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CR Adventures in Middle-Earth : Mauvais Présages (2/4)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Si nous avons doucement entamé la Mirkwood Campaign avec le précédent scénario, nous en sommes encore pour l’essentiel au « prologue » que constitue la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

La présente séance correspond à la deuxième partie du scénario de Wilderland Adventures intitulé « Kinstrife & Dark Tidings » (pp. 37-58).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Fratricide et mauvaises nouvelles » (pp. 42-63).

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde/Chasseuse d’ombres 3)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur/Frontalier 3)…

 

 

… Fredegar Sanglebuc, un Hobbit de la Comté (Protecteur/Héraut 3)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors/Espion 3)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Frère d’armes/Maître d’armes 3).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé (pour L’Anneau Unique) signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

RUMEURS ET RAGOTS

 

 

Les compagnons sont toujours au village de Pierregué. Ava leur a dit qu’ils pourraient passer la nuit dans la maison d’Oderic. Nárvi soumet leur logis à une investigation poussée, en quête d’indices qui pourraient leur en apprendre davantage sur le fugitif, et éventuellement ses allées et venues. Hélas, c’est en vain : rien de bien révélateur ne saurait être déniché ici, sinon l’assurance que personne n’y est passé depuis fort longtemps – Oderic est bien repassé par Pierregué, pour une ultime discussion avec Brunhild, mais il n’a pas couru le risque supplémentaire de retourner chez lui.

 

 

La veuve éplorée, interrogée à ce propos par Agariel, dit ne pas connaître véritablement d’endroits où Oderic aurait pu se cacher dans les environs – et elle n’a presque jamais franchi l’Anduin, même s’il est tout proche.

 

 

Il n’y a pas vraiment de tradition de maison commune à Pierregué, peut-être un héritage d’une civilisation antérieure, mais la maison de Hartwulf remplit occasionnellement un rôle similaire. Quand les compagnons s’y rendent, plusieurs villageois, sous la supervision d’Ava, s’affairent à préparer le repas – sans doute s’attendaient-ils à ce que leurs visiteurs viennent, et si l’hospitalité n’est visiblement pas une valeur cardinale à Pierregué, ces Béornides ne laisseront pas les voyageurs se débrouiller sans un bon repas. Helmgut et Brunhild ne sont en revanche pas présents.

 

Jorinn essaye de tirer les vers du nez à Hartwulf, mais l’ancien du village, si bien des choses indiquent qu’il a été un grand guerrier en son temps, a sombré depuis longtemps dans le gâtisme : on l’honore pour son âge, parce que les anciens sont sages, c’est notoire – ou bien ils sont fous, et c’est une forme de sagesse. C’est en vérité sa fille Ava qui gère les affaires du village, tandis que Hartwulf marmonne des choses étranges dans sa barbe. Le vieil homme n’a pas l’air de porter grand-monde dans son cœur : Brunhild, Oderic, Rathfic, Helmgut, Beorn même… Il a des récriminations contre tous. Ava intervient pour pondérer ses propos devant les voyageurs, et même l’inciter à se taire, avec plus ou moins de succès. Mais il est difficile d’en obtenir un discours cohérent, de toute façon.

 

 

Jorinn aimerait s’entretenir également avec Helmgut, mais Ava le lui déconseille formellement. Le pauvre homme a beaucoup souffert : son gendre est mort, son fils adoptif est l’assassin, sa fille ne veut plus lui parler… Depuis le drame, il passe son temps à boire – et il a l’alcool mauvais, violent même ; déjà qu’il a menacé plusieurs villageois de sa hache, il risquerait clairement de se montrer d’autant plus agressif à l’encontre d’étrangers venant remuer son malheur… Même s’il serait sans doute trop ivre pour se montrer véritablement dangereux. De toute façon, l’interroger n’apporterait rien aux compagnons, et certainement rien de bon non plus au pauvre homme…

 

Tandis qu’Aldamar et Fredegar cherchent à en apprendre davantage sur Rathfic (un homme globalement apprécié, aux multiples talents ; les villageois ne savent pas très bien d’où il venait – de l’ouest, très certainement, probablement de quelque petite communauté sur les contreforts des Monts Brumeux, peut-être vers Castel-Pic…), Agariel demande à Hartwulf et Ava s’ils ne sauraient pas où Oderic aurait pu se cacher dans la région. La ferme des « vrais » parents du fugitif, située sur la rive est de l’Anduin, n’est pas une piste crédible.

 

Mais comment peut-on traverser la Grande Rivière, à Pierregué ? Il y a des embarcations… Ava pâlit : elle n’avait pas fait le lien, mais doit maintenant confesser qu’une de ces barques a visiblement été « empruntée » par un inconnu deux ou trois nuits plus tôt ; quand les villageois s’en sont rendus compte, au matin, ils n’ont pas eu à la chercher bien loin, elle se trouvait sur l’autre rive, et les villageois ont pu la ramener sans y prêter davantage attention. Ils n’ont pas eu la curiosité de chercher des traces de l’indélicat. Pour Agariel, Ava est sincère – mais elle suppose que les villageois, plus ou moins consciemment, avaient probablement établi le lien avec Oderic ; seulement, ils ne voulaient plus entendre parler de la honte du village, aussi ne se sont-ils pas montrés très rigoureux ni loquaces à cet égard…

 

Ceci étant, tous les villageois ont leur opinion sur ce qui s’est passé. Si beaucoup demeurent fermés face aux « enquêteurs » étrangers dépêchés par Beorn, d’autres, surtout après quelques pintes d’hydromel, se montrent plus loquaces – mais la teneur de leurs récits varie fortement : si tous sont d’accord pour dire qu’Oderic a tué Rathfic et que cela justifie sa condamnation, certains dénigrent violemment le meurtrier, qui a toujours été une petite brute colérique, mais d’autres lui cherchent des excuses ; Rathfic est parfois présenté comme une pure victime, et il est généralement regretté, mais d’autres villageois dressent le portrait d'un type assez désagréable au fond, qui avait effectivement spolié Oderic de bien des choses, et se montrait au mieux méfiant, au pire carrément mesquin voire cruel, à l’encontre de son rival ; Brunhild est le plus souvent une épouse aimante et fidèle, mais d'autres l'évoquent comme une traînée incestueuse, voire la grande responsable de tout ça… Quant aux circonstances exactes du drame, elles sont inconnues, ce qui ne favorise que davantage les fantasmes : bien des villageois disent aux compagnons « ce qui s’est passé exactement », à ceci près qu’ils n’en savent absolument rien, et n’ont absolument rien pour appuyer leurs dires…

 

Agariel ne pense pas qu’ils en apprendront davantage. Elle propose de se retirer dans la maison d’Oderic pour la nuit. Méfiants (et désarmés), les compagnons établissent un tour de garde – et, au cœur de la nuit, Jorinn s’éclipse pour une petite escapade nocturne. Le petit village est profondément endormi, il n’y a personne dehors (Jorinn est convaincu que personne ne les surveillait – il n’y a pas de gardes à la porte d’entrée du village, par ailleurs). La seule maison où il y a de la lumière est celle de Helmgut ; Jorinn s’en approche, mais ne parvient pas à distinguer le moindre bruit à l’intérieur – après quelque temps d’hésitation, le Bardide choisit de ne pas courir de risque, et retourne discrètement à la maison d’Oderic. Il n’y a pas le moindre incident durant la nuit.

 

DE L’AUTRE CÔTÉ DE L’ANDUIN

 

 

Au petit matin, Agariel demande à ce qu’on les conduise aux barques, pour qu’ils étudient les lieux et traversent l’Anduin – dans ces circonstances particulières, les villageois n’exigeront pas de paiement pour ce service.

 

Williferd est toujours aussi nerveux, mais il rend leurs armes aux compagnons, avec un regard noir, la main toujours prête à sortir sa hache… Agariel glisse un mot à l’oreille d’Ava : ce jeune homme n’est pas fait pour ce poste, il pourrait se montrer dangereux – la jeune femme adopte instinctivement une mine outrée, n’appréciant pas qu’on s’immisce dans les affaires du village, mais cela n’a qu’un temps : dans un soupir, elle admet que la Dúnedain a raison… ajoutant que c’était le même problème avec Oderic : les deux jeunes gens sont de bons guerriers – mais pas des meneurs d’hommes, pas non plus des gens qui inspirent la confiance, et certainement pas des combattants avisés en même temps que diplomates, prêts à mettre de côté leurs impulsions les plus agressives pour le bien du village… Ava a plus de respect pour Williferd que pour Oderic, qu’elle méprise viscéralement, mais, à demi-mots, elle semble reconnaître qu’un nouvel incident est peut-être à craindre.

 

 

Les compagnons traversent l’Anduin, et on leur indique l’endroit où les villageois ont retrouvé la barque sans doute « empruntée » par Oderic. Agariel, avec l’assistance de Nárvi, étudie les lieux, et en vient même à coller son oreille à la terre pour en écouter la rumeur. La vagabonde trouve plusieurs indices témoignant de ce qu’Oderic s’est rapidement éloigné des berges de l’Anduin pour progresser à l’intérieur des terres ; il avait établi un campement un peu plus vers l’ouest, et les compagnons trouvent sans problème les restes d’un foyer, bien conçu mais pas dans l’optique de se cacher – le fugitif un peu nonchalant s’est même débarrassé dans les cendres de la lame brisée d’un couteau autrement de belle facture (et qui appartenait probablement à Mérovée ou à Odon – on n’y avait pas prêté attention chez Beorn parce que ça n’était pas bien important). D’autres traces désignent alors la direction du sud, sud-ouest.

 

 

Agariel incite les compagnons à presser le pas – ils ont du retard à rattraper ; ils ne peuvent cependant pas progresser à marche forcée, car ils ne savent pas vraiment où ils vont, et doivent régulièrement interrompre leur progression pour relever les marques du passage d’Oderic. La vagabonde ne connaît pas spécialement la région, mais elle est coutumière de ce genre d’environnement, ce qui permet à la compagnie d’avancer relativement vite, et sûrement.

 

Après plusieurs jours de marche (sans rencontrer ni même apercevoir quiconque : les terres à l’ouest de l’Anduin sont encore plus sauvages qu’à l’est, parfois un peu marécageuses, guère propices à l’installation permanente de manière générale), et des indices réguliers de ce qu’ils sont sur la bonne piste, les compagnons arrivent à l’orée d’un bois de bonne taille, un peu au nord des Champs d’Iris. Agariel y remarque quelque chose qui échappe à ses camarades : les signes d’un combat, qui a dû avoir lieu un ou deux jours plus tôt (la Dúnedain est convaincue qu’ils ont pour partie rattrapé leur retard). De l’herbe piétinée, les échardes d’un bouclier, une tête de lance brisée… Ils parviennent à se figurer une image assez claire de ce qui s’est produit : le combat a opposé un homme seul à un petit groupe de trois ou quatre personnes ; le premier s’est sans doute bien battu, mais il a fini par être submergé par le nombre, et fait prisonnier – avant d’être entraîné dans la forêt au sud.

 

 

Jorinn, à l’orée du bois, découvre vite diverses traces d’un groupe bien plus conséquent (plusieurs dizaines de personnes) qui est passé par là. Mais le Bardide comprend autre chose : ces inconnus n’étaient pas dans leur élément, il ne s’agissait clairement pas d’Hommes des Bois, en tout cas – des arbres ont été mutilés n’importe comment pour récupérer du bois de chauffe, il n’y a pas un seul animal à chasser à des lieues à la ronde, etc. Il s’agissait sans doute d’hommes, cependant – pas d’Orques. Des hors-la-loi venus d’ailleurs, peut-être ?

 

La compagnie s’engage plus avant dans la forêt, en prenant ses précautions...

LES DANGERS DU MÉTIER D’ÉCLAIREUR

 

 

Jorinn part en éclaireur, avec quelques heures d’avance sur la compagnie… mais il ne se montre pas aussi discret qu’il le souhaiterait. Il réalise, un peu tard, qu’une patrouille rôde dans les environs – composée de deux lanciers et deux archers, aux aguets ; leur équipement est disparate, et ils n’ont clairement pas l’allure d’Hommes des Bois. Or, comme il se doit, le Bardide fait craquer une brindille au mauvais moment… Les guerriers ne l’ont pas encore repéré, mais ils ont clairement entendu ce bruit et scrutent la forêt alentour. Ils ne tardent guère, ensuite, à localiser l’éclaireur ! Ils avancent sur lui en l’interpellant et en le menaçant de leurs armes…

 

 

Un des archers, sans doute le chef de la patrouille, accuse Jorinn d’espionnage – mais il relève aussi que le Bardide a l’air riche, au vu de sa tenue... Le chasseur de trésors décide de jouer la comédie – le voyageur égaré. Il faisait partie d’une caravane de marchands à destination de Castel-Pic, mais elle a été attaquée par des bêtes sauvages… Une caravane de marchands ? Un des lanciers, visiblement pas le plus finaud, lâche aussitôt : « Ça, ça va intéresser Valter ! » L’archer lui intime de se taire – mais il demande aussi à Jorinn de lui en dire davantage. Le récit du Bardide est confus et guère convaincant – par chance, les patrouilleurs ne sont pas bien malins, et semblent disposés à le croire… Le lancier est le pire de tous, qui ne sait pas s’il faut tuer Jorinn sur place ou l’emmener.

 

L’archer met un terme à la discussion : le Bardide a besoin qu’on le guide pour qu’il puisse quitter cette forêt ? Il n’a qu’à les suivre, ils vont faire ça…. Les patrouilleurs dépouillent Jorinn de ses armes et de sa bourse (il ne fait pas le moindre geste pour se défendre, il sait que ça serait perdu d’avance), et ils partent avec leur prisonnier au plus profond de la forêt.

 

SANS JORINN

 

 

À l’orée du bois, les compagnons sont inquiets : cela fait beaucoup trop longtemps que Jorinn est parti, ça n’est pas normal… Il leur faut avancer.

 

Agariel relève bientôt des traces de ce que des patrouilles rôdent dans les environs, si elle ne saurait dire selon quel rythme et de combien d’individus. La compagnie n’était pas très discrète, mais elle a pu, par chance, se faufiler sans faire de mauvaises rencontres.

 

Les coupes dans les bois laissent supposer que les compagnons sont maintenant assez près d’un campement – et de bonne taille –, en plein cœur de la forêt, ce qui saute aux yeux d’Aldamar (lequel avait également trouvé l’endroit où Jorinn avait été capturé, le Bardide ayant pu leur laisser un signe en « échappant » sa broche en forme d’ours). La nuit tombant, les héros peuvent bientôt repérer des feux de camp – une bonne quinzaine…

 

DANS LA TANIÈRE DU LOUP

 

Jorinn a été emmené par la patrouille dans ce grand campement de hors-la-loi ; il estime qu’il y a au moins une bonne cinquantaine de guerriers et d’archers, et autant d’esclaves sous leur domination. Leur accoutrement ne permet pas au Bardide d’en savoir davantage.

 

 

La patrouille conduit Jorinn au centre du camp. Là, son regard est forcément attiré par un homme colossal, arborant une grande hache, qui en impose et qui est visiblement le chef de la bande – le nommé Valter, donc. Les hors-la-loi de sa suite observent Jorinn avec un rictus cruel.

 

Mais, juste à côté de Valter, un jeune homme a l’air bien plus indécis – il n’a rien du caractère menaçant des hors-la-loi, et donne l’impression de ne pas vraiment savoir ce qu’il fait là. Il n’a pas l’air d’un prisonnier pour autant (en chemin, Jorinn a pu constater que nombre d’esclaves étaient enchaînés).

 

Valter invite Jorinn à s’asseoir devant lui – les patrouilleurs le jettent pour ainsi dire au sol. Le chef s’adresse à lui – il y a une affectation de noblesse un peu compassée dans son expression, qui tranche sur la rudesse des hors-la-loi. « Dites-moi, nous avons un invité… » Valter le dévisage longuement – puis : « Oh, ces vêtements… Ils viennent de l’est, n’est-ce pas ? De Dale ? » Jorinn acquiesce. Valter explique que lui aussi vient de Dale, « d’une certaine manière. Comment se passent les choses, là-bas, depuis que l’usurpateur a pris le pouvoir ? » Ce qualificatif étonne le Bardide, mais il ne le relève pas.

 

Valter se présente (Jorinn lui répond s’appeler Lifstan – ce nom d’emprunt ne trompe visiblement pas son interlocuteur, qui se contente de sourire). Le chef hors-la-loi explique alors que son ancêtre, Valind, était un chevalier de la suite de Girion – avant que le Dragon ne fonde sur Dale. Les choses ont mal tourné, ensuite… Son ancêtre a vadrouillé un peu partout, son fils de même, et, ainsi, après bien des pérégrinations, on en est arrivé à lui. Qui n’est pas très satisfait que le pouvoir là-bas ait échu à « un archer chanceux » ; il se moque de l’ascendance de Bard, qu’il suppose infondée, et considère que nombreux sont ceux qui auraient en vérité bien plus de titres à gouverner la ville – dont lui, de toute évidence. « Le pouvoir coule dans mes veines, pour ainsi dire. »

 

Jorinn/Lifstan fait le benêt complaisant – certes, Valter est d’une majesté qui saute aux yeux et qui en dit long… Le chef hors-la-loi l’en remercie – ajoutant que ses « sujets », comme il désigne les hors-la-loi alentour, ne se montrent pas toujours aussi perspicaces, sans même parler de courtoisie : « Ils sont un peu… sauvages. » Bon prince, il ne leur en veut pas : ce sont de braves gens (les brigands qui assistent à la scène ne se sentent visiblement pas méprisés, ils rient de bon cœur, sardoniquement). Et, après tout, c’est en s’appuyant sur eux qu’il pourra bâtir son propre royaume ici-même… en attendant de l’étendre ailleurs. Car un jour il retournera à Dale – à la tête d’une armée.

 

 

« D’ici-là, nous verrons bien ce que nous pourrons faire ici. N’est-ce pas, Oderic ? », dit-il en posant lourdement sa main sur l’épaule du jeune homme indécis à ses côtés… qui ne sait visiblement pas comment réagir.

 

Jorinn/Lifstan se montre plus servile que jamais : il apparaît clairement que tous ces guerriers suivraient Valter jusqu’au bout du monde et braveraient la mort pour lui, ce qui est admirable… Valter acquiesce : « Tout à fait. Je suppose que je bénéficie d’un certain magnétisme, auquel ils se montrent réceptifs. La réputation, voyez-vous, est essentielle en ces matières. Figurez-vous qu’ils me surnomment ''le Sanguinaire !''. J’imagine que cela incite à obéir à mes ordres… » Les hors-la-loi éclatent de rire. « Cela n’est sans doute pas un nom très approprié pour un roi établi – mais, pour un roi en devenir, c’est plus qu’à propos. »

 

Valter interroge son « invité » sur son passé et sur le récit très confus qu’il a fait à ses patrouilleurs. Jorinn/Lifstan mêle des éléments authentiques dans sa narration pour la rendre plus crédible (tout en sachant que Valter n’est pas un imbécile crédule, et qu’il ne gobe pas ses mensonges). Il en ressort que le prétendu « voyageur égaré » est en fait un homme plein de ressource, qui est parti à l’aventure, ce qui plaît au chef brigand !

 

Du moins est-ce ce qu’il dit. Quand le chasseur de trésors en a fini, Valter se lève et demande à l’assistance : « Que faisons-nous de ce M. Lifstan ? Le laissons-nous en vie, ou nous amusons-nous avec ? »

 

RETROUVER JORINN

 

 

Pendant ce temps, les compagnons approchent discrètement du camp – Nárvi n’étant pas très doué pour cela, il reste un peu en arrière.

 

Quand ils arrivent à l’orée de l'installation, sans encombre, l’agile et discret Fredegar grimpe dans les arbres pour en avoir un aperçu plus conséquent. Il y a bien une centaine d’individus, dont au moins la moitié est en mesure de se battre, les autres étant très visiblement des esclaves, appartenant individuellement à tel ou tel brigand (ils ne sont pas parqués ensemble dans une « prison »). Les patrouilles sont erratiques, mais il y en a plusieurs, certaines proches du camp, d’autres, comme celle qui a capturé Jorinn, plus éloignées – elles témoignent tout de même d’une organisation plus rigoureuse que pour une vulgaire bande de brigands (ne serait-ce que parce qu’elles se composent systématiquement de deux lanciers et deux archers).

 

Il lui faut s’approcher davantage pour en apprendre plus. Le Hobbit aventureux prend ce risque, en naviguant dans les branches. Le camp a été établi dans une clairière brutalement agrandie. La bande est faite de bric et de broc : les hors-la-loi sont d’origines très diverses, ce qui ressort de leur équipement, de leur comportement, de leur accent ; leurs esclaves, en revanche, sont probablement pour l’essentiel des locaux, Hommes des Bois ou peut-être même Béornides. Au centre du camp, devant une sorte de petite place dégagée, il y a une tente bien plus grande que les autres, et davantage ornementée – tout indique que c’est celle du chef.

 

Et, en plissant les yeux, Fredegar reconnaît Jorinn, soumis à l’interrogatoire du chef ! Le Hobbit se replie pour rejoindre ses camarades et leur faire son rapport. Agariel et Aldamar sont furieux à l’idée de ce que ces brigands ont des esclaves… mais ils savent maintenant où est Jorinn.

UN ALLIÉ DANS LA PLACE ?

 

 

« Que faisons-nous de ce M. Lifstan ? Le laissons-nous en vie, ou nous amusons-nous avec ? » Valter, hilare, avance que leur invité aurait peut-être une suggestion à faire à ce propos ? « Lifstan » vante ses qualités, il pourrait se montrer utile, il est effectivement un homme plein de ressource, il se débrouille avec un arc, et la perspective d’un changement politique à Dale pourrait l’intéresser…

 

Valter acquiesce, mais affirme que son sort dépendra du choix de la communauté : « Que fait-on de cet espion ? » « Lifstan » s’offusque : il n’est pas un espion ! S’il avait su ce qui se cachait dans cette forêt, il ne s’y serait pas aventuré… Mais ses explications sont couvertes par les suggestions de « la communauté » : on pourrait le rôtir ! On pourrait le pendre ! On pourrait en faire une cible pour s’entraîner au lancer de couteau ! Cependant, le lancier idiot a entendu les propos de « Lifstan », et les a semble-t-il jugé concluants – et d’autres se mettent à penser comme lui : ça ne peut pas être un espion…

 

Valter, lui, n’est pas crédule, de toute évidence : d’un geste ample, il obtient le silence. « L’affaire est compliquée. Il me faut me retirer auprès de mon conseiller le plus avisé en ces matières. » Valter pénètre dans sa tente, et, tout le temps qu’il reste à l’intérieur, un silence de mort plane sur le camp – les brigands sont dans l’expectative, et n’osent pas prononcer le moindre mot. Jorinn entend le hors-la-loi discuter avec quelqu’un à l’intérieur de la tente, mais ne perçoit pas la voix de son interlocuteur – et les paroles de Valter sont étouffées par la toile, impossibles à distinguer.

