les films de serial-killers/stalkers/slashers, mais peut-être avec un effet moindre. Cette catégorie est pertinente, par ailleurs, mais le besoin de subdivision a pourtant quelque chose d’éloquent : certes, il y a un monde entre La Vengeance est à moi, de Imamura Shôei, qui n’a rien d’un film d’horreur, et les variations contemporaines sur le « American slasher cycle »… Au point où l’association des thèmes montre bien vite ses limites. Ceci sans même prendre en compte le rôle ou pas du surnaturel dans ces tueries. En même temps, la distinction entre stalkers et slashers ne me parle pas vraiment – la catégorie du survival m’aurait paru plus utile, mais, certes, elle recouvre par essence bien des sous-genres de l’horreur…

 

Dont, bien sûr, celui des zombies – logiquement associés aux cannibales dans le présent ouvrage (qui n’opère par contre pas, sauf erreur, la distinction classique mais plus ou moins pertinente entre les morts-vivants et les « infectés »). Visiblement pas grand-chose à voir ici : j’ai pris mon pied devant le si « cool » (voire « super-flat ») et crétin Versus de Kitamura Ryûhei, mais les films ici développés visent clairement plus le rire que la peur – et même s’ils ne sont pas toujours exempts de critique sociale, bon, c’est pas vraiment du Romero, quoi…

 

Restent deux sous-genres qui me paraissent bien plus typiques de la J-Horror (même si quelques titres fameux du registre ont été traités dans les trois catégories précédentes – ainsi Audition de Miike Takashi, associé au rape-revenge ; ce qui ne me paraît pas si évident, mais je ne l’ai vu qu’une seule fois, il y a très longtemps…) : les films de « maison hantée », et ceux de « techno-horreur ». Un champ d’autant plus périlleux, en même temps – car ces films sont particulièrement propices aux lectures concernant, la désintégration de la structure familiale dans le premier cas, les angoisses suscitées par la modernisation (et, corollaire récurrent, la montée supposée et en tout cas redoutée de l’individualisme) dans le second ; comme dit plus haut, Colette Balmain s’en sort donc plus ou moins bien selon les films étudiés. Mais ces chapitres ont aussi quelque chose de très révélateur dans la mesure où ils mettent particulièrement en lumière les « formules » de la J-Horror

 

La discussion sur les sous-genres aurait sans doute pu être poussée un peu plus loin. Je tends à croire que certaines analyses transversales auraient pu faire sens : j’ai cité tout à l’heure le survival, mais cela pourrait être vrai également de la science-fiction, mettons – la place essentielle accordée à Godzilla dans la première partie (ses suites ne sont pas au sommaire, ce qui n’a sans doute rien que de très légitime) ne débouche à cet égard sur rien, même si quelques films çà et là (dans le registre zombie ou techno-horreur, par exemple le Kairo de Kurosawa Kiyoshi) auraient pu susciter quelques développements intéressants, je crois.

 

Je note aussi l’absence du cinéma d’animation dans ces pages – mais, là, je suis vraiment trop ignare pour en dire plus, et juger de la pertinence ou non de cette exclusion.

 

D’UN INTÉRÊT TRÈS VARIABLE

 

Bilan assez mitigé, donc, pour cet ouvrage qui, pour le coup, m’a un peu déçu. J’espérais quelque chose de plus assuré, de plus carré. Or le résultat final s’avère d’un intérêt très variable. Globalement, la première partie m’a laissé sur ma faim. La seconde est plus intéressante à mes yeux – et certains angles d’approche m’ont paru tout à fait convaincants (par exemple concernant le rape-revenge). La mise en avant des « femmes lésées » et des « mères qui se sacrifient » paraît fertile, si le discours essentialiste sous-jacent implique de manipuler ces figures avec précaution. Ce que ne fait pas toujours Colette Balmain, ici, qui succombe parfois aux oppositions « faciles » et aux clichés. C’est dommage, parce qu’en d’autres cas elle fait preuve d’un appréciable sens de la nuance…

 

Le point positif, c’est que cette lecture m’a donné envie de voir ou de revoir certains films – c’est toujours ça de pris.

 

J’ai cru comprendre qu’une deuxième édition devait paraître sous peu – j’espère qu’elle reviendra sur quelques faiblesses de celle-ci, sans en être bien convaincu.

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CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

Huitième – et dernière ! – séance du scénario pour L’Appel de Cthulhu intitulé « Au-delà des limites », issu du supplément Les Secrets de San Francisco.

 

Vous trouverez les éléments préparatoires (contexte et PJ) ici, et la première séance . La précédente séance se trouve quant à elle .

 

Le joueur incarnant Bobby Traven, le détective privé, était absent. Étaient donc présents les joueurs incarnant Eunice Bessler, l’actrice ; Gordon Gore, le dilettante ; Trevor Pierce, le journaliste d’investigation ; Veronica Sutton, la psychiatre ; et Zeng Ju, le domestique.

I : VENDREDI 6 SEPTEMBRE 1929, 21H30 – MANOIR GORE, 109 CLAY STREET, NOB HILL, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[I-1 : Veronica Sutton, Gordon Gore, Zeng Ju, Trevor Pierce : Bobby Traven ; Hadley Barrow] Veronica Sutton, après avoir rédigé son testament et s’être une dernière fois occupé de ses chats, retourne au manoir Gore, où sont restés les autres. Gordon Gore est dans un état d’esprit proche de celui de la psychiatre. À ce stade, les victimes de la Noire Démence, à savoir Zeng Ju, Trevor Pierce et Bobby Traven, n’ont quasiment plus aucune perception du monde réel – mais, là où ils se trouvent, ils ne distinguent rien non plus, sinon eux-mêmes ; seulement de ces masses grisâtres, plus ou moins sphériques, et agitées d’un mouvement permanent, imprévisible… La psychiatre les examine, et son diagnostic confirme celui du Dr Hadley Barrow : en dehors des taches noires caractéristiques, les malades ne présentent pas de symptôme physique – ils ne sont pas encore sous-alimentés, bien sûr, et leurs organes sensoriels fonctionnent parfaitement ; cependant, ils ne « reçoivent » rien de ce monde-ci.

 

[I-2 : Zeng Ju, Veronica Sutton, Trevor Pierce, Gordon Gore, Eunice Bessler : Bobby Traven] Ou presque ! Car quelques échos peuvent exceptionnellement leur permettre de franchir la barrière entre les mondes… Et Zeng Ju, même avec un temps de latence, a perçu qu’on lui attrapait la main (le Dr Sutton en train de l’examiner) ; aveugle et comme sourd, il crie : « Vous m’avez touché ! Quelqu’un m’a touché ! » Ce qui fait sursauter tous les autres… La force de volonté non négligeable de Zeng Ju lui permet, pour un temps, de percevoir suffisamment de choses de ce monde pour tenter d’avoir un semblant de conversation – même très étrange… Et il aperçoit une silhouette très indistincte, sans doute celle de la psychiatre. Zeng Ju, affolé, essaye de décrire ses perceptions – des deux mondes ; et qu’il peut communiquer beaucoup plus facilement avec Trevor Pierce et Bobby Traven… lesquels n’entendent pas Veronica – qui, elle, comme Gordon Gore et Eunice Bessler, entend très bien Zeng Ju s’adresser à ses amis malades ! La scène est très déconcertante pour tout le monde…

 

[I-3 : Zeng Ju, Veronica Sutton : Bobby Traven] Mais Bobby Traven – qui, aux yeux des autres, donnait l’impression de s’être assis au milieu du salon du manoir Gore –, comprend que Zeng Ju parle avec Veronica Sutton ; lui ne voit pas et n’entend pas cette dernière, mais comprend que, s’il parle, elle l’entendra – ainsi que les autres à ses côtés ! Il se lève, et, les yeux dans le vague, sans voir son interlocutrice, il crie : « Il ne faut pas nous laisser ici ! Conduisez-nous au Tenderloin, c’est le seul endroit où nous pouvons entrevoir quelque chose ! » En effet, le détective avait déduit ceci lors de sa dernière virée dans le quartier des restaurants français – il a toujours en tête l’image de ce vol de moineaux… Zeng Ju pense qu’il a raison – il enjoint la psychiatre à faire ce que suggère le détective. Elle approuve – et le domestique rapporte ses paroles à Bobby (puisque ce dernier n’entend pas Veronica, mais seulement les victimes de la Noire Démence).

 

[I-4 : Veronica Sutton, Gordon Gore, Eunice Bessler : Harold Colbert, Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Veronica Sutton décide donc d’accompagner les trois malades dans le Tenderloin. Gordon Gore se propose de venir également avec eux (il conduira la voiture – faire pénétrer les infectés dans le véhicule est une expérience très désagréable pour eux, qui se sentent palpés et dirigés sans avoir la moindre emprise sur ce qui se produit…), tandis que Eunice Bessler, de sa propre initiative, va attendre au manoir Gore le retour du Pr Harold Colbert, parti chercher un couteau de métal pur afin d’exécuter le rituel d’invocation du « Fantôme-qui-marche ». Ils conviennent d’un point de rendez-vous dans le Tenderloin : devant l’immeuble où se trouve le dernier appartement loué par Jonathan Colbert et Andy McKenzie, au 250 Geary Street.

 

II : VENDREDI 6 SEPTEMBRE 1929, 22H30 – RUES DU TENDERLOIN, ENVIRONS DU 250 GEARY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[II-1 : Gordon Gore, Veronica Sutton, Zeng Ju, Trevor Pierce : Bobby Traven] Gordon Gore conduit donc Veronica Sutton, et les malades Zeng Ju, Trevor Pierce et Bobby Traven dans le Tenderloin ; le dilettante passe par des petites rues et se gare non loin du 250 Geary Street. Et les perceptions des trois victimes de la Noire Démence changent progressivement : au fur et à mesure qu’ils pénètrent dans le quartier, les masses informes grisâtres tendent à se muer en bâtiments, en personnes (essentiellement des clochards, les autres personnes contaminées…), etc. Il y a comme des « sautes » brutales d’une perception à l’autre, et l’ensemble demeure relativement vague, mais, pour eux, c’est un changement considérable par rapport au manoir Gore – et qui a quelque chose d’un peu rassurant (pas trop non plus…). Mais ils savent que le monde dans lequel ils se trouvent ne correspond pas parfaitement à la « véritable » San Francisco.

 

[II-2 : Trevor Pierce, Zeng Ju, Veronica Sutton, Gordon Gore : Eunice Bessler, Harold Colbert] Trevor Pierce s’en fait l’écho – et Zeng Ju tente à nouveau de susciter un contact avec Veronica Sutton pour décrire ce qu’ils voient, avec succès. La psychiatre demande si quelque chose attire plus particulièrement leur attention : le domestique chinois détaille les environs, et remarque que, non loin, les clochards affectés par la Noire Démence forment comme un attroupement, bien plus important que tout autre ; il tend la main pour indiquer cette direction, et Veronica comme Gordon Gore constatent qu’ils voient eux aussi, dans le « vrai » monde, cet attroupement, dans un terrain vague à bâtir – mais avec cette conviction étrange que, si Zeng Ju ne le leur avait pas indiqué, ils n’y auraient pas pris garde. Dans les deux mondes, les clochards ont l’air hagard – certains sont debout, tanguant d’un pied sur l’autre, tandis que d’autres sont assis contre un mur ou une palissade ; leur absence totale de mouvement fait craindre un moment qu’ils soient morts, mais ce n’est pas le cas. Ils n’ont pas l’air menaçant, en tout cas – question que se posait Trevor. La scène n’en est pas moins perturbante, quel que soit le monde où l’on se trouve – ainsi avec cette femme, à quatre pattes, qui lape une flaque d’eau… Veronica saisit la main de Zeng Ju, et ils s’avancent lentement dans cette direction. Gordon Gore préfère rester devant le 250 Geary Street, anxieux de ce que Eunice Bessler et Harold Colbert les rejoignent. Trevor, lui, voyant Zeng Ju s’éloigner, décide de le suivre – mais son mouvement précipité était malvenu : il a heurté un homme de la « vraie » San Francisco, qu’il ne distinguait absolument pas… Il comprend que, dans son état, courir n’est pas une très bonne idée.

 

[II-3 : Veronica Sutton, Zeng Ju, Gordon Gore : Parker Biggs] Parmi les clochards, Veronica Sutton, aux aguets, remarque quelqu’un qu’elle avait déjà croisé – même si ses vêtements en très sale état, déchirés çà et là, et son attitude générale, n’ont plus grand-chose à voir : c’est Parker Biggs, le très violent propriétaire et gérant du Petit Prince… Les taches noires sur ses bras ne laissent aucun doute sur sa condition. Par réflexe, Veronica tire Zeng Ju en arrière par la manche – le domestique, ne voyant pas pourquoi, et qui ne contrôle pas très bien le niveau de sa voix, lui demande bien trop fort ce qui se passe ; ce qui attire l’attention de certains des clochards. Biggs également relève la tête, mais il a les yeux dans le vague – pourtant, il tend à se tourner vers Zeng Ju, et ses yeux, cette fois, s’écarquillent (le domestique chinois également le voit). Le truand semble le reconnaître – et lui imputer la responsabilité de son état, de sa voix sourde et égarée. Il se lève, difficilement – plusieurs clochards le suivent, sans bien comprendre ce qu’il se passe ; il prétend que les investigateurs se sont rendus au Petit Prince dans le seul but de le contaminer. « Faites-moi sortir d’ici… et je tirerai un trait sur toute cette affaire… sinon… » Il se montre menaçant. Zeng Ju crie à Mme Sutton qu’il vaut mieux s’écarter – il ne pourra pas se défendre contre Biggs et la quinzaine de clochards qui le suivent. Veronica recule précipitamment en tirant le domestique chinois par la manche. Mais sa mauvaise jambe lui fait mal – elle tombe presque à genoux… et appelle Gordon Gore à l’aide ! Toutefois, mettre un peu de distance entre les clochards et eux suffit à écarter leur menace – c’est comme s’ils les oubliaient…

 

[II-4 : Veronica Sutton, Gordon Gore : Clarisse Whitman] Cependant, en guettant ses poursuivants, Veronica Sutton remarque un clochard… ou plutôt une clocharde – et reconnaît Clarisse Whitman ! Mais la jeune fille de bonne famille est dans un état pitoyable… Hagarde, constellée de taches noires et de salissures, décoiffée, les vêtements autrefois luxueux réduits à des haillons… La psychiatre l’indique à Gordon Gore.

 

 

III : VENDREDI 6 SEPTEMBRE 1929, 23 H – MANOIR GORE, 109 CLAY STREET, NOB HILL, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[III-1 : Eunice Bessler : Harold Colbert, Jonathan Colbert] Au manoir Gore, sur Nob Hill, Eunice Bessler attend le retour du Pr Harold ColbertJonathan Colbert est à ses côtés. Le professeur revient enfin – et finalement plus tôt que ce qu’il pensait : il avait parlé d’aller chercher un couteau de métal pur à la Collection Zebulon Pharr, mais cela aurait demandé beaucoup trop de temps… Il a finalement décidé de chercher dans sa propre collection (il vit lui aussi à Nob Hill, mais a sans doute fait d’autres choses entre-temps), et il en revient avec une dague de cuivre d’origine égyptienne : qu’importe si elle provient d’une tout autre culture, il est convaincu qu’elle fera l’affaire pour le rituel. Eunice lui explique la situation – il leur faut rejoindre les autres au plus tôt dans le Tenderloin ! Les Colbert père et fils montent avec Eunice dans un taxi…

 

IV : VENDREDI 6 SEPTEMBRE 1929, 23 H – RUES DU TENDERLOIN, ENVIRONS DU 250 GEARY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO / LE ROYAUME – OÙ LE TEMPS ET L’ESPACE NE SIGNIFIENT RIEN… OU TOUT

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[IV-1 : Gordon Gore, Veronica Sutton, Zeng Ju] Gordon Gore est persuadé qu’il y a une raison pour que les victimes de la Noire Démence se rassemblent ainsi dans ce terrain vague ; à ses yeux, il ne présente rien de particulier – il note seulement qu’il y a un projet de construction à cet endroit, le permis de construire a été délivré, mais les travaux n’ont pas commencé. Mais qu’en est-il selon les perceptions des malades ? Veronica Sutton parvient à maintenir un vague contact avec Zeng Ju, dont les perceptions de cet autre monde s’affinent de plus en plus. Or, dans son état, attirer son attention sur quelque chose, d’une certaine manière, autorise cette chose à exister véritablement. La confrontation de leurs ressentis permet au domestique de comprendre que la vieille bâtisse qui se trouve au fond du terrain vague (à moins qu’elle ne change de place ?) est invisible à ses amis ; mais cette maison fluctue – c’est comme si elle changeait d’apparence en permanence… Mais elle est là, oui – et les autres ne la voient pas, qu’importe les efforts de Zeng Ju pour la leur indiquer. Les descriptions hésitantes du domestique laissent supposer qu’il s’agit d’un bâtiment antérieur au tremblement de terre de 1906.

 

[IV-2 : Zeng Ju, Gordon Gore, Trevor Pierce, Veronica Sutton : Harold Colbert, Trevor Pierce, Parker Biggs, Clarisse Whitman] Zeng Ju est attiré par cette maison – tandis que Gordon Gore préférerait attendre l’arrivée du Pr Colbert. Le domestique chinois, inconscient de l’effet qu’il produit dans le monde « réel », hurle : « Il faut aller voir la maison ! IL FAUT ALLER VOIR LA MAISON ! » Trevor Pierce et Bobby Traven le suivent, ils ressentent la même attirance. Veronica et Gordon n’ont pas vraiment le choix… Un « sixième sens » semble maintenant bénéficier aux malades, qui leur permet d’éviter de heurter ce qu’ils ne voient pas, dans le monde « réel ». Mais il y a foule devant l’entrée de la maison… Ni Parker Biggs ni Clarisse Whitman ne semblent en faire partie.

 

[IV-3 : Zeng Ju] En jouant des épaules, Zeng Ju parvient sur le perron de la maison – ce qui ne fait aucune différence pour les autres ; mais lui distingue l’intérieur de la bâtisse, et la foule y est encore plus concentrée. La décoration de la maison est instable, mais, globalement, c’est son état le plus « luxueux » qui l’emporte ; il y a un étage… Le domestique chinois se précipite vers les escaliers. Et quand il monte…

 

[IV-4 : Veronica Sutton, Gordon Gore : Trevor Pierce, Bobby Traven, Zeng Ju] … Non, ce n’est pas comme s’il se mettait à monter en l’air, ou à disparaître aux yeux de Veronica Sutton et de Gordon Gore, c’est plutôt… comme s’il n’avait de toute façon jamais été là. Ils n’ont pas véritablement oublié sa présence, ils savent qu’ils ont accompagné quelqu’un qui n’est plus là, mais leurs perceptions les empêchent d’envisager les choses autrement – ils savent que quelque chose cloche, mais impossible de dire quoi… Il en va bientôt de même concernant Trevor Pierce et Bobby Traven, qui suivent Zeng Ju à l’étage. Veronica et Gordon se retrouvent seuls… au milieu de la foule des clochards qui n’a pas dépassé le perron – ils sont une bonne trentaine.

 

[IV-5 : Veronica Sutton, Gordon Gore : Clarisse Whitman, Parker Biggs] Toutefois, Veronica Sutton remarque à nouveau Clarisse Whitman… tandis que Gordon Gore est bousculé par Parker Biggs – et une dizaine d’infectés à sa suite ! C’est qu’ils sentent qu’il y a quelque chose, qu’ils ne voient pas… et ils cherchent à le saisir ! Il est renversé par terre, piétiné, palpé de partout par des gens désespérés d’entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose… Il sait, avec une conviction absolue, qu’il est maintenant contaminé par la Noire Démence !

 

[IV-6 : Trevor Pierce, Zeng Ju : Bobby Traven] La maison est décidément l’endroit le plus concret de tout San Francisco pour les victimes de la Noire Démence. Chaque pièce croule sous les malades – qui ne font pas spécialement attention aux nouveaux arrivants. Mais il y a un peu moins de monde à l’étage. Bobby Traven est attiré par une chambre – une pièce vide, exceptionnellement. Trevor Pierce et Zeng Ju le suivent à l’intérieur. C’est une chambre bourgeoise, assez vaste, avec une cheminée. Mais, en se rendant à la fenêtre, tous voient un spectacle très étrange, inédit pour eux – comme une grande colonne fluctuante, qui fait des kilomètres de hauteur… Un peu comme un unique pilier soutenant la voûte du monde entier, formé par la rencontre d’une stalagmite et d’une stalactite, de proportions ahurissantes – tout autour gravitent les sphères mouvantes, davantage qu’ailleurs, dans une grisaille pesante… Bobby est fasciné, absorbé dans la contemplation de ce spectacle impensable. Il était impossible de voir cela ailleurs qu’à cette fenêtre – alors qu’une masse aussi colossale aurait dû être visible depuis le terrain vague, notamment. Zeng Ju essaye de déterminer la localisation « dans San Francisco » de ce phénomène, mais pas moyen – ça ne colle pas. Et cette colline paraît bien plus démesurée que toutes celles de la ville « réelle ». Par contre, il peut repérer la direction approximative de ce « tourbillon ».

 

[IV-7 : Veronica Sutton, Gordon Gore] « À San Francisco », Veronica Sutton, qui a assisté au triste sort de Gordon Gore, fait de son mieux pour y échapper – mais elle est à son tour bousculée, même si dans des proportions bien moindres que le dilettante. Le résultat est cependant le même – un faux mouvement la fait tomber dans la boue…

 

[IV-8 : Eunice Bessler, Gordon Gore, Veronica Sutton : Harold Colbert, Jonathan Colbert ; Andy McKenzie] C’est à ce moment qu’arrivent à proximité du terrain vague Eunice Bessler, Harold Colbert et Jonathan Colbert. Eunice est stupéfaite par la scène du terrain vague, elle ne sait pas comment réagir… Elle panique ! Mais Jonathan Colbert lui pose la main sur l’épaule alors qu’elle allait se précipiter sur son amant Gordon Gore ainsi que sur Veronica Sutton : « N’y allez pas. C’est foutu pour eux. » Eunice est désespérée : n’y a-t-il donc rien à faire ? Harold Colbert seconde son fils : « Si : le rituel. Mais je vous l’ai dit, Mademoiselle : pour ceux qui ont été contaminés, il est trop tard. Ils ne guériront pas. » Eunice se débat, mais le professeur insiste : « Non, écoutez-moi ! Pour que le rituel fonctionne, il faut que quelqu’un passe de son plein gré dans ce… ce "royaume", et en revienne. Cela ne marchera pas avec quelqu’un de contaminé par la Noire Démence – qui fait pénétrer dans cet autre monde d’une autre manière, une manière… non conforme. » Eunice est désespérée, mais n’a plus la force de lutter : les Colbert la ramènent en arrière tandis qu’elle sanglote… Jonathan Colbert propose de se retirer dans l’appartement qu’il louait avec Andy McKenzie, juste à côté – pour y exécuter le rituel, si c’est encore possible… et utile. Il ne doute pas que les policiers ont fouillé l’appartement, mais pénétrer à l’intérieur ne sera pas un problème – la porte ferme mal. Le professeur acquiesce : ils emmènent Eunice avec eux.

 

[IV-9 : Zeng Ju, Trevor Pierce] Zeng Ju veut sortir de la maison, pour voir s’il peut déterminer la direction du « pilier ».  Trevor Pierce est sceptique – mais le domestique ne se laisse pas retenir. Tandis qu’il redescend, le journaliste jette un œil aux autres chambres à l’étage ; l’une d’entre elles est parfaitement opposée à la première – et pourtant, depuis la fenêtre, il voit à nouveau ce « pilier »… car il a la conviction, même si c’est impossible, qu’il s’agit bien du même phénomène, et pas d’un autre qui lui ressemblerait.

 

[IV-10 : Zeng Ju : Clarisse Whitman, Trevor Pierce, Bobby Traven] Zeng Ju, de retour en bas – dans ce rez-de-chaussée bondé –, sort tant bien que mal de la maison, et cherche à repérer le « tourbillon ». Mais il ne le voit pas – il le devrait, en toute logique, mais il demeure invisible. Le domestique chinois grogne sous le coup de la frustration… mais il sent le contact d’une main sur son épaule. Il se retourne – et reconnaît Clarisse Whitman. Elle lui susurre à l’oreille, très doucement : « Chuuuuuut… Du calme… » Est-elle ici depuis longtemps ? « Dans le Royaume ? Je ne sais pas… si cela fait deux secondes... ou cinq millénaires… » Zeng Ju l’interroge sur la « colonne » ; l’a-t-elle vue ? Oui – des endroits depuis lesquels on peut la voir. « Il y a un… code, vous savez… Des endroits… qui sont… bien placés, en face de… de la structure du monde... On me l’a appris, ce code… Mais il y en a qui disent que c’est un piège… Mais on me l’a appris… C’est… De l’entrée principale, tout droit, 345 pas. À gauche, 213 pas. À droite, 905 pas. À droite, 34 pas. À gauche, 120 pas. En bas, 400 pas. S’arrêter. Tourner à gauche. Contempler. Vous croyez que c’est un piège, vous aussi ? » Zeng Ju n’y comprend rien : l’entrée principale ? « Oui. De la maison. C’est à ça qu’elle sert. En tout cas, c’est ce que nous a dit le vieil Indien. Ce n’est qu’un point de départ – de référence. Il en faut un. Ça aussi, le chaman nous l’a expliqué. » Zeng Ju entend vérifier cela tout de suite – mais Clarisse a peur, elle crie quand le domestique la presse… Mais il appelle Trevor et Bobby : « Je crois que j’ai une piste ! » Le journaliste le rejoint en bas.... mais pas le détective, qui reste abîmé dans la contemplation du vortex.

 

[IV-11 : Gordon Gore, Veronica Sutton : Parker Biggs] Pour quelque raison inconnue, les clochards ont finalement lâché Gordon Gore et Veronica Sutton – qui sont convaincus d’avoir été contaminés. Ils ne voient pas la maison pour autant… Et ils entendent un grand éclat de rire derrière eux, très gras : c’est Parker Biggs, qui pointe du doigt le dilettante. Il a quelque chose d’enfantin dans son rire : « C’est bien fait ! Ah ah ! Comme les autres, maintenant ! Ah ah ! » Mais son visage se ferme progressivement, et il s’assied contre une palissade du terrain vague. Gordon demeure pantois… Veronica, résignée, attrape le dilettante par le bras : « Venez, Gordon. Il n’y a plus rien à faire ici. » Ils s’éloignent lentement…

 

V : VENDREDI 6 SEPTEMBRE 1929, 23H30 – APPARTEMENT 302, 250 GEARY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO / LE ROYAUME – OÙ LE TEMPS ET L’ESPACE NE SIGNIFIENT RIEN… OU TOUT

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[V-1 : Eunice Bessler : Jonathan Colbert, Harold Colbert ; Andy McKenzie] Eunice Bessler a suivi Jonathan Colbert dans l’appartement qu’il louait avec Andy McKenzie. Il est exactement dans l’état où ils l’avaient laissé – avec la porte qui fermait mal. Le Pr Colbert a besoin de reprendre ses esprits, il s’assied sur un canapé en piteux état. Eunice dit qu’elle aurait bien besoin d’un petit remontant – Jonathan sait que « ce crétin de McKenzie » gardait toujours une bouteille « d’un truc dégueulasse » sous son matelas, les flics n’ont visiblement pas très bien fouillé, il va chercher ça – et s’en sert une copieuse rasade au passage.

 

[V-2 : Eunice Bessler : Harold Colbert, Jonathan Colbert ; Pedro Maldonado] Que faire maintenant ? Eunice se tourne vers le Pr Colbert – qui a sorti la dague de cuivre égyptienne, et la contemple. Il le répète : seuls ceux qui ne sont pas contaminés par la Noire Démence peuvent exécuter le rituel décrit par Pedro Maldonado dans Mythes des chamans du grizzli rumsens. Le cas de Jonathan étant particulier, lui qui a fait office de « porteur sain », seuls Eunice et le professeur peuvent encore le faire. Par ailleurs, il faut procéder en deux temps : y aller de son plein gré… et trouver comment en revenir. Périr là-bas… Le rituel ne serait pas accompli jusqu’au bout – et il serait donc inefficace.

 

[V-3 : Eunice Bessler : Harold Colbert] Eunice, très émue, très triste, se porte volontaire : « Le cinéma… Je ne serai jamais une grande actrice, de toute façon… Le parlant... Ma famille ? La communauté ? Allons… » Elle a bien conscience de ce que cela implique ? Oui… Le Pr Colbert acquiesce enfin. Exécuter le rituel va bien lui demander une heure – et il aurait besoin d’un peu de son sang… Il est certain que le rituel fera venir un « Fantôme-qui-marche », et il a bon espoir de le contrôler ; mais, une fois qu'elle sera passée dans l’autre monde… Il ne sait rien de ce qui pourrait se passer là-bas. Par ailleurs, ces créatures sont essentiellement… « stupides. Il faut leur donner un ordre – un ordre simple, et pas ambigu, six, sept mots au plus. » Il commence à exécuter les gestes très incongrus réclamés par le rituel – mais l’actrice n’a certainement aucune envie d’en rire.

 

[V-4 : Trevor Pierce, Zeng Ju : Clarisse Whitman] « De l’autre côté », dans le Royaume, qui n’est maintenant plus « parasité » par les sensations du « vrai » San Francisco, Trevor Pierce et Zeng Ju demandent à Clarisse Whitman de les accompagner en suivant ce « code ». Elle se révèle d'humeur changeante : finalement, elle est d’accord – les ramenant à l’entrée principale de la maison, elle récite : « De l’entrée principale, tout droit, 345 pas. » Et, derrière elle, tous les autres infectés reprennent en chœur : « TOUT DROIT, 345 PAS. » Puis Clarisse entame la marche, en mesurant bien ses pas, et en comptant à chaque fois, sur un ton très monotone et qui a en même temps quelque chose d’un peu enfantin : « Un… Deux… Trois… Quatre… » Les clochards ne les suivent pas.

 

[V-5 : Veronica Sutton, Gordon Gore, Eunice Bessler : Harold Colbert] Veronica Sutton et Gordon Gore, affligés par ce qui vient de leur arriver, avaient d’abord erré un peu aléatoirement… Mais ils se reprennent enfin – et reviennent vers le 250 Geary Street. Ils montent à l’étage, où ils entendent l’étrange mélopée du Pr Colbert ; ils toquent à la porte, et Eunice Bessler va leur ouvrir. Ils savent tous à quoi s’en tenir… Consciente de son rôle à jouer dans le rituel, Eunice retient son impulsion de se jeter dans les bras de son amant. Gordon, de toute façon, lui intime de ne pas le toucher : il est contaminé – il n’y a aucun doute… Mais s’ils peuvent leur venir en aide… Probablement pas – d’autant qu’il ne faut pas interrompre le Pr Colbert, il l’a clairement signifié à Eunice.

 

[V-6 : Clarisse Whitman] Dans le Royaume, Clarisse Whitman continue de guider les autres. À voix haute : « À droite, 905 pas. Un… deux… trois… »

 

 

 

 

[V-7 : Eunice Bessler : Harold Colbert] Dans l’appartement, la mélopée du Pr Colbert s’interrompt enfin ; il s’assied sur le canapé, en faisant signe à Eunice Bessler de s’asseoir à côté de lui. Il lui tend la dague – elle servira à l’identifier comme le « maître » du « Fantôme-qui-marche » qui va apparaître. Eunice accepte – mais aimerait savoir à quoi s’attendre : à quoi ressemblera cette créature ? « Sans doute pas à un vieux drap avec deux trous pour les yeux… » Effectivement. Mais la décrire n’a rien d’évident… Elle est humanoïde, et bipède, dans une certaine mesure ; mais d’autres éléments relèvent plutôt du poisson, d’autres de l’insecte, tout cela mélangé… Le trait le plus caractéristique, ce sont ses membres très longs, et qui, pour les bras, s’achèvent en doigts ou griffes totalement disproportionnés. « Je suppose qu’en comparaison, Max Schreck, dans le Nosferatu de Murnau, est un modèle de beauté ? » L’actrice arrache un sourire au très las Pr Colbert ; « Oui, je suppose. Je n’aurais pas pensé à présenter les choses ainsi… » Mais, après un silence pesant, le Pr Colbert ajoute : « J’ai un peu modifié le rituel. Je… Je vais vous accompagner là-bas. Je… Je ne pouvais pas me contenter de vous envoyer seule affronter pareil péril. Mais c’est bien vous qui aurez le contrôle sur le "Fantôme-qui-marche". Quant à la suite… Il faudra trouver comment revenir. Impossible d’en savoir davantage à l’avance – seulement que l’on ne pourra pas, sur place, invoquer un autre Vagabond dimensionnel, cela ne fonctionnera pas. Je n’en sais pas plus que vous, à ce stade. Mais revenir est la condition cruciale pour fermer ce "vortex". Au moins temporairement. » Eunice est prête. Le Pr Colbert explique qu’il leur faut attendre, pas bien longtemps : le « Fantôme-qui-marche » sera bientôt là.

 

[V-8 : Eunice Bessler : Harold Colbert ; l’Esprit de Pebble Hill] Quelques minutes très pesantes défilent en effet. Puis, sans effets spéciaux particuliers, là où il n’y avait rien, il y a maintenant la hideuse créature décrite par le Pr Colbert. Elle n’émet pas le moindre bruit. Elle ne bouge presque pas – seuls ses longs bras ballants se déplacent, tandis que ses doigts très fins sont comme agités de léger soubresauts. Elle fixe ceux qui l’ont appelée. Harold Colbert se tourne vers Eunice Bessler et lui adresse un signe du menton. L’actrice reprend son souffle… mais elle ne sait pas quel ordre donner. « C’est un voyageur – il faut lui donner une destination ! » Mais l’actrice est pétrifiée… et le « Fantôme-qui-marche » s’approche d’elle, il la renifle… Le Pr Colbert sait qu’il faut faire vite ; il arrache la dague de cuivre des mains de Eunice, s’entaille la paume de la main, et, en fixant de ses yeux la créature, dans un soupir : « Emmène-nous voir l’Esprit de Pebble Hill. » Le « Fantôme-qui-marche » saisit le Pr Colbert de son bras gauche, et Eunice Bessler de son bras droit : il les plaque tous deux contre son corps, son cuir visqueux et ruisselant d’une sécrétion à l’odeur presque insoutenable – l’actrice a brièvement en tête l’image d’une mère serrant contre sa poitrine de fragiles nourrissons à allaiter… D’un seul coup, tout se fige autour d’elle. Le temps se dilate… Ils disparaissent.