 

Puis Valter ressort de la tente : « C’est fâcheux. Mon conseiller n’a pas vraiment d’opinion concernant M. Lifstan – si c’est bien ainsi qu’il s’appelle, et je ne le crois pas un seul instant. Il est un espion. Que devons-nous faire des espions ? »

 

 

Mais, avant que les hors-la-loi de l’assistance ne répondent à leur chef, Oderic, jusqu’alors très hésitant, visiblement mal à l’aise en fait, intervient : « Mais justement, Valter ! Si c’est un espion, il vient probablement de Pierregué. Il doit savoir ce qui s’y est passé récemment – plus récemment que moi… Il pourrait nous apprendre des choses très utiles pour attaquer le village ! »

 

Jorinn comprend sans peine que l’intervention d’Oderic n’a pas d’autre raison que de lui sauver la vie. Des hors-la-loi ont pu prendre ses paroles au premier degré, mais certainement pas Jorinn, ni Valter – et Oderic le sait probablement. Le chef regarde Oderic en souriant : « Un point de vue intéressant, cher ami. Oui, vous devez avoir raison. Je suis ravi que vous ayez intégré notre petite compagnie. » Il donne l’ordre aux patrouilleurs qui avaient capturé Jorinn de le conduire dans une tente pour la nuit, et de monter la garde devant.

 

QUE FAIRE ?

 

 

Aldamar aimerait informer ses compatriotes de Castel-Pic de la présence de cette troupe de hors-la-loi… Mais, même à marche forcée, il faudrait bien trois jours ne serait-ce que pour s’y rendre, autant pour en revenir – et le sort de Jorinn pourrait être décidé bien avant. L’Homme des Bois ne connaît pas de communautés plus proches : la région est très sauvage, tout spécialement cette forêt, sans même parler des Champs d’Iris au sud.

 

Il leur faut agir maintenant. Se faire passer pour des esclavagistes, ou des brigands désireux d’intégrer la bande, ne tromperait sans doute personne, aussitôt après la capture de Jorinn. S’infiltrer dans le camp demeure la meilleure option pour l’heure – mais ce n’est pas quelque chose qu’ils peuvent faire tous ensemble. Les compagnons finissent par décider d’envoyer le discret Fredegar dans le camp, pour libérer Jorinn – après quoi ils aviseront.

 

Il faut d’abord déterminer où se trouve Jorinn – son interrogatoire sur la « place » s’est achevé. Plusieurs des hors-la-loi sont allés se coucher, et les patrouilles semblent un peu moins fréquentes – mais il y en a toujours. Mais Fredegar parvient à repérer la tente où est gardé Jorinn – du moins le suppose-t-il, car cette tente, un peu à l’écart, sans être à proprement parler à la lisière, est gardée par un lancier et un archer, et c’est la seule dans ce cas.

 

Mais le Hobbit, à ce moment précisément, constate que le jeune homme qu’il avait vu au côté du chef hors-la-loi s’approche de cette tente, échange quelques mots avec les gardes, puis pénètre à l’intérieur…

 

UN VISITEUR DANS LA NUIT

 

 

Oderic pénètre donc dans la tente où est enfermé Jorinn, ligoté. Le jeune homme s’assied sans dire un mot. Jorinn finit par lui demander, en chuchotant, ce qu’il fait ici. « Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question… Vous venez de Pierregué, c’est ça ? » Jorinn l’admet. « Je m’en doutais… Alors, c’est quoi l’idée ? Vous êtes venus me chercher ? Pour me ramener au Carrock, où je serai jugé et condamné ? » Jorinn concède que Beorn le recherche – mais son histoire a l’air plus compliquée qu’il n’y paraît. Oderic l’invite à en dire davantage, sur ce qu’il sait… ou croit savoir. Mais il glisse aussi : « Vous vous rendez bien compte que je vous ai sauvé la vie. Valter n’est pas surnommé ‘’le Sanguinaire’’ pour rien… » Jorinn en est bien conscient, et choisit de faire confiance à Oderic.

 

Ils reprennent ensemble l’histoire depuis le sort de Mérovée et Odon. Oderic déplore (sincèrement) ce qui leur est arrivé, même s’ils le conduisaient au Carrock, où il serait probablement condamné à mort, ou au mieux à l’exil. Mais il n’y est pour rien – les Orques ont abattu les deux Béornides, et par chance ils ne l’ont pas repéré lui. Il y a vu une seconde chance, à saisir – patientant après le départ des Orques, il a défait ses liens avec l’épée de Mérovée, et, par réflexe, il a pris la route de Pierregué.

 

Mais il s’agit maintenant de parler du meurtre de Rathfic. Oderic comprend sans peine que Jorinn a parlé avec Brunhild – que lui a-t-elle dit ? Le ton de cette question n’a rien de menaçant, il est plutôt angoissé, et a visiblement honte de ce qui s’est passé. Il confirme le récit de Brunhild : il était allé la voir pour lui dire qu’il comptait quitter le village. Il n’avait certainement pas l’intention de tuer Rathfic. Il ne l’aimait pas, il ne prétendra pas le contraire : Rathfic l’avait supplanté partout… Mais il ne voulait pas faire couler le sang. C’est un accident – une bagarre qui a mal tourné. Mais il ne niera pas le fait : il a bel et bien tué Rathfic. Ce qui lui vaudra d’être condamné pour fratricide. Jorinn avance qu’en expliquant à Beorn qu’il s’agissait bel et bien d’un accident, il pourrait écoper d’une peine allégée… Mais Oderic n’y croit pas : tout le village parlerait contre lui – ils ne l’ont jamais aimé, à Pierregué. À part Brunhild… et peut-être Helmgut… « Ils n’étaient que trop heureux de me balancer à Beorn, pour que cet homme qui ne m’avait jamais vu et ne savait rien de mon histoire décide de mon sort… »

 

Jorinn comprend tout cela. Mais il demeure étonné par autre chose : que fait donc Oderic au milieu de ces brigands ? Oui, il a bien conscience qu’il lui a sauvé la vie… mais justement… Oderic explique que Valter et ses hommes l’ont capturé peu ou prou dans les mêmes circonstances que Jorinn. Mais, quand il est arrivé au camp, Valter a pris soin d’écouter son histoire – une chose qu’il n’avait à peu près jamais connu à Pierregué, et qu’il n’espérait plus désormais. Les hors-la-loi étaient menaçants, mais Valter ne leur a pas demandé leur avis : « Il m’a proposé de rejoindre sa bande. Je ne pouvais rien espérer de mieux. »

 

Pourtant Jorinn comprend bien qu’Oderic est différent de ces brigands – et il le fait remarquer assez brusquement : servir un hors-la-loi sanguinaire, aux ambitions mégalomanes ? Vivre dans ce camp rempli d’esclaves ? Cela ne lui ressemble pas, Jorinn en est convaincu – malgré ce qui s’est passé à Pierregué, le Bardide comprend qu’Oderic a un certain sens moral, et qu’il n’apprécie rien de tout ça. Cependant, c’est Oderic qui s’aveugle : il semble persuadé, malgré tout (ou du moins fait-il beaucoup d’efforts pour s’en persuader), que Valter est un homme bien – et un meneur d’hommes, ce dont on a bien besoin, ici. « Il m’offre une chance de briller, de devenir ce à quoi j’ai toujours aspiré, un grand guerrier… Je ne suis pas venu vous parler pour le trahir. Je voulais seulement… savoir quand on me laisserait en paix, pour… ce qui s’est passé… »

 

Jorinn sent qu’il a brusqué Oderic, et semble même comprendre, à certains égards, sa situation. Reste que la vie qui l’attend ici n’est pas la sienne, n’est pas honorable : ce n’est pas le destin d’un guerrier qui se profile devant lui, mais celui d’un brigand, tranchant des gorges pour quelques pièces… Il vaut mieux que ça. Jorinn fait appel aux traditions, aux modèles de héros perpétués par les chansons… Une approche qui ne laisse pas Oderic indifférent : il est visiblement empli de doute – au fond de lui, il sait que Valter est un homme mauvais, et que marcher dans ses pas n’aura jamais rien d’honorable ; mais, en même temps, il se sent redevable – ne serait-ce que parce que Valter l’a écouté. Les paroles de Jorinn le touchent, visiblement, l’évocation de Brunhild aussi – le Bardide comprend qu’il suffirait de pas grand-chose pour que le jeune homme admette la vérité et rejette Valter et le destin que le brigand lui a offert. Pour le moment, toutefois, Oderic demeure indécis. Visiblement tourmenté, il quitte enfin la tente, sans dire un mot de plus.

 

À LA RESCOUSSE DE L’ESPION

 

 

Fredegar a fait son rapport. Il pense pouvoir s’approcher sans trop de risques de la tente où Jorinn est retenu prisonnier. La clairière a été agrandie nonchalamment – il n’y a pas de palissade, et les tentes sont proches de la lisière des arbres. Cette tente en particulier n’est pas à proprement parler à l’extérieur du camp, mais, en passant de tente en tente, il pense pouvoir y accéder, sans être repéré par les deux gardes, visiblement somnolents. Dès lors, il pourrait arriver par derrière, et percer la toile de la tente avec son épée roide – elle est sans doute épaisse, mais c’est jouable.

 

Le Hobbit parvient à s’infiltrer dans le camp sans se faire repérer, et son plan fonctionne, même s’il lui demande de procéder très prudemment et lentement. Progressant de tente en tente, il gagne l’arrière de celle où Jorinn est retenu prisonnier.

 

À l’intérieur, Jorinn ne dormait pas – la discussion avec Oderic remontait à quelque chose comme une vingtaine de minutes à peine. Soudain, il voit une lame traverser la toile non loin de lui – par chance, il n’était pas assis à cet endroit… Il comprend qu’on est venu le sauver. Oderic, peut-être ? Non – Fredegar ! Le Hobbit libère Jorinn de ses liens.

 

Il leur faut maintenant quitter le camp… Ça n’est pas un problème pour les discrets compagnons. Ils rejoignent les autres à quelque distance.

 

Jorinn remercie chaleureusement Fredegar. Puis le Bardide explique ce qui s’est passé depuis qu’ils ont été séparés. Il livre un portrait exhaustif de Valter et de ses ambitions « royales » (évoquant au passage son mystérieux « conseiller » dans sa tente). Jorinn a retrouvé Oderic, par ailleurs – il explique ce qui lui est arrivé, et ce qu’il lui a raconté ; Oderic lui a probablement sauvé la vie, et c’est un jeune homme tourmenté, qui sait sans doute, tout au fond de lui, ce qu’il en est au juste de Valter et de sa bande, mais qui n’ose pas se l’avouer.

 

Il apparaît clairement que Valter compte s’attaquer à Pierregué – peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’il s’est montré aussi protecteur avec Oderic, qui connaît bien les lieux ; et le jeune homme en a peut-être plus ou moins vaguement conscience, lui qui a précisément usé de cet argument pour sauver la vie de Jorinn.

 

Il faudrait prévenir Pierregué – et Beorn. Mais celui-ci leur a demandé de lui ramener Oderic… En agissant vite, peut-être pourront-ils faire en sorte qu’il les suive d’une manière ou d’une autre, de plein gré ou pas. Jorinn a la conviction qu’il est encore possible de le convaincre de se rendre auprès de Beorn avec eux – et il sait qu’il sera possible, en cas de procès, de témoigner en sa faveur, si la décision finale appartiendra de toute façon à Beorn (qui a la réputation d’être sévère mais juste). Mais si Oderic fait des difficultés, tant pis pour lui : Agariel notamment ne rechignera pas à l’assommer et l’enlever.

 

Mais, dans tous les cas, le temps presse : ils n’auront probablement pas de meilleure occasion que dans les quelques heures qui demeurent avant l’aube – au matin au plus tard, les hors-la-loi se rendront compte que Jorinn a disparu, avec l’aide de quelqu’un d’extérieur…

 

À suivre…

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CR Adventures in Middle-Earth : Mauvais présages (1/4)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Si nous avons doucement entamé la Mirkwood Campaign avec le précédent scénario, nous en sommes encore pour l’essentiel au « prologue » que constitue la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

La présente séance correspond à la première partie du scénario de Wilderland Adventures intitulé « Kinstrife & Dark Tidings » (pp. 37-58).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Fratricide et mauvaises nouvelles » (pp. 42-63).

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde/Chasseuse d’ombres 3)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur/Frontalier 3)…

 

 

… Fredegar Sanglebuc, un Hobbit de la Comté (Protecteur/Héraut 3)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors/Espion 3)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Frère d’armes/Maître d’armes 3).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé (pour L’Anneau Unique) signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

3A 2947

 

 

Vers la fin de l’été de l’an 2947 du Troisième Âge, soit deux mois environ après les événements narrés dans « L’Agent du Magicien », les compagnons remontent la vallée de l’Anduin par la rive est – en territoire béornide, au nord-est du Vieux Gué, et au sud de la Maison de Beorn.

 

Seul Nárvi a véritablement quelque chose de précis à faire en cette région : il y a passé pas mal de temps, à étudier scrupuleusement les reliquats de la Vieille Route de la Forêt, mais il a aussi entrepris de nouer des liens avec les communautés de la vallée, qui pourraient bien envoyer des observateurs à la grande assemblée des Hommes des Bois prévue pour l’an prochain – et à laquelle le Nain du Mont Solitaire participera lui-même en tant qu’observateur. Mais la situation n’est pas encore tranchée, et, s’il y a eu des ouvertures auprès des rudes Béornides, nul ne sait encore s’ils enverront une délégation à Rhosgobel, même si cela paraît plausible – car ils y ont tout intérêt.

 

Accessoirement, Nárvi mais aussi Fredegar sont très curieux de goûter aux fameux gâteaux au miel des Béornides – une excellente raison d’arpenter leur territoire ! Las, ils ne sont guère hospitaliers…

 

La compagnie s’est ainsi retrouvée, essentiellement à l’invitation de Nárvi, sur la rive est de l’Anduin, qui a de nombreux affluents. Le climat de fin d’été est idéal, la campagne verdoyante et sûre. Après un copieux bivouac, les héros que rien ne presse s’accordent une sieste bienvenue.

 

 

Jorinn, cependant, ne partage pas vraiment la béatitude de ses compagnons. Peut-être cela a-t-il à voir avec l’inquiétante lettre de son père, à Dale, qu’il a reçue il y a peu ? Il ne se sent pas tranquille, en tout cas – et ne parvient pas à trouver le sommeil. Il remarque soudainement un grand vol de corbeaux, comme sortis de nulle part, un peu plus loin au nord-ouest, à un peu plus d’un kilomètre peut-être. Le Bardide a l’impression qu’ils font des cercles au-dessus de quelque chose…

 

Mais Jorinn est le seul des compagnons à avoir remarqué ce phénomène : les autres, du moins ceux qui n’ont pas sombré dans la sieste (soit tous sauf Fredegar…), ont vu le Bardide se lever brusquement et fixer un point à l’horizon, mais ils sont bien en peine de dire pourquoi il s’agite de la sorte… Nárvi l’interroge : que lui arrive-t-il ? Aldamar et Agariel sont tout aussi perplexes, qui n’ont rien remarqué de spécial dans la direction fixée par Jorinn… Il désigne des corbeaux que personne à part lui ne voit ! Agariel sait cependant que son compagnon bardide a parfois des « présages », et elle les prend au sérieux : ils n’augurent généralement rien de bon… Il faut aller jeter un œil là-bas. Jorinn n’attend à vrai dire pas les autres ! Agariel réveille Fredegar, et ils suivent tous le Bardide qui progresse à grands pas.

 

À mesure que les compagnons approchent, le bourdonnement des mouches remplace celui des abeilles. Ils entendent aussi comme une sorte de martèlement, un peu comme un poing cognant à une porte en bois, assez régulier… L’ambiance devient plus sinistre – et Agariel craignant le pire plisse les lèvres et sort son épée.

 

L’EMBARCATION FUNESTE

 

 

Ils arrivent enfin sur place – Jorinn ne voyait ni n’entendait plus les corbeaux, mais il savait parfaitement où se rendre. Une barque est échouée sur la rive d’un affluent de l’Anduin. À son bord, deux cadavres percés de flèches – et une nuée de mouches qui s’affairent autour. Le martèlement est produit par le poing d’un des hommes, que le courant pousse régulièrement contre la coque de la funeste embarcation. Ce spectacle morbide noue le ventre de Nárvi.

 

Les compagnons s’approchent pour en apprendre davantage. Leur premier réflexe est d’identifier les flèches – et il ne fait aucun doute, à leur empennage notamment, qu’elles sont orques. Les cadavres commencent à sentir un peu, mais cela ne fait probablement pas très longtemps qu’ils sont ici et dans cet état (leur mort doit remonter à un jour, deux au plus). On peut eux aussi les identifier à leur allure : pour Fredegar tout spécialement, il ne fait aucun doute qu’il s’agit de guerriers béornides. Et pas n’importe lesquels : le Hobbit, en s’approchant, a remarqué, fichées au revers de leurs capes, deux broches argentées en forme d’ours – il sait, après ses voyages dans la région, que cela désigne les défunts comme étant des thanes de Beorn, ses plus proches conseillers ; à y regarder de plus près, il reconnaît même l’un des deux hommes, un certain Mérovée le Puissant. « C’est sérieux… »

 

Agariel rôde dans les alentours, elle s’éloigne un peu de la barque, en amont, en quête de traces lui permettant de comprendre ce qui s’est passé au juste. D’autres mouches bourdonnantes l’amènent à trouver deux autres cadavres – d’Orques, cette fois. Mais la découverte est très incongrue : les deux humanoïdes sont embrochés sur une même lance béornide ! Celui qui l’a projetée a réalisé un vrai coup de maître, d’une puissance exceptionnelle… Elle trouve d’autres traces, d’une bande d’Orques en maraude, qu’elle estime à une quinzaine ou vingtaine d’individus ; la scène est relativement fraîche, mais Agariel ne croit pas que les Orques se trouvent encore dans les environs – ce qui ne rassure pas Nárvi, qui reste aux aguets, hache en main. Un examen plus approfondi permet à la Dúnedain de déterminer que la bande a probablement pris la direction du nord-est. Et c’est étonnant : ces créatures se promènent en plein territoire béornide ! On n’en avait plus vu dans la région depuis la Bataille des Cinq Armées…

 

Jorinn et Aldamar regardent la barque de plus près. L’Homme des Bois remarque plusieurs choses : d’une part, il n’y a que très peu de vivres à l’intérieur – sans doute les Béornides étaient-ils proches de leur destination. D’autre part, il y a une corde au milieu de la barque, qui a visiblement été tranchée : Aldamar en conclut sans peine qu’elle servait à contraindre un prisonnier, qui a pu s’en libérer pendant ou après la bataille. Enfin, le frontalier remarque que le fourreau de Mérovée le Puissant est vide : sans doute le prisonnier est-il parti en emportant l’épée du thane.

 

Que faire ? Aldamar suppose qu’il faudrait ramener au moins les broches à Beorn – mais, pour Jorinn et Nárvi, il ne fait aucun doute que le fameux Changeur de Peau ne s’en satisfera pas, et voudra voir les cadavres de ses thanes. Au fond, cette situation leur parle, à eux qui ont ramené le cadavre de leur camarade Aeweniel à Fondcombe, après leur mésaventure dans les Monts Brumeux… Agariel, de retour, approuve : pas question de laisser les cadavres en l’état, à la merci des charognards !

 

Les compagnons peuvent remorquer la barque en amont de cet affluent de l’Anduin, ce qui les rapprochera de la Maison de Beorn – après quoi il ne sera guère compliqué de confectionner des sortes de civières pour achever le trajet à l’intérieur des terres. Il est impossible dans ces conditions d’atteindre leur destination avant la nuit, mais ils y arriveront vers midi le lendemain. Les compagnons progressent avec prudence : après tout, il y a des Orques dans le coin…

CONVIVES DU CHANGEUR DE PEAU

 

 

Ils parviennent cependant à la Maison de Beorn sans encombre. C’est le centre politique de la région – mais ça n’est même pas vraiment un village, s’il y a des petits hameaux dans les environs. Ça n’est qu’à peine une ferme, à vrai dire. Une haie l’entoure et le portail est ouvert.

 

Plusieurs animaux se promènent à l’intérieur – des chiens, notamment, qui ressemblent d’ailleurs beaucoup à Shadrach, l’animal de compagnie de Dodinas Brandebouc à l’Auberge Orientale. Tandis que les compagnons approchent, les chiens s’avancent aussitôt vers eux en aboyant – pas forcément de manière menaçante, mais c’est un sacré vacarme ! Très bref cependant : ils se taisent en voyant les civières. Ils s’approchent, reniflent les cadavres, et se mettent aussitôt à hurler à la mort.

 

 

Un homme très massif est assis devant le porche de la demeure. Il ne fait aucun doute, même sans l’avoir jamais rencontré, qu’il s’agit du légendaire Beorn. Il regarde les compagnons d’un œil assez noir – il reste assis, à tailler un bout de bois… et Aldamar et Jorinn se rendent compte qu’il n’use pas d’un couteau pour ce faire, mais de ses propres ongles !

 

Beorn se lève enfin, sans dire un mot. Les compagnons vont à sa rencontre avec les brancards – ils préfèrent se taire eux aussi. Le colosse regarde les cadavres : « Mérovée… Odon… » Puis il demande d’un ton ferme aux héros qui ils sont : « Des oiseaux de mauvais augure ? Que s’est-il passé ? » Fredegar prend sur lui d’expliquer tout cela – le Hobbit, qui peut sans doute rappeler Bilbo à Beorn (Nárvi pouvant lui rappeler ses bien trop nombreux compagnons…), s’y prend au mieux : sans en faire trop, en s’en tenant aux faits, de manière précise. Beorn apprécie la concision et la franchise.