 

VI : AU CŒUR DU ROYAUME

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

[VI-1 : Eunice Bessler : Harold Colbert] Eunice Bessler et Harold Colbert… volent ? Dans les bras du Vagabond Dimensionnel... Ils ont rejoint ce monde grisâtre et mouvant – et, passé un temps d’acclimatation d’une durée indéterminée, oui, ils ont le sentiment d’être quelque part dans le « ciel », et que ce gris un peu plus sombre loin, très loin en dessous d’eux, comme à des kilomètres, des milliers de kilomètres, doit être quelque chose comme un « sol »… C’est infiniment loin – et pourtant l’actrice distingue finalement comme des points noirs, minuscules, et les identifie enfin comme étant des humains… Des prisonniers dérisoires d’un monde morne dont ils ne pourront jamais s’échapper. Le contrôle sur le « Fantôme-qui-marche » ne durera pas éternellement, il faut trouver un endroit où « atterrir » ! D’autant que l’actrice perçoit, tout près d’elle, le souffle haché du Pr Colbert – un vieil homme au bord de la syncope… Il lui est impossible de prononcer un mot. Eunice balaye des yeux le paysage… quand elle se retrouve à un de ces endroits très précis qui permettent de voir le « pilier » colossal (des centaines de kilomètres de hauteur ?) qui soutient ce monde ; elle comprend que c’est là leur destination, et donne mentalement l’ordre au « Fantôme-qui-marche » de les déposer au plus près. La créature obéit. Elle suit l’itinéraire précis qui fait que le « vortex » ne disparaît plus sous leurs yeux. Elle se déplace à une vitesse ahurissante...

 

[VI-2 : Zeng Ju, Trevor Pierce : Clarisse Whitman] Pendant ce temps, Zeng Ju et Trevor Pierce suivent toujours leur guide Clarisse Whitman. Ils en arrivent à ce moment étrange du « code » qui leur indique d’aller « en bas ». Et, subitement, tandis que Clarisse compte le premier pas dans cette direction, c’est comme si le monde s’inclinait de 90° : oui, ils prennent la direction d’ « en bas », avec la sensation de marcher sur un mur… et, paradoxalement, c’est alors qu’ils empruntent cette direction invraisemblable qu’ils prennent toute la mesure du « pilier » jaillissant vers le ciel ! C’est une sensation particulièrement déconcertante… Les perspectives, l’orientation, l’équilibre – tout est faussé, et incompréhensible. Ils suivent cependant toujours leur guide : « Trois cent quatre-vingt-seize… Trois cent quatre-vingt-dix-sept… Trois cent quatre-vingt-dix-huit… Trois cent quatre-vingt-dix-neuf… Quatre cents. S’arrêter. Tourner à gauche. » Et là, le « pilier », qui avait disparu quelque temps, réapparaît brusquement… et ils sont exactement à sa base.

 

[VI-3 : Trevor Pierce, Zeng Ju : le chaman du grizzli, Clarisse Whitman ; Yog-Sothoth] Mais ils n’y sont pas tout seuls… À quelque distance, impossible à déterminer précisément, se trouve un vieil homme – avec une peau d’ours sur la tête. Trevor Pierce reconnaît aussitôt en lui « l’homme du tableau »… Zeng Ju n’a jamais vu ledit tableau, mais qu’importe : il part dans cette direction. Derrière, Clarisse Whitman, de son timbre enfantin : « Vous savez, c’est lui qui m’a appris les indications. Vous croyez que c’est un piège ? » Mais le domestique chinois ne craint plus les pièges… La jeune fille, cependant, ne s’attarde pas – elle laisse là ses compagnons de route, et repart qui sait où. Mais Zeng Ju n’y prête pas attention : il s’avance d’un pas déterminé vers le chaman, dont il devient possible de discerner les traits – il a un air un peu narquois… Il a aussi un couteau de cuivre passé à sa ceinture. Zeng Ju l’interpelle. Dans un anglais très approximatif et haché, le vieil Indien dit : « Vous n’arriverez pas. Vous ne faites pas changer. J’ai fait changer. Vous êtes une nourriture pour le Dieu. Il ne fait pas attention. Rien. Jamais attention. Offrandes, c’est l’attention à moi. Votre monde mort. Le monde est maintenant toujours Yog-Sothoth. » Zeng Ju enrage : il ne se laissera pas faire ! L’Indien devrait le redouter ! Mais ce n’est de toute évidence pas le cas.

 

[VI-4 : Eunice Bessler, Zeng Ju : Harold Colbert, le chaman du grizzli] C’est alors qu’arrivent, dans les bras du « Fantôme-qui-marche », Eunice Bessler et le Pr Harold Colbert. La créature les dépose toutefois… de l’autre côté du chaman, par rapport à leurs amis contaminés. Et le vieil Indien les a vus. Zeng Ju aussi ! Il n’en revient pas… Mais les traits du chaman se sont durcis : à la différence des victimes de la Noire Démence, l’actrice et le vieux professeur représentent une potentielle menace pour ses plans – il s’avance vers eux, le couteau de cuivre en main…

 

[VI-5 : Eunice Bessler, Zeng Ju, Trevor Pierce : Harold Colbert, le chaman du grizzli] Le Pr Colbert est dans un triste état. Eunice Bessler lui reprend la dague égyptienne – le « Fantôme-qui-marche » émet un sifflement… puis se jette sur le professeur ! Et il se met à dévorer ses entrailles… L’actrice brandit sa dague – terrifiée par le Vagabond dimensionnel et par l’Indien ; elle n’est certes pas en mesure d’intimider ni l’un, ni l’autre… Le chaman semble déterminé à la tuer de ses mains. Zeng Ju réalise que ses armes ne l’ont pas suivi dans le Royaume… Peu importe : il vaincra l’Indien à mains nues ! Il court dans sa direction – avec une célérité qui surprend tout le monde ! Trevor Pierce, lui, ne pense qu’à une chose : partir d’ici ! Il est obnubilé par la dague de Eunice, qu’il réclame à grands cris… Mais autour d’eux, les sphères gravitant autour du pilier commencent à changer d’aspect : elles tendent à s’agglomérer, constituant comme des bras, ou des tentacules, d’une longueur et d’une épaisseur cyclopéennes, et qui s’abattent aléatoirement çà et là – qui se trouverait dessous serait immédiatement écrasé ! Le chaman, lui, continue d’avancer vers les nouveaux arrivants – sa vitesse est stupéfiante, au point où le pourtant très véloce Zeng Ju ne peut que suspecter quelque chose de surnaturel… Eunice Bessler, terrifiée, veut fuir le chaman – mais elle est bien plus lente que lui… Il est déjà presque à côté d’elle ! Zeng Ju fait appel à toutes ses ressources : il le rattrape, et parvient in extremis à l’atteindre d’un coup de pied – les dégâts sont plus ou moins importants, mais, surtout, il a pris l’Indien par surprise, qui est contraint de s’arrêter dans sa course, et ne parvient pas à planter son couteau dans le corps de Eunice. Trevor Pierce en profite pour se rapprocher de l’actrice, en hurlant : « La dague ! Il faut invoquer le fantôme ! » Les tentacules s’abattent autour d’eux, sans pour l’heure leur faire de dégâts… Zeng Ju, lui, assène un nouveau coup inattendu au chaman : l’adversaire encaisse bien, mais le domestique lui fait mal, à force ! Eunice, qui est toujours à portée du couteau de l’Indien, recherche le soutien de Trevor – lequel lui crie de lui lancer la dague égyptienne. Mais le chaman a pesé la menace constituée par Zeng Ju, et se retourne vers lui – ses traits sont déformés par la rage, au point où il n’a plus grand-chose d’humain ; il porte un vicieux coup de couteau contre le domestique chinois… qui parvient à l’esquiver ! Mais un immense tentacule s’abat juste à côté de lui – il a failli être écrasé… Eunice affolée donne la dague à Trevor, qui ne cessait de la réclamer. Mais Zeng Ju se concentre sur le chaman du grizzli – un nouveau coup imprévu renverse l’Indien, sonné, qui lâche son couteau ! Trevor a la dague de Eunice en main – il semble à peine réaliser qu’il n’a clairement pas le temps d’invoquer un « Fantôme-qui-marche » dans ces circonstances… Le journaliste indécis plante finalement le couteau dans la poitrine du chaman du grizzli – tandis qu’un tentacule s’abat... qui broie impitoyablement l’héroïque Zeng Ju ! Trevor fixe la dague dans ses mains, l’air ahuri – Eunice également, qui se souvient un peu tard de tout ce que lui avait dit feu le Pr Colbert : l’importance de revenir pour accomplir vraiment le rituel, le fait qu’une victime de la Noire Démence n’est pas en mesure de le faire, et qu’une nouvelle invocation d’un Vagabond dimensionnel ne serait pas non plus efficace en pareil endroit… Ses regrets ne durent guère : elle aussi meurt écrasée par un des « bras » jaillissant du vortex.

 

[VI-6 : Trevor Pierce] Le journaliste Trevor Pierce se retrouve seul – avec tout le poids de l’erreur qu’il a commise. Ses amis sont morts. Et les tentacules ne lui feront pas la grâce de l’achever rapidement : victime de la Noire Démence, incapable d’accomplir quoi que ce soit, il réalise peu à peu que le Royaume… est désormais et à jamais son monde. Son désir ardent de fuir ne s’accomplira…

 

Jamais.

 

ÉPILOGUE

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (08 + épilogue)

À San Francisco, Gordon Gore et Veronica Sutton, dans les jours qui suivent la disparition de leurs amis, ne tardent guère à constater qu’ils présentent tous les symptômes de la contamination par la Noire Démence. Ce n’est pas une surprise pour eux… Mais, contrairement aux autres victimes de cette maladie, ils disposent de quelques connaissances quant à ce qu’elle implique : ils savent que, pour survivre, il leur faut rester dans le Tenderloin. Ils se plient à cette exigence. Leur train de vie confortable, ou même bien plus que ça, n’est bientôt plus qu’un souvenir, puis n’est plus rien du tout ; le dilettante et la psychiatre sont réduits à la condition de clochards – pour un temps, ils perçoivent cette descente aux enfers, et en souffrent ; bientôt, ils n’y prêtent plus la moindre attention : le fait est accompli.

 

Ils étaient des personnalités, à San Francisco : le richissime et fantasque playboy, la psychiatre militante aux idées bien arrêtées… Pendant un temps, sans doute s’est-on interrogé sur leur disparition ? Un temps très bref : tous deux avaient rédigé leurs testaments avant de se livrer à cette ultime virée dans le Tenderloin, après tout. Et qui aurait bien pu penser à les trouver dans ce quartier malfamé ? Eux-mêmes, à vrai dire, n’ont pas cherché à se manifester comme étant toujours en vie – même malades. Quelle qu’en soit la raison – la honte, peut-être ? Le désespoir ? Qu’importe : on les oublie bientôt, ils n’étaient que « de passage sur cette terre ». Ils ont un nouveau rôle social : celui de clochards – on les ignore en conséquence. On ne les voit pas ramper dans les flaques d’eaux, fouiller désespérément dans les poubelles… Peut-être ne voulaient-ils pas qu’on les voie ainsi ? Comme si leur opinion avait la moindre importance… Non. Le monde se désintéresse d’eux – il y a tant de choses plus importantes.

 

Très vite, à vrai dire : un mois et demi après leur contamination, c’est le Krach de Wall Street. Peut-être Gordon en a-t-il de vagues échos – la une d’un journal oublié, ironiquement passée « de l’autre côté »… Probablement ne sait-il même plus ce que tout cela signifie, de toute façon. Peut-être la population des clochards du Tenderloin s’accroît-elle, en conséquence ? Peut-être – mais cela n’intéresse personne ; au mieux, cela en effraie quelques-uns… Moins toutefois que des financiers hypothétiques se jetant du haut des buildings – des gens qui comptent, ou qui comptaient… Le temps passe – on les oublie à leur tour.

 

La Noire Démence s’avère pourtant avoir un effet singulier – dont Gordon et Veronica n’ont pas vraiment conscience : tant qu’ils restent dans le Tenderloin, c’est comme si la maladie… les avait rendus immortels. Ils sont faibles, pourtant : sous-alimentés, transis par le froid… Mais le Tenderloin, d’une certaine manière, les protège. Oui, ils sont immortels… mais ils ne sont même pas en mesure de peser combien cette immortalité est absurde. Des années passent – des décennies, des siècles si ça se trouve. Ils ne savent rien de l’évolution du monde autour d’eux – ils s’en désintéressent, comme ce monde se désintéresse d’eux.

 

Ils n’ont même pas conscience de ce que, progressivement, le monde entier... devient le Tenderloin. Le chaman du grizzli est mort – mais le passage reste ouvert, et les ultimes germes de la Noire Démence ont leur propre immortalité ; d’une certaine manière, Veronica et Gordon, quelques autres aussi peut-être, sont les garants de cette pérennité. Elle continue donc d’affecter toujours davantage de victimes – de ces pauvres hères dont on détourne instinctivement le regard, « par pudeur » disent certains. On les ignore – jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne pour les ignorer.

 

Parce que tout le monde est devenu comme eux.

 

De temps en temps – qui sait, avec des dizaines d’années d’écart à chaque fois, si ça se trouve ? – Gordon Gore croise Parker Biggs dans les ruelles du Tenderloin, aux portes du Royaume. Le temps qui passe ne l’affecte pas davantage – et n’affecte pas non plus son comportement. Après des années, le gangster reconnaît encore celui qui fut une des plus grandes fortunes de San Francisco – et, toujours, il le pointe alors du doigt, en ricanant comme un méchant petit garçon : « Toi aussi, ah ah ! Comme les autres ! »

 

THE END

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CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (08)

Publié le par Nébal

CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (08)

Huitième séance de « The Great Northwest » pour Deadlands Reloaded. Vous trouverez la première séance , et la séance précédente ici. L’enregistrement de la séance est disponible .

 

C’est un épisode charnière de la partie, où se mêlent les éléments issus de la campagne Stone Cold Dead et du scénario Coffin Rock ; jusqu’à présent, la première l’emportait, et c’est peut-être toujours le cas, mais elle est de plus en plus modifiée selon mes envies personnelles ; concernant Coffin Rock, c’est surtout le principe du scénario qui est ici développé, mais certaines scènes en sont directement issues de manière plus concrète.

 

Tous les joueurs étaient présents, qui incarnaient Beatrice « Tricksy » Myers, la huckster ; Danny « La Chope », le bagarreur ; Nicholas D. Wolfhound alias « Trinité », le faux prêtre mais vrai pistolero ; Rafaela Venegas de la Tore, ou « Rafie », l’élue ; et enfin Warren D. Woodington, dit « Doc Ock », le savant fou.

Vous trouverez l'enregistrement de la séance ci-dessous.

I : UN HAVRE DANS LA BOUE

 

[I-1 : Nicholas, Rafaela : Mr Fong, Mrs Duvall] De retour des sources, les PJ vont jeter un œil à la blanchisserie de Mr Fong, où ils ont incité pas mal de monde à se réfugier, sachant que c’était le bâtiment le plus sûr de la ville. Ce faisant, ils savent qu’ils ont sauvé des vies, et en nombre. Tout le monde ne les a pas écoutés, mais il y a bien 200 personnes de rassemblées dans l’usine – maussades, fatiguées, effrayées ; et la rumeur ne laisse aucun doute : un certain nombre de ces réfugiés ont vu des proches mourir. Nicholas s’intéresse plus particulièrement aux enfants qu’ils avaient sauvé de l’école en flammes – ils vont « bien », du moins ceux qui ont pu ainsi retrouver leurs parents… mais l’institutrice, Mrs Duvall, est très affectée : elle est à genoux, priant sans cesse en sanglotant ; elle n’est certes pas la seule ici à avoir ce genre de réflexe religieux, même si on peut supposer que les plus bigots ont plutôt cherché refuge dans l’église, un bâtiment pas forcément très adapté pour cela – et à l’autre bout de la ville. Quoi qu’il en soit, Nicholas entend raisonner l’institutrice : les enfants ont besoin d’elle ! Rafaela veut l’appuyer de ses Miracles, en contribuant au sermon… Mais Mrs Duvall est hors d’atteinte pour l’heure. Cependant, d’autres qui étaient dans son état sont bel et bien inspirés, et prennent sur eux de ne plus seulement se perdre dans leurs prières, pour aider concrètement ceux qui, dans la blanchisserie, ont besoin de réconfort. Nicholas sait les coordonner de manière efficace : ses sermons incongrus portent leurs fruits, son aura d’autorité y participant dans une égale mesure ; le personnage intrigue, mais, dans ces circonstances, les gens sont portés à lui accorder une certaine confiance.

 

[I-2 : Rafaela : Mr Fong] Mais Rafaela songe au long terme. Cela fait partie, croit-elle, de la mission que la Vierge de Guadalupe lui a attribuée : il faut s’assurer que ce bâtiment sera toujours en mesure d’abriter la population de Crimson Bay, en cas de nouveau cataclysme… ou de menace démoniaque d’un autre ordre. Rafie va donc Sanctifier la blanchisserie – un Miracle qui demande du temps, il lui faudra bien une semaine d’efforts et de prières pour y parvenir…

 

[Note : la joueuse incarnant Rafie sait qu’elle devra s’absenter pour les séances qui viennent ; cette idée permet donc de conserver un rôle à son personnage en son absence, sans trop sombrer dans les ambiguïtés du PJ temporairement PNJ.]