 

Il commence par remercier les aventuriers de lui avoir ramené les dépouilles de Mérovée et d’Odon. Puis il se penche de nouveau sur les flèches : « Des Orques, si près de chez moi… Il faut qu’ils soient très audacieux, ou très stupides. Mais ils ont tué mes hommes – et ce crime ne restera pas impuni. »

 

Fredegar ayant évoqué l’hypothèse d’un prisonnier qui se serait échappé, Beorn explique qu’il avait envoyé Mérovée au sud pour y régler les disputes en son nom. « Je n’ai jamais voulu être un meneur d’hommes. Mais si les habitants de la région choisissent de me suivre, alors ils doivent respecter ma loi. Et ceux qui ne le font pas seront jugés sur le Carrock. J’imagine que Mérovée me ramenait un criminel pour que je décide de son sort. »

 

Mais il n’y a pas que l’épée de Mérovée qui manque : Beorn avait confié à son thane une bourse pleine de pièces d’argent. Et, en en faisant la remarque, il dévisage d’un air sombre les compagnons – visiblement suspicieux, tout spécialement à l’encontre de Nárvi, Agariel et Jorinn ; il ne les accuse pas expressément d’être des voleurs, surtout après la belle prestation de Fredegar, mais il ne semble pas encore leur faire confiance – en fait, c’est tout spécialement la mystérieuse Dúnedain qui le trouble. Ceci étant, ses précieuses remarques quant au comportement de la bande d’Orques en maraude jouent en sa faveur – de même que l’évocation par Nárvi du jet de lance magistral de Mérovée le Puissant : « Il portait bien son nom… »

 

Beorn confie à ses serviteurs, soit ses merveilleux animaux, tous en mesure de se dresser sur leurs seules pattes arrières, la tâche de s’occuper des dépouilles des thanes, et il invite les compagnons à le suivre dans sa demeure. Le « roi » des Béornides vit dans une masure très humble – de même qu’il n’arbore pas le moindre bijou, tandis que la hache à sa ceinture a visiblement beaucoup servi, un outil fonctionnel sans la moindre dimension ostentatoire ; on est aux antipodes de l’image qu’un Jorinn ou un Nárvi, tout spécialement, peuvent se faire d’un roi, avec Bard ou Dáin Pied d’Acier pour références. Leur hôte fait bouillir le thé lui-même, et leur sert de ses délicieux gâteaux au miel – ce qui enchante les gourmands Fredegar et Nárvi.

 

Puis Beorn s’assied sur un banc – très décontracté. « Vous êtes des voyageurs… Vous avez des nouvelles du vaste monde à me rapporter ? » Ses invités échangent volontiers, comme il se doit : Rhosgobel, Radagast (que Beorn connaît bien), la Forêt Noire (Beorn écoute avec attention le récit fait par Nárvi de leur « première aventure »), l’agitation des Orques « vers le sud » (Agariel tend à Beorn la copie qu’elle avait faite du rapport de Beran – elle sait où il se situe dans le combat contre l’Ombre, et le Changeur de Peau apprécie son geste, la prenant visiblement un peu plus au sérieux) ainsi que dans les Monts Brumeux : « Il y en avait pour croire qu’après la Bataille des Cinq Armées les Peuples Libres du Nord s’étaient définitivement débarrassés de la menace orque dans les Terres Sauvages, mais moi-même je n’y ai jamais cru un seul instant. » Tout cela intéresse fort Beorn : le colosse n’est pas exactement bavard, mais il a le don d’écouter, et grogne de temps en temps son approbation.

 

« Toutes ces discussions, ça donne faim ! » Beorn tape dans ses mains, et des moutons pénètrent dans la pièce avec des plats sur leur dos, qui sont servis aux convives par des chiens dressés sur leurs pattes arrière. La sombre atmosphère des débuts a cédé la place à une scène proprement féerique, et les compagnons sont pour un temps libérés de leur fardeau. Et ils perçoivent tous qu’en dépit de la tragédie qui les a amenés ici, Beorn, s’il n’en fait certainement pas état ouvertement, leur fait confiance, il a apprécié leur geste, leurs explications, leur comportement global – il les prend au sérieux.

 

 

Au fur et à mesure que les plats arrivent, des petits groupes de Béornides pénètrent dans la demeure, s’asseyant eux aussi à la longue table (cette salle à manger s’avère bien plus grande que les compagnons ne le pensaient instinctivement) – Beorn les salue, et n’a pas besoin de les informer du sort de Mérovée et d’Odon : les nouveaux convives sont venus rendre hommage aux thanes défunts.

 

Les Béornides sont des hommes rudes : ils sont affectés par ce qui s’est produit, mais le montrent aussi peu que possible – certains cependant sont venus avec femmes et enfants, et il s’en trouve qui ne parviennent pas à retenir quelques larmes. On lève régulièrement sa corne en l’honneur des défunts, en narrant des anecdotes toutes à leur gloire.

 

Au bout d’un moment, Beorn fait signe à un de ses hommes, lui murmure quelque chose à l’oreille, puis va se coucher sans un mot de plus. Le Béornide s’approche alors des compagnons : s’ils le désirent, ils pourront dormir à l’intérieur de la demeure – on a aménagé une chambre pour eux (ils perçoivent tous très bien qu’il s’agit d’un grand honneur – dormir dans la salle commune, ou même l’étable, aurait déjà été quelque chose qui n’est pas permis à tout le monde, et la plupart des Béornides de l’assistance n’espéreraient pas davantage pour eux-mêmes).

 

Durant la nuit, dans leur chambre un peu rustique mais très confortable, Fredegar et Aldamar, qui ont un peu de mal à trouver le sommeil, entendent des grognements très sonores, des reniflements aussi, qui évoquent un très gros animal, probablement un ours colossal, rôdant dans les environs – à l’intérieur du périmètre de la ferme. Fredegar apeuré suggère de barricader la porte… Mais alors même qu’ils s’interrogeaient à ce propos, les grognements et reniflements (mais parfois aussi de très intimidants rugissements !) cessent – ou, plus exactement, s’éloignent. Fredegar n’est pas beaucoup plus rassuré… mais aucun autre événement ne se produit durant la nuit. Ils parviennent enfin à s’endormir.

 

 

Le lendemain matin, le temps est au beau fixe. Les compagnons ont été portés à faire la grasse matinée. Quand ils quittent leur chambre, gagnant la salle à manger, ils tombent sur un Beorn souriant en train de faire la vaisselle – un de ses chiens lui tendant les assiettes, un autre s’activant avec les serviettes. Mais, sur la grande table, se trouve une douzaine de casques orques entassés… « Vous avez bien dormi ? » demande le Changeur de Peau. Oui – mais Fredegar, le premier debout, désignant les casques : « C’est une sacrée chasse que vous avez fait cette nuit… » Beorn indique du doigt la fenêtre… et Fredegar voit une douzaine de têtes d’Orques fichées sur des piques, juste à l’extérieur ! « Oui, j’ai été occupé la nuit dernière. Une bande d’Orques se promenant sur mes terres comme en pays conquis, et puis quoi encore… La mort d’un millier d’Orques pourrait payer pour celles de Mérovée et d’Odon, mais je préférerais avoir encore mes amis… Au moins justice a été faite. »

 

Beorn, en ayant fini avec sa vaisselle, tend une tasse de thé à Fredegar et s’attable lui-même. « Mais il y avait… d’autres signes. J’ai parlé aux oiseaux, aux bêtes. Il y avait bien un troisième homme dans cette barque. Un prisonnier, comme vous l’aviez deviné. Il est parti vers le sud, vers chez lui j’imagine. Là où j’avais envoyé Mérovée. Je n’en sais pas plus – mais il faut le retrouver. »

 

Nárvi, qui avait rejoint la conversation, propose aussitôt que les compagnons s’en chargent. « Vous savez, maître nain, il n’y a pas beaucoup de gens de votre peuple à qui je dirais ça, mais je vous fais confiance. Et je crois bien que c’est vous qui devriez partir en quête de ce prisonnier. Si vous êtes tombés sur cette barque… Moi, je crois pas au hasard, quand les signes s’accumulent. C’est le destin. Et je suis pas du genre à finasser avec le destin. Alors oui, si vous voulez bien partir après ce prisonnier, je vous en saurai gré. Vous m’avez impressionné, favorablement – tous. Je ne vous donne pas l’ordre de retrouver le fugitif – voyez ça comme une requête. »

 

Tous acceptent – même si Jorinn hésite, car la lettre de son père l’incitait à regagner Dale au plus tôt. Cependant, le Bardide est d’accord avec les propos de Beorn sur le destin : cette vision d’un vol de corbeaux, qui les a conduits à la barque, l’incite finalement à rester avec les compagnons, pour mener cette aventure à son terme.

 

Mais Beorn a une dernière requête : dans la soirée vont débuter les funérailles de Mérovée et Odon, et Beorn souhaiterait que les compagnons y participent – les cérémonies complètes prennent plusieurs jours, et les héros ne sauraient s’attarder davantage, mais le Changeur de Peau est convaincu, là encore parce qu’il ne croit pas au hasard, qu’ils devraient du moins rester pour cette soirée : de manière plus formelle que la veille, il s’agira d’échanger anecdotes et libations en l’honneur des défunts.

 

Dans la journée, Nárvi trouve enfin à aborder avec Beorn les sujets qui le préoccupent plus particulièrement : l’assemblée des Hommes des Bois, et l’entreprise de restauration de la Vieille Route des Nains. Beorn l’écoute avec attention, grommelant de temps en temps en hochant la tête. Le Changeur de Peau est assez d’accord avec le tableau que lui expose Nárvi : les Hommes des Bois devraient s’unir, et les Peuples Libres du Nord au-delà, et la route être restaurée – même si cela impliquerait la présence de davantage encore de ces Nains que Beorn ne prise guère de manière générale... Au-delà, l’entreprise impliquerait sans doute de développer le Vieux Gué, voire d’aller faire un sort aux Gobelins qui pullulent du côté du Haut Col… ou vers le sud, car ces mauvaises nouvelles l’inquiètent visiblement (ils évoquent aussi quelques rumeurs concernant le Sentier des Elfes et le retour du Loup-garou de la Forêt Noire…). Et Beorn est positif : tout cela serait souhaitable. Il ne promet pas d’assister en personne à l’assemblée de Rhosgobel, mais il y réfléchira, et il y aura de toute façon une délégation béornide sur place.

 

Et, le soir, les funérailles débutent – et l’avalanche d’anecdotes toutes à la gloire de Mérovée et Odon : combien d’Orques ils ont tué lors de la Bataille des Cinq Armées, etc. Le laconique Beorn ne fournit pas lui-même de tels récits, mais grogne régulièrement à l’évocation de tel ou tel haut fait.

 

Les Béornides de l’assistance sont un peu indécis quant à la présence des compagnons – certains semblent curieux de ce qu’ils pourraient bien narrer pour honorer les défunts. Le problème étant bien sûr qu’ils ne les connaissaient pas… Autre problème : les compagnons perçoivent bien que, si les Béornides n’ont assurément rien contre la forfanterie, ils n’apprécient par contre vraiment pas le mensonge – il y a donc un équilibre très délicat à trouver… Mais Agariel évoque en termes simples et forts le jet de lance magistral de Mérovée, qui a embroché deux Orques, et c’était typiquement ce qu’il fallait faire : les Béornides de l’assistance approuvent de vigoureux hochements de tête l’exploit du thane décédé.

 

Nárvi et Jorinn, par ailleurs, ont commencé dans l’après-midi à écrire une chanson sur Mérovée et Odon. Ils se proposent d’en donner un aperçu… qui convainc moins l’assistance ! Pas au point cependant où cela deviendrait embarrassant – c'est simplement un peu médiocre. Les convives perçoivent que l’intention était bonne, et s’en tiennent là…

 

Les compagnons se retirent, passant une deuxième nuit dans la Maison de Beorn.

SUR LA PISTE DU FUGITIF

 

 

Le lendemain à l’aube, il est temps de se lancer à la poursuite du prisonnier évadé. Mais les indices précis manquent. Agariel a eu beau s’entretenir à cet effet avec Beorn, évoquant bien des lieux-dits, il n’a pas été possible d’en tirer grand-chose. Beorn, pour avoir parlé aux bêtes et aux oiseaux, sait que le fugitif est parti vers le sud. Il suppose qu’il a eu pour réflexe de retourner auprès des siens. Après tout, c’est vers le sud, au-delà du Vieux Gué et de la Vieille Route des Nains, qu’il avait envoyé Mérovée – mais son office de juge itinérant le conduisait là où il y avait des disputes, il n’y avait pas d’itinéraire plus précisément défini. Et puis, dans cette région très peu densément peuplée, les frontières sont parfois un peu floues, entre le territoire béornide et celui des Hommes des Bois… Beorn n’est donc pas en mesure d’en dire davantage : ils ont cette seule indication – le sud.

 

Agariel propose de retourner là où ils avaient trouvé la barque, puis de suivre l’affluent de l’Anduin en question vers le sud – et le fleuve lui-même le cas échéant. Emprunter un radeau pourrait leur faire gagner du temps, mais au risque de rater des indices ou des témoins sur les rives – et il n’y a pas de navigateur parmi eux, aussi choisissent-ils de marcher. Les compagnons se sont vu confier une tâche importante, mais la progression dans ces terres libres est agréable – ils n’en sont que plus ragaillardis.

 

Agariel ne laisse pas sa vigilance s’amoindrir pour autant : il y a peu, une bande d’Orques écumait cette région si souriante, et il pourrait y en avoir d’autres… Et, lors de leur quatrième jour de marche (ils ont dépassé le Vieux Gué la veille, sans s’y arrêter), la Dúnedain découvre un cadavre d’Orque sur la rive de l’Anduin. Son allure évoque ceux qui ont été tués par la lance de Mérovée. Mais ce cadavre est décapité – la décollation est très nette, très franche, évoquant un coup bien assuré porté avec une lame de qualité. Agariel fouille les environs, mais ne trouve pas d’autres cadavres – la scène a dû se produire deux jours plus tôt, et il est impossible après tout ce temps de dénicher des traces visibles qui les orienteraient dans la bonne direction.

 

 

Les compagnons n’en ont pas moins la conviction d’être sur la bonne voie, et continuent vers le sud. Au cours de leur périple, ils ont croisé de temps à autres des fermes isolées ou des petits hameaux, sans s’y arrêter, mais, après cette découverte, ils jugent bon d’accoster un paysan béornide – dont la ferme se trouve à plusieurs heures de marche du cadavre d’Orque.

 

Le vieux bonhomme s’appelle Geral, et vit seul – son aspect bourru ne doit pas tromper, il accueille volontiers les compagnons, les invitant à se désaltérer avec un pichet d’hydromel et à échanger des nouvelles. Il est tout spécialement fasciné par Fredegar – n’ayant jamais vu de Hobbit auparavant : « On dit qu’y a des p’tits gars comme ça du côté des Champs d’Iris, en tout cas dans des chansons, tout ça… Mais j’en ai jamais vu. Faut dire, c’est loin, les Champs d’Iris. Alors vot’ pays au-delà des montagnes… c’est sauvage, par là-bas. » Fredegar lui vante l’Auberge Orientale, mais Geral se méfie des étrangers et de leur cuisine – « Sauf vot’ respect, bien sûr. Vous c’est pas pareil. Ça se voit. » Il apparaît clairement qu’il n’a peu ou prou jamais quitté sa ferme : pour lui, Bourg-les-Bois, c’est le bout du monde.

 

Le finalement sympathique Geral est un bon exemple de ce dont parlait Beorn : un bon bougre trop facilement persuadé que les Orques ne sont plus une menace après la Bataille des Cinq Armées, et que Beorn à lui seul les dissuaderait de revenir dans le coin.

 

Mérovée et Odon sont passés par-là il y a quelque chose comme une semaine ou dix jours, mais ils ne se sont pas attardés – ils descendaient l’Anduin, « mais quand on descend c’est pour remonter au bout d’un moment, non ? »

 

Agariel lui décrit l’épée de Mérovée : n’aurait-il pas vu quelqu’un qui l’arborait ? Geral ne saurait en jurer – mais il a accueilli un autre voyageur il y a de cela trois ou quatre jours : un jeune gars bien charpenté, très poli ; Geral ne jurerait pas que son épée correspondait à la description faite par Agariel, mais il en avait bel et bien une. Et généreux, le bonhomme : il lui a laissé une pièce d’argent, en paiement de la nuit passée dans la ferme ! C’était beaucoup trop… Oderic, qu’il s’appelait. Un Béornide, oui. Un peu bizarre, mais aimable. Agariel lui demande ce qu’il entend par « bizarre » : « Eh bien, nerveux ? Aux aguets, quoi. Même le cul posé sur ce banc à siroter un bon verre, il avait les yeux et les oreilles tendus vers tout et n’importe quoi… » Il n’a pas dit où il allait – mais il a pris la direction du sud au petit matin. « Après ,chuis pas du genre à poser des questions aux étrangers sur d’où qu’y viennent. Mais… vous, pourquoi vous m’posez toutes ces questions ? » Agariel préfère taire le sort de Mérovée et d’Odon – et la possibilité qu’Oderic soit un fugitif. Elle dit craindre qu’il ait des Orques aux fesses, pourtant – ce qui laisse Geral pour le moins perplexe : des Orques, par ici ? Allons bon… Mais Nárvi se montrer franc : oui, il y a des Orques dans le coin ; et par ailleurs ces sinistres créatures ont tué Mérovée et Odon… Geral n’en revient pas : les thanes, tués par des Orques ? Quelle histoire ! Et cet Oderic serait leur prisonnier, qui se serait enfui en volant l’épée du Puissant ? Et Beorn aurait dépêché les compagnons pour le retrouver ? Mais il avait l’air très bien, ce petit gars ! Et pourtant…

 

Geral offre volontiers le gite pour la nuit aux compagnons – et pas besoin de le payer avec une pièce d’argent ! Agariel, au petit matin, insiste pourtant pour lui en donner deux autres… Geral ravi les fournit en vivres et en hydromel – il fait une excellente affaire !

LA TRAGÉDIE DE PIERREGUÉ

 

 

Les compagnons continuent de suivre l’Anduin vers le sud – jusqu’à arriver à un endroit où l’on devine qu’il y a longtemps de cela se trouvait un autre gué pour franchir la grande rivière ; d’ailleurs, non loin se dresse un village, un peu plus conséquent que les hameaux qu’ils avaient croisés jusque-là, et entouré d’une palissade de bois, à l’intérieur duquel jaillissent les ruines d’une très vieille tour de pierre – le produit d’une époque lointaine où la région était plus sûre et civilisée. Les compagnons décident d’y faire une halte et de poser quelques questions aux autochtones.

 

 

La porte du village est ouverte, mais surveillée. Les habitants qui aperçoivent les compagnons les regardent d’un œil très méfiant – un trait plutôt commun chez les Béornides. Mais là où Geral avait vite brisé la glace, cette fois la suspicion se prolonge ; le vieux fermier avait quelque chose d’une exception.

 

Le temps que les compagnons arrivent au niveau de la porte, une petite délégation de trois personnages vient à leur rencontre :

 

 

Un vieil homme tout fripé, qui grommelle dans sa barbe…

 

 

... une jeune femme, avec peut-être un air de famille, qui a l’air particulièrement décidé – elle est un peu intimidante, à vrai dire…

 

 

... et enfin un jeune homme aux longs cheveux blonds, un guerrier visiblement, très nerveux, menaçant, la main prête à dégainer sa hache au moindre faux mouvement.

 

C’est la jeune femme qui prend la parole. Elle se présente comme étant Ava, fille de Hartwulf ici présent. Quant au jeune homme, il s’agit de Williferd, « le meilleur guerrier de Pierregué », ajoute-t-elle après un silence un peu trop prolongé.

 

Elle interroge les voyageurs sur les raisons de leur présence ici. Nárvi déclare aussitôt qu’ils sont des envoyés de Beorn. Ils n’ont pourtant pas l’air très béornides… Mais le Nain du Mont Solitaire explique hâtivement ce qui leur vaut ce statut – et ils ont des broches qu’il leur a donné pour les identifier comme étant à son service, au moins temporairement. Ava observe les broches très attentivement, et les juge authentiques. Mais elle ne se décrispe pas pour autant : si ses paroles ne sont pas à proprement parler brusques, elle fait néanmoins entendre aux compagnons que Pierregué n’a pas pour habitude d’accueillir des voyageurs – si c’est l’hospitalité qu’ils cherchent, mieux vaudrait se rendre ailleurs ; elle évoque même Fort-Bois… qui est bien à trois ou quatre jours de marche au sud-est !

 

Mais ce n’est pas un abri qu’ils cherchent – mais un prisonnier, un fuyard. Ava est visiblement décontenancée, elle qui fait tant d’efforts pour demeurer stoïque. Et Agariel d’avancer aussitôt le nom d’Oderic. Ava devient subitement très pâle : « Bon sang… » Il venait d’ici ? Oui – ils l’avaient confié à Mérovée, pour qu’il soit jugé au Carrock… Mais il se serait donc échappé ? Hartwulf marmonne dans sa barbe quelque chose à propos de mauvais présages… Ava lui passe une main sur l’épaule pour le calmer – et de même pour Williferd, qui se montrait toujours plus menaçant. Mais la jeune femme est visiblement stupéfaite : on ne s’échappe pas de Mérovée comme ça ! Mais Mérovée est mort – tué par des Orques… Cela fait beaucoup de mauvaises nouvelles d’un coup, visiblement.

 

Mais Jorinn n’y tient plus : que reproche-t-on au juste à cet Oderic, pour l’avoir confié à la justice de Beorn ? Ava, qui ne porte visiblement pas Oderic dans son cœur, lui répond sèchement : « Le pire des crimes… Il a tué un des siens. » Une sale histoire. Ava, qui ne se contient plus, explique qu’il a tué un certain Rathfic, dont il était jaloux, surtout depuis que ce dernier avait épousé sa « sœur » Brunhild… Il devait être jugé au Carrock – et ne plus leur causer d’ennuis ! Mais mieux vaut ne pas parler de tout cela devant la porte du village. De très mauvais gré, Ava constate qu’elle ne peut pas leur refuser l’accès à Pierregué. Ils pourront s’installer chez Oderic, s’il leur faut passer la nuit ici…

 

Cependant, la coutume du village exige que les visiteurs laissent leurs armes à Williferd le temps de leur séjour : envoyés de Beorn ou pas, telle est la coutume, et nul n’en est exempté. Si la plupart des compagnons accèdent sans plus regimber à cette demande, pas particulièrement exceptionnelle, Jorinn se montre quant à lui extrêmement méfiant – quant à Aldamar, il lâche qu’il préfère encore dormir dehors ! Mais ils comprennent tous que le très nerveux Williferd serait du genre à considérer tout refus comme une agression ouverte, et à réagir en conséquence… ce qui ne serait pas le meilleur moyen de les introduire à Pierregué. Tous, même en renâclant, acceptent enfin de se plier à la coutume.

 

Ava les conduit à la maison d’Oderic – les villageois demeurent très méfiants à leur encontre. La nervosité de Williferd s’explique sans peine : avec la mort de Rathfic et l'arrestation d’Oderic, il s’est retrouvé bombardé d’un seul coup au poste de « défenseur du village », et il n’y était pas prêt – c’est un jeune homme bien trop nerveux, que ses responsabilités soudaines accablent… Mieux vaut éviter de lui chercher des noises.

 

Mais Agariel évoque aussi la présence des Orques dans la région. Ava a tôt fait d’en rendre Oderic responsable…

 

Les compagnons supposent qu’il a pu repasser par le village : personne ne l’aurait vu ? Ava en doute : personne ici n’aurait souhaité s’entretenir avec lui, après ce qui s’est passé. Il a brisé le cœur de Brunhild, et celui du vieil Helmgut… et il n’a jamais été doué pour nouer des liens : c’était un jeune homme colérique, incapable de se contenir, autant dire de vivre en société… Et il a toujours été jaloux de Rathfic – lui reprochant de lui avoir pris sa place, en tant que guerrier du village, héritier de Helmgut, et sans doute aussi époux de Brunhild… Cela devait arriver un jour ou l’autre : ils sont tous un peu responsables, car ils auraient dû se rendre compte que quelque chose couvait, et agir en conséquence. Elle ne porte visiblement pas le fugitif dans son cœur… Mais, quant à savoir s’il serait repassé par ici, elle concède qu’elle ne peut pas parler pour tous les villageois, en l’espèce – elle, en tout cas, elle ne l’a pas revu depuis qu’il a été confié à Mérovée.

 

Mais Jorinn veut en savoir davantage sur le criminel et son forfait. Ava explique que les parents d’Oderic ont été tués par des hors-la-loi alors qu’il n’était qu’un tout petit enfant. Helmgut, un grand guerrier en son temps, l’a élevé comme son propre fils – avec sa fille Brunhild. Puis Rathfic est arrivé des montagnes – un guerrier doué, autrement stable que le fougueux Oderic, qui inspirait la confiance ; aussi est-ce finalement lui qui a hérité de la charge de protecteur du village et a épousé Brunhild – ce pourquoi Oderic lui vouait une haine mortelle. Et ce qui devait arriver arriva… Y a-t-il eu un déclencheur précis ? Ava, gênée, évoque à demi-mots des racontars, auxquels elle dit ne pas porter crédit : il s’en trouve au village pour prétendre que Rathfic aurait surpris Oderic et Brunhild au lit… Mais ce ne sont que des ragots mal intentionnés. Quoi qu'il en soit, rien ne saurait excuser le crime perpétré par Oderic.

 

Agariel interroge Ava sur les conditions dans lesquelles Oderic a été remis à Mérovée. Elle explique que, quoi qu’il se soit passé au juste, Brunhild seule a été témoin du meurtre – dont la réalité ne fait de toute façon aucun doute. Mais Helmgut est arrivé sur place peu après, découvrant sa fille en pleurs, Rathfic mort un poignard planté dans le cœur, et Oderic au-dessus de lui, tremblant, haletant… Helmgut a vite compris ce qui s’est passé – et a réagi aussitôt, en assommant son fils adoptif d’un coup du plat de sa hache. Quand les villageois ont appris que Mérovée rendait la justice dans les environs, ils n’ont été que trop heureux de lui confier le criminel pour qu’il soit jugé au Carrock.

 

 

Nárvi avance qu’ils feraient bien de questionner Brunhild. La perspective n’enchante visiblement pas Ava, qui insiste sur la douleur de la jeune veuve, mais, s’ils y tiennent, ils la trouveront sans doute au cimetière, juste à l’extérieur du village : elle s’y rend tous les jours pour fleurir la tombe de son époux, et s’y abandonner à son chagrin…

 

Les compagnons y vont aussitôt. La jeune femme est effectivement là, vêtue d’atours de veuve, agenouillée devant une tombe récente qu’elle vient de fleurir. Elle a l’air profondément abattue – pas dans le meilleur état pour répondre à des questions. Mais les compagnons n’ont guère le choix – si Nárvi prend soin de préciser d’emblée qu’ils sont neutres dans cette affaire, mais chargés d’assister la justice de Beorn. Le chagrin de la jeune femme saute aux yeux – et Jorinn est convaincu de sa sincérité ; mais le Bardide comprend autre chose : à tort ou à raison, elle se sent au moins pour partie responsable de ce qui s’est passé…

 

Il est difficile d’obtenir des réponses d’elle, mais Fredegar s’y prend au mieux, avec douceur, en faisant montre de compassion. L’inimitié entre Rathfic et Oderic était ancienne – et Oderic était bel et bien jaloux de « l’usurpateur ». Oderic et elle ont été élevés comme frère et sœur – mais le jeune homme était amoureux d’elle, elle le savait très bien. Elle l’aimait quant à elle comme une sœur. Il avait bon fond – oui, il était impulsif, bagarreur… mais il pouvait aussi se montrer très doux, très prévenant.

 

Elle a bien assisté au meurtre, oui – mais il ne faut pas croire les ragots… Oderic était venu la voir – il venait lui annoncer qu’il avait pris la décision de quitter Pierregué : il ne se sentait vraiment pas à sa place dans ce village où tout le monde le prenait de haut… à part elle-même. Il préférait partir, mener une vie d’aventure, trouver la fortune et la gloire loin de Pierregué… Il avait évoqué la proclamation du roi Bard, à Dale – il songeait à s’y rendre pour y trouver un emploi à sa mesure. Puis Rathfic est arrivé, les surprenant en pleine conversation… Brunhild ne saurait dire qui au juste a dégainé le poignard. Mais les compagnons connaissent sans doute la suite.

 

Mais Agariel avance qu’Oderic a pu revenir à Pierregué, pour la revoir une dernière fois – et le trouble de Brunhild est perceptible pour tous. Elle n’ose pas nier : oui, Oderic est repassé par Pierregué, il y a quelques jours ; il l’a surprise la nuit dans sa demeure, et lui a hâtivement expliqué ce qui s’était passé avec Mérovée et Odon – mais de manière trop laconique pour apprendre aux compagnons quoi que ce soit. Oderic, en tout cas, y voyait une seconde chance que lui offrait le destin – et il comptait bien la saisir. Il allait quitter le pays béornide, où il était désormais un fugitif, coupable de meurtre… Il disait vouloir traverser l’Anduin, et partir à l’aventure sur la rive ouest – après quoi… Brunhild n’espère plus jamais le revoir.

 

Que comptent-ils faire ? Ils ont donné leur parole à Beorn qu’ils le lui ramèneraient pour qu’il soit jugé. Brunhild le comprend bien – mais ils doivent savoir que, s’ils conduisent Oderic au Carrock, il sera jugé coupable et condamné… Oui, elle l’aime toujours : c’est son frère… Jorinn avance que Beorn a la réputation d’un juge honnête : il entendra la cause, et tranchera avec justice – cela pourrait être une chance, pour Oderic, car il a visiblement eu maille à partir avec des Orques, lesquels ne s’embarrassent pas de justice…

 

À suivre…

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Promenades au pays des Hobbits, de Jean-Rodolphe Turlin

Publié le par Nébal

 

TURLIN (Jean-Rodolphe), Promenades au pays des Hobbits – Itinéraires à travers la Comté de J.R.R. Tolkien, [Dinan], Terre de Brume, coll. Terres Fantastiques, 2012, 197 p.

 

Actualités tolkiéniennes pendant l’interruption de ce blog : l’été ne s’est pas montré très propice au jeu de rôle, cela dit j’ai deux comptes rendus en retard pour notre campagne d’Adventures in Middle-Earth, que nous reprendrons normalement dans la semaine qui vient. Jeu de rôle toujours, le supplément Erebor Adventures est sorti il y a quelque temps de cela, je compte le lire prochainement et vous en rendrai bien sûr compte.

 

Et côté littérature ? Eh bien, il y a eu une lecture de Tolkien himself… mais pas exactement la plus facile à chroniquer : La Légende de Sigurd et Gudrún. Rien à voir avec la Terre du Milieu, si ce n’est dans l’inspiration. Mais, à mon grand regret, je dois avouer être passé largement à côté de cet ouvrage très érudit, que sa forme poétique délibérément archaïque si très soignée (pour un rendu français convaincant, à la différence des illisibles Lais du Beleriand) rend plus hermétique encore. Ma méconnaissance de la mythologie nordique et de ses sources germaniques (si j’avais lu L’Edda de Snorri Sturluson il y a quelques années de cela – mais ici c’est plutôt du côté de L’Edda poétique qu’il s’agirait de creuser ; oh, au passage, j’ai lu, mais depuis seulement, La Mythologie nordique de Neil Gaiman, à voir si cela vaut la peine d’en parler ici), associée à la forme tout de même très particulière de cet ouvrage, ne m’ont pas permis de l’apprécier à sa juste valeur ; au fond, j’en ai surtout retenu les commentaires, comme toujours très pointus, de Christopher Tolkien – qui m’ont tout spécialement intéressé quand ils faisaient le lien avec les événements historiques impliquant les Huns dont Attila, ainsi que les Burgondes, une origine dont je n’avais franchement pas idée, ignare de moi.

 

Mais il y a eu une autre lecture, disons « autour de Tolkien », et c’est le relativement bref ouvrage dont je veux vous parler aujourd’hui : les Promenades au pays des Hobbits de Jean-Rodolphe Turlin (aux initiales de circonstance). Ce livre est assez inclassable, et cela contribue d’ailleurs à son charme – car, oui, j’ai bien conscience que ce qualificatif a quelque chose d’horrible, mais j’ai trouvé ce petit livre tout à fait charmant.

 

C’est le mot.

 

Je n’y peux rien.

 

Mais de quoi s’agit-il ? Eh bien, de sept « promenades » à travers la Comté de J.R.R. Tolkien – qui trouvent leur origine dans divers travaux en ligne de Jean-Rodolphe Turlin : en confrontant les sources, l’auteur s’attache à nous en dire le plus possible, sans extrapoler outre-mesure, sur la géographie de ce petit bout so British de la Terre du Milieu. Toutefois, si la moindre allusion est sourcée (encore une fois, il ne s’agit pas d’extrapoler à vol d’oiseau), le ton de l’ouvrage n’est guère « universitaire », disons – il a quelque chose de bien plus « léger » en apparence, qui s’avère parfaitement approprié.

 

Un guide de voyage à travers la Comté, alors ? Une sorte de Guide du Routard ou de Lonely Planet pour un espace restreint d’un univers fictionnel ? Eh bien, oui, si l’on prend les choses largement – et pourtant le résultat s’avère non dénué de qualités proprement littéraires qui le hissent sans peine bien au-dessus de ce que l’exercice pouvait laisser craindre : la plume de Jean-Rodolphe Turlin, très agréable, contribue à véhiculer l’atmosphère aimablement bucolique de la Comté, dans une veine qui fait écho avec habileté aux écrits de Tolkien lui-même.

 

En se fondant, ici sur Le Hobbit, là sur Le Seigneur des Anneaux, parfois même sur Les Aventures de Tom Bombadil, gai dol et toutes ces sortes de choses, là-bas sur des notes de travail ou la correspondance de J.R.R. Tolkien, un peu plus loin sur les cartes (éventuellement inédites) dessinées par Christopher Tolkien sur les indications de son père, et enfin, le cas échéant, sur d’autres ouvrages de la critique tolkiénienne qui avaient pu traiter occasionnellement de sujets similaires, Jean-Rodolphe Turlin met en scène sept itinéraires, parcourus ensemble par ses lecteurs et lui-même (autant de Hobbits joufflus, de toute évidence), qui témoignent de l’invraisemblable précision dont faisait preuve Tolkien en matière de création d’univers. De fait, les sources diverses consultées par Jean-Rodolphe Turlin permettent, effectivement, de définir de telles promenades de manière relativement rigoureuse, et de savoir qu’à cet endroit, sur la gauche, il y a un petit ruisseau, et un peu plus loin là-bas sur la droite les terres de tel gentleman farmer hobbit, etc.

 

Bien loin cependant de s’en tenir à une énumération qui aurait tôt fait de se montrer fastidieuse, l’auteur met toutes ces informations en scène, trouvant plus qu’à son tour à « montrer plutôt que dire », et, au gré des pages, la magie opère : ce ruisseau est bel et bien ici, cette ferme bel et bien là, et nous les voyons – de même que nous apprécions cette aimable brise qui accompagne nos pas, que nous entendons les abeilles qui bourdonnent, etc. Le ciel est bleu, la campagne d’un beau vert – un temps idéal pour « partir à l’aventure », à la manière hobbitique raisonnable et définitivement non-Touque, c’est-à-dire sans orques et sans dragons ; encore que l’on puisse croiser ici ou là, mais probablement dans telle ou telle taverne (il y en a beaucoup) où il fait bon se désaltérer après quelques heures de marche, des Nains qui font le trajet depuis ou vers les Montagnes Bleues, ou parfois même des Elfes, dont certains peut-être, aimablement las du monde, se rendent aux Havres Gris pour l’ultime traversée. La compagnie est agréable, la bière rafraîchissante, et l’herbe à pipe de la meilleure qualité qui soit. Tout est parfait.

 

Cependant, en la personne de Jean-Rodolphe Turlin, nous avons bel et bien un guide, et pas seulement un compagnon de route – et si, à l’occasion, ses attributions doivent l’amener à jouer au conférencier, il s’acquittera de sa tâche avec passion. Ceci, tout spécialement, vaut pour l’étymologie, l’origine des très nombreux toponymes, patronymes, etc., de la Comté. Là encore, on perçoit combien le moindre choix de Tolkien était réfléchi, et d’une précision presque maniaque – au-delà, on apprécie aussi combien les traducteurs de Tolkien ont dû batailler pour trouver à intégrer autant que possible les notions philologiques des termes « anglais » dans leur rendu français ; cela n’a certes pas toujours été irréprochable (au passage, l’ouvrage était plus ou moins contemporain des nouvelles traductions de Daniel Lauzon, mais, en raison de considérations éditoriales, il s’est appuyé essentiellement sur la base de la traduction de Francis Ledoux), mais il est intéressant de constater l’astuce de certains rendus français, sous la plume de traducteurs professionnels comme d’amateurs exégètes de Tolkien, dont Jean-Rodolphe Turlin lui-même, proposant le cas échéant leurs propres adaptations. Par chance, ces développements ne rompent pas excessivement le caractère bucolique des promenades – du moins en ce qui me concerne, mais j’ai pu lire des avis divergents.

 

Autre trait qui contribue à rendre ces balades agréables : le livre est, de manière fort pertinente, très aéré, et émaillé de cartes ainsi que d’illustrations, très diverses à vrai dire (outre les crayonnés de l’auteur lui-même, nous avons aussi bien des œuvres d’illustrateurs tolkiéniens, comme cette couverture de Ted Nasmith, mais aussi des gravures, etc., empruntées à des guides, des dictionnaires, que sais-je, du XIXe siècle, assez souvent), mais généralement bien trouvées et adaptées au propos – sans que la représentation ne vienne excessivement parasiter l’imaginaire propre du lecteur.

 

Promenades au pays des Hobbits est donc une réussite, dans son registre très singulier. Il satisfera probablement aussi bien les amateurs de Tolkien que, mettons, les rôlistes qui voudraient jouer dans la Comté (pourquoi pas, après tout ?). Et c'est un ouvrage, oui, tout à fait charmant. On n’ira probablement pas bien au-delà de ce qualificatif, mais, très honnêtement, je n’en attendais probablement pas autant en en entamant la lecture. Bonne pioche !

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CR Adventures in Middle-Earth : L'Agent du Magicien (1/1)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous entamons doucement la Mirkwood Campaign avec le présent scénario – sachant que, pour un temps, nous allons alterner avec le « prologue » que constitue la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond au très bref premier scénario de Mirkwood Campaign, « The Wizard’s Man » (pp. 11-13).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Ténèbres sur la Forêt Noire pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « L’Envoyé du Magicien ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde/Chasseuse d’ombres 3)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur/Frontalier 3)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors/Espion 3)…

 

 

… Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Frère d’armes/Maître d’armes 3).

 

 

… et enfin, en remplacement d’Aeweniel, tuée lors du précédent scénario, Fredegar Sanglebuc, un Hobbit de la Comté (Protecteur 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé (pour L’Anneau Unique) signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

3A 2947

 

 

Nous sommes au début de l’été de l’an 2947 du Troisième Âge, dans la Lisière Ouest de la Forêt Noire, à peu près à mi-chemin entre Bourg-les-Bois au nord et Rhosgobel au sud.

 

Ce dernier sanctuaire est le pays natal d’Aldamar, qui s’est enfin décidé à affronter ses craintes et à y retourner – en compagnie de son nouveau camarade Fredegar Sanglebuc, un ami de Dodinas et Dinodas Brandebouc rencontré à l’Auberge Orientale : le Hobbit est gourmand et toujours volontaire pour goûter à de nouveaux plats.

 

Nárvi a passé pas mal de temps dans la région – à l’orée de la Forêt, là où la Vieille Route des Nains jaillit des bois pour se prolonger en direction du Vieux Gué, mais aussi à Rhosgobel même, car il a appris que s’y tiendrait l’an prochain une assemblée des Hommes des Bois qui pourrait favoriser ses plans, en associant le peuple de Ceawin le Généreux, dans la Brèche Est, aux clans de la lisière occidentale – il y a aura des observateurs des autres cultures lors de cette assemblée, car les conséquences pourraient être énormes pour l’ensemble des Peuples Libres du Nord.

 

Quant à Agariel et Jorinn, ils ont beaucoup navigué, dans cette région et au-delà, la Dúnedain acheminant des lettres entre les différentes communautés, et le Bardide accompagnant diverses caravanes commerçantes en pays des Hommes des Bois mais aussi béornide.

 

Les héros ont donc eu maintes occasions de se croiser durant l’année qui vient de s’écouler. Leurs liens sont forts, peut-être même plus que jamais après le tragique décès d’Aeweniel dans les tunnels gobelins sous les Monts Brumeux. Régulièrement, ils voyagent ensemble – et, quand cette aventure débute, à l’invitation d’Aldamar, ils se livrent à une partie de chasse au nord de Rhosgobel.

 

LE FUGITIF

 

Nárvi entend soudain un bruit – celui produit par quelque chose se déplaçant dans les fourrés ; un homme, probablement, et qui ne cherche pas à être discret. Le Nain s’arrête ostensiblement, et fait signe aux autres de l’imiter.

 

 

Bientôt, un homme apparaît devant les compagnons – essoufflé, livide, une bave jaune aux lèvres, il s’avance vers eux en titubant, avec une main plaquée près du cœur. Aldamar a l’impression de l’avoir déjà rencontré, mais sans parvenir à l’identifier clairement. Nárvi comprend que l’homme est probablement poursuivi, et reste aux aguets, la main prête à saisir sa hache.

 

C’est devant le Nain que l’intrus s’effondre, tendant la main comme pour le saisir, sans parvenir à prononcer le moindre mot tant il a du mal à respirer – il parvient cependant à extirper de sa tunique une lettre, qu’il tend à Nárvi juste avant de sombrer dans l’inconscience. Le Nain méfiant avait fait un bond en arrière en voyant que l’intrus cherchait à sortir quelque chose, mais Fredegar, plus confiant, s’est avancé et a pris le bout de papier.

 

Agariel tend l’oreille : ça n’est pas tout près, mais la vagabonde perçoit des bruits dans la direction d’où venait l’homme empoisonné – une troupe humanoïde assez nombreuse, mais impossible d’en dire davantage, sinon qu’elle n’est pas à plus d’une heure de marche.

 

Aldamar, stupéfait, finit par mettre un nom sur l’inconnu : oui, il l’avait déjà rencontré, même si sa teinte livide et son allure générale l’avaient tout d’abord empêché de le reconnaître – il s’agit de Beran le Vigilant, un Homme des Bois de Rhosgobel, et au service direct de Radagast le Brun ! Aldamar se penche sur Beran pour évaluer son cas – l’Homme des Bois comprend qu’il a été empoisonné, probablement par du venin d’araignée à très haute dose ; il en est résulté une paralysie toujours plus prononcée – cet empoisonnement n’est pas fatal à brève échéance, mais Beran aura besoin de soins assez rapidement, sans quoi le venin pourrait bien finir par avoir sa peau – mais personne au sein de la compagnie ne dispose des remèdes adéquats pour le traiter sur place ; il faudra gagner un sanctuaire pour cela, et probablement Rhosgobel, où Radagast saura tout mettre en œuvre pour sauver son agent.

 

Fredegar lit la lettre de Beran – qui est adressée à Radagast. C’est une sorte de rapport, témoignant d’une résurgence de l’activité orque au sud, notamment au niveau du château de Pont-Marais, une ancienne fortification un peu au nord de Dol Guldur ; la lettre est accompagnée d’une carte approximative qui indique cet emplacement – ladite carte mentionnant également, mais de manière plus ambiguë, un autre endroit davantage au nord, et donc plus proche de Rhosgobel, nommé la Colline du Tyran (ces noms n’évoquent rien pour Fredegar, et pas davantage pour Jorinn et Nárvi, mais Aldamar et Agariel ont entendu parler, en termes plus ou moins vagues, du Nécromancien et de sa Colline de la Sorcellerie ; en revanche, personne parmi eux ne sait quoi que ce soit à propos de Pont-Marais ou de la Colline du Tyran). Agariel comprend l’importance de ce rapport, et fait une copie de la lettre et de la carte, un peu à la hâte.