 

Il lui faut tout d’abord obtenir l’accord du propriétaire des lieux, Mr Fong. Elle se rend à son bureau de la mezzanine… et décide de tout lâcher d’emblée : usant de son Miracle de Compréhension des langues, elle s’adresse à l’entrepreneur chinois dans un mandarin parfait – et même avec l’accent de son petit village natal ! Quitte ou double… Mais cela fonctionne. Stupéfait, Mr Fong est d’autant plus disposé à croire que Rafie dispose bel et bien de pouvoirs surnaturels, et l’élue le convainc sans peine de la laisser faire ; il aurait envoyé balader quiconque lui aurait fait cette requête, en temps normal, mais il a confiance en Rafie – il n’est pas chrétien, mais constate (et « accepte » assez facilement, en fait…) que Rafie a des facultés particulières, et il croit que sa blanchisserie aurait tout à y gagner, puisque ces Miracles sont bien réels ; que Rafie fasse ce qu’elle a à faire, il va prévenir ses hommes de la laisser travailler.

 

II : UNE VILLE MEURTRIE

 

[II-1 : Danny, Warren : Josh Newcombe, Gamblin’ Joe Wallace, Russell Drent, Tom Jenkins] De leur côté, Danny et Warren ne souhaitent pas s’attarder plus longtemps dans la blanchisserie. Le premier veut jeter un œil à ce qui se passe en ville, maintenant que la pluie est un peu moins forte, tandis que le second veut retourner au Washington. Ce qui leur permet de faire un bout de chemin ensemble. La ville est ravagée par les coulées de boue – et la prédiction de Josh Newcombe, qui avait parié qu’il y aurait dans la grande rue, devant le Gold Digger, une crevasse de bien 80 cm de large, s’est vérifiée. Quelques citoyens cependant, constatant que la pluie se calmait, et les coulées de boue avec, ont entrepris de poser des planches en travers des rues pour faciliter un peu le passage – car avancer dans la boue serait autrement bien trop fatiguant. Mais nombre de maisons ont été affectées – certaines par les coulées de boue, d’autres par des incendies : il y a eu plusieurs foyers, assez nombreux, mais, par chance, ils ne se sont que rarement communiqués d’un bâtiment à l’autre. Entre Chinatown et le Washington, les bâtiments les plus notables, incluant la maison de Gamblin’ Joe Wallace, le bureau du shérif Russell Drent, le Gold Digger et enfin le Washington lui-même, ont globalement bien résisté. L’atelier du maréchal-ferrant Tom Jenkins a davantage souffert, même si les dégâts restent raisonnables. Mais, à errer ainsi dans les rues, Danny et Warren ont par contre aperçu plusieurs cadavres – des gens qui se sont noyés dans la boue, des grands brûlés, des gens qui sont tombés d’un étage ou deux dans les pires conditions…

 

[II-2 : Warren : Mrs Jansen ; Mr Jansen, Richard Lightgow, Jon Brims] Warren s’arrête donc au Washington, qui a plutôt bien résisté au cataclysme, même si son accès est un peu compliqué. Le savant fou redoute les pillages… mais le tableau qui s’offre à lui quand il pénètre dans la salle de restaurant est tellement incongru qu’il dissipe aussitôt cette crainte : Mrs Jansen est installée derrière son comptoir, et tricote tranquillement, pas le moins du monde affectée par ce qui s’est produit en ville… Warren se félicite de ce qu’elle aille bien – et Mr Jansen ? Levant à peine les yeux de son tricot, elle dit qu’elle ne sait pas où il est : « Quelque part en ville, sans doute, il ne va pas tarder à revenir. » Warren n’insiste pas : il retourne dans sa chambre, où il s’assure de ce que sa petite réserve de roche fantôme est toujours là, et c’est bien le cas ; il en a besoin pour recharger son bras mécanique Roselyne, auquel il a beaucoup fait appel ces dernières heures – il lui faudra faire quelques réparations, en outre. Il se munit du nécessaire, et retourne en ville : il entend prendre des nouvelles de ses amis le Dr Lightgow et le croque-mort Jon Brims – mais c’est à l’autre bout de la ville, et la traverser s’annonce épuisant.

 

[II-3 : Danny : Jeff Liston, Denis O’Hara] Danny, lui, continue d’explorer la ville, pour juger de son état général, et plus particulièrement de l’état de certains bâtiments clefs. Le Red Bear, son endroit préféré en ville, n’a pas été vraiment atteint ; en fait, Jeff Liston est dehors, occupé à poser de ces planches qui doivent faciliter la circulation. Rassuré, Danny ne s’attarde pas davantage. Dans la partie sud de la ville, les dégâts des incendies sont un peu plus prononcés que de l’autre côté de la rue principale. L’école a entièrement brûlé ; tout près, l’église a globalement tenu, même si son clocher, touché par la foudre, s’est effondré – par chance, le reste de l’édifice n’a pas trop souffert. Danny entend du bruit et voit de la lumière, il y a du monde à l’intérieur, facile une centaine de personnes ; il y jette un œil et une oreille : le père O’Hara se livre à un prêche enflammé devant ses ouailles, qui prient avec ardeur. Danny ne s’attarde pas là non plus.

 

[II-4 : Warren : Jon Brims ; Richard Lightgow] Pendant ce temps, Warren s’est rendu, avec difficultés, à la clinique du Dr Lightgow, qui abrite également l’entreprise de pompes funèbres de Jon Brims. Repérant de la lumière dans l’atelier de ce dernier, Warren s’y rend. Le croque-mort, l’air stoïque, travaille sur des cercueils d’une qualité un peu moindre que ce que le savant fou l’avait vu créer lors d’une précédente visite – c’est que Brims a bien conscience de ce qu’il va y avoir sous peu beaucoup de demande, et, dans ces circonstances, il ne peut pas s’appliquer autant qu’il le voudrait… Le croque-mort explique que Richard Lightgow n’est pas dans sa clinique – il ne dit pas où il se trouve, mais assure Warren que le docteur va bien ; simplement, il lui faudra un peu de temps pour « se reprendre », un ou deux jours…

 

[II-5 : Warren : Lilly Brown ; Richard Lightgow] Warren se rend tout de même à la clinique pour gagner son atelier afin d’effectuer les réparations nécessaires sur Roselyne. Effectivement, le Dr Lightgow n’est pas là… et son absence se fait cruellement sentir, parce que nombre de patients, blessés d’une manière ou d’une autre durant la tempête, fatigués, traumatisés, auraient grand besoin de ses services ! L’infirmière, Ms Lilly Brown, est débordée… Warren, après avoir travaillé sur son bras mécanique (avec succès), offre de lui apporter son aide – même si son absence totale de connaissances en médecine fait qu’il n’est pas d’un grand secours. Au bout d’une heure, Lightgow n’est toujours pas réapparu, et Warren jette l’éponge : il retourne auprès des autres.

 

III : NOIRS SECRETS

 

[III-1 : Danny : Shane Aterton, Jeff Liston, Russell Drent] Danny suppose que ce sont les conditions idéales pour se livrer à une petite enquête qui lui tenait à cœur : il se rend à l’adresse de Shane Aterton, dans la partie sud-ouest de la ville – adresse qu’il avait obtenue auprès de Jeff Liston. Il ne sera pas difficile de pénétrer à l’intérieur – et, avec ce qui s’est passé, le bagarreur n’a pas vraiment à craindre les regards indiscrets. Il cherche des preuves – liées au meurtre de Chinatown, notamment. Il n’a pas besoin de chercher bien loin – et cela concerne également le vol dans le bureau du shérif : une cagoule passablement explicite, et un petit Derringer posé simplement sur le bureau (pas le genre d’arme qu’on associe à une brute comme Shane Aterton, mais elle correspond par contre à l’arme employée sur un des adjoints lors du vol). Danny, dans un autre registre, tombe aussi sur des photos pornographiques, rangées dans un tiroir, et qui figurent des jeunes femmes aux traits asiatiques dans des mises en scène très sadiques (il en prend une). Ceci mis à part, ce sont autant de preuves suffisantes pour déterminer avec assurance la culpabilité de feu l’adjoint du shérif, au moins dans le vol… Danny laisse tout cela sur place, et prend soin de refermer aussi naturellement que possible la porte d’entrée derrière lui : il lui faut parler de tout cela à Russell Drent

 

[III-2 : Danny, Beatrice, Nicholas, Warren : Russell Drent, Shane Aterton] Mais d’abord avec ses camarades, que Danny retrouve à la blanchisserie : il entend attirer le shérif Russell Drent sur place, en fait – mais il faut assurer ses arrières, il n’a pas confiance… Et, oui, il faudra bien « s’occuper de lui » ! Danny se rendra seul au bureau du shérif, tandis que les autres prendront place dans les environs de la maison de Shane Aterton. Ce qu’ils font – Beatrice à l’intérieur, Nicholas et Warren à l’extérieur, tous aux aguets.

 

[III-3 : Danny : Russell Drent, Glenn Cabott] Danny se rend donc au bureau du shérif Russell Drent. Dans les environs, les adjoints s’affairent à rendre la grande rue praticable. Le shérif est à l’intérieur – il a repris son air dur habituel, le sourire a quitté ses lèvres. Danny lui dit avoir fait des découvertes concernant le meurtre de Chinatown, mais aussi le vol du pactole du grand tournoi de poker. Drent soupire : « Ça peut pas attendre un peu ? On est plutôt occupés, là… » Il faut assurer la sécurité de la ville, des pillages sont à craindre, il a déjà envoyé des adjoints patrouiller – ce que devrait faire Danny également. Mais le bagarreur insiste : ses preuves sont chaudes… Il a trouvé une arme du crime, une cagoule, d’autres choses encore concernant ces deux affaires. Pourquoi ne lui a-t-il pas amené tout ça ? Eh bien, la confiance ne règne pas entre eux, en ce moment… Et pour respecter les procédures… « Putain, tu me fais chier avec ton légalisme à la con… Cabott, suis-le, va voir ce qu’il a dégoté de si important, et reviens vite, on a à faire ! » L’adjoint massif approche de Danny, prêt à l’accompagner – Drent se désintéresse du bagarreur, qui n’insiste pas davantage.

 

[III-4 : Danny : Glenn Cabott ; Shane Aterton] En chemin, Danny discute avec Cabott. Il cherche à comprendre ses liens avec Drent, ainsi qu’avec Aterton. Et parle aussi des « dérapages », comme celui de la communauté des anciens esclaves… Mais Cabott, bougon, répète toujours que « rien n’a jamais dérapé ». Il se demande si Danny a bien trouvé quelque chose d’intéressant… D’autant que le bagarreur reste évasif quant à leur destination ; en fait, il cherche à déterminer les réactions de l’adjoint quand il comprendra qu’ils se rendent chez Shane Aterton. Mais Cabott reste impénétrable tout le long du chemin. Bien sûr, une fois sur place, il sait qu’il s’agit de la résidence de feu son collègue… « Tu pouvais pas te contenter de le buter, faut que t’en rajoutes maintenant qu’il est mort ? » Eh bien, c’est là qu’a abouti son enquête… Ils rentrent à l’intérieur.

 

[III-5 : Danny : Glenn Cabott ; Shane Aterton, Russell Drent, les cousins Sannington] Danny avait laissé les choses en l’état, et montre à Cabott tout ce qu’il a trouvé – des éléments qui ne laissent guère de place au doute… Il n’est visiblement pas surpris ; et, s’il avait commencé par avancer que tout ça ne prouvait rien, il n’a pas pu achever sa phrase. Cabott est coincé – les questions de Danny l’agacent. Il essaie de minimiser : Danny a trouvé son coupable, et il est mort, très bien. Mais le bagarreur le reprend aussitôt : il reste deux coupables à identifier… Par ailleurs, cela innocente les anciens esclaves – et là Cabott lui-même a eu sa part, en trouvant « comme par hasard » l’argent volé, avec un de ses adjoints… Puisque c’est bien Aterton qui l’avait volé, comment se fait-il qu’il l’ait trouvé là-bas ? « J’en sais rien ; c’est toi le grand enquêteur… » Danny l’interroge sur son emploi du temps – et Cabott n’aime pas ces insinuations ; Drent non plus… Cabott ramasse un sac, et y fourre les pièces à conviction. Mais, avant qu’il ne parte, Danny lui pose sa main sur l’épaule : oui, il va enquêter sur ses conneries… Cabott dégage la main du bagarreur. Il a l’air… déçu ? Danny paraissait bien plus obéissant à la ferme des Sannington

 

[III-6 : Danny, Beatrice : Glenn Cabott ; Russell Drent] Danny excédé lui colle une patate en pleine face ! Cabott, pris par surprise, est sonné… mais il réalise que Beatrice est là, qui vient de sortir de sa cachette, arme au poing ; il porte la main à son holster… mais la huckster est plus rapide : elle ventile et abat pour le compte l’adjoint Glenn Cabott… Il n’est pas encore mort, mais ça ne va pas tarder : il s’est pris une balle dans le bide et s’écroule, se noyant dans son sang. Beatrice réfléchit déjà à une mise en scène pour assurer qu’ils ont agi en état de légitime défense… Cabott meurt tandis que Danny l’assure que Drent aussi y passera…

 

[III-7 : Nicholas, Warren, Danny, Beatrice : Glenn Cabott, Russell Drent] Dehors, Nicholas et Warren ont entendu les coups de feu, et se sont précipités à l’intérieur – mais Cabott rend son dernier souffle au moment où ils retrouvent Danny et Beatrice. Danny ramasse les preuves – il aurait aimé davantage de discrétion... Mais s’ils veulent jouer la carte de la légitime défense, il leur faut de toute façon revoir Drent. Toutefois, il sait très bien que c’est un coup à ce que tout le bureau du shérif les traque pour les éliminer ! Danny demande à Nicholas de lui balancer une pêche, pour rendre la légitime défense plus crédible… et le faux prêtre y va un peu fort ! Le bagarreur s’en souviendra…

IV : DES VISITEURS

 

[IV-1 : Danny, Nicholas : Shane Aterton, « La Tempête Rouge »] Mais une surprise attend les PJ quand ils sortent de la maison de Shane Aterton : juste devant l’entrée se tient… un homme ? Aux traits horriblement cadavériques, très fins, trop à vrai dire… D’une carrure très maigre, l’homme est revêtu d’une sorte de long imperméable noir (d’une certaine élégance, étrangement), et porte vissé sur le crâne un chapeau orné d’une plume. Il les observe sans un mot – sensation étrange… car ils ont la conviction que ces yeux qui les fixent sont morts ! Danny s’approche – en dépit des avertissements de Nicholas, qui, affolé, dégaine un pistolet qu’il braque sur l’inconnu… Danny parle de la fusillade, avançant qu’il n’y a plus rien à craindre – il est adjoint du shérif, et… L’étranger avance lentement pour pénétrer dans la maison, il ne tient pas compte des protestations de Danny – et son aura inquiétante, si son comportement n’est pas ouvertement menaçant, suffit à nouer les tripes du bagarreur et à inciter Nicholas à s’écarter de son chemin… tandis que le faux prêtre songe à cette « Tempête Rouge » qui est sa Némésis. Le bagarreur, en même temps, conscient de sa sensation de peur, réagit paradoxalement : il aurait bien trop honte d’admettre être terrifié – une poussée d’adrénaline l’incite à ne pas se laisser faire ! Nicholas hurle que c’est « un mort qui marche »… et il retient Danny. Le visiteur ne leur accorde pas la moindre attention, et pénètre à l’intérieur.

 

[IV-2 : Nicholas, Danny : Glenn Cabott, « La Tempête Rouge »] Là, le mystérieux personnage contemple un instant le cadavre de Glenn Cabott, qu’il retourne enfin, d’un seul bras – témoignage éloquent de ce que sa force est surhumaine, et en tout cas bien plus remarquable que ce que son apparence pourrait laisser croire. Il s’agenouille – et ouvre la bouche, qui s’écarte de manière monstrueuse ! C’est comme s’il aspirait quelque chose… Puis il se redresse. Nicholas retient toujours Danny, cherchant à le raisonner : il ne peut rien faire contre pareille créature ! Mais le mort se retourne vers eux – et... leur parle, d’une voix insupportablement caverneuse : « Ce n’est qu’un mort de plus, dans la tempête… N’agissez pas stupidement. Vous pouvez être utiles, ici. » Nicholas enrage – il est persuadé qu’il s’agit de la « Tempête Rouge »… Il a dit le mot « tempête », après tout !