 

Les poursuivants de Beran approchent – et il sera impossible de les semer, par exemple pour gagner Rhosgobel au plus tôt, d’autant que Beran inconscient les ralentirait. Aldamar ne connaît pas vraiment de refuge dans la région immédiate, mais, avec Agariel, ils font en sorte de dissimuler le fugitif empoisonné dans une souche creuse, et de se « cacher » autant qu’il est possible pour une compagnie de six personnes et un chien (Barran, le nouveau limier d’Aldamar), de sorte à pouvoir tendre une embuscade le cas échéant. Fredegar grimpe ensuite dans un arbre pour se dissimuler dans le feuillage – mais nul autre au sein de la compagnie ne parvient à le suivre, même si Aldamar s’y essaye.

 

Mais, pendant que ses camarades préparent les lieux à cet effet, Jorinn part en éclaireur pour en apprendre davantage sur cette troupe qui approche. Le Bardide n’est pas aussi discret qu’il le souhaiterait, mais parvient tout de même à s’approcher sans se faire repérer. Il découvre une troupe de cinq hommes, cinq guerriers en armures et équipés d’épées, avec une femme à l'air sévère et très digne à leur tête, et autant de chiens-loups d’une taille impressionnante. Jorinn n’est pas en mesure de les identifier plus précisément : ils ressemblent à des Hommes des Bois, mais le chasseur de trésors a pourtant le sentiment qu’il y a quelque chose qui ne colle pas, quoi que ce soit. Mais Jorinn s’attarde un peu trop longtemps pour les étudier : les molosses flairent dans sa direction, encouragés par la femme à la tête de la troupe (que ses soldats ont appelée Dagmar) – Jorinn comprend qu’il lui faut partir au plus vite ! Il retourne auprès de ses compagnons, mais la troupe derrière lui a accéléré le pas…

 

Le Bardide fait rapidement son rapport – avec ses descriptions précises, Aldamar comprend ce qui cloche chez ces « Hommes des Bois » : ils n’arborent le symbole d’aucun clan connu. Les poursuivants de Beran ne sont plus qu’à une dizaine de minutes, les chiens se font entendre – les héros se préparent à une rencontre qui pourrait mal tourner…

 

LES SBIRES DE LA COLLINE

 

 

La mystérieuse troupe rejoint la compagnie – seul Fredegar a pu se dissimuler à leurs yeux en grimpant dans un arbre, mais les nouveaux venus ignorent peu ou prou les héros ; lesquels avaient dissimulé Beran inconscient dans une souche creuse, mais cette précaution s’avère totalement inutile : les chiens-loups le repèrent aussitôt…

 

 

Ce n'est qu'alors que la femme s’enquiert de l’identité des compagnons. Aldamar ne se montre d’emblée par très coopératif – il est un Homme des Bois chez lui ! Qui est-elle pour le questionner de la sorte ? Dagmar rétorque qu’ils sont des Hommes des Bois, eux aussi… Mais qu’importe : le fugitif accueilli par les compagnons, dit-elle, est un voleur – qui a dérobé le bien de son maître, « Mogdred de la Colline » (Aldamar a vaguement entendu ce nom, celui d’un homme mystérieux qui aurait acquis un certain pouvoir un peu plus au sud – la Colline du Tyran figurant sur la carte de Beran ? –, où des Hommes des Bois lui paieraient tribut, dit-on). Dagmar poursuit, quand Aldamar évoque l’empoisonnement de Beran : cet imbécile, en tentant de s’évader, s’est précipité dans une toile d’araignée… Mais Aldamar ne mange pas de ce pain-là, de toute façon : accuser Beran, un Homme des Bois, et le fidèle serviteur de Radagast, d’être un voleur ? Calomnie ! Mais Dagmar est intraitable : la Colline veut entretenir de bonnes relations avec les Hommes des Bois, qui sont un peuple honorable, mais il n’en reste pas moins que cet homme-ci est un voleur. Qu’a-t-il donc volé ? Les compagnons n’ont pas à en savoir davantage : il a volé le bien de Mogdred, et c’est tout.

 

Mais Aldamar a une parole malencontreuse : cet homme n’avait qu’un simple bout de papier sur lui… Dagmar exige aussitôt qu’on le lui montre – elle était déjà dure jusqu’alors, mais elle devient subitement plus menaçante encore. Aldamar dit que cela ne regarde que Radagast, et personne d’autre. Agariel n’en évoque pas moins son contenu devant Dagmar – il paraissait potentiellement incriminant pour Mogdred… Les hommes de Dagmar fouillent Beran, mais ne trouvent rien sur lui (c’est Fredegar, que personne n’a repéré dans son arbre, qui dispose de l’original de la lettre).

 

Dagmar exige qu’on lui donne ce rapport – mais elle est indécise, visiblement : le combat ne lui fait pas peur, loin de là, mais elle ne veut probablement pas commettre d’impair diplomatique… Quand la Dúnedain évoque « un problème avec les Orques » au sud (et Nárvi en rajoute une couche, en se montrant beaucoup moins allusif), Dagmar répond qu’il n’y a rien de la sorte – les accusations calomnieuses d’un voleur en tant que tel indigne de la moindre confiance… Elle fait signe à ses hommes d’emporter Beran – pour qu’il réponde de son crime : justice sera rendue. Radagast n’appréciera pas, rétorquent les héros… Non, mais l’autorité du magicien ne s’étend pas à la Colline, affirme Dagmar.

 

Mais elle comprend qu’elle ne parviendra pas à raisonner les compagnons ; elle fait signe à ses hommes d’emporter Beran, et se retourne une dernière fois vers les héros : elle fera son rapport, et Mogdred n’appréciera pas, lui non plus… La troupe s’enfonce à nouveau dans la forêt – l’atmosphère est pourtant électrique…

EMBUSCADE !

 

 

Il faut gagner Rhosgobel au plus tôt, et prévenir Radagast ! Même si cela implique de laisser Beran aux mains de Dagmar et de ses hommes ? Dilemme… Mais peut-être dénoncer les actes de Mogdred permettra-t-il de sauver en définitive Beran ? Nárvi pense que Dagmar gardera l'agent de Radagast en vie, ou du moins veut-il le croire, mais Agariel est nerveuse… Ils prennent cependant la direction de Rhosgobel – qui est à quelque chose comme deux jours de marche au sud.

 

À mi-chemin, les compagnons dressent le camp pour la nuit. Mais les craintes d’Agariel se vérifient bientôt : si Fredegar et Nárvi, les guetteurs de la compagnie, n’avaient rien remarqué, les hommes de la Colline les suivaient – et, au cœur de la nuit, sous les ordres de Dagmar elle-même, ils lancent l’assaut sur le campement !

 

 

Aldamar les traite de sales lâches, mais ils s’en moquent, et viennent au combat – Dagmar restant pour l’heure en retrait.

 

Nárvi et Agariel se positionnent aussitôt pour leur bloquer le passage – tous deux encaisseront la majorité des coups, mais infligeront des attaques dévastatrices : la Dúnedain extermine à elle seule trois molosses, tandis que le Nain du Mont Solitaire se consacre davantage aux guerriers. Il est en mesure de tirer parti de ses entraînements au sein de la Guilde des Bâtisseurs : il sait désormais utiliser son bouclier de manière offensive ! Cependant, les coups pleuvent sur lui, et, en dépit de sa forte constitution et de sa lourde armure, il subit de vilaines blessures, qui le contraignent à faire appel à son second souffle…

 

Il apparaît bientôt que le Nain est le plus redoutable guerrier de la compagnie – Fredegar l’encourage, en lui offrant le soutien de son arc, mais Dagmar s’avance vers Nárvi pour briser la résistance des héros.

 

Cependant, les autres compagnons ne sont pas épargnés : les molosses qui se sont infiltrés, notamment, infligent de cruelles blessures à Jorinn – qui parvient cependant à tuer un guerrier. Agariel encaisse mieux, même si elle commet à un moment une maladresse qui aurait pu lui être fatale, en offrant une opportunité d’attaque à son adversaire ; en définitive, ses réflexes la sauvent.

 

Au cœur de la bataille se déroule l’affrontement singulier de Nárvi et Dagmar – mais c’est très vite le Nain qui l’emporte : lançant son cri de guerre, Nárvi assène deux attaques de sa hache et de son bouclier contre la meneuse des guerriers de la Colline – et la tue ! Emporté par la furie, il parvient même à blesser grièvement un des guerriers dans la foulée !

 

Et, si certains d’entre ces derniers tentent de placer un dernier coup, d’autres prennent leurs jambes à leur cou et tentent de fuir. La plupart périssent au combat, même si à ce stade Nárvi et Jorinn sont épuisés. L'un d'entre eux aurait pu parvenir à s'échapper si Agariel ne s’était pas aussitôt lancée à sa poursuite – secondée par un Fredegar d’abord hésitant, car supposant que ses camarades auraient bien besoin de ses soins. Mais Agariel coupe court au débat, plaquant au sol le dernier guerrier et le capturant…

 

Le guerrier, blessé et ligoté, fait d’abord le malin, refusant de répondre aux questions des héros ; il maintient que Beran était un voleur, refuse de dire où il se trouve, et dit que Dagmar refusait de laisser « ses complices » se répandre en calomnies sur le compte de Mogdred. Aldamar se retient difficilement de gifler le prisonnier – ce qui fait rire ce dernier : l’intimidation ne prend pas ; mais ce comportement ne fait guère honneur aux héros…

 

Agariel lui offre de répondre maintenant à leurs questions, essentiellement de dire où se trouve Beran, et de rentrer ensuite chez lui – sinon, ils n’auront pas d’autre choix que de l’emmener à Rhosgobel, auprès de Radagast. Le prisonnier proteste : il ne dépend pas du magicien brun, il dépend de la Colline ! Mais la Dúnedain n’en tient pas compte : il est sur le territoire de Rhosgobel, que cela lui plaise ou non, et répondra de ses méfaits devant Radagast et les Hommes des Bois ; elle comprend très bien qu’il reste fidèle à son maître, ce qui sied bien à tout serviteur, mais il n’en tombe pas moins sous la juridiction des autochtones. La vagabonde est sincère dans son offre de le relâcher, mais le captif ne la croit pas – même s’il ne saurait justifier ses actes autrement que par l’obéissance aux ordres de ses maîtres. Nárvi également essaye de le convaincre, mais sans succès : le guerrier semble se résoudre à devoir affronter le jugement de Radagast – et Agariel tend à croire qu’il craint bien plus l’ire de Mogdred que celle de Radagast et des Hommes des Bois ; il leur reproche en même temps le meurtre de Dagmar, une chasseresse admirable et loyale. Et l’embuscade, alors ? Ils ont frappé les premiers, mais pour se défendre des voleurs et de leurs complices, qui voulaient eux aussi leur tendre une embuscade ! Mais oui, Beran est vivant – évidemment qu’il l’est ! Pour qui le prennent-ils ?

 

Avec le soutien de Fredegar, Agariel parvient cependant enfin à convaincre le guerrier de les guider là où ils ont laissé l’agent de Radagast, en échange de la promesse qu’il pourra rentrer chez lui – les hommes de la Colline l’avaient tout simplement laissé à l’abri d’un arbre, sans surveillance : dans son état, Beran était bien incapable de fuir… Les compagnons le trouvent effectivement à l’endroit indiqué, toujours inconscient et sévèrement empoisonné – il lui faut des soins au plus tôt ! Aldamar parvient à le stabiliser pour quelque temps, mais il faut rapidement gagner Rhosgobel.

 

Conformément à sa promesse, Agariel libère l’homme de la Colline – et lui donne même les rares pièces trouvées sur les cadavres des guerriers (qui n’avaient rien d’autre de valeur), ainsi que quelques rations, ce qui le stupéfie profondément ; sa première réaction est probablement de se demander si elle ne cherche pas à l’empoisonner… La Dúnedain le comprend, et mange un morceau devant elle : il n’a rien à craindre d’eux – mais peut-être, de retour à la Colline du Tyran, ferait-il bien de s’interroger sur la manière dont on l’a traité, et celle dont Mogdred traite les autres. Troublé, le guerrier accepte les vivres, et détale dans la forêt.

 

UN MAGICIEN PRÉOCCUPÉ

 

 

Les héros attendent le lever du jour, ce qui leur permet de récupérer un peu pour ceux qui en avaient besoin, comme surtout Nárvi et Jorinn, puis ils prennent la direction de Rhosgobel. Le voyage s’effectue sans autres difficultés, même si transporter Beran les ralentit un peu.

 

Les compagnons arrivent à Rhosgobel, où ils sont bien accueillis par la petite communauté qui vit à proximité de l’étrange demeure de Radagast le Brun : c’est le peuple d’Aldamar, et on se souvient de ce que les héros ont rendu Mâcheloup aux Hommes des Bois. Les autochtones reconnaissent bien entendu Beran, et conduisent la compagnie au-devant de la futaie de Radagast : ils savent que le magicien excentrique, et parfois asocial, tient à écouter ce qu’ils ont à rapporter, tandis qu’il s’occupera de soigner son agent Beran.

 

 

De fait, Radagast leur ouvre ses portes. Les héros pénètrent dans sa demeure, et rencontrent l’étonnant magicien, à la vêture incongrue. Aldamar le sait lunatique, mais il a toujours agi en protecteur des Hommes des Bois, et probablement de plus en plus ces dernières années. Radagast sert un thé à tout le monde, sans demander l'avis de qui que ce soit, et les écoute tandis qu’il soigne Beran ; fouillant dans son manteau de peau un peu grotesque, il en extirpe au bout d’un moment une fiole qu’il fait boire à son agent – ce dernier demeure inconscient, et il lui faudra plusieurs jours pour récupérer, mais il est hors de danger.

 

Radagast n’attendra cependant pas si longtemps, il faut que les compagnons lui racontent d’ores et déjà ce qui s’est passé. Aldamar a beau avoir rencontré à plusieurs reprises le magicien, il est intimidé, et c’est essentiellement Fredegar qui fait son rapport. Le nom de Dagmar ne dit rien au magicien, mais il a vaguement entendu parler de Mogdred, même s’il ne sait pas bien dans quelles circonstances, et surtout de la Colline du Tyran, qu’il appelle Amon Bauglir. Le Hobbit tend la lettre de Beran à Radagast, qui l’étudie très attentivement (à vrai dire, il y consacre un temps hors de proportions avec le peu de mots que la lettre comprend). Tout cela est très inquiétant… « On aurait pu penser que la Forêt Noire connaîtrait enfin la paix, après que le Conseil a… Mais si les Orques sont à Pont-Marais… et si ce Mogdred… La Colline du Tyran était autrefois une dépendance de Dol Guldur… »

 

Radagast remercie les héros pour tout ce qu’ils ont fait, et semble se souvenir de ce qu’Aldamar, plus jeune, avait fait bien des bêtises dans les environs, mais il lui faut réfléchir à tout cela, maintenant… Il congédie ainsi les compagnons, les pressant de finir leurs thés sans plus de manières – un comportement qui n’étonne en rien Aldamar : c’est ainsi que fait toujours Radagast le Brun ; ceci dit, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas autant témoigné de son inquiétude…

 

Et les rumeurs qu’entendent les compagnons en s’attardant à Rhosgobel ne sont à vrai dire guère rassurantes. Certains des Hommes des Bois disent avoir entendu parler de Mogdred, qui serait lui-même un Homme des Bois, encore qu’on ne sache pas très bien d’où il vient exactement – mais il aurait effectivement entrepris de se bâtir un royaume plus au sud, ou du moins des Hommes des Bois lui paient-ils tribut.

 

Mais il y a des rumeurs plus ouvertement inquiétantes : on raconte qu’une étrange créature rôde à l’orée orientale du Sentier des Elfes, qui volerait et parfois tuerait les voyageurs imprudents… Et certains de ces derniers, des Nains plus spécialement qui auraient commis la gravissime erreur de quitter temporairement le Sentier, font état d’une autre créature maléfique : le Loup-garou de la Forêt Noire serait de retour…

 

C’est tout pour « L’Agent du Magicien », très brève introduction à Mirkwood Campaign, à ceci près que vous pouvez également vous reporter au journal tenu par Nárvi pour avoir son point de vue sur cette aventure (et ce qui l’a entourée) :

Mais l’aventure se poursuivra très bientôt, sans phase de communauté intermédiaire, avec un nouveau scénario, « Mauvais présages », issu de Wilderland Adventures.

 

Alors, à suivre…

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La Chute de Gondolin, de J.R.R. Tolkien

Publié le par Nébal

 

TOLKIEN (J.R.R.), La Chute de Gondolin, édition établie par Christopher Tolkien, traduit de l’anglais par Daniel Lauzon, Tina Jolas et Adam Tolkien, illustré par Alan Lee, Paris, Christian Bourgois, 2019, 227 p. + 9 p. de pl.

 

Ma chronique a été publiée directement sur le blog de la revue Bifrost, dans le (second !) cahier critique complémentaire en ligne du n° 95. J’en ai du coup aussitôt fait une vidéo.

 

Vos commentaires, critiques, etc., sont les bienvenus, comme d’hab’.

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CR Adventures in Middle-Earth : Ragoût de Hobbit aux fines herbes (3/3)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous visons la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond à la troisième et dernière partie du deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit » (pp. 20-36). Vous trouverez la première partie ici, et la deuxième .

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Une histoire d’herbe à pipe et de ragoût de Hobbit ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 2)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 2)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 2)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 2)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Frère d’armes 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé (pour L’Anneau Unique) signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

LEURRER LES CONVIVES

 

 

Les héros ont retrouvé Dindy dans la vaste cuisine du repaire des Gobelins, sous les Monts Brumeux. Les cruelles créatures, qui connaissaient pour une raison ou une autre l’excellente réputation de la cuisine hobbite, ont contraint le Brandebouc à leur préparer un banquet de rois – ils se bâfrent en singeant ce qu’ils croient être les bonnes manières des Hobbits, et il ne fait absolument aucun doute que Dindy lui-même sera présent au menu, en tant que savoureux dessert…

 

Les Gobelins (et dans une moindre mesure les Orques) sont nombreux dans le repaire – au moins une cinquantaine, à en croire le Hobbit, et probablement davantage. Un assaut frontal ne serait probablement pas une bonne idée… Du fait de la mort d’Ubhurz, ils ont un nouveau chef, autoproclamé – et, à la différence de son prédécesseur, c’est un Gobelin, même si particulièrement massif, ce qui agace les soldats orques de la bande. Ce nouveau chef, trop heureux de fêter son accession au pouvoir par un tel banquet, garde la clef du cadenas de la chaîne de Dindy autour de son cou ; ni le Hobbit ni les héros ne connaissent le nom du nouveau chef.

 

Les compagnons vont devoir faire preuve de ruse pour accéder à la clef – en même temps, ils ne peuvent pas non plus s’attarder indéfiniment : il leur faut regagner le fort circulaire vers midi au plus tard, dans l’idéal, pour y retrouver Bill l’Archer et Tom Face-de-Grumeaux, lesquels rassemblent pendant ce temps ce qui reste de la caravane de Dinodas Brandebouc – c’est qu’ils devront alors descendre du Haut Col, car ils ne sont pas en mesure d’y rester une nuit de plus, et il leur faudra bien une demi-journée pour gagner la vallée de l’Anduin…

 

 

Dindy court d’une marmite à l’autre – régulièrement, mais suffisamment bruyamment pour que les compagnons se dissimulent dans la cuisine et passent inaperçus, un ou plusieurs gobelins viennent dans la cuisine, pour réclamer à grands cris de nouveaux plats de la part de leur cuisinier hobbit. On les entend souvent brailler, de même, pour de nouvelles bouteilles, mais la cave se trouve dans une autre partie du repaire – vers l’est, pour autant que les héros puissent en juger, le banquet des Gobelins se tenant plutôt vers le sud-est.

 

Les héros souhaitent perturber le repas – pour s’infiltrer dans le repaire, ou du moins affaiblir les Gobelins, si possible en attirant le chef dans la cuisine pour lui subtiliser la clef du cadenas de Dindy. Ils trafiquent donc les plats : en y mettant beaucoup de sel, pour donner soif aux convives, et qu’ils boivent d’autant plus (à vrai dire, Dindy a la main lourde, si les Gobelins ne semblent pas s’en rendre compte immédiatement) ; en enchaînant les plats lourds, pour les ralentir et les rendre somnolents ; en dernier ressort, en jouant sur les épices, voire sur des toxiques divers (dont de l’herbe à pipe), pour rendre leur digestion plus douloureuse… Ce genre de choses. Dindy, avec leur aide, trafique donc ses plats de la sorte. Mais les effets risquent de se faire attendre : si les Gobelins sont de petites créatures, ce qu’elles sont en mesure de consommer, en solide comme en liquide, est proprement ahurissant – ce sont des puits sans fond ! Et si les Gobelins qui viennent réclamer des plats à un rythme soutenu sont visiblement ivres, ils ne le sont probablement pas autant que les compagnons le croyaient ou l’espéraient. À terme, ils en ressentiront forcément les effets, mais il faudra patienter un brin.

 

 

Une autre piste serait de jouer sur la ruse, notamment au regard des contestations que l’accession au pouvoir du nouveau chef gobelin suscite dans les rangs des soldats orques. Jorinn, en leurrant le poste de garde à l’entrée du repaire, a témoigné de ce qu’il avait de la ressource en la matière, et notamment qu’il était capable d’imiter les voix des Orques pour les manipuler…

 

Pour cela, le Bardide doit faire un peu de repérage – s’avançant discrètement dans le couloir au-delà de la cuisine, avec Agariel en soutien un peu en arrière, il découvre qu’un peu plus loin se trouve un nouveau poste de garde, là encore tenu par un ou deux soldats orques, nettement moins ivres que les précédents, mais au moins aussi grognons voire davantage : privés eux-mêmes du banquet, ils doivent supporter les moqueries des Gobelins ivres et cruels qui ne cessent de passer par-là, soit pour se rendre en cuisine, soit pour gagner la cave.

 

Les héros se replient – Jorinn pense que les Gobelins qui viennent régulièrement en cuisine, et qui sont tous saouls, seraient plus faciles à leurrer que les soldats orques, si l’idée demeure la même. Quand des Gobelins viennent réclamer de nouveaux plats, le Bardide contrefait une discussion entre deux Orques, dans l’espoir que les Gobelins dénonceront à leur chef les propos séditieux des Orques de manière générale. Jorinn se débrouille bien, et les Gobelins tombent dans le panneau, prenant ces propos au sérieux, mais les raillant – seulement, impossible de savoir s’ils vont faire leur rapport au nouveau chef gobelin.

 

Jorinn reproduit la même imposture avec d’autres Gobelins par la suite… mais avec moins de succès : cette fois, même ivres, les convives se montrent plus suspicieux, et s’attardent dans la cuisine, plutôt que de simplement repartir en se moquant des Orques et de leurs ambitions ; par chance, ils ne repèrent ni le discret Jorinn, ni les autres compagnons, qui avaient amplement eu le temps de choisir de bonnes cachettes.

 

Il faut dire qu’Agariel avait fait en sorte de disposer des caisses, etc., dans la cuisine, et établi un plan d’action, de façon à la rendre plus défendable en cas d’assaut, ou de faire tomber les Gobelins dans un piège – au cas où le nouveau chef viendrait avec sa clef : il devrait être aisément identifiable, à en croire les descriptions de Dindy.

 

Pour la Dúnedain, c’est en tout cas le moment « d’empoisonner » les plats, maintenant que la suspicion a été implantée chez les Gobelins : il ne s’agit pas de tuer ces derniers, mais de leur coller un sacré mal au ventre – de sorte que le chef prenne les propos séditieux attribués aux Orques au sérieux.

 

Au bout d’une heure environ, les compagnons remarquent qu’il y a moins de chants en provenance du banquet – et, parfois, ils entendent même des gémissements de douleur dus à des ventres barbouillés. Trois Gobelins, à peu près à ce moment, se rendent en cuisine pour se plaindre au chef hobbit que ses plats les rendent malades ; ils se montrent menaçants, même s’ils ne sont armés que de couteaux et de fourchettes.

 

Craignant qu’ils ne s’en prennent à Dindy sur un geste impulsif, les compagnons considèrent qu’ils ne peuvent pas courir le risque, et attaquent les Gobelins par surprise…

 

TROP DE GOBELINS AFFAMÉS

 

 

Au départ, les héros se montrent efficaces. Les Gobelins interloqués, et seulement armés de couverts, ne représentent pas une grande menace, et les compagnons s’en débarrassent sans grandes difficultés, encore que quelques assauts cruciaux ratent leurs cibles.

 

Le problème est que l’affrontement a été bruyant : les compagnons entendent les cris et les mouvements des Gobelins du banquet, mais aussi, plus immédiatement, les Orques qui montaient la garde de part et d’autre de la cuisine – et ceux du poste à l’est n’étaient pas le moins du monde ivres.

 

Les Orques sont des combattants plus solides, on ne s’en débarrassera pas aussi facilement – et le temps que les compagnons y parviennent, non sans blessures (sur Agariel notamment), une horde de Gobelins arrive par le couloir à l’est. Nárvi et Agariel s’étaient positionnés de sorte à leur bloquer le passage, mais les petites créatures s’en moquent, qui passent sur les murs, sautent sur les épaules de leurs prédécesseurs, etc. Leurs couverts ne font guère de dégâts – mais la furie gloutonne des Gobelins ivres les amène à mordre leurs adversaires, pour un effet bien plus douloureux !

 

Bientôt, les héros sont submergés, tandis que les convives du sinistre banquet envahissent la cuisine, où le pauvre Dinodas terrifié ne prend pas part au combat, cherchant désespérément à s’en tenir à l’écart. Un unique coup suffit souvent à abattre un Gobelin, mais ils n’en sont pas moins de plus en plus nombreux, et chaque Gobelin qui esquive ou survit à ses blessures contribue à accroître la menace.

 

Si Nárvi est en mesure d’encaisser bien des coups avant de broncher, Agariel doit bientôt faire appel à sa détermination de Dúnedain pour continuer le combat. Puis Aeweniel victime de plusieurs morsures s’effondre, inconsciente – la guérisseuse du groupe… Et Jorinn se retrouve bientôt dans la même situation, puis Agariel ! Seuls Nárvi et Aldamar sont encore en état de se battre – et Dindy pressé de toutes parts est contraint à donner quelques maladroits et désespérés coups de dague… Puis c’est au tour du Nain du Mont Solitaire de tomber au combat !

 

Et tous les Gobelins affamés de se jeter sur Aldamar… Le jeune Homme des Bois poursuit désespérément le combat tandis que Dinodas en larmes supplie les Gobelins de le laisser se rendre – il leur fera le meilleur des repas… Aldamar ne tient pas bien longtemps, et sa vision s’obscurcit…

MAUVAISE DIGESTION

 

 

Un temps indéterminé s’écoule – durant lequel Bill l’Archer et Tom Face-de-Grumeaux ont probablement descendu le Haut Col. Les héros reprennent leurs esprits… sauf Aeweniel : l’Elfe a succombé à ses blessures. Son cadavre n’a pas été déplacé – mais une broche a été disposée juste à côté. Fest, le chien d’Aldamar, est mort également : le fidèle animal s’est battu jusqu’au bout.

 

Les compagnons survivants découvrent qu’ils ont tous été enchaînés par les Gobelins, dans la cuisine, au côté de Dindy – ils ont pris la place des squelettes humanoïdes rongés jusqu'à l'os qu’il y avait çà et là dans la vaste pièce. Il n’y a pas un bruit dans les environs, et la cuisine n’est plus éclairée que par une faible torche en fin de vie.

 

 

Mais leurs geôliers, ivres et plus qu’un peu barbouillés, ne se sont pas montrés très précautionneux : personne n’a été assigné à la garde des prisonniers, sans doute parce que les Gobelins survivants, à ce stade, subissent de plein fouet les effets du banquet et ne peuvent guère faire autre chose que tenter de dormir malgré le mal au ventre (on peut donc supposer qu’il ne s’est pas non plus écoulé tant de temps que cela, et qu’il fait probablement jour dehors) ; les Gobelins ont subtilisé leurs armes et partie de leur équipement, sans toutefois s’être montrés exhaustifs – et les compagnons ont toujours leurs armures, leurs ravisseurs n’ont pas cherché à les déshabiller ; enfin, les chaînes qui retiennent les héros au mur sont à peine un peu plus courtes que celle de Dindy, et sont aussi et surtout beaucoup moins solides et inviolables – or ils ne sont pas les victimes lambda des Gobelins des Monts Brumeux, terrifiées et totalement désemparées…

 

Jorinn, tout spécialement, Nárvi dans une moindre mesure, constatent que leurs chaînes présentent un peu de jeu. Il n’est guère difficile, en faisant appel à chacun fonction des endroits à fouiller, de dénicher dans la cuisine des ustensiles petits, pointus et solides, à même de permettre au Bardide de crocheter son cadenas, ainsi que ceux de ses compagnons.

 

Mais pas celui de Dindy, bien sûr… Pour ce qui est du Hobbit, le problème demeure le même qu’avant le combat : pas le choix le concernant, il faut trouver la clef – probablement toujours autour du cou du chef gobelin.

 

Les compagnons vont devoir errer dans le repaire – aucune aide extérieure n’est envisageable. Ils n’ont pas d’armes, mais, dans la cuisine, divers ustensiles, tels que des tisonniers, etc., peuvent en faire vaguement office. Agariel est très sombre, et ne compte pas perdre de temps en palabres.

 

Jorinn part en éclaireur. Discrètement, le Bardide s’approche du poste de garde qu’il avait repéré précédemment – mais il ne s’y trouve pas le moindre soldat orque. Les compagnons progressent : pas un bruit, sinon de temps en temps un ronflement, voire le gémissement suscité par un ventre malade.

 

Ils gagnent bientôt la grande salle où s’est tenu le banquet des Gobelins – que les convives ont laissé telle quelle : partout des déchets, des bancs renversés, de la vaisselle et des couverts jetés çà et là, quelques Gobelins aussi qui dorment sous les tables, trop profondément endormis cependant pour constituer une menace.

 

 

En avançant un peu plus, Jorinn constate qu’un couloir au sud-est est cette fois bel et bien gardé par un soldat orque – mais il est très somnolent, et s’écroule à moitié sur sa lance, la seule chose qui le retienne debout ; il se redresse parfois dans un sursaut, mais ne tarde guère ensuite à reproduire le même cirque.

 

Passer discrètement est sans doute possible, mais les compagnons préfèrent chercher d’abord d’autres passages. Un tunnel au sud-ouest mène à un réseau de galeries, où les ronflements se font plus sonores – ce sont les dortoirs des Gobelins. Cependant, en progressant davantage vers le nord-ouest, Jorinn découvre une nouvelle grande pièce, qui est une forge, absolument déserte, et dont le matériel est fait de bric et de broc, volé au fil des années aux voyageurs empruntant le Haut Col. Nárvi y trouverait sans peine de quoi attaquer la chaîne de Dindy, mais cela prendrait du temps et ferait du bruit – ce qui est exclu. Revenant en arrière, Jorinn se rend à l’endroit où ils supposaient que se trouvait la cave – et c’est bien le cas ; elle est dans un état qui vaut bien celui de la cuisine ou de la salle de banquet.

 

Agariel est de toute façon convaincue que ce qu’ils cherchent se trouve au-delà du garde orque somnolent. Les héros prennent leurs précautions pour veiller à ce que personne ne vienne les menacer depuis les dortoirs – mais, dans l’état où sont les héros, une nouvelle confrontation massive leur serait forcément fatale : ça n’est pas une option.

 

Les compagnons s’avancent très discrètement dans la direction du soldat orque – ils n’espèrent pas pouvoir franchir le couloir sans le réveiller, aussi lui tendent-ils une embuscade en espérant qu’ils pourront s’en débarrasser avant qu’il ne sonne l’alarme… Par chance, ils parviennent à le vaincre sans faire trop de bruit ! Ils cachent le cadavre sous une table, avec une mise en scène laissant croire qu’il s’est endormi, emporté par l’ivresse. Nárvi s’empare de la lance du garde, et Agariel de son épée courbe.

 

 

Des ronflements particulièrement sonores se font entendre au bout du couloir. Progressant précautionneusement, les compagnons arrivent dans une salle relativement grande, dans laquelle se trouve un lit proprement immense, clairement pas de facture gobeline, et dont on se demande comment il a bien pu arriver là. Sur le lit est affalé un Gobelin particulièrement massif, qui ne peut être que le nouveau chef autoproclamé – et c’est lui qui émet ces ronflements à faire trembler les parois. Le gros Gobelin est couché sur le dos, aussi Jorinn distingue-t-il aussitôt la clef du cadenas de Dindy, qu’il porte en pendentif autour du cou. La pièce dispose de son propre poste de garde, avec un soldat orque assis sur un tabouret – mais il est plus qu’à moitié endormi. Au fond de la pièce, un escalier descend vers une autre salle, mais les compagnons ne veulent pas courir le risque d'y fouiner.

 

Jorinn s’approche discrètement du lit. Le soldat orque ne lui prête pas la moindre attention. Le Bardide a un moment de frayeur quand le chef gobelin, comme en réaction à son approche, émet un ronflement plus sonore, mais il ne se réveille pourtant pas. Jorinn arrive à son niveau, se penche sur lui (son haleine est atroce), et, très doucement, il parvient à s’emparer de la clef – le chef gobelin lui facilite en fait la tâche en se retournant au bon moment.

 

 

Le chasseur de trésors retrouve ses camarades, et ils ne s’attardent pas – ils quittent la pièce et regagnent la cuisine : la clef est bien celle de la chaîne de Dindy – le Hobbit est enfin libéré ! C’est un soulagement, même s’il est encore très effrayé…

 

SURVIVRE AU DEUIL

 

 

Il est hors de question d’abandonner le cadavre d’Aeweniel aux Gobelins des Monts Brumeux. Agariel, tout spécialement, n’imaginerait pas commettre pareil méfait : avec l’aide de Nárvi, elle confectionne un brancard qui leur permettra de transporter la dépouille de leur amie à travers les tunnels des Gobelins et au-delà.

 

Les compagnons parviennent à bien s’orienter dans les tunnels. Emporter le corps d’Aeweniel les ralentit, cependant, aussi regagner le fort circulaire leur demande bien deux à trois heures.

 

 

Si la brume est comme de juste omniprésente, il fait jour quand les héros retrouvent la surface – hélas, comme ils pouvaient s’y attendre, Bill l’Archer et Tom Face-de-Grumeaux sont déjà partis. Les deux gardes de la caravane, au cas où, avaient cependant fait en sorte que les compagnons retrouvent facilement leurs affaires, et ont même laissé quelques vivres et un peu de matériel supplémentaire.

 

Pour Agariel, retourner à l’Auberge Orientale n’est pas une priorité – malgré Dinodas et la mission que leur avait confiée Dodinas : s’il faut descendre du Haut Col, ce sera vers l’ouest, dans la direction de Fondcombe – la demeure d’Elrond est bien plus proche (à deux jours de marche environ, dans des terres libres qui ne suscitent pas les mêmes périls que le versant oriental), et la Dúnedain compte bien y ramener la dépouille d’Aeweniel ; elle n’est à vrai dire pas très ouverte au dialogue. Jorinn adhère sans réserve à cette injonction, Dindy commence par protester mais n’insiste pas outre mesure, les autres se taisent.

 

La compagnie descend donc le Haut Col vers l’ouest. Agariel fait de son mieux pour dissimuler leurs traces, mais en repère d’autres, nombreuses, de Gobelins – ils n’ont certes pas affronté la seule bande menaçant le Haut Col…

 

 

Tout le monde ne peut pas se rendre à Fondcombe : la demeure d’Elrond n’est accessible qu’à ceux auxquels il accorde son invitation. Bien sûr, cela n’est pas un problème pour Agariel, et ça n’en était pas un pour Aeweniel – en outre, Dinodas s’y était déjà rendu en deux occasions. Agariel suppose donc que les gardiens de Fondcombe ne feront pas de difficultés pour Aldamar, Jorinn et Nárvi.

 

De toute façon, des guetteurs surveillent le Haut Col, comme Agariel le sait très bien, qui leur envoie un message, expliquant la situation – et tout spécialement que la compagnie rapporte la dépouille d’Aeweniel. À peine posent-ils le pied dans la vallée d’Imladris qu’une petite bande de Hauts Elfes et de Dúnedain se révèle, qui prennent en charge le cadavre de l’érudite, et escortent les compagnons jusqu’à la Dernière Maison Libre, où leur geste est apprécié, surtout dans ces circonstances, et leurs informations quant aux Gobelins sont jugées précieuses.

 

Agariel est d’un tempérament plus morbide que jamais – partagée entre la tristesse et la colère, car elle désire plus que tout se venger. Elle consacre du temps, à Fondcombe, au souvenir des défunts – ceux de son peuple comme les Hauts Elfes, en accordant une place particulière à son amie Aeweniel. Se rendant avec son fils (âgé de sept ans) sur le site de la mort d’Arador, la Dúnedain médite sur le souvenir de ceux qui ont péri de la main de l’Ombre – et est plus déterminée que jamais à tout faire pour y mettre un terme.

 

 

Aldamar choisit de retourner auprès de son peuple – mais à Bourg-les-Bois, car il demeure méfiant en ce qui concerne son pays natal, Rhosgobel. Là, il chasse régulièrement dans la lisière ouest de la Forêt Noire. En une occasion, il abat un sanglier de bonne taille – ce qui entraîne un festin dont il se souviendra longtemps.

 

 

Jorinn, quant à lui, est très affecté par ce qui s’est produit : Aeweniel lui avait sauvé la vie ; le Bardide s’était lancé un peu nonchalamment dans cette aventure – il ne pèse véritablement que maintenant combien l’issue peut être fatale à la moindre erreur dans ces terres dangereuses.

 

Il a besoin de se ressourcer un peu, et regagne donc Dale – en faisant la route avec Nárvi, et avec un crochet par l’Auberge Orientale, pour ramener Dindy à son frère Dody, qui, après tout ce temps, n’espérait plus rien de la sorte…

 

Jorinn veut se souvenir de ce qui s’est produit – mais il veut en même temps que ce souvenir tragique, en temps de crise, vienne lui donner du baume au cœur, ainsi qu’à ses compagnons. Il entreprend donc d’écrire une chanson narrant ces événements et rendant hommage à son amie défunte – une chanson thématique, qu’il sera bienvenu d’entonner en chœur le soir, au coin du feu, avant d’aller se coucher.

 

 

Nárvi, enfin, passerait bien un peu plus de temps à Fondcombe : le Nain du Mont Solitaire a toujours été fasciné par les Elfes et leurs cultures.

 

Mais il lui faut retourner chez lui : là, dans la Chambre de Mazarboul sous Erebor, il fait des recherches sur la Vieille Route de la Forêt.

 

C’est tout pour « Ragoût de Hobbit aux fines herbes », à ceci près que vous pouvez également vous reporter au journal tenu par Nárvi pour avoir son point de vue sur cette aventure :

Et il me faut ici faire un petit mea culpa : je ne m’étais pas rendu compte, sur le moment, combien mes propos quand les Gobelins sont venus se plaindre à Dindy pouvaient inciter les compagnons à croire qu’ils n’avaient plus d’autre option que le combat… ce qui a débouché sur la mort d’Aeweniel, et un artifice marqué et désolant pour éviter le total party kill, comme on dit. C’est d’autant plus regrettable que le plan mis en place par les joueurs était le bon, et avait toutes les chances de réussir – comme c’est apparu une fois que les héros se sont réveillés prisonniers dans un repaire où les Gobelins dormaient tous, et très affaiblis… Mea culpa, donc, pour ce malentendu, et je vais tâcher d’éviter ce genre de choses à l’avenir…

 

Quoi qu'il en soit, l’histoire se poursuivra avec un nouveau scénario.

 

Alors, à suivre…

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CR Adventures in Middle-Earth : Ragoût de Hobbit aux fines herbes (2/3)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous visons la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond à la deuxième partie du deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit » (pp. 20-36). Vous trouverez la première partie ici.

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Une histoire d’herbe à pipe et de ragoût de Hobbit ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 2)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 2)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 2)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 2)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

LA BATAILLE DU HAUT COL

 

 

Les héros, et leurs nouveaux compagnons dont Dindy, sont assiégés par une forte bande de Gobelins dans un « fort circulaire » sur le Haut Col. Il y a des Gobelins des Monts Brumeux en masse, dont Agariel sait qu’ils sont fragiles et couards, mais leur nombre les rend très dangereux. Plus loin, il y a des archers gobelins, qui semblent protégés par des loups de bonne taille. Plutôt du côté des héros, il y a enfin des soldats orques plus massifs et solides.

 

Cependant, la tactique de la bande apparaît bientôt : les soldats orques vont laisser les petits Gobelins mener l’assaut, pour submerger les défenseurs du Fort et leur ouvrir un passage. Aussi, pour le moment, les soldats restent-ils en retrait. Les Gobelins se précipitent sur le talus, toujours plus nombreux ; mais, au départ, c'est surtout le groupe autour d'Iwgar qui en fait les frais. Les archers gobelins arrosent en même temps le fort circulaire de leurs flèches en cloche, et, sur une surface aussi petite, ils font régulièrement mouche... Et le jeune Andy Noirépine craque : dans un hurlement de terreur, il lâche ses armes et cherche à quitter le fort par le flanc nord.

 

Du côté des héros, les Gobelins se montrent plus prudents – mais les soldats orques les poussent enfin sur le talus, qu'ils tentent de submerger ; les soldats les plus massifs essayent dès lors de se faufiler dans le fort par d'autres accès. Le talus tient, mais la foule des Gobelins s'accroît toujours. Les compagnons s'attachent aussi longtemps que possible à tenir la ligne, mais, quand les soldats orques tentent de contourner l'assaut, Agariel comprend qu'elle doit se jeter dans la mêlée, quitte à se mettre sérieusement en danger.

 

Elle n'est pas la seule : si Bill l'Archer parvient à placer quelques belles flèches, les solides Iwgar et Tom Face-de-Grumeaux font face à une forte opposition. Et les compagnons connaissent à leur tour des avanies – Aldamar, notamment, qui avait échappé son arc, et qui, quand il parvient à le ramasser sous la plateforme, est atteint par deux flèches en cloche ! Et si le talus ne cède pas, ses défenseurs sont de plus en plus épuisés. Même les plus solides, tel Nárvi, rencontrent des difficultés face aux soldats orques, d'un tout autre gabarit que les Gobelins qui avaient lancé le premier assaut.

 

 

Dans la furie de la bataille, les combattants entendent cependant un hurlement au nord – ceux qui se retournent un bref instant constatent qu’un Orque immense est parvenu à franchir le talus de ce côté qu’ils ne surveillaient pas : braillant qu’il se nomme « Ubhurz le Terrible », ce colosse qui a tout d’un chef de bande décapite Andy Noirépine d’un tétanisant coup de cimeterre !

 

Et les soldats orques commencent à infiltrer le fort. Iwgar et Tom, épuisés, tentent de venir au secours des compagnons, mais perçoivent bientôt qu'Ubhurz est est une menace d'une tout autre ampleur : le chef orque bouge vite et assène des coups terribles. Aldamar en fait bientôt les frais, qui tombe inconscient sous le coup de la douleur !

 

Et Aeweniel et Agariel ont bientôt une autre mauvaise surprise, si les autres ne s’en rendent pas immédiatement compte : un tunnel dissimulé donnait à l’intérieur du fort, et en jaillissent de très nombreux Gobelins ! Toutefois, ces couardes créatures ne semblent pas là pour se battre : ce qu’elles veulent, pour une raison ou une autre, c’est enlever Dindy ! Et le Hobbit terrifié est saisi et entraîné de force vers le tunnel…

 

Agariel hurle de protéger Dindy, tout en contenant de son mieux l'assaut des soldats orques ; grièvement blessée, elle doit faire appel à son inspiration de Dúnedain pour ne pas s’effondrer ! Mais elle parvient de justesse à achever le soldat orque qui s’en prenait à elle. Il en reste deux dans le fort ; en revanche, les archers gobelins ainsi que les loups, à l’instar des éclaireurs qui s’étaient faufilés à l’intérieur du fort et qui ont capturé Dindy, fuient sans plus attendre, ces derniers par le tunnel sous la plateforme. Il reste toutefois des soldats orques ainsi que l’effrayant Ubhurz à l’intérieur même du camp ! Et le chef orque de s’en prendre à un Iwgar épuisé, qui est à l’agonie… 

 

Jorinn également est dans un très sale état. Si Aldamar a finalement recouvré ses esprits, le Bardide est dans une situation critique, qui exige des soins urgents. Aeweniel, guère efficace avec son bâton de toute façon, se rue sur lui pour le stabiliser... à quelques mètres à peine du combat violent opposant Ubhurz et un Iwgar emporté par la furie guerrière ; hélas, c'est le chef orque qui l'emporte, abattant le Béornide dans un hurlement de rage ! Agariel et Nárvi achèvent cependant les soldats orques, tandis que c'est Tom, emporté par le spectacle terrible de la mort de son chef, qui parvient à planter son épée longue dans le poitrail massif d'Ubhurz, le tuant sur le coup. La mort du terrible Orque met fin à la bataille.