 

[IV-3 : Danny, Nicholas, Beatrice, Warren : Glenn Cabott] Le mort a dit ce qu’il avait à dire. Il sort de la maison, sans que personne ose se mettre sur son passage, et prend la direction du sud, comme pour sortir de la ville. Danny et Nicholas le suivent – mais en restant à quelque distance. L’inconnu poursuit son chemin d’un pas lent. Beatrice était restée en retrait, elle ne sait pas comment réagir – et Warren ? Pas davantage, même s'il est intrigué... Les rues sont désertes, il n’y a personne aux fenêtres : ils sont seuls avec le mort. Celui-ci franchit les limites de la ville et continue son chemin – il passe à bonne distance de la gare, qui se trouve sur sa droite. Puis, au bout de 200 m environ, il s’arrête subitement – et ceux qui le suivent font de même. Mais, d’un seul coup, il disparaît en s’enfonçant dans la boue ! Plus une trace de lui – même quand Nicholas va jeter un œil à l’endroit où le mort s’est enfoncé dans le sol meuble… qui ne présente absolument rien de spécial. Beatrice a toutefois sa petite idée de ce qu’il a fait avec le cadavre de Cabott – de toute évidence, il a ôté la puce qui lui avait été greffée par les sbires des barons du rail

 

[IV-4 : Nicholas, Danny, Beatrice : Russell Drent] Mais Nicholas remarque quelque chose : il a entendu – et les autres aussi, maintenant qu’il le mentionne – sonner la cloche de l’église. Est-ce qu’il s’y passerait quelque chose ? Il compte s’y rendre aussitôt. Mais Danny et Beatrice ont autre chose en tête : il faut confronter Russell Drent

 

 

[IV-5 : Nicholas : Denis O’Hara ; Danny] Nicholas ne les a pas attendus : il a pris seul la direction de l’église. Sur place, il constate le même tableau entrevu quelques heures plus tôt par Danny – dont le fait troublant que le clocher a entièrement brûlé… Pourtant, la cloche a sonné ! Nicholas est très méfiant… Il s’approche de l’église – où il y a foule : peut-être dans les 200 personnes, maintenant, qui prient avec ferveur tandis que le père Denis O’Hara leur adresse un sermon qui n’a absolument plus rien à voir avec ce que les PJ avaient pu associer au personnage, débonnaire et ouvert – c’est un prêche virulent, chargé de menaces d’une éternité en enfer pour les pécheurs incapables de se repentir ! La foule réagit avec passion – sanglots et cris ponctuent le terrifiant sermon, des fidèles se roulent par terre… Et les yeux du prêtre brillent d’une folie inquiétante. Nicholas s’esquive, perturbé – il va tâcher de retrouver les autres…

 

[IV-6 : Danny, Beatrice, Warren : Russell Drent ; Glenn Cabott, Shane Aterton, Cordell] Danny, Beatrice et Warren, quant à eux, ont pris la direction du bureau du shérif – ils ont emporté les preuves, mais laissé le cadavre de Glenn Cabott chez Shane Aterton. Le savant fou, plus stoïque que les autres, remarque aussitôt que « quelque chose ne va pas ». Il y a un attroupement devant le bureau du shérif – et dix adjoints montent la garde devant, armés de Winchesters. Mais les adjoints comme les civils ne prêtent aucune attention aux PJ : ils ont tous les yeux fixés ailleurs… sur un étrange individu qui progresse très lentement dans la grande rue défoncée par les coulées de boue, en direction du bureau de Drent. C’est un homme noir, de toute évidence – mais ses vêtements sont en lambeaux, et il porte une cagoule noire qui lui dissimule intégralement le visage. Et Danny a bien vite la conviction que c’est à nouveau « un mort qui marche » ! Ses cicatrices deviennent visibles, et son mouvement est inhumain, empreint d’une rigidité effrayante… En fait, à l’observer avec plus d’attention, il comprend qu’il s’agit de l’ancien esclave abattu froidement par Aterton lors du raid sur la communauté de Cordell… Tout doute disparaît alors que l’homme s’arrête enfin devant le bureau du shérif, et ôte sa cagoule : il a le front explosé par un impact de balle quasiment à bout portant – c’est bien la victime de l’adjoint sadique… Danny s’écarte – et emmène Warren fasciné en arrière. Le mort effraye les adjoints, mais ils n’osent pas tirer, si certains le braquent de leurs carabines. Drent sort nonchalamment du bureau – et c’est alors que l’ancien esclave prend la parole, d’une voix grave au possible : « Les morts reviendront de l’enfer tourmenter les vivants. Les morts reviendront dévorer le cœur des coupables. Vous êtes tous coupables. Et vous allez tous payer. » À peine a-t-il fini de dire ces mots que Russell Drent, après avoir haussé les épaules, dégaine son pistolet et loge aussitôt une balle dans ce qui restait du crâne du mort – lequel s’effondre en arrière. Après quoi le shérif retourne à l’intérieur – les adjoints et la foule des badauds, stupéfaits, ne savent absolument pas comment réagir… Danny maugrée que c’est ce qui arrive, quand on fait porter le chapeau à des innocents des crimes qu’on a soi-même commis… Et il pénètre dans le bureau à son tour ; ses collègues hésitent d’abord à le laisser passer, ainsi que Beatrice et Warren, mais la voix de Drent se fait entendre : « Laissez-les entrer. »

 

V : MORTS OU VIFS

 

[V-1 : Danny : Russell Drent ; Glenn Cabott, Shane Aterton] À l’intérieur, Drent s’est assis à son bureau. Danny pose brutalement le sac de pièces à conviction dessus. Où est Cabott ? Ces preuves ne lui ont pas plu, il a essayé de l’éliminer… Il devait être de mèche avec Aterton, puisque c’est là-bas qu’ils ont trouvé toutes les preuves ? Le bagarreur et Beatrice, qui scrutent les réactions de leur supérieur, réalisent… qu’il a peur. Il essaie, à son habitude, de maintenir une façade stoïque et froide, mais ce qui vient de se passer dans la grande rue l’a affecté bien plus qu’il ne le prétend… Aterton ? Cabott ? À ce stade, il n’en a plus rien à foutre…

 

[V-2 : Warren, Danny, Beatrice : Russell Drent ; Shane Aterton, Glenn Cabott] Mais Warren intervient, avec sa naïveté habituelle : Aterton, Cabott, le mort-vivant… Ils ont leurs trois coupables, non ? Les autres sont éberlués, ils ne comprennent pas ce que veut dire le savant fou : « Eh bien, le mort, dehors, il avait cette cagoule noire, c’est que ça doit être leur complice, non ? » Drent comprend ce que « Mr Woodington » avance – et rebondit là-dessus, mais dans un discours semi incohérent, et visiblement paniqué : « Oui, voilà, c’est ça ! Il a raison… Le troisième coupable était cet homme… Et… c’est bien un homme de… de la communauté des anciens esclaves, donc nous… nous avons bien fait, et… Oui, c’était bien là-bas que se trouvait le coupable, et… » Danny cherche à l’interrompre, mais n’y parvient pas ; Warren, par contre, surenchérit : si Shane Aterton a abattu cet homme, c’est parce que c’était son complice, il voulait effacer les traces, sans doute… Le shérif abonde, avec comme une forme de reconnaissance soulagée : « Exactement ! Voilà… Oui, c’est bien ce qui… C’est bien comme ça que les choses se sont passées… » Beatrice ne mange pas de ce pain-là : les anciens esclaves avaient été prévenus du raid, pourquoi auraient-ils gardé l’argent aussi en évidence ? Cette fois, c’est Danny qui rebondit : c’est que c’est Cabott qui l’avait apporté n’est-ce pas ? Drent acquiesce sans vraiment peser la part d’insinuation dans l’interruption de Danny – qui avance aussi que son « bon travail » mériterait bien une promotion… Le shérif se ressert un troisième verre – il boit beaucoup, en ce moment… Drent fait glisser la bouteille dans la direction de Danny : « Trinquons ensemble ! Oui… À… à l’avenir de Crimson Bay… Maintenant que les mauvais éléments… ont été éliminés… » Warren se demande quand même à haute voix avec quoi le shérif a pactisé…

 

[V-3 : Beatrice, Warren, Danny : Russell Drent] Mais le shérif ne faisait plus attention à lui – depuis quelques minutes, il semble fixer avec une attention soutenue, et inquiète, les affiches des personnes recherchées, collées contre le mur de son bureau. Il est maintenant totalement figé. Par réflexe, Beatrice, Warren et Danny regardent dans la même direction… Danny ne remarque rien de particulier, mais il n’en va pas de même pour ses camarades : tous deux voient leurs propres visages sur les affiches – avec en dessous la mention « MORT OU VIF »… à ceci près que « OU VIF » est barré d’un trait de peinture rouge ! Mais cela va au-delà : tandis que Warren s’approche de l’affiche le représentant (avec comme chef d’accusation principale « CHARLATAN »), car il se demande si la peinture est fraîche et veut la toucher du doigt, son portrait se met à s’animer sous ses yeux : une cicatrice apparaît sur son front, et c’est comme si une main invisible, après cela, ôtait le sommet du crâne, pour faire apparaître le cerveau du savant fou ; confronté à cette représentation incongrue de son pire cauchemar (les opérations de trépanation ou lobotomie sur sa propre personne), Warren ressent une violente douleur dans son torse – il est passé à deux doigts de l’attaque cardiaque ! Et il lui faut se poser sur une chaise et reprendre son souffle – dans la crainte que cela ne soit pas suffisant et que le cœur lâche…

 

[V-4 : Beatrice, Warren, Danny : Russell Drent] Quant à Beatrice, elle voit quelque chose du même ordre la concernant – avec toute une litanie d’infractions, mais « PROSTITUTION », se dégage de la liste. Elle encaisse cependant bien mieux le choc que Warren, et se tourne aussitôt vers le shérif, en le menaçant de son arme : qu’est-ce qu’il a fait ? Qu’est-il en train de se passer ? Mais Drent ne fait pas vraiment attention à elle : les yeux vissés sur les affiches, il est pris d’un fou rire : « Ah ah ah ! Non… Non, non… ça ne va pas se passer comme ça ! Ah ! Non, je ne serai… Je ne serai pas pendu… Non, pas pendu, ah, jamais, ça n’arrivera pas ! Je ne finirai pas pendu ! Ah ah ! C’est depuis que vous êtes arrivés en ville… Vous avez foutu la merde dans ma ville… Mais, moi, pendu ? Ah ! Non, jamais, je ne serai pas pendu, vous voulez me faire… me faire peur, mais, non ! Non, vous n’arriverez à rien, et je ne serai pas pendu… pas pendu… » Le shérif reprend la bouteille qu’il avait tendue à Danny et boit au goulot.

 

[V-5 : Danny, Beatrice : Russell Drent] Danny, qui ne comprend pas bien ce qui se passe – pour lui les affiches sont parfaitement normales –, va, à la suggestion de Beatrice, chercher des adjoints dehors pour qu’ils s’occupent de Drent, qui succombe visiblement à une sorte de crise de folie furieuse. Danny prend en main les opérations – il faut garder le shérif sous surveillance, dans un endroit plus approprié. Beatrice avance que Danny pourrait tout aussi bien récupérer son étoile de shérif… Les adjoints n’y prêtent pas attention, mais s’occupent de leur chef. Beatrice les suit, histoire de voir comment ils s’y prennent.

 

VI : PASSER PAR LA MORGUE

 

[VI-1 : Danny, Warren : Richard Lightgow] Quand la situation se calme, Danny ressort – il y a toujours des badauds, figés dans une sorte de transe… à ceci près que certains semblent faire des préparatifs pour quitter la ville, chargeant des bagages dans des charrettes, qui ne sont clairement pas en mesure d’aller bien loin, au vu de l’état de la ville et des routes depuis les coulées de boue… Le cadavre de l’ancien esclave est toujours étendu au milieu de la rue ; Danny s’empare d’une bâche pour le recouvrir, et fait en sorte qu’on le transporte à la morgue. À l’intérieur, Warren reprend son souffle ; il manipule Roselyne, et se concentrer ainsi lui permet de se calmer – la douleur dans sa poitrine cesse peu à peu ; mais il sait que ça n’est pas passé loin. Toutefois, s’il faut amener le cadavre à la clinique du Dr Lightgow, eh bien, c’est dans ses cordes : Roselyne est tout indiquée pour cela – et il aurait bien besoin de discuter un peu avec son ami…

 

[VI-2 : Warren : Jon Brims ; Richard Lightgow] Warren ne passe pas exactement inaperçu… Mais il parvient sans peine à la clinique, et va voir Jon Brims dans son atelier. Le croque-mort est un peu surpris par ce spectacle – et Warren ajoute : « C’est un nouveau client, qui vient du bureau du shérif ! Mais il est un peu particulier – c’est la deuxième fois qu’il meurt… Vous avez déjà vu ça ? » Brims est sceptique – mais n’insiste pas, quand il constate qu’il y a deux impacts de balles mortels au front du cadavre. Il manipule un trousseau de clefs, qui lui permet d’ouvrir la porte de la morgue – laquelle relie la clinique du Dr Lightgow à sa propre entreprise de pompes funèbres. Warren persiste : « Ça vous est déjà arrivé ? Vous avez déjà vu ça ? » Le croque-morts lâche, dans un soupir, que... oui, ça a pu lui arriver – dans une autre vie. Mais il ne s’étend pas là-dessus : il lâche aussitôt qu’il a entendu du bruit dans la clinique, le Dr Lightgow est sans doute revenu. Lui, il va s’occuper du cadavre.

 

[VI-3 : Warren : Richard Lightgow, Lilly Brown ; Jon Brims] Le savant fou obéit à l’ordre indirect de Jon Brims et le laisse à son travail ; il passe dans la clinique, où le Dr Lightgow est effectivement revenu, et a beaucoup de travail – son infirmière Ms Lilly Brown est visiblement épuisée, mais elle doit encore l’assister. Cependant, Warren remarque que le docteur est visiblement en train de planer… Il n’a aucune idée de la cause, mais le constat demeure : il est défoncé. Warren n’ose pas le déranger dans ces conditions… Il rejoint les autres.

VII : MEURTRE IMPOSTURE HÉRÉSIE

 

[VII-1 : Rafaela, Nicholas, Danny] Rafie ne peut rien faire de plus pour aujourd’hui à la blanchisserie – elle aussi rejoint les autres, en même temps que Nicholas revient de l’église : la moitié de la ville est folle, à l’en croire… À peine a-t-il prononcé ces mots que la cloche sonne – Danny comprend, comme Nicholas avant lui, que ça n’est tout simplement pas possible, le clocher a été détruit ! Mais le son se fait entendre, et vient indubitablement de l’église… La pluie redevient plus forte – Danny dit aux adjoints qui font le pied de grue devant le bureau de rentrer se mettre à l’abri…

 

[VII-2 : Warren, Danny, Beatrice : Russell Drent] Warren revient à son tour. Maintenant qu’il a pleinement récupéré, il entend parler de ce qu’il a vu sur l’affiche. Il ne comprend pas ! Pourquoi est-il recherché ? Lui, un charlatan ? Danny ne voit absolument pas de quoi parle le savant fou… Lequel pointe les affiches : ça se voit, pourtant ! Mais Beatrice, peut-être parce qu’elle est une huckster, comprend un peu mieux ce qui s’est passé : de manière générale, ces affiches n’ont rien de spécial – chacun n’a vu que l’affiche qui lui était proprement destinée : Warren, elle-même, le shérif Drent… Tout ça ne saurait être expliqué par la science ; cela relève de la magie…

 

[VII-3 : Danny, Nicholas, Warren] Danny et Nicholas regardent les affiches, après ces explications : pour le coup, Danny ne voit toujours rien de spécial… mais Nicholas voit bien une affiche à son nom : les chefs d’accusation sont variés, « MEURTRE », « IMPOSTURE », « HÉRÉSIE », etc. Mais des taches rouges se mettent à apparaître un peu partout sur l’affiche, de plus en plus nombreuses, au point où c’est comme si son portrait se noyait dans le sang en hurlant… mais c’est bientôt le vrai Nicholas qui se met à hurler ! Pris d’une crise de panique, il sort précipitamment du bureau du shérif, et court dans la grande rue impraticable, chutant sans cesse dans la boue… Il prend sans y penser la direction du Washington. Warren se lance à ses trousses…

 

[VII-4 : Nicholas : Mrs Jansen] Au bout de 200 m d’une course acharnée, Nicholas commence à reprendre ses esprits – mais la terreur demeure. Il a besoin de calme, et de prière ! Il retourne au Washington, où Mrs Jansen est toujours à tricoter derrière le comptoir, et monte sans un mot dans sa chambre. Là, il s’agenouille devant sa croix, Christina, et se met à prier…

 

VIII : ÊTRE À LA HAUTEUR ?

 

[VIII-1 : Danny, Beatrice : Shane Aterton] Au bureau du shérif, Danny et Beatrice discutent de leurs options. La huckster n’a pas forcément envie de venir en aide à une ville où tout le monde pète un câble… Danny n’est pas d’accord. Mais une menace surnaturelle pèse-t-elle sur eux ? Le truc des affiches semble aller dans ce sens… mais le comportement du mort chez Shane Aterton les laisse perplexes : il n’était pas à proprement parler hostile… Il semblait dire qu’ils avaient une utilité, ici ? Beatrice suppose que, tant qu’ils sont utiles, on ne s’en prendra pas vraiment à eux…

 

[VIII-2 : Danny, Beatrice, Russell Drent] Mais Danny aimerait en savoir plus sur ce que le shérif Russell Drent a vu quand il a regardé les affiches… Il se rend dans la petite pièce où plusieurs adjoints gardent le shérif, toujours pris d’une crise de fou rire. On lui a ôté sa bouteille (et ses armes, bien sûr), mais il ne tient pas en place – riant sans cesse, il se débat, et trois adjoints ne sont pas de trop pour le maintenir assis sur une chaise. Beatrice lui intime de reprendre ses esprits, sans succès. Elle n’obtient que de nouveaux : « Non, non, je ne finirai pas pendu ! Ah ah ! » Beatrice dit aux adjoints de faire une pause – Danny et lui vont s’occuper du shérif, ça va aller… Mais deux des adjoints refusent de sortir ; ils sont effrayés, mais aussi loyaux, et méfiants. Beatrice aurait aimé qu’ils dégagent – mais tant pis : elle use de son Pouvoir de Pressentiment sur Drent lui-même. Il est tellement obsédé par l’affiche que c’est tout ce que peut voir ainsi la huckster : c’est le même type d’affiche qu’ils ont vues, et celle-ci représente sans l’ombre d’un doute Russell Drent, avec toute une litanie de chefs d’accusation : « MEURTRE », « CORRUPTION », « CAMBRIOLAGE »… La liste est infinie : tous les crimes y passent. Mais, surtout, le portrait de Drent s’anime : une corde apparaît autour de son cou, et le visage oscille dans un mouvement de balancier, très lent – les yeux sont morts, et un étrange et inquiétant sourire défigure la face de Drent. Mais, à force de regarder ainsi… l’image change à nouveau – et c’est à nouveau elle-même que Beatrice voit, même si le Pressentiment a été appliqué à Drent ! Et la liste de ses crimes a changé : n’apparaît plus maintenant que « PROSTITUTION » sans cesse répété, « PROSTITUTION », « PROSTITUTION », « PROSTITUTION », une centaine, un millier de fois… La huckster encaisse à nouveau, mais ça commence à faire beaucoup ! Elle sort de la pièce – en demandant aux adjoints d’administrer au shérif de quoi le faire dormir ; l’un d’entre eux dépêche une jeune recrue : « Va au Blue Lotus, et ramène un truc pour le calmer… »

 

IX : CUISINE FAMILIALE

 

[IX-1 : Nicholas, Beatrice, Danny : Mrs Jansen, Mr Jansen] Tous décident alors de se retrouver au Washington – où Nicholas se trouve déjà, qui a récupéré de sa frayeur. Le même spectacle attend tous les PJ : Mrs Jansen, imperturbable, qui tricote derrière son comptoir. Mais ils remarquent autre chose : il y a une odeur qui plane, dans le restaurant – une odeur de pourriture… Beatrice interpelle Mrs Jansen : elle ne sent pas… quelque chose ? Mais à peine a-t-elle posé cette question qu’apparaît dans son dos Mr Jansen, qui arrive dans la salle depuis l’extérieur : « Toute cette humidité ! Mais nous avons aéré les chambres, ça ne devrait pas poser de problème… » Il panique visiblement, et les incite fortement (et maladroitement) à se retirer dans leurs chambres… Beatrice s’en rend bien compte, mais impossible d’obtenir une explication valable de l’hôtelier : « Toutes ces choses, en ville, il y a bien de quoi affecter un honnête homme… » Beatrice lui rappelle que Danny et elle sont des adjoints du shérif : si jamais il craint quelque chose… Mais non, rien ! Par contre, dîner dans la salle de restaurant… Il va plutôt leur apporter une petite collation dans leurs chambres – qu’ils s’y rendent, ça ne tardera pas ! Le temps de se mettre aux fourneaux… Beatrice y renâcle, mais le bonhomme, affolé, est intraitable – et obtient l’appui de Danny, qui a faim. Très bien !