UN REPOS TOURMENTÉ

 

 

Agariel se précipite aussitôt à l’orée du tunnel emprunté par les Gobelins. Il n’a pas été creusé récemment, et il apparaît qu’il donne sur tout un réseau typique des Monts Brumeux – on dit que les Orques peuvent descendre toute la chaîne, du Mont Gundabad jusqu’à Orthanc, sans voir la lumière du jour… Quelques traces témoignent du passage de Dindy et de ses ravisseurs.

 

Il faut se porter au secours du Hobbit ! Hélas, les héros, Nárvi excepté, sont tous dans un très sale état… Pour Bill et Tom, qui ont vu périr deux de plus de leurs camarades, dont leur chef Iwgar, bien plus expérimenté qu'eux, c’est encore pire : après avoir été harcelés par les Gobelins pendant trois nuits, ils sont épuisés, et ne peuvent plus ignorer leurs nombreuses blessures… Mais tous s’accordent sur un point : ils ne pensent pas que les Gobelins lanceront un autre assaut dans la nuit – la mort d’Ubhurz, notamment, joue, car il devait être leur chef. Descendre du Haut Col dans la nuit n’en serait pas moins suicidaire, mais tous devraient pouvoir bénéficier d’un répit bienvenu – d’autant que les Gobelins ont enlevé Dindy, ils n’ont visiblement pas cherché à le tuer ; on peut supposer, Agariel notamment qui connaît bien ces Gobelins, qu’ils le garderont vivant pendant quelque temps… même si personne n’a envie de jouer avec le feu. Leurs traces devraient demeurer suffisamment visibles pour les rattraper ultérieurement.

 

Aussi les héros décident-ils de s’accorder un bref et indispensable repos dans le fort – quelques heures durant lesquelles Aeweniel fait usage de ses talents de guérisseuse, secondée par Aldamar, en ayant recours aux herbes qui leur restent, de la quenouille d’eau notamment. L’Elfe est bientôt parfaitement requinquée – mais Jorinn, Agariel et Aldamar conserveront encore quelque temps les cicatrices de la bataille.

 

Puis les héros s’avancent devant l’entrée du tunnel – il a été convenu que Bill et Tom, guère en état de les suivre, tâcheraient d’ici à leur retour de rassembler ce qui peut encore l’être de la caravane pour se préparer à descendre dans la vallée de l’Anduin. Mais ils ne sauraient courir le risque de passer une nuit de plus dans les Monts Brumeux : comme il leur faudra bien une demi-journée pour descendre du Haut Col, ils attendront les compagnons jusque vers midi le lendemain – s’ils n’en ont pas de signe à cette heure, ils ne pourront plus patienter, et entameront la descente…

 

Les héros redoutent ce qu’ils trouveront dans les tunnels – mais ils sont déterminés à sauver Dindy des griffes des Gobelins !

 

DANS LES TUNNELS DES GOBELINS

 

 

Il fait très sombre dans les tunnels. Nárvi, Aeweniel et Jorinn voient bien dans l’obscurité, mais Agariel et Aldamar auront besoin d’éclairer leur chemin avec des torches – la Dúnedain dispose d’une lanterne à capote très appropriée. Le Nain du Mont Solitaire, le plus solide d’entre eux, et celui qui a la plus grande expérience des tunnels, passe en tête du groupe – mais, régulièrement, Jorinn fait son office d’éclaireur et part un peu en avant. La compagnie espère que le flair de Fest pourra également les aider – mais l’odeur de pourriture omniprésente ne lui facilite pas la tâche. Ils ont relativement confiance en leur capacité à s’orienter dans ce très complexe réseau de tunnels, toutefois.

 

Il est cependant difficile de pister les Gobelins sur la base d’éléments visuels : le sol de roche ne garde guère de traces, et les passages ont été nombreux depuis fort longtemps. Mais les compagnons peuvent suivre à la trace les Gobelins… en se fiant à leur ouïe : même si leurs proies ont quelques heures d’avance, le son porte dans ces tunnels (ce qui incite d’ailleurs Agariel à recommander la plus grande discrétion aux héros), et, s’il est tout d’abord un peu déstabilisant de tenter de s’orienter sur leur vacarme, à force, les compagnons parviennent à déterminer la direction à prendre. En effet, les Gobelins chantent à tue-tête – ce qui ralentit leur marche. C’est toujours la même chanson,  avec quelques variations çà et là :

 

 

Les Gobelins habitent les souterrains,

Des jours qu’y z-ont pas bouffé à leur faim !

Dents pointues et ventre qui gargouille,

Lames affûtées dans un fourreau qui rouille !

Les Gobelins la courtoisie ça les connaît

Toujours polis et vraiment bien élevés !

Une fois qu’on a gagné la bataille

On ramène l’ennemi pour dîner au bercail !

Les Nains c’est dur à mâcher et tout broussailleux.

Les Elfes ça a un goût bizarre, c’est tout filandreux.

Nous on veut d’la chair humaine et c’est marre

Poêlée, fumée, ou carrément tartare !

Jetez le Hobbit dans le chaudron !

On va l’boulotter jusqu’au trognon !

Amenez-le au banquet gobelin !

Amenez-le au banquet gobelin !

 

Et cette chanson sinistre est d’une grande aide pour s’orienter dans les tunnels – en même temps, elle ne les rassure pas exactement… Elle est soûlante, par ailleurs – au sens le plus strict, au fond, car, plus ils progressent, plus les compagnons ont le sentiment que les Gobelins sont ivres...

 

Jorinn part régulièrement en éclaireur – et, pour quelqu’un qui n’est absolument pas familier de ce genre d’environnement, il se débrouille très bien. Il n’y a pas de postes de gardes pour l’heure, les Gobelins se contentent d’avancer d’un pas chancelant vers leur repaire. En revanche, Jorinn découvre que certains passages sont difficiles à négocier, car ils sont très étroits – d’autres sont à moitié écroulés, et éventuellement menaçants, mais le Bardide se montre suffisamment prudent et attentif pour les repérer et les indiquer à ses compagnons.

 

Mais ces tunnels ne sont pas totalement vides. Jorinn y repère régulièrement des traces animales diverses, mais, surtout, au détour d’un couloir, il devine la présence d’une lourde créature humanoïde, au pas pesant, qui n’a rien à voir avec les Gobelins – le chasseur de trésors s’avance discrètement… et découvre…

 

 

… qu’un Troll des Cavernes rôde dans les tunnels ! Il n’en avait bien sûr jamais vu de ses yeux, mais ce qu’il en a entendu dire ne lui laisse aucun doute à ce propos… Par chance, la créature ne semble pas très attentive à ce qui l’entoure, il devrait être possible de passer discrètement, sans éveiller son attention. Jorinn va faire son rapport, et, avec ses instructions, les compagnons parviennent à contourner la menace – non sans une petite frayeur.

 

Agariel commence à s’inquiéter du temps qui passe – cela fait des heures qu’ils naviguent dans les ténèbres, et leur temps est compté… Les Gobelins n’arriveront-ils donc jamais à leur repaire ? Mais c’est peu ou prou à ce moment que les compagnons comprennent, en faisant attention à la chanson, que les Gobelins n’avancent plus : oui, ils ont bel et bien atteint leur tanière – et il va falloir se montrer d’autant plus prudents.

 

DU BON USAGE DU SAUCISSON

 

 

Jorinn, passant en avant, confirme ce sentiment : deux soldats orques sont de faction à un poste de garde. Cependant, à voir leur comportement, et à entendre ce qu’ils disent, le Bardide comprend qu’ils sont totalement ivres – ils se font régulièrement passer une outre d’alcool, et se plaignent de ce que le remplaçant autoproclamé d’Ubhurz, semble-t-il un Gobelin même si particulièrement massif, leur a donné l’ordre de garder l’entrée du repaire, ce qui les prive du banquet qui se tient en ce moment même. Cet opportuniste mériterait une bonne leçon !

 

Il faut franchir ce poste de garde, sans laisser aux Orques le temps de sonner l’alarme. Il n’y a pas d’autre chemin. Plusieurs options se présentent aux compagnons : tuer les soldats bougons ne serait probablement pas la meilleure idée, car ils risqueraient d’encaisser suffisamment pour avoir le temps de signaler la présence d’intrus – et il ne fait aucun doute que les Gobelins et les Orques se comptent par dizaines dans cette tanière ; en revanche, les gardes sont probablement assez saouls pour que les héros puissent les contourner discrètement, ou user de ruse pour qu’ils aillent voir ailleurs.

 

Les compagnons débattent longuement de la meilleure action – or le temps presse… Finalement, Nárvi sacrifie un de ses fameux saucissons, qu'il jette à quelque distance pour y attirer les Orques – mais un seul d’entre eux se rend sur place… et, quand il découvre le saucisson, s’il est suffisamment ivre pour ne pas se demander comment il a bien pu arriver là, il n’en fait toutefois pas état à son collègue, préférant se retirer dans un coin pour le manger tout seul !

 

Mais Jorinn, qui est doué pour l’imitation, reproduit la voix de ce dernier, parlant du saucisson, pour attirer l’attention de l’autre. Le premier est tellement à son affaire qu’il ne prête aucune attention à cette imitation de sa voix – l’autre est suffisamment crédule pour tomber dans le panneau, même s’il a du mal à repérer son collègue, tant il est ivre : « Qu’est-ce tu parles de saucisson ? C’est du Hobbit qu’on va boulotter ! ‘fin, quand c’est qu’il aura fini la cuisine… » Le soldat orque approche en fait dangereusement des compagnons… mais, par chance, ne les voit pas. Puis il finit par partir dans la direction du dévoreur de saucisson, auquel il reproche son égoïsme !

 

Les héros en profitent – c’est le moment ou jamais de se faufiler dans le repaire des Gobelins !

 

CUISINE HOBBITE

 

Mais, passé le poste de garde, il leur faut progresser prudemment – il pourrait y avoir d’autres Gobelins ou Orques dans les environs, même si le boucan du banquet laisse entendre que des dizaines d’entre eux sont occupés à ripailler et à écluser plus loin dans la tanière.

 

Ils atteignent bientôt une vaste pièce, encombrée de très nombreux et très divers ustensiles de cuisine : des marmites, des broches, des fours, etc. Cette pièce est beaucoup plus éclairée que les autres. Avant d’y voir quoi que ce soit, les compagnons entendent le bruit de quelqu’un qui s’active dans cette cuisine. Jorinn s’avance en éclaireur…

 

 

… et découvre que le cuisinier n’est autre que M. Dinodas Brandebouc ! Le Hobbit, très nerveux, en sueur, passe d’une marmite à l’autre. Il est attaché au mur par une longue et lourde chaîne.

 

Jorinn attire son attention – le Hobbit est d’abord trop affairé pour en tenir compte, mais il finit par voir les compagnons : « Oh ! Vous ici ? Décidément, vous faites preuve d’un grand dévouement pour tenter de me sauver la couenne, mais je crains que cela ne s’avère un tantinet compliqué… », dit-il en montrant sa chaîne. C’est un objet de grande qualité, très solide – même si de fabrication humaine et non naine, comme Nárvi le comprend aussitôt. Il ne sera pas possible de briser cette chaîne, du moins pas sans y passer beaucoup de temps et en faisant beaucoup trop de bruit.

 

Par ailleurs, le cadenas est lui aussi de la meilleure qualité, et clairement impossible à crocheter : il faudra en trouver la clef… Et Dindy leur explique, comme Agariel le supposait, qu’elle est autour du cou du nouveau chef – un gros Gobelin arrogant et très fier de sa soudaine promotion suite à la mort d’Ubhurz. Dinodas n’est pas en mesure de dire précisément combien de Gobelins sont présents dans le repaire, mais avance qu’ils sont au moins une cinquantaine.

 

La conversation du Hobbit est hachée, car il doit sans cesse passer d’un fourneau à l’autre, d’une marmite à l’autre : ici il ne faut pas trop cuire, là çà risque de verser, etc. C'est que les Gobelins, qui connaissaient d’une manière ou d’une autre les talents des Hobbits pour la cuisine, ont exigé qu’il leur prépare un banquet de rois – ils singent les manières des Hobbits, ou ce qu’ils supposent être ces manières, usant de serviettes et de couverts, mais il ne fait aucun doute, comme Dindy lui-même en fait la remarque, que le cuisinier sera en définitive au menu, en tant que savoureux dessert : il indique d’autres chaînes, attachées aux murs, qui maintiennent assis des squelettes humanoïdes dont la chair a été rongée jusqu’à l’os…

 

Et, de temps en temps, les héros entendent des Gobelins brailler, depuis les pièces davantage à l’est : « Plat suivant ! Plat suivant ! Et une bouteille ! Deux bouteilles ! » Prévenus par Dindy, les compagnons peuvent se dissimuler quand, régulièrement, un Gobelin chancelant avec une serviette maculée de graisse passée autour de son cou se rend en cuisine pour y prendre les plats copieux concoctés par le Hobbit. Les héros n’ont pas vu de bouteilles dans cette pièce, et Dindy leur explique que la cuisine et la cave sont séparées – les bouteilles sont gardées ailleurs dans le repaire des Gobelins.

 

S’ils étaient tous ivres morts, ça faciliterait la tâche des compagnons… Par ailleurs, les plats concoctés par Dindy peuvent y aider – il manque d’épices ou d’autres ingrédients pouvant rendre les Gobelins vraiment malades, mais peut aller dans ce sens : du sel pour donner soif, de quoi perturber un peu la digestion… Ses ravisseurs semblent particulièrement apprécier les plats les plus lourds, qui pourraient les ralentir un peu…

 

Les compagnons réfléchissent à leurs options : là encore, la solution brutale n’est probablement pas la meilleure – même ivres, les Gobelins sont beaucoup trop nombreux. Mais la discrétion et la ruse pourraient faire l’affaire…

 

À suivre…

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Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide

Publié le par Nébal

 

Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2019, 144 p.

 

Le supplément Lonely Mountain Region Guide pour Adventures in Middle-Earth est pour l’essentiel, et comme souvent, une transposition d’un supplément de la gamme de L’Anneau Unique, en l’espèce Erebor – Le Mont Solitaire. Or j’avais déjà chroniqué ce dernier, assez récemment (moins de six mois), et mon point de vue demeure essentiellement le même. Du coup, la majeure partie de cet article reprendra tel quel le précédent ; il y a toutefois quelques apports spécifiques dans le portage D&D5 de ce « guide », que je mentionnerai le cas échéant.

LA RÉGION JUSTE À CÔTÉ

 

Comme pour la gamme de L’Anneau Unique, la sortie relativement tardive de ce supplément consacré au Mont Solitaire et, en fait, aux régions environnantes, incluant la ville de Dale mais allant bien au-delà, au nord-est de la Forêt Noire, peut sembler étrange, dans la mesure où son absence jusqu’alors avait quelque chose… d’une anomalie ? La campagne « classique » d’Adventures in Middle-Earth comme de L’Anneau Unique débute peu ou prou au pied du Mont Solitaire : la proclamation de Bard, roi de Dale reconstruite, est un bon prétexte pour rassembler une compagnie, et la Ville du Lac, ou Esgaroth, à peine un peu plus au sud, est théoriquement le premier sanctuaire ouvert. Le Mont Solitaire est là, juste à côté, il domine l'horizon initial des PJ, mais il n’avait jusqu’alors pas eu droit à une description relativement approfondie – et, à vrai dire, il avait à peine eu droit à une description superficielle. Il en allait de même pour Dale, ce qui, à tout prendre, était bien plus problématique encore – car la cité de Bard est « ouverte », bien plus accessible que le riche et puissant royaume nain d'Erebor ! Il était donc un peu handicapant, dans le contexte de base des Terres Sauvages, de ne pas avoir véritablement d’éléments de background concernant Erebor et Dale, qui en sont indubitablement le cœur civilisé…

 

Dès lors, à la différence de Fondcombe/Les Vestiges du Nord, ou plutôt ici Rivendell Region Guide/Eriador Adventures, le Lonely Mountain Region Guide est un supplément utile dès le début d’une campagne « classique » dans les Terres Sauvages – il faut d’ailleurs relever qu’il s’insère dans la chronologie initiale de la gamme, débutant cinq ans après la Bataille des Cinq Armées, et permettant d’enchaîner Wilderland Adventures et Mirkwood Campaign, là où les suppléments consacrés à l’Eriador adoptent une chronologie plus tardive, illustrant plus ouvertement le retour de Sauron aux affaires

 

Mais cette chronologie, dans le contexte du Lonely Mountain Region Guide, est semble-t-il conçue avant tout pour une autre campagne, alternative, dont la version pour L’Anneau Unique a été publiée en anglais sous le titre The Laughter of Dragons (la transposition pour Adventures in Middle-Earth n’existe pas encore). Je n’ai pas lu cette campagne, et ne peux donc pas en dire davantage ici.

 

LE MONT SOLITAIRE ET SA BANLIEUE

 

On peut distinguer trois ensembles dans ce supplément, qui regroupent des chapitres épars. Le premier, assez logiquement, est essentiellement géographique, mais a sa part de développements historiques et n’est pas totalement dépourvu d’éléments techniques (bien dosés). Il s’agit donc de décrire la région couverte par le supplément, en trois chapitres : le premier consacré au Mont Solitaire à proprement parler, le second à la ville de Dale immédiatement au sud, le troisième traitant des régions environnantes.

 

C’est du bon voire très bon boulot : Erebor et Dale ont droit à leurs très jolies cartes (même si celle du Mont Solitaire est forcément « insuffisante », en ce qu’elle n’illustre pas vraiment l’idée d’un royaume « en trois dimensions », si j’ose m’exprimer ainsi – cependant, elle a quelque chose de démesuré qui fascine, et c’est bien le propos), et, passé les rappels historiques particulièrement utiles dans ce contexte (et qui résonneront, plus loin, avec les développements consacrés au passé tragique des nains, toujours à vif), la description des principaux lieux est bien gérée : le lecteur n’est pas noyé sous les informations, mais en a amplement assez pour savoir quoi faire de tout ça.

 

Le cas d’Erebor est peut-être un minimum problématique, car, à tout prendre, les joueurs (non nains ?) ne sont pas censés y avoir aussi facilement accès qu’à Dale – ouvrir le sanctuaire d’Erebor demandera sans doute du temps et des efforts, mais, après tout, c’est dans l’ordre des choses… Et, comme de juste, cela permettra alors aux PJ de « débloquer » très vidéoludiquement de nouvelles entreprises pour la phase de communauté : les chapitres consacrés à Erebor et à Dale s’achèvent sur ce genre de développements, de manière pertinente – j’aime bien, notamment, cette idée de la « forge naine », une sorte de « super-entreprise » courant sur plusieurs phases de communauté, et qui voit un PJ s’appliquer à la confection d’une arme vraiment exceptionnelle…

 

Les descriptions d’Erebor comme de Dale abondent en PNJ joliment décrits – Erebor est particulièrement bien servi à cet égard, car c’est l’occasion de s’instruire du sort des compagnons du Hobbit qui ont survécu à la Bataille des Cinq Armées, et qui ont tous leur personnalité (osera-t-on dire : bien plus que dans le roman de Tolkien ?) ; mais il faut aussi relever que les deux monarques de ces puissants royaumes, respectivement Dáin Pied-d’Acier et Bard le Tueur de Dragon, ont du caractère, ce qui en fait des PNJ très intéressants, et des garants potentiels à la forte personnalité.

 

La description des régions environnantes, enfin, est tout à fait réussie – et complète utilement le Rhovanion Region Guide. Nous avons droit à des environnements variés, des Terres Septentrionales de Dale à reconquérir par la charrue plutôt que par l’épée, à la Brande Desséchée mystérieuse et terriblement angoissante. Chaque région a droit à ses lieux et PNJ notables, allant du brigand… au dragon, bien sûr.

 

LA TRAGIQUE GLOIRE DES NAINS

 

Mais je reviendrai aux dragons plus tard. Le deuxième ensemble que j’ai envie de singulariser dans ce supplément porte en effet sur les nains. Bien évidemment, la description d’Erebor au sens strict les met en avant, mais cela va bien au-delà, puisqu’il faut y ajouter encore d’autres chapitres.

 

Il y a, notamment, deux nouvelles cultures naines jouables – ou pas tout à fait : l’une des deux, les Nains des Monts du Fer, n’est pas spécialement inédite, mais brode (amplement) sur la « sous-catégorie » correspondante associée jusqu’alors aux Nains du Mont Solitaire, la culture naine initiale de la gamme, dans le Player's Guide ; c’est intéressant, cela dit, et sans doute bienvenu – même si la refondation extrêmement récente du Royaume Sous la Montagne rend parfois la distinction entre les cultures naines, et tout spécialement ces deux-là, un peu spécieuse. À vrai dire, d’une manière ou d’une autre, elles demeurent proches.

 

La nouvelle culture naine véritablement inédite, les Nains des Montagnes Grises, se singularise davantage, et j’aime bien leur caractère d'errants frustrés et rancuniers, leurs royaumes ayant été anéantis par les dragons, et leur désir de réclamer leur héritage n’étant que plus fort après la mort de Smaug – or ce désir maniaque de retour au pays peut les amener à se montrer assez pénibles pour certains des Libres Peuples du Nord, tout particulièrement les Bardides et les Elfes de la Forêt Noire… Un bon moyen de foutre le bordel ! Les Nains des Montagnes Grises, comme les Nains des Montagnes Bleues du Bree-Land Region Guide, offrent ainsi davantage de variété aux joueurs désireux d'incarner des nains – et il est appréciable que nous disposions maintenant de quatre cultures naines jouables, au lieu d’une seule se scindant plus ou moins logiquement en deux sous-catégories.

 

Mais les nains et leurs cultures sont au cœur de deux autres chapitres encore de ce supplément. Le premier porte sur « le trésor des nains », et complète utilement les développements consacrés aux objets « magiques » amorcés dans le Loremaster’s Guide et (considérablement) augmentés dans le Rivendell Region Guide (auquel il faudra probablement se référer, c’est à noter) ; et, comme dans ce précédent supplément, ce qui pouvait m’inquiéter un peu vu de loin s’avère très bien fait dès l’instant qu’on s’y attarde – c’est une fois de plus une démonstration du beau travail d’adaptation réalisé dans les gammes cousines de L’Anneau Unique et d’Adventures in Middle-Earth, qui se montre souvent bien plus subtil qu’il n’y paraît, et en tout cas toujours pertinent. À vrai dire, plus que jamais, l’insistance sur le brio des réalisations naines, et tout particulièrement des plus antiques, est un élément de caractérisation essentiel notamment (mais pas seulement, en fin de compte) pour les personnages nains, et tout à fait bienvenu. À noter, on trouve dans ces pages des exemples ou suggestions d’objets légendaires et d’armes et armures merveilleuses issus de l’artisanat nain le plus raffiné (ainsi que d’autres plus spécifiquement destinés à affronter les dragons).

 

Or le supplément en rajoute en dernier ressort une ultime couche à cet égard, avec un chapitre consacré à « la guerre des nains et des orques », dont l’intérêt me paraît essentiellement fluff, mais qui a aussi ses implications éventuellement techniques, sous forme de rancunes irrémédiables, de rêves traumatisants, d’artefacts perdus et de sources de corruption en pagaille… Oui, tout cela est très intéressant, et très juste.

 

LES COUSINS DE SMAUG

 

Reste un ultime aspect de ce supplément, qui, à la fois, coule de source, et est à manier avec beaucoup de précautions : les dragons… L’ombre de Smaug le Doré plane sur le Mont Solitaire, même après sa mort – les dragons, même si Tolkien en parle assez peu au-delà dans le Troisième Âge (il en va tout autrement du Premier), sont encore une réalité bien présente après le haut fait de Bard, qui lui a valu de devenir roi. Les nains ont considérablement souffert des déprédations des grands vers bien avant que Smaug ne se rue sur le Mont Solitaire : les royaumes nains des Montagnes Grises ont été anéantis par les dragons – et la Brande Desséchée, cette vallée embrumée dissimulée au cœur de la branche orientale des Montagnes Grises, abrite nombre de ces créatures titanesques… à quelque chose comme 150 kilomètres, à peine, au nord d’Erebor et de Dale. La menace draconique pèse donc sur les Peuples Libres du Nord, même après la mort de Smaug. Il n’est peut-être qu’une chose pour les en préserver, temporairement du moins : une sorte de « darwinisme » acharné qui voit les dragons lutter entre eux dans cette région. Mais, oui, les dragons sont donc toujours une réalité durant l’époque de jeu.

 

Les dragons sont des PNJ hors-normes, des antagonistes extrêmement puissants, et il n’y a guère que le balrog de la Moria, aka Le Fléau de Durin (ça tombe bien), pour rivaliser en puissance. Il fallait bien un Bard pour faire tomber Smaug, et les PJ ont déjà fort à faire avec une adversité plus « classique » : ils ne sont à vue de nez pas censés être aussi forts que les classiques héros de Donj’ à très haut niveau, qui cassent des divinités et demi-dieux au p'tit déj’.

 

Je suppose que ce chapitre s’en tire plutôt bien et pourrait – oui, pourrait – s’avérer malgré tout utile en jeu (il est de toute façon d’une lecture intéressante, hein, l’écologie des dragons fascine, et le jeu sur les rumeurs les concernant, vraies comme fausses, est très malin, et utilisable dans une campagne même sans véritablement y faire figurer un dragon en tant que PNJ à meuler, je suppose). Car l’accent est mis sur un système de création destiné à concocter des dragons qui soient vraiment des antagonistes singuliers : chaque dragon est unique – et, par-là, il ne faut pas entendre seulement sa liste de pouvoirs destructeurs, mais tout autant ses traits de personnalité, qui, régulièrement, peuvent en définitive jouer contre lui : nombre de dragons sont sensibles à la flatterie, d’autres sont joueurs au point où cela pourrait leur nuire considérablement, certains s’avèrent très lâches en dépit de leur puissance remarquable, etc. Quelques exemples en sont fournis, en fin de chapitre (dont des versions « augmentées » du mystérieux Dragon de la Forêt Noire, qui apparaissait dans le Rhovanion Region Guide ainsi que dans Mirkwood Campaign, et de l'arrogant Raenar, issu quant à lui de Wilderland Adventures), et, oui, ils ont vraiment de la personnalité, et témoignent en même temps des diverses manières de faire figurer un dragon dans une campagne – de l’archétype essentiellement solitaire au chef suprême d’une bande de gobelins terrorisés, en passant par la créature de la Brande Desséchée engagée dans une lutte à mort pour la survie du plus apte.

 

Ici, j’ai l’impression, toutefois, que le présent supplément pour Adventures in Middle-Earth, soit un truc à base de Donjons & (eh) Dragons, a une composante martiale/tactique plus marquée que son équivalent pour L’Anneau Unique : la perspective d’y affronter un dragon n’y est pas vraiment plus probable, mais les outils sont là, le cas échéant, pour un gros combat épique avec un (putain de) grand ver. Ça n’est à vue de nez pas ce que j’ai envie de faire, et à vrai dire je me pince un peu le nez en l’écrivant, mais, pour d’autres… et sait-on jamais ?

 

Un point intéressant à cet égard prolonge plus concrètement l’idée des « défauts » bienvenus des dragons : tous ont leur faiblesse – comme cette écaille manquante qui a permis à la Flèche Noire de Bard d’abattre Smaug… Alors, peut-être que les PJ pourraient en profiter ? Même si peut-être dans une moindre mesure que pour L’Anneau Unique, ce sera probablement le seul moyen, pour des joueurs, d’abattre un dragon – ils ne peuvent pas se contenter, espérons-le, d’être des barbares niveau quarante-douze qui meulent dans la cuirasse de gemmes à la hache à deux mains (si vous le voulez bien)… Mais cette approche correspond pleinement à la manière d'envisager l'héroïsme dans cette gamme comme chez Tolkien, je suppose : l'adversité est élevée, mais les hauts faits épiques, s'ils demeurent par essence exceptionnels, sont possibles.

 

Alors je suppose que c’est tout de même plus subtil et malin que ça n’en a tout d’abord l’air, et que c’est une adaptation réfléchie de l’œuvre tolkiénienne. Finalement, on peut sans doute en tirer quelque chose en jeu, oui – et quelque chose de chouette… Il faudra compléter avec The Laughter of Dragons, j’imagine.

 

VOYAGE, VOYAGE, PLUS LOIN QUE LA NUIT ET LE JOUR

 

Le Lonely Mountain Region Guide est pour l’essentiel une transposition fidèle d’Erebor – Le Mont Solitaire. Ceci étant, le système très différent change forcément la donne sur bien des points, même si cela n’appelle pas vraiment davantage de développements dans pareille chronique. Demeure tout de même ce point : Adventures in Middle-Earth a décidément une approche davantage martiale et/ou tactique que L’Anneau Unique – ce qui ressort plus particulièrement du chapitre consacré aux dragons, je suppose. Et cela me pose toujours un peu problème… Mais je suppose qu’il faudra s’en accommoder, et qu’un peu de travail permettra de reléguer de côté les excès les plus donjonesques pour préserver la saveur proprement tolkiénienne d’une campagne en Terre du Milieu, D&D5 ou pas.

 

Les apports véritablement spécifiques sont donc limités. À vrai dire, ils ne concernent guère qu’un seul chapitre, devenu coutumier dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth, et qui adapte les événements de voyage au contenu du supplément. C’est toujours une aussi bonne idée, un apport vraiment bienvenu (en revanche, les quatre petits paragraphes qui suggèrent de faire des « événements de voyage urbain » ne sont pas d’une très grande utilité).

 

DRAGON DOWN

 

Au final, à l’instar de son modèle Erebor – Le Mont Solitaire, le Lonely Mountain Region Guide s’avère donc un supplément convaincant, s’inscrivant très bien dans une gamme dont la qualité est de toute façon globalement élevée.

 

Et, au passage, comme pour toute la gamme, il faut louer la beauté du livre, clair, aéré, et émaillé d’illustrations de qualité.

 

À suivre un de ces jours – probablement avec la transposition de The Laughter of Dragons ? On verra bien.

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Adventures in Middle-Earth : Bree-Land Region Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Bree-Land Region Guide

Adventures in Middle-Earth : Bree-Land Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2018, 128 p.

BREE ET ALENTOURS

 

Et j’en arrive sauf erreur au dernier supplément publié (pour l’heure) dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth ; c’est en même temps le premier supplément (de contexte et de scénarios) de cette gamme que je lis sans avoir lu au préalable sa première itération dans la gamme de L’Anneau Unique – qui existe bel et bien, sous le nom plus lapidaire de Bree (mais ce supplément n’a pas été traduit en français).

 

Bree ?!

 

Bree.

 

On avouera que c’est un choix un peu étonnant, que de consacrer un supplément de contexte à Bree et à ses alentours immédiats (incluant en fait essentiellement les trois autres villages d’Archet, Combe et Staddle). La région couverte est infiniment plus resserrée que dans les deux précédents Region Guides de la gamme, à savoir le Rhovanion Region Guide, qui couvrait toutes les Terres Sauvages à l’est des Monts Brumeux, et le Rivendell Region Guide, lequel portait sur l’Eriador oriental. En fait, le Bree-Land Region Guide est intimement lié à ce dernier, qu’il prolonge un chouia vers l’ouest, pour s’arrêter un peu avant les limites de la Comté – sans s’étendre cependant sur les environnements les plus spécifiques qui se trouvent entre les deux, on repassera notamment pour ce qui est de la Vieille Forêt (et ça je le regrette quand même un peu).

 

Ce lien avec le Rivendell Region Guide peut d’ailleurs éventuellement se redoubler d’un autre avec Eriador Adventures, le recueil de scénarios qui en dérivait, dans la mesure où le Bree-Land Region Guide, plutôt que de se scinder en deux suppléments, un de contexte et un de scénarios, comme il était d’usage autrement dans la gamme, comprend trois aventures destinées à des personnages de bas niveau (1 à 5), qui forment une mini-mini-campagne et peuvent être envisagées comme un prologue aux scénarios autrement épiques d’Eriador Adventures – ce qui implique cependant de réécrire pas mal le premier scénario de ce recueil, qui, comme on l’avait vu, commençait à l’est des Monts Brumeux : les scénarios du Bree-Land Region Guide sont un moyen de faire débuter la campagne directement en Eriador – en l’espèce à Bree, donc.

 

Bree ?!

 

Bree.

 

Oui, c’est un choix un peu étrange… Une région très réduite, et une ambiance très particulière – aux antipodes de l’aventure, à vrai dire. Ceci, notamment, parce que Bree et les trois autres villages qui constituent ensemble le Pays de Bree sont en fait protégés des menaces extérieures, et sans en avoir le moins du monde conscience, par les patrouilles scrupuleuses des Rôdeurs du Nord, les Dúnedain – qui n’en retirent aucun mérite : pour les Hommes de Bree, ils ne sont jamais que des individus louches à force d’être mystérieux, probablement guère plus que des brigands… Mais la protection des Rangers s’applique aussi (et surtout ?) à la Comté, toute proche, et les liens entre le Pays de Bree et le havre de paix des Hobbits ne manquent pas. À vrai dire, s’il est une particularité de Bree qui doit être mise en avant à cet égard, c’est probablement cette population unique, qui mêle Hommes et Hobbits.

 

Maintenant, dans le contexte ludique d’Adventures in Middle-Earth, une autre chose distingue le Pays de Bree, et c’est son caractère « « « « « « urbain » » » » » ». Oui, beaucoup de guillemets… C’est que Bree n’est qu’un village, de taille très restreinte – et, dans les environs, Archet, Combe et Staddle sont plus petits encore. Cependant, à l’ouest des Monts Brumeux, tant que l’on n’arrive pas dans la Comté (et même alors...), on ne trouvera rien de mieux. À l’est, bien sûr, il en va tout autrement – avec notamment Dale et la Ville du Lac : Bree n’est qu’un village, pas une ville, encore moins une grande ville. Cependant, le caractère particulièrement désertique de l’Eriador, sur lequel appuyait tout spécialement le Rivendell Region Guide, rend en fait la situation de Bree plus singulière encore, aux limites de l’anomalie. Et c’est bien ainsi que sont envisagés ces petits villages : même bouseux, et caractérisés par un redoutable esprit de clocher, ils sont alors ce qui se rapproche le plus d’une ville – et le supplément joue toujours de ce thème, y compris d’ailleurs de manière vaguement « technique » : il introduit ainsi des environnements de combat « urbains » qui viennent compléter, avec portes et fenêtres le cas échéant, mais aussi les échos d’une taverne animée, ce que l’on trouvait dans le Loremaster’s Guide et qui portait essentiellement sur la nature sauvage et tout au plus les ruines.

 

La taverne, à vrai dire, a une importance toute particulière : Le Poney Fringant est la plus célèbre auberge de la Terre du Milieu, après tout ! Ce fameux lieu de passage se voit consacrer un chapitre spécifique – même si, honnêtement, je n’ai pas l’impression qu’il suffise à singulariser vraiment cet endroit : les lieux comme les personnages, au fond, pourraient décrire une autre auberge…

 

Cependant, le supplément joue plus habilement de cette idée de Bree comme un lieu de passage, et en même temps une ultime étape avant le désert – bon nombre des (rares) éléments techniques de ce supplément vont dans ce sens, avec par exemple la description d’une nouvelle culture héroïque portée sur le voyage, les Nains des Montagnes Bleues (qui se distinguent pas mal des autres cultures naines, pour le coup, avec un côté davantage social et érudit qui confine peut-être parfois au snobisme ; à noter, le supplément Bree de la gamme de L’Anneau Unique présentait lui aussi une nouvelle culture héroïque, mais différente, celle des Hommes de Bree – cependant, dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth, les Hommes de Bree sont jouables depuis le début, c’est-à-dire le Player’s Guide), ou de nouvelles entreprises de communauté, dont une qui m’a l’air très intéressante alors qu’elle n’a l’air de rien de prime abord : écrire une lettre… Par exemple pour prévenir untel de ce que l’on va lui rendre visite, ce qui pourra rendre l’audience plus aisée (le jet d’introduction du moins), ou pour faire ses adieux au siens, et faciliter l’introduction d’un héritier ! Pour ce qui est des voyages, il faut enfin relever que, sous l’intitulé « An Empty Land », qui évoquerait peut-être davantage les régions plus à l’est, et doit éventuellement être pris avec un soupçon d’ironie, du coup (un trait caractéristique de l’écriture de ce bouquin, j’y reviendrai), le supplément propose des tables d’événements de voyage spécifiques, éventuellement liés (et de manière explicite le cas échéant) aux scénarios figurant dans sa seconde partie, et c’est toujours aussi bienvenu. Le guide comprend enfin son petit bestiaire, qui n’est pas très palpitant, pour être honnête.

 

Maintenant, si Bree est un lieu de passage, c’est aussi un îlot de provincialisme, avec un esprit de clocher très poussé. Les Hommes de Bree (et les Hobbits qui vivent dans le coin) ne crachent certes pas sur l’or des voyageurs, mais tout ce qui sent un peu trop « l’aventure » les amène automatiquement à se pincer le nez. Bree incarne la normalité – ce qui est en dehors est par essence suspect. Les habitants de Bree et des villages alentours ne savent donc pas ce qu’ils doivent à la protection obstinée mais discrète des Rôdeurs, mais cette attitude va bien au-delà. Décrivant quelques habitants notables des quatre villages, le supplément s’en donne à cœur joie, dans des passages très amusants. Voyez par exemple ce qui est dit de ce très utile PNJ qu’est Matthew Mugwort (pp. 18-19) :

 

There is wisdom and lore such that Wizards and Elves might possess through long years of study. And there’s the knowing of Bree, which Matthew Mugwort, a Hobbit, possesses in spades. Put any question to him – preferably, over a pint in The Pony – and he’ll answer it for you with complete and utter certainty. Matthew Mugwort knows right from wrong, and sensible business from the foolishness of foreign lands. He may not be counted among the Wise, but in Bree his opinion counts for a great deal indeed.

From his barstool, Matthew Mugwort has pronounced judgements upon many topics, like the Rangers (« troublesome outlaws, the lot of them »), Orcs (« they live far away in t’ mountains, they do, and it’s always them Dwerrves who’re stirring ’em up »), Outsiders (« all right so long as they don’t outstay their welcome »), Barrow-wights (« nonsense about ghosts – it’s just fog and broken stones that look like men »), and the future (« pay it no mind and it’ll attend to itself »).

As long as the beer’s flowing, Mugwort will argue about anything with the placid impenetrability of a man who is absolutely certain that there’s nothing of any worth outside Bree-land. If he’s present in the bar when adventurers arrive, he’ll argue with them and undermine anything they say: « You came from Rivendell? Ha! That’s out of fairy stories, man! Did you fly here on a magic boat, too? » .

(Any checks using Intimidation, Persuasion or Riddle automatically have Disadvantage. He is the living embodiment of the parochial attitude of most Bree-folk.)

Motivation: If I don’t know it then it’s not worth knowing.

Expectations: « Ah, you’re right to ask me, you are » +1 if the Company’s concerns are centered on the Bree-land; « Ye must not have been listening, let me repeat myself... » -1 if the heroes dispute his « facts ».

 

On a en tête La Ballade des gens qui sont nés quelque part, forcément… Mais voyez aussi la description et l’histoire du Smial de Staddle (p. 24) :

 

More properly, the Great Smial of Staddle, although you could just say the Smial and everyone in Bree-land would know where you mean. The Smial of Staddle is the vast and labyrinthine underground mansion of the Tunnellies, the richest Hobbits in the region.

The Tunnellies consider themselves the equal of any of the great families of the Shire, of the Tooks or Brandybucks or any other one would care to name. If anything, the Tunnellies say, their name is more prestigious, for the first holes of the Smial of Staddle were dug before any Hobbit entered the Shire.

The Tunnellies are not the only family to live in the Smial; after the Fell Winter, parts of the Smial fell into disuse, so other Hobbit families moved in, although they have to put up with the infamous tempers of their hosts.

The last war fought in Bree, the War of 2930 (also known as the War of Thursday Afternoon), after all, was started by the Tunnellies. They have always objected to the authority of the Reeve of Bree, except when (as often happens), the Reeve is a Tunnelly. On that fateful Thursday in 2930, the Reeve was not a Tunnelly, and when he made a ruling against the Tunnellies, they marched back to the Smial in high dudgeon.

The chieftain of the Tunnellies declared that Staddle would no longer be subject to the Reeve’s jurisdiction, and would henceforth stand alone. Some dozen Hobbits were sent out to seize the windmill and « secure the border »; some accounts insist that a pony-rider was dispatched cross-country to Buckland to rally support there.

As it turned out, the first council of war held in the Smial was accompanied by an exceedingly fine supper, and the newly commissioned thanes of Staddle took a long nap afterwards. On waking, they felt somewhat more reasonable, and hostilities ceased, with the only significant casualty being the Tunnelly wine cellar.

Every so often, a hot-blooded Hobbit of Staddle will threaten a « repeat of 2930 » or to « send a pony to Buckland » over some imagined slight from Bree.

 

J’avais envie de citer ce genre de passages, pour la simple raison que j’ai trouvé ce supplément très bien écrit – très agréable à lire, et souvent drôle, à vrai dire. La description de Bree, mais aussi d’Archet, Combe et Staddle, donc, joue beaucoup de ce genre de thématiques, avec des PNJ savoureux, quelques lieux aussi, et de manière assez intéressante – souvent drôle, oui… Quitte à forcer un peu le trait ? La « mélancolie de Combe » n’est pas exactement très crédible, hein, mais elle est assurément amusante !

 

QUAND L’AVENTURE VIENT À BREE

 

Demeure un souci : Bree est censément l’antithèse de l’aventure. On peut certes passer de bonnes soirées à l’enseigne du Poney Fringant, à boire quelques chopes et fumer quelques pipes en échangeant des ragots avec des voyageurs, ou en poussant la chansonnette, mais cela ne va guère plus loin : pour des aventuriers, Bree incarne dès lors bien vite l’ennui.

 

Et c’est peut-être bien pour cela que des compagnies centrées sur des Hommes de Bree et des Hobbits de la Comté peuvent assez aisément se former au Poney Fringant, de jeunes gens naïfs qui aimeraient bien, juste pour voir, faire un tour au bout du monde, soit à quelque chose comme 50 km de Bree grand max.

 

Mais, autrement, non, il n’est pas censé se passer quoi que ce soit à Bree. Ne serait-ce que parce que les Dúnedain veillent dans l’ombre, sans s’arrêter à l’ingratitude de ceux qu’ils protègent des périls du monde extérieur. C’est le paradoxe de ce supplément : il faut bien qu’il s’y passe quelque chose ! Bon, la protection des Rangers peut connaître quelques failles... Mais, à vue de nez, on ne fera pas vraiment ici dans l’épique – et c’est aussi en cela que ce supplément se montre plus particulièrement désigné pour des héros de bas niveau, un peu naïfs, qui n’ont pas déjà roulé leur bosse à travers toute la Terre du Milieu. En fait, Bree, comme dans Le Seigneur des Anneaux, est propice à une sorte de transition dans le ton du récit – on passe des histoires de Hobbits plutôt légères, fraîches et amusantes, éventuellement un peu puériles à vrai dire, mais agréablement fantaisistes, aux premiers aperçus d’une menace jusqu’alors inconcevable, pesant sur un monde infiniment plus vaste que ne pouvaient l’envisager nos héros, plus divers aussi, et incomparablement plus hostile.

 

Le supplément propose quelques suggestions d’accroches, sous l’intitulé « Adventuring in Bree », mais il faut surtout envisager ici les trois scénarios qui concluent ce Bree-Land Region Guide, à l’encontre du format jusqu’alors suivi qui associait deux suppléments, ces scénarios occupant en gros la seconde moitié du livre. Ils sont vaguement liés, peuvent donc former une mini-mini-campagne, et, comme on l’a vu plus haut, un prologue éventuel aux scénarios bien plus épiques d’Eriador Adventures. L’approche est donc assez différente – et ces aventures ont à vrai dire régulièrement quelque chose d’un peu « policier » qui tranche passablement sur le reste de la gamme