 

[IX-2 : Nicholas, Danny, Beatrice : Mr Jansen ; Shane Aterton, père Davis] Les PJ se rassemblent dans une chambre. Tout cela est bien louche : cette odeur… et depuis quand est-ce Mr Jansen qui fait la cuisine et le service ? Pour l’heure, ils ont plusieurs informations à partager – et Nicholas est visiblement très affecté par le spectacle de ce mort-vivant qu’ils ont croisé chez Shane Aterton… Les autres l’invitent à s’expliquer. Le faux prêtre prend sa respiration, et s’exécute. Il avait dans les quatorze ans… Il vivait dans un petit orphelinat, dirigé par le père Davis. Nicholas était un garnement – mais plutôt gentil, au fond. Un soir, il s’était fait la belle – ça lui arrivait régulièrement, et il revenait toujours. Mais cette fois, quand il est revenu, l’orphelinat était dévasté, comme par le passage d’une tempête. Pire : tous ses camarades, dix-sept enfants, étaient morts – leurs cadavres déchiquetés et répandus çà et là… Et la tempête recommençait – une tempête rouge, qui menaçait ouvertement le petit Nicholas ! Mais c’est alors que le père Davis s’est jeté en travers pour pousser l’orphelin hors de la trajectoire du phénomène… Le corps du père s’est élevé dans les airs – et la tempête lui a comme arraché la peau, centimètre carré par centimètre carré… Une torture infinie, sous les yeux de Nicholas : réduit à l’état d’écorché, le père Davis a cependant trouvé la force de s’adresser une dernière fois à son pupille : « Chacun porte sa croix. Ne t’en veux pas. » Et il a rendu son dernier soupir. Jetant un œil à l’intérieur de la tempête, Nicholas a distingué la silhouette d’un homme – qui lui tournait le dos et s’en allait… et la tempête a disparu. Nicholas est convaincu que cet homme et le mort-vivant croisé chez Aterton sont la même créature – surgie de son passé. « Danny, quand je te dis que tu ne peux rien faire contre lui, tu ne peux rien faire contre lui ! Mais moi je l’aurai – je me vengerai... Dix-sept enfants et le père Davis… Il va payer ! Et je comprendrai enfin pourquoi il a fait ça ! Quitte à y laisser la vie – mais je serai le dernier à périr par sa faute. » Beatrice est sceptique : comment peut-il être sûr qu’il s’agit bien de la même créature ? Nicholas n’a que le mot de « tempête » à la bouche… « Il va y avoir des morts dans cette ville. » Mais lui sait ce qu’il a à faire.

 

[IX-3 : Beatrice : Mr Jansen ; Mrs Jansen] On toque à la porte : c’est Mr Jansen qui leur apporte leurs repas. C’est de toute évidence lui, et non son épouse, qui a fait la cuisine. Beatrice demande si Mrs Jansen est souffrante – oh, juste un peu affectée par les derniers événements, ce sont des choses qui lui arrivent… « J’espère que cela vous conviendra quand même ? » Oui, oui… Il s’en va sans plus attendre.

 

[IX-4 : Rafaela, Nicholas : Shane Aterton] Rafaela réfléchit à la description qu’on lui a faite du mort-vivant, et au récit de Nicholas. Elle a une certaine expérience des choses étranges… et la Vierge de Guadalupe, en quelques occasions, l’a amenée à prendre en compte l’existence de ces étranges créatures que l’on appelle les Déterrés. Pour elle, il ne fait aucun doute que c’est cela qu’ils ont vu chez Shane Aterton. Elle n’en sait pas beaucoup plus – quelques choses, cependant : un Déterré n’est pas un vulgaire mort-vivant, c’est un être pensant, et fort de son individualité ; mais justement : il y a plusieurs Déterrés, rien ne garantit que ce soit le même que celui de l’histoire de Nicholas… Au moins sont-ils d’accord pour les envisager comme de redoutables et démoniaques créatures, vomies sur Terre depuis l’enfer.

 

[IX-5 : Beatrice : Mr Jansen, Mrs Jansen] Beatrice a cependant des préoccupations plus immédiates : le comportement des Jansen est tout de même très suspect… Elle descend l’escalier – seule, en utilisant son Pouvoir d’Augmentation de Trait pour améliorer sa Discrétion. Elle avance, et distingue les paroles de Mr Jansen : « Oh, ma chérie, ma chérie ! Ce n’est vraiment pas le moment… » Il a l’air assez affolé. « Tu sais combien je regrette tout ça… Je t’en prie, fais un petit effort, les choses vont se tasser, tout va bien se passer… Le shérif va reprendre les choses en main, Crimson Bay redeviendra comme avant… Ah ! Ici, il y a un petit… Un instant, je vais réparer ça. » Beatrice descend quelques marches de plus, elle voit maintenant la scène :Mrs Jansen est assise sur une chaise, immobile ; Mr Jansen, devant elle, s’active, passant des cotons sur le visage de son épouse – une sorte de maquillage. Beatrice remonte discrètement à l’étage : elle est maintenant convaincue que Mrs Jansen est morte – mais depuis pas mal de temps, si ça se trouve !

 

[IX-6 : Rafaela, Nicholas, Beatrice, Danny : Mrs Jansen ; Mr Jansen] La nouvelle laisse les autres perplexes… Rafie ne pense pas qu’elle soit une Déterrée, mais… Soudain un cri se fait entendre ! Un cri d’homme, celui de Mr Jansen… La discrétion n’est plus de mise : les PJ dévalent tous l’escalier – et tombent sur une scène horrible : Mr Jansen est allongé sur le dos, mort, et Mrs Jansen se repaît de ses entrailles ! Des lambeaux de peau se sont détachés de son visage, elle saigne de multiples endroits, mais ça ne l’interrompt en rien dans son festin cannibale. Nicholas et Beatrice, par réflexe, dégainent. Mais Mrs Jansen réagit avant eux : le sang et les entrailles de son époux dégoulinent de son visage, mais elle affiche en même temps comme un sourire extatique – et se précipite sur Danny ! Nicholas a ses deux pistolets fétiches, le Père et le Fils, en mains, et vise la tête – mais rate son coup ; il récite une prière d’exorcisme en même temps… Rafaela use d’un Miracle d’Aveuglement sur Mrs Jansen – sans être bien certaine que cela soit très efficace sur une morte-vivante. Danny, lui, a recours à son gourdin, et atteint Mrs Jansen, sans lui faire trop de dégâts. Mais Beatrice vide son chargeur – et abat l’hôtelière d’une ultime balle en pleine tête ; elle s’effondre en souriant sur le cadavre éviscéré de son époux… Et Rafaela sort son rasoir – pour que ces monstres ne reviennent pas, à ce qu’on lui a dit, il faut leur couper la tête…

 

À suivre…

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CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (07)

Publié le par Nébal

CR Deadlands Reloaded : The Great Northwest (07)

Septième séance de « The Great Northwest » pour Deadlands Reloaded. Vous trouverez la première séance , et la séance précédente ici. L'enregistrement de la séance est disponible .

 

À ce stade, presque tout provient encore de la campagne Stone Cold Dead, mais je commence à y mettre quelques éléments de « The Winter War » et de Coffin Rock également, qui vont progressivement gagner en importance.

 

Tous les joueurs étaient présents, qui incarnaient Beatrice « Tricksy » Myers, la huckster ; Danny « La Chope », le bagarreur ; Nicholas D. Wolfhound alias « Trinité », le faux prêtre mais vrai pistolero ; Rafaela Venegas de la Tore, ou « Rafie », l’élue (mais sa joueuse a dû partir un peu avant la fin de la séance) ; et enfin Warren D. Woodington, dit « Doc Ock », le savant fou.

Vous trouverez ci-dessous l'enregistrement de la séance.

I : BRÛLE

 

[I-1 : Warren, Nicholas, Danny, Beatrice : Russell Drent ; Cordell, Shane Aterton] Warren et Nicholas, depuis Crimson Bay, ont perçu les coups de feu en provenance de la communauté des anciens esclaves, et, inquiets, y retournent – Danny et Beatrice sont toujours sur place. Warren et Nicholas ne peuvent cependant arriver qu’une fois que l’affaire est jouée : le hameau brûle – un ordre du shérif Russell Drent qu’il a été aisé d’exécuter. Les anciens esclaves, que leur chef Cordell, dépité, a dissuadé de riposter, ont quitté les lieux sans que les adjoints du shérif ne se préoccupent de les en empêcher – ils se sont contentés de rassembler les sacs contenant le pactole du tournoi sur la petite place au milieu de la communauté. Drent contemple les flammes sans un mot – il refuse de partir tant que le hameau n’est pas réduit en cendres. Danny, dès lors persuadé de ce que tout cela était un coup monté dès le départ, sait qu’il l’a vu « disposer » du corps inconscient de Shane Aterton, mais le shérif ne lui a pas fait la moindre remarque à ce sujet.

 

[I-2 : Danny : Russell Drent ; Shane Aterton, Gamblin’ Joe Wallace] Danny s’approche cependant de Drent – et ne mâche pas ses mots. Justice est faite ? En brûlant tout un village sans s'embarrasser de trier les coupables, et alors même que l’argent volé a été retrouvé ? Drent reste stoïque – et signale qu’il a vu Danny s’occuper de Shane Aterton : il n’a pas de leçons à lui donner. Le shérif n’a aucune envie de débattre – mais que son adjoint vertueux note ceci : des voleurs, dans tout autre ville, on les aurait pendus ; lui s’est contenté de leur dire d’aller voir ailleurs – ça n’est pas si « disproportionné ». Il y a eu un mort, mais, comme Danny est bien placé pour le savoir, le coupable a été puni : justice a été faite, oui. Danny laisse entendre qu’il a bien compris qu’il s’agissait d’un coup monté – et suspecte que le shérif a agi motivé par son racisme ; il en parlera à Wallace ! Mais Drent s’en moque : « Faites. » Danny rejoint ses amis, et retourne en ville avec eux.

 

[I-3 : Beatrice, Warren, Nicholas, Danny : Russell Drent] Beatrice, qui a accueilli Warren et Nicholas, discute avec eux de ce qui s’est passé. Tous sont également convaincus qu’il s’agissait d’un coup monté, que l’argent n’avait jamais disparu… et que Drent est pourri jusqu’à l’os ; Warren, un peu naïf, ne comprend pas forcément tout le tableau, mais ses camarades l’éclairent à ce propos. Ils rentrent à Crimson Bay avec Danny.

 

II : RÉVÉLATION TARDIVE

 

[II-1 : Rafaela : Gamblin’ Joe Wallace ; Russell Drent, Mike Paltron] Mais Rafaela était restée en ville – elle ne sait pas ce qui s’est passé exactement à la communauté des anciens esclaves, mais qu’importe, elle voulait déjà parler de tout cela avec Gamblin’ Joe Wallace. Le maire de Crimson Bay se trouve toujours au Gold Digger, qui reprend peu à peu une activité normale – Wallace a toutefois déserté la grande salle pour s’installer dans son bureau à l’étage. Rafie toque à la porte – à plusieurs reprises avant que le maire ne réagisse, il est visiblement saoul et au bout du rouleau ; son bureau est jonché de bouteilles vides. Rafie explique qu’elle a rendu son étoile à Drent, et pourquoi ; mais elle ajoute sans l'ombre d'une hésitation qu’elle s’est aussitôt rendue à la communauté des anciens esclaves pour les prévenir de l’arrivée imminente du shérif (elle ne mentionne pas ses camarades qui l’avaient accompagnée)… La parole du seul « témoin », Mike Paltron, n’était pas fiable – et le shérif et ses adjoints étant plutôt nerveux, elle a fait en sorte que les femmes et les enfants, au moins, ne soient pas sur place quand ils parviendraient à la communauté des anciens esclaves. Le racisme de Drent est pour elle une certitude – et elle confie à Wallace que, ce que le shérif a fait pour les anciens esclaves, il pourrait le faire également pour Chinatown, ce qui concernerait bien plus immédiatement Crimson Bay et les intérêts de Wallace dans la région.

 

[II-2 : Rafaela : Gamblin’ Joe Wallace ; Russell Drent] Le maire dodeline de la tête… Rafie a bien fait ; c’est une décision qu’il aurait peut-être dû prendre lui-même… Mais elle comprend qu’il était pieds et poings liés par le shérif ; simplement, elle insiste sur le fait que la violence n’est pas toujours la solution ! Mais Wallace est ivre, et sombre. Pour lui, cette affaire a fait office de révélation : pendant des années, il avait cru que Crimson Bay était sa ville ; maintenant, il a compris que c’était celle de Russell Drent. Tout ce temps. Rafie l’incite à reprendre les choses en mains, mais le maire n’y croit visiblement plus. Il ouvre une nouvelle bouteille de whisky – Rafie lui dit qu’il ne trouvera pas la solution dans la boisson, mais il n’en tient pas compte, et boit au goulot.

 

III : BLANCHIR

 

[III-1 : Danny, Beatrice, Warren, Nicholas : Mr Fong, Mr Shou] Danny, Beatrice, Warren et Nicholas, de retour, passent par Chinatown. Danny, aiguillé par Warren, souhaite parler à Mr Fong, le patron de la blanchisserie, et semble-t-il de Chinatown de manière générale (Danny songeait d’abord à Mr Shou, le patron du White Tiger – mais ce sinistre individu répugne à tous). Le savant fou guide les autres vers la blanchisserie ; il y était déjà venu, le garde le reconnaît, et, après un bref temps d’hésitation, il les laisse entrer dans l’usine à proprement parler – le bureau de Mr Fong est à la mezzanine, ce qui permet de surveiller toute l’usine.

 

[III-2 : Danny : Mr Fong ; Russell Drent] Mr Fong est bien dans son bureau. Il accueille les PJ, un peu perplexe – ils l’interrompent dans son travail, mais il n’a rien à refuser aux adjoints du shérif Russell Drent. Mais justement ! Danny lui résume la situation – et lâche sans plus de précautions qu’ils sont convaincus que tout cela était un coup monté, et ce dès la découverte du cadavre derrière le White Tiger, ce qui implique directement Chinatown : il s’agissait de tout mettre sur le dos des Chinois – Drent est foncièrement raciste, il s’en prendra à Mr Fong et aux siens dès que possible ! Fong relève que Danny lui dénonce ses collègues et supérieurs – le shérif n’appréciera pas… Mais, surtout, le patron de la blanchisserie assure Danny qu’il se trompe : Chinatown n’a rien à craindre de Russell Drent. Il n’en dit pas plus… Mais Fong avance à demi-mots qu’il croit deviner que Danny, à l’entendre, envisage de remplacer l’actuel shérif ? Un peu gêné, le bagarreur dit que ça n’est pas (pour l’heure ?) dans ses intentions, mais qu’il compte bien déloger Drent au plus tôt, oui. En homme d’affaires, Mr Fong ne peut pas se permettre de critiquer l’ambition – mais il recommande à l’adjoint zélé de se montrer plus prudent à l’avenir ; il le remercie de ses confidences – mais elles pourraient lui attirer des ennuis, ailleurs dans Crimson BayFong n’est pas un joueur, par ailleurs : s’il doit parier sur un cheval, à terme, ce sera sur celui dont il sait qu’il l’emportera…

 

[III-3 : Warren, Danny : Mr Fong ; Mr Shou] Mais Warren intervient, naïvement, devant Fong : il y avait cette affaire avec Mr Shou… Doivent-ils encore enquêter, alors ? Le patron du White Tiger semblait croire que quelqu’un voulait le piéger… Mr Fong a un vague sourire : « Vous devriez décidément vous montrer plus prudents… » Mais il prend bonne note de tout ça, et remercie l’adjoint Danny. Ils sortent.

 

[III-4 : Beatrice : Russell Drent] Dehors, Beatrice est sur le point d’exploser : personne ne va donc faire quoi que ce soit dans cette ville ? Elle ne s’y éternisera pas, si Drent reste en place et continue ses magouilles ! Ses amis l’incitent au calme – d’habitude, par la force des choses, la huckster dissimule bien mieux ses émotions… Par chance, les adjoints ne patrouillent pas dans Chinatown, mais le Chinois massif à la chemise rouge sang est toujours là à les observer, à distance…

 

IV : NOUVELLE RÉVÉLATION TARDIVE

 

[IV-1 : Rafaela, Danny, Beatrice : Gamblin’ Joe Wallace ; Russell Drent] Les PJ se retrouvent au Gold Digger, où ils font le point sur la situation. Le constat est navrant, et Rafie confirme que Wallace, bourré, déprimé, ne fera absolument rien. Danny entend bien lui secouer les puces : il monte à l’étage, frappe au bureau du maire, et entre sans attendre de réponse. Wallace est dans un état encore pire : « Trinquons ! Trinquons au succès du grand tournoi de poker de Crimson Bay ! » Danny lui suggère plutôt de trinquer « à la reprise de cette ville ». Wallace sait bien que « tout le monde est au courant, maintenant »… Peut-être ont-ils toujours su… Danny s’empare de la bouteille du maire. Il ne va pas lui faire de sermon, ça ne sert à rien – mais il lui faut agir ! Il faut déloger Drent de sa position : il a détruit un village entier sur un prétexte ; l’argent n’avait jamais été volé, il l’avait dès le départ en sa possession ! Beatrice, qui avait suivi discrètement Danny, ajoute que le shérif a fait tuer ses propres adjoints, pour accomplir son plan… Danny confirme : Drent a volé l’argent de Wallace, c’est lui qui a anéanti le tournoi de poker. La huckster prend le relais : peut-être le maire a-t-il toujours été un homme de paille, ce qu’il ne cesse de répéter, mais ça n’est pas important – ce qui compte, c’est ce qu’il va faire maintenant. « Boire une autre bouteille ? Tirer des plans sur la comète : les transports maritimes et ferroviaires… Oh, et l’usine : il faut prier pour que la guerre reprenne ! Mais ça ne serait pas très chrétien… » Danny s'énerve : non ! Il faut prendre les armes, et virer Drent et ses hommes – mais ils se comptent par dizaines, note Wallace… « On peut pas demander aux braves gens de cette ville de faire la révolution simplement parce que le shérif se montre un petit peu méchant... En fait, ils aiment que ça se passe comme ça – Drent assure la sécurité dans la ville, c’est tout ce qu’ils veulent. Ils en ont peur, mais c’est une peur qu’ils acceptent, qu’ils apprécient, même. »

 

[IV-2 : Beatrice, Danny : Gamblin’ Joe Wallace ; Russell Drent, Kang, Cordell] Le maire paye le salaire du shérif – mais ce dernier n’en a visiblement pas besoin, et il va lui rendre l’argent du tournoi, retrouvé « quelques heures après le départ des joueurs, c’est fâcheux »… Car Drent a sans doute trouvé quelqu’un d’autre pour le financer ; on peut lui reprocher beaucoup de choses, mais c’est clairement quelqu’un d’intelligent ; il ne se serait pas lancé dans un truc pareil sans avoir des appuis – et pas seulement une milice à ses ordres, mais quelque chose au-dessus de lui. Beatrice lui demande s’il a quelqu’un en tête. Possible… Danny le presse d’en dire plus. Le maire s'explique un peu : la clef, c’est la communauté des anciens esclaves. Drent, raciste ? Wallace ne le pense pas : c’est un homme pragmatique. Il se trouve que c’était des Noirs, là-bas… Oui, ça a sans doute facilité les choses, mais des Blancs ou des Chinois, ça n’aurait pas forcément posé beaucoup plus de problèmes, croit-il. Quand on regarde une carte de la région, finalement, ça n’est pas bien mystérieux… On veut étendre le réseau de chemin de fer ? Il faut un endroit approprié pour ça – la Iron Dragon de Kang ne peut pas se satisfaire du semblant d’axe qui passe par Crimson Bay, ultime reliquat d’une petite compagnie bientôt asphyxiée par les barons du rail. La clef des négociations, c’était ce terrain. Wallace est un homme d’affaires, mais réglo – et il savait que Cordell était le propriétaire légitime de ces terres ; Drent le savait aussi, Wallace le lui avait confié… Peut-être le shérif l’a-t-il trouvé trop « mou », et a-t-il décidé d’agir de manière plus radicale « pour le salut de Crimson Bay : imaginez tout l’argent de la Iron Dragon qui affluerait dans les caisses de la ville ! » Eh oui : Danny et ses amis n’ont pas seulement affaire à un shérif un peu rude et à sa milice d’une vingtaine d’hommes au moins ; derrière, il y a un baron du rail… Ils veulent toujours faire leur petite révolution ? « Plus que jamais », l’assure aussitôt Beatrice – qui est obsédée par les barons du rail et les « puces » qu’ils mettent dans la tête des gens… Il ne veut rien faire ? Il méritera ce qui lui arrivera. Les PJ sortent – Danny s’est emparé d’une bouteille de Wallace, qui ne réagit pas, il en a d’autres…

V : PRENDRE LE POULS DE LA VILLE

 

[V-1 : Warren, Danny, Beatrice, Nicholas, Rafaela : Richard Lightgow, Jon Brims, Josh Newcombe, Russell Drent, Gamblin’ Joe Wallace, Jeff Liston, Denis O’Hara] Dehors, Crimson Bay a repris des couleurs. Il fait un temps magnifique, le soleil est éclatant – la pluie de ces derniers jours n’est plus qu’un mauvais souvenir. Les gens sourient, l’air un peu béat... Les soucis de tout un chacun semblent s’être envolés. Tout va bien… Warren décide d'organiser un repas dans la soirée, au Washington, avec le médecin Richard Lightgow, son ami l’entrepreneur de pompes funèbres Jon Brims, et peut-être également le journaliste Josh Newcombe, du Crimson Post – il est curieux de ce qu’ils pensent tous de Drent, mais aussi de Wallace (dont le tableau de l’économie de la ville ne l’a pas laissé indifférent : le maire a sans doute raison, Crimson Bay disparaîtra sans le soutien de la Iron Dragon). Danny et Beatrice, eux, ont bien besoin de boire quelque chose, et prennent la direction du Red Bear – l’avis de Jeff Liston les intéresse également. Quant aux dévots Nicholas et Rafie, ils se rendent à l’église du père Denis O’Hara.

 

[V-2 : Warren : Richard Lightgow, Josh Newcombe ; Jon Brims] Warren va donc à la clinique du Dr Lightgow pour l’inviter ainsi que Jon Brims au repas du soir, et mentionne qu’il va proposer également à Josh Newcombe de se joindre à eux ; mais, à peine a-t-il eu le temps de le dire... que le journaliste entre dans le cabinet, vêtu d’un grand manteau, et affichant un regard inquiet de conspirateur ! Il chuchote à l’oreille de Warren : « Psst ! J’ai votre édition spéciale ! Je vous avais dit que je vous la livrerais en personne ! » Il tend un exemplaire de son journal au savant fou… sauf qu’il ne s’agit pas d’un imprimé – sans doute le journaliste n’avait-il toujours pas accès à sa machine, car « l’édition spéciale » en question est un exemplaire bien mince et entièrement manuscrit, au crayon ! Newcombe s’en va aussitôt, sans un mot de plus – Warren a à peine le temps de l’interpeller (« Soyez discret, bon sang ! Je représente la presse libre qui lutte contre l’oppression ! Si l’on sait que je suis ici, cela pourrait très mal tourner… ») : le savant fou l’invite au repas du soir – et garantit que sa protection sera assurée. Le journaliste acquiesce rapidement et s’éclipse. Warren retourne au Washington, et y lit son « édition spéciale »…

 

La Sainte Résurrection des Morts parodiée par d’Impies Charlatans !

 

Un billet d’humeur signé Josh Newcombe

 

Christ mort et ressuscité nous en a fait la Sainte Promesse : nous vivrons pour l’Éternité quand viendra le Jugement. D’ici là, cependant, nous ne pouvons que constater qu’il se trouve en notre sein de bien impudents et sinistres personnages, qui prétendent exercer des Miracles en lieu et place du Saint Fils de Dieu.

 

Leurs Voies sont multiples, si toutes mensongères : d’aucuns prétendent que leur Science Impie saura perpétuer les corps au-delà du terme fixé à notre vie, de toute éternité, par Dieu le Père. Même en admettant que ces féroces et cruels émules de l’Odieux Docteur Frankenstein pourraient bel et bien accomplir leurs Sombres Promesses, le fait demeure : ils entendent préserver les corps, mais qu’en est-il de l’Âme ? Ils ne sauraient la réduire en équations, et n’en tiennent donc même pas compte ! Quelle promesse est-ce là, sinon une preuve supplémentaire des ravages que l’Odieux Matérialisme suscite chez les Mécréants, au péril même de ce qui en fait des hommes ?

 

Mais ces méprisables personnages qui s’honorent du titre de Savants, lequel ne devrait jamais être autre chose qu’un Stigmate d’Infamie, ne sont pas seuls à proférer pareilles sottises. On dit qu’il est chez les Nègres des Îles de Sataniques Hommes-Médecines qui dérobent au Seigneur les corps fraîchement enterrés pour s’en faire des Légions de serviteurs. Certains, dit-on, auraient même le secret d’une poudre qui, projetée à la face d’un de nos semblables, le plongerait tout aussitôt dans un sordide comas, sans plus jamais d’espoir d’en sortir ! Quoi de plus tragique que le destin de ces « Zompés » privés de la Gloire de la Résurrection pour n’en exhiber que la plus grotesque et scandaleuse des Caricatures ?

 

L’Union doit agir ! La Résurrection des Morts n’appartient qu’à Christ Notre Sauveur ! Ceux qui la moquent sont les pires des Hérétiques, et la plus grave des menaces qui pèsent sur notre Communauté de Fidèles…

 

Josh Newcombe

 

[V-3 : Warren : Nicholas, Rafaela ; Josh Newcombe] Warren n’en revient pas de tant de bigoterie – qui plus est anti-scientifique ! Il n’y avait pas pris garde – mais, en y réfléchissant, Josh Newcombe avait bien, en quelques occasions, exprimé des idées religieuses, par exemple quand il s’en était pris au « faux prêtre » Nicholas… Le savant fou regrette maintenant de l’avoir invité ! Il avait fait en sorte que Nicholas ne les rejoigne pas, au vu de son différend avec le journaliste, mais, tout compte fait… Il réalise cependant que Nicholas lui-même... est parti à l’église ! Ce qui ne fait pas vraiment son affaire… Des grenouilles de bénitier partout ! Ce qu’il accepte chez Rafie, avec sans doute une certaine part de sentiment de culpabilité, il le tolère bien moins chez les autres… Il prend toutefois sur lui, et rejoint ses amis croyants ; il explique à Nicholas que, tout compte fait, eh bien… Cessant de bafouiller, il leur laisse son « édition spéciale », et retourne sans plus attendre au Washington. Là-bas, il décide de griffonner un message : « Lieu compromis. Attendre instructions. Rentrez chez vous. » Il le confie à un gamin, avec une pièce, pour qu’il le livre à Josh Newcombe

 

[V-4 : Nicholas, Rafaela : Denis O’Hara ; Russell Drent, Josh Newcombe] En attendant, à l’église justement, tandis que Rafaela prie, Nicholas échange quelques mots avec le père O’Hara, toujours aussi rougeaud, et qui le taquine sur son statut ambigu de « prêtre ». Nicholas cherche à connaître son sentiment concernant Drent, mais les circonvolutions de son discours ne laissent guère de doute : il ne dira rien et ne fera rien contre le shérif. La richesse de Crimson Bay l’intéresse bien plus que sa liberté (qui est « plutôt un truc de catholiques »)… La discussion s’envenime progressivement, même si elle procède par citations bibliques parfois très approximatives – Nicholas accuse le père O’Hara de « fuir ». Mais non : il est très content de sa place, de sa résidence, de ses ouailles... Quand Nicholas pose sa main sur l’épaule du père O’Hara, ce dernier se crispe et affiche un regard noir : « Veuillez ôter cette main, "mon père"… » Nicholas s’exécute – mais il ne laisse pas là le pasteur ; obtenant de discuter dans un cadre davantage privé, il présente le shérif Drent comme étant un véritable démon, parlant de l’œil de Caïn, etc. Ce que le père O’Hara trouve bien mélodramatique. Mais quand Nicholas pose à nouveau sa main sur son épaule, il la dégage d’un geste brusque, et saisit son interlocuteur par le bras – et il a de la poigne… D’un ton sec et menaçant, avec le regard sombre et dur associé, il exige que Nicholas s’en aille, sous-entendant qu’il ne veut plus le revoir dans son église… Rafaela n’a pas suivi tous les échanges, mais suffisamment pour se faire une opinion du pasteur de Crimson Bay. Nicholas et elle s’en vont – le premier annonçant que « l’œil de Caïn se met en route »… Quant à Newcombe, après avoir lu le « journal », ils sont partagés ; pour Nicholas, il n’a aucune importance – mais Rafie a noté qu’il avait raison pour la pieuvre, peut-être y a-t-il bien quelque chose… Elle n’a certes pas oublié les avertissements de la Vierge de Guadalupe ! Pour cette raison, l’article portant sur les morts ressuscités ne la fait pas rire, loin de là…

 

[V-5 : Beatrice, Danny : Jeff Liston ; Russell Drent, Shane Aterton] Pendant ce temps, au Red Bear, Beatrice discute avec Jeff Liston tandis que Danny furieux se contente de boire. Que faut-il penser de Drent ? L’ex-trappeur n’en est pas bien sûr : Shane Aterton (dont il ne sait pas qu’il est mort) est un connard, ça, oui ; Drent… C’est l’employeur du connard – ce qui ne joue pas en sa faveur. Au-delà… Il fait peur à pas mal de gens, oui. Beatrice informe Liston que, concernant Shane Aterton, il faut désormais en parler au passé. « Il a eu chaud », ajoute laconiquement Danny, plongé dans sa mauvaise bière... Beatrice explique au tenancier du Red Bear ce qui s’est passé à la communauté des anciens esclaves. Ils sont remontés contre le shérif… Liston s’assied à leur table, avec une bouteille d’un affreux whisky ; ils ont son oreille. Comme le dit Beatrice elle-même, il ne veut pas foutre le bordel en ville si ça doit nuire aux habitants ; il ne va pas les suivre dans une tentative précoce de « coup d’État » qui ferait plus de mal que de bien… Mais il se tiendra au courant.

 

[V-6 : Warren, Nicholas : Richard Lightgow, Jon Brims ; Josh Newcombe, Russell Drent, Gamblin’ Joe Wallace, Edgard Tomlick, Mortimer Stelias, Cordell, Mr Fong, Mr Shou] Le soir, Warren reçoit ses invités Richard Lightgow et Jon Brims au Washington (dont Nicholas a étudié les sorties, etc. – il pourrait y avoir du grabuge qui rendrait ce savoir utile, très prochainement...) ; le savant fou regrette qu’il n’y ait pas de poulpe au dîner… En attendant qu'on les serve, les invités expliquent qu’ils ont vu le Gold Digger bondé – tous les hommes du shérif y fêtent ce qui s’est passé à la communauté des anciens esclaves… Quant à Newcombe, Warren a reçu ce message sibyllin : « Ne peux assister à kermesse. Tendinite. » Ils en discutent : finalement, le savant fou est bien obligé de reconnaître que Lightgow avait raison concernant le journaliste… La discussion (à table dans une salle privée) tourne bientôt et assez ouvertement autour de Russell Drent, et de ce que les compagnons en pensent. Lightgow ne fait guère qu’exprimer le sentiment général à Crimson Bay : il fait peur aux habitants, mais la ville est sûre… Bien sûr, on pourrait tenir un débat philosophique sur la liberté contre la sécurité… Et Brims ? Le croque-mort, essentiellement mutique, réfléchit un bon moment… puis répond – et tient un discours incroyablement long pour qui le connaît si taiseux habituellement ! En fait, au point où son ami le Dr Lightgow lui-même est stupéfait… Le croque-mort ne fait pas confiance à Drent ; le coup monté contre la communauté ne le surprend pas, hélas… Oui, l’économie de la ville dépend sans doute du ralliement au réseau de la Iron Dragon ; sinon, à moins qu’on ne trouve un filon de roche fantôme dans les collines… Mais la communauté ? Pour tous les habitants de Crimson Bay, les anciens esclaves s’étaient établis illégalement là-bas – mais c’est faux : Brims fait partie des rares personnes à le savoir, avec Wallace et Drent, peut-être quelques rares autres, comme, probablement, le banquier Edgard Tomlick… Avant l’arrivée de Wallace, il y avait un autre grand propriétaire dans le coin – un type du nom de Mortimer Stelias. Riche comme Crésus, mais progressiste – abolitionniste, quoi, et depuis un bail. C’est lui qui avait fait venir à Crimson Bay les anciens esclaves, pour certains exfiltrés par le Underground Railroad ; il leur donnait du travail, mais salarié, dans des conditions qui n’avaient rien à voir avec celles qu’ils connaissaient dans le Sud – ou dans les îles, d’ailleurs. Cordell était son jardinier, par exemple. Et quand il a senti la mort approcher, il a vendu le terrain audit Cordell, pour un dollar symbolique – à charge pour lui d’accueillir les autres anciens esclaves, qu’ils aient un endroit où vivre en paix, libres et sereins... Du coup, les anciens esclaves, via Cordell, étaient (et sont toujours) légalement les propriétaires de la communauté et des terres environnantes. Wallace est bien l’homme « réglo » qu’il prétend être : en sous-main, discrètement, il n’a cessé de proposer à Cordell de racheter ces terres – et pour une belle somme ; mais l’ex-jardinier a toujours refusé, ç’aurait été une marque de mépris pour son ex-employeur et bienfaiteur… Drent n’a de toute évidence pas les scrupules de Wallace ; si les occupants du terrain avaient été des Blancs, il aurait peut-être été davantage embarrassé – mais avec des Noirs… En fait, le shérif lui-même, à cet égard, n’a pas spécialement besoin d’être raciste, il suffit bien que les habitants de Crimson Bay le soient, de manière plus ou moins avouée. Mais Chinatown ? Non, ce n’est pas la même chose : c’est une ville dans la ville, mais pas aussi isolée que ses maîtres le prétendent ; ils sont liés aux triades de Shan Fan, et peut-être même à d’autre au-delà du Pacifique ; c’est ce qui explique leur lien avec Wallace – les triades fournissent la poudre pour son usine de munitions. Maintenant, ils ne forment pas nécessairement un bloc uni – les triades rivalisent entre elles, et pas à fleurets mouchetés... À Chinatown, d’ailleurs, le vrai pouvoir n’est pas celui que l’on montre : Fong ? Ou même Shou ? Des façades… Le vrai pouvoir est dans l’ombre – et bien plus redoutable. Quoi qu’il en soit, ils n’ont probablement pas grand-chose à craindre de la part de Drent – qui en est lui-même parfaitement conscient. Sous les yeux du Dr Lightgow, qui n’en revient toujours pas de ce que son vieil ami se soit montré aussi loquace, Warren remercie chaleureusement Jon Brims pour toutes ces précieuses informations ; le croque-mort explique qu’il a pris soin, avant de parler, d’étudier leur petit groupe tout récemment arrivé en ville : des électrons libres, sans attache, et qui semblent parfois faire preuve de sens moral, « même à géométrie variable ». Leur liberté... Eh bien, il y a un revers à cette médaille : ils ne connaissent pas la ville. Et ils ont besoin de ce genre d’informations pour agir utilement – c’est pourquoi le croque-mort s’est montré aussi disert. A-t-il des conseils à leur donner ? Non – il s’est retiré comme entrepreneur de pompes funèbres ici pour ne plus avoir à prendre ce genre de décisions ; maintenant, s’il trouve quelqu’un qui en vaut la peine, il fournit des informations – et ça s’arrête là. La suite du repas est plus détendue – Warren et Lightgow échangent sur leurs prothèses, qu’ils vont bientôt pouvoir tester. Le savant fou enthousiaste se voit déjà produire tout cela en série, au lieu des munitions, dans l’usine de Wallace ! Le docteur est plus sceptique : « Il y a sans doute un lien entre les deux, mais les munitions se vendent quand même beaucoup mieux que les prothèses… » Mais il n’est pas un homme d’affaires. Warren compte bien en parler à Wallace, quand le maire se sera un peu repris… Avant son départ, Warren suggère enfin à Brims, s’il lui est difficile de parler, de coucher ce qu’il sait sur le papier – et il pourrait bien avoir convaincu le croque-mort de le faire !

VI : APRÈS LE BEAU TEMPS, LA PLUIE

 

[VI-1 : Rafaela, Beatrice : Josh Newcombe ; Samantha Goggins] Le lendemain matin, le temps est encore plus beau que la veille – il fait très bon, l’été connaît comme un dernier sursaut alors que l’automne approche. Rafaela, accompagnée par Beatrice, rend visite à Josh Newcombe, qui travaille cette fois à composer l’édition « normale » du Crimson Post. L’élue souhaite lui parler de son article sur les morts-vivants… « Chut ! Pas si fort ! » C’était une édition très spéciale… Normalement, il aurait d’abord dû faire d'abord son édition spéciale météorologique, mais : impossible ! Alors il s’était contenté de ce billet d’humeur, bien malgré lui… Les morts-vivants sont sans doute un sujet un peu moins exaltant que le climat, mais, que voulez-vous… Beatrice lui demande ce dont il comptait parler, dans cette édition impossible à réaliser – la météorologie, vraiment ? « Oui ! La tempête qui s’annonce… » Mais il fait un temps magnifique ! « Ne vous y trompez pas : les nuages viendront de l’océan d’ici quelques heures à peine, et il va y avoir des pluies diluviennes. Vous voyez, la grande rue, devant le Gold Digger ? Dix dollars que la crevasse à cet endroit fera dans les… mmmh, 80 cm de large, d’ici à… allez, six ou sept heures au plus. » Mais comment peut-il se montrer aussi précis ? « Un journaliste ne révèle pas ses sources ! » Il n’invente donc rien ? Bien sûr que non, pour qui le prennent-ils ! Certes, sa plume est portée sur l’emphase, mais cela fait partie des règles de l’art, comme il voit les choses. Les informations n’en sont pas moins exactes ! D’ailleurs, ils feraient bien de se munir d’imperméables et de bottes bien épaisses… À la boutique de Samantha Goggins, par exemple (« une très bonne informatrice »). Et sur quoi porte son édition du jour ? Il ne révélera rien ! Les cousins cannibales, peut-être ? « Non, c’est déjà du passé… Et une menace mineure, avouons-le. Même s’il y avait moyen de faire une série sur le cannibalisme, oui, c’est un sujet pittoresque dans cette région. » Rafaela comme Beatrice ne voient absolument pas où il veut en venir… « Les wendigos, bien sûr ! C’est du folklore peau-rouge, mais pas des bêtises pour une fois, il y a des témoignages très solides – des vrais témoignages, de Blancs… Ils disent que les hommes qui succombent au cannibalisme, particulièrement dans les très rigoureux hivers qui frappent immanquablement l’Oregon, se changent en ces grandes créatures hirsutes et proprement démoniaques… » Il n’en dira pas plus : il protège ses sources ! Et il a du travail, la liberté de la presse n’attend pas.

 

[La joueuse incarnant Rafaela a dû s’absenter après cette scène.]

 

[VI-2 : Danny, Beatrice : Russell Drent, Glenn Cabott ; Shane Aterton, Jeff Liston] Danny et Beatrice sont toujours officiellement des adjoints du shérif Russell Drent… On ne les a pas mandés, et ils se disputent d’ailleurs concernant ce qu’il faut faire – Beatrice veut agir tout de suite, Danny préfère laisser passer deux, trois jours… dans l’espoir notamment que les adjoints surnuméraires engagés pour le tournoi arrivent au terme de leur contrat. Mais ils veulent savoir ce que Drent mijote, ou compte faire d’eux, et se rendent à son bureau. Quand ils pénètrent à l’intérieur, ils sont aussitôt frappés par le large sourire qu’affiche le shérif, dont ils n’avaient connu jusqu’alors qu’un visage bien plus fermé… Glenn Cabott a semble-t-il récupéré les attributions de Shane Aterton, par ailleurs. Drent se montre très sarcastique pour les « justiciers », qui n’ont pas fait la fête avec eux au Gold Digger… « Vous préférez boire chez Liston, à ce que l’on m’a dit ; pas un établissement de grand standing… » Quoi qu’il en soit, ils doivent toujours régler l’affaire du meurtre de Chinatown : « On ne peut pas laisser un crime impuni… » Danny répond sèchement qu’ils y veilleront...

 

[VI-3 : Warren, Nicholas : Gamblin’ Joe Wallace, Slim Jim Carrighan] Un peu plus tard, Warren souhaite parler à Gamblin’ Joe Wallace – il est accompagné de Nicholas. Au Gold Digger, Slim Jim Carrighan les informe que le maire s’est retiré chez lui – la grande maison très luxueuse un peu plus à l’est, qui fait plus ou moins office de mairie du seul fait que tout le monde sait que Wallace est le maire… Tandis que le domestique chinois les fait patienter dehors, le temps d’informer son employeur de leur visite, ils constatent que de gros nuages noirs sont apparus au large – une immense muraille qui tend à se rapprocher de la ville, et bien trop vite… Wallace est fatigué, mais a un peu décuvé ; il se morfond devant son petit-déjeuner, qu’il n’a pas touché, depuis des heures probablement… Warren lui parle de son projet concernant les prothèses – de quoi permettre un regain de moral ! Le maire dit qu’il en prend bonne note, mais il faudra sans doute le lui rappeler, il risque d’oublier tout ça et de ne rien faire du tout…

 

[VI-4 : Nicholas : Mr Fong] Mais quand les PJ sortent, ils constatent que la tempête a progressé bien plus vite qu’ils ne le pensaient : la luminosité a drastiquement changé, c’est presque comme s’il faisait nuit – il ne pleut pas, mais le tonnerre gronde, tout proche, et très menaçant… L'orage ne va plus tarder à s'abattre sur la ville ; un très gros orage... Nicholas comprend vite que Crimson Bay pourrait faire les frais de coulées de boue se ruant depuis les collines alentour, notamment… Par ailleurs, il faut prendre en compte le risque d’incendie : toute la ville est en bois, à l’exception de quelques rares bâtiments plus massifs – il pense aussitôt à la blanchisserie de Mr Fong. Les PJ se retrouvent tous au Washington. Nicholas est catégorique : il faut partir ! Les autres sont sceptiques, même s’ils ont bien perçu le changement de luminosité… Et le tonnerre gronde, tandis que la cloche de l’église se met à sonner… Ils sortent, et prennent la direction de la blanchisserie. Mais les éclairs frappent maintenant la ville ! En plusieurs endroits, des incendies se déclarent…

 

[VI-5 : Danny, Beatrice, Rafaela, Nicholas, Warren : Mrs Duvall] La foule se met à hurler, prise de panique – et la rumeur circule bientôt : l’école est touchée, le feu a pris ! Il y a les gamins qui sont coincés à l’intérieur, avec leur institutrice, Mrs Duvall ! Les PJ étaient prêts à suivre Nicholas à la blanchisserie, mais c’est maintenant hors de question : Danny, Beatrice et Rafie se dirigent comme un seul homme dans la direction de l’école, à côté de l’église, dont la cloche ne cesse de sonner… Le faux prêtre et Warren sont un peu moins déterminés, mais suivent tout de même. L’école est bien en flammes – ne laissant aucune issue aux enfants et à leur institutrice, prisonniers du bâtiment. Warren use de son bras mécanique Roselyne pour déblayer le passage, et fait des miracles – il a peut-être ouvert un couloir ! Mais les occupants sont coincés plus loin, sous la menace du feu et de la fumée. Danny se colle un mouchoir sur le nez et se jette à l’intérieur de l’école – tandis que Nicholas, après avoir cherché en vain un accès alternatif, humidifie ses vêtements dans un abreuvoir à proximité pour suivre Danny. Beatrice également pénètre à l’intérieur, usant de son Pouvoir de Déflexion sur elle-même pour se protéger des flammes et des débris qui s’effondrent sans cesse à l’intérieur – Danny a en fait évité de justesse une poutre tandis qu’il essayait de se repérer dans la fumée. Le bagarreur et la huckster parviennent cependant à localiser les enfants – avec leur institutrice qui s’est jetée à terre pour prier en sanglotant ; Beatrice la saisit par le col pour l’entraîner, mais il y a une vingtaine d’enfants, certains n’ont pas six ans, et ils sont terrifiés, en larmes… Danny en soulève sous ses bras, et invite quelques autres à monter sur son dos – sa force et sa vigueur le lui permettent. Warren parvient à garder le passage libre à l’aide de son bras mécanique, et Nicholas rejoint les autres à l’intérieur pour évacuer les enfants. Cela demande un peu de temps, mais ils ont su se coordonner pour évacuer tout le monde, sous les yeux ébahis des habitants qui acclament les héros.

 

[VI-6 : Nicholas, Beatrice : Rafaela, Mr Fong] D’autres incendies se sont déclarés en ville… mais ce n’est plus la principale menace : la pluie se met enfin à tomber, diluvienne ! L’intuition de Nicholas se confirme : les coulées de boue menacent, et les rues éventrées deviendront très vite impraticables… Ils guident les enfants et les habitants qu’ils croisent vers la blanchisserie, l’endroit le plus sûr de la ville – s’il s’en est trouvé pour préférer se réfugier dans l’église, sous l’œil de Dieu… Un très mauvais choix ! Mais les PJ parviennent à en convaincre un certain nombre de les suivre – et leur sauvent ainsi la vie ? Beatrice et Rafie usent de leurs Pouvoirs en chemin pour protéger tout le monde ; parvenir à la blanchisserie est épuisant… Mais c’est bien la meilleure solution – et Mr Fong comme ses employés ne font pas de difficultés pour accueillir les réfugiés.

 

[VI-7 : Nicholas, Warren, Beatrice, Danny : Gamblin’ Joe Wallace, Rafaela] Cependant, à proximité de la blanchisserie, Nicholas a repéré trois hommes qui descendaient tant bien que mal de la colline immédiatement au nord ; il les entend réclamer de l’aide – il faut prévenir Mr Wallace ! Le problème concerne les puits aménagés sur la colline, et qui alimentent Crimson Bay en eau potable – la tempête va détruire les installations, les auvents et poulies tout particulièrement, ce qui risque de poser des problèmes d’approvisionnement, voire d’entraîner une contamination de l’eau par les coulées de boue, ou pire ! Il faut consolider les installations, de toute urgence ! Les PJ n’hésitent pas un seul instant, et aident les trois employés à charger une charrette avec le matériel nécessaire pour des réparations d’urgence. Problème : le sentier sur la colline est déjà dans un tel état qu’il est inenvisageable d’y faire passer des chevaux ; d’une manière ou d’une autre, il faudra que les hommes eux-mêmes déplacent la charrette et son précieux chargement, ce sur plus de 300 m, sous la pluie battante, et en faisant l’ascension d’une colline rendue traîtresse par les coulées de boue ! Tous s’y mettent : Roselyne s’avère à nouveau d’une aide précieuse, tandis que Beatrice use de son Pouvoir d’Augmentation de Trait sur Danny, pour accroître sa Force (Rafie fait de même sur d’autres à l’aide de ses Miracles, qu’elle ne peut toutefois pas maintenir – mais elle passe de l’un à l’autre, fonction des circonstances). Tant bien que mal, guidés par Nicholas qui se concentre sur l’identification des meilleurs passages à emprunter, ils parviennent ainsi à progresser, lentement (mais peut-être moins lentement qu’ils ne le redoutaient, ils se débrouillent très bien !), jusqu’aux sources.

 

[VI-8 : Nicholas, Warren, Danny, Beatrice : Rafaela ; Josh Newcombe] Sur place, effectivement, les installations sont sur le point de s’écrouler – il faut s’en occuper illico ! Mais Nicholas, aux aguets, croit aussi distinguer plusieurs silhouettes, impossible d’en dire plus, qui fuient en direction du nord… Des saboteurs ? Warren trouve à employer ses talents d’ingénieur pour guider les réparations d’urgence – et use à nouveau de Roselyne pour décharger le matériel (mais ses réserves s’amenuisent – le bras mécanique, après cela, ne fonctionnera plus tant qu’il ne sera pas réalimenté en roche fantôme, et il faudra sans doute effectuer quelques réparations d’appoint ; c’est que le savant fou l’a utilisé au maximum de ses capacités…). Mais Nicholas est inquiet : ces silhouettes… Il fouille les environs – dans des conditions terribles, mais sa paranoïa lui est d’un précieux secours : il aurait été impossible de repérer pareille chose normalement, pourtant le faux prêtre remarque que, à proximité de chacun des trois puits, il se trouve des amas… de pattes de poulet tranchées ? Qu’il indique à Rafaela ; celle-ci suspecte une magie noire, mais n’en sait pas plus… Ils dispersent les pattes tranchées à tout hasard, en redoutant le pire… Les autres aident aux réparations – la force et l’endurance de Danny lui permettent de transporter le matériel où on en a besoin, tandis que Beatrice s’applique du mieux qu’elle peut à suivre les instructions de Warren, propulsé par la force des choses au rang de contremaître. Les consolidations devraient être efficaces – les puits sont protégés pour l’heure. Mais, sous cette pluie battante, ils ne peuvent pas s’attarder... Une fois à peu près sûrs d’avoir fait tout ce qu’il était possible de faire pour consolider les puits, ils reprennent la direction de Crimson Bay. Le retour est à peine moins difficile que l’aller, même sans s’embarrasser de la charrette… Ils constatent par ailleurs que d’autres incendies sont toujours en cours – même si le déluge devrait en venir à bout sans autre intervention ; par contre, il y a d’autant plus de fumée… et l’orage est tel que les PJ ont l’impression d’être en pleine nuit, alors qu’il est environ midi. Ils regagnent la ville sous le coup d’une panique apocalyptique… Pourtant, leurs conseils de se réfugier dans la blanchisserie, après quelques hésitations, ont été massivement suivis – ils ont à l’évidence sauvé des vies, et beaucoup… Mais il y a eu des pertes, c'est certain, impossibles à chiffrer pour l’heure. La pluie, si elle reste violente, perd toutefois un peu en intensité, dès lors – mais la ville est ravagée, et les rues sont largement impraticables (Josh Newcombe a d’ailleurs remporté son pari…).

 

À suivre…

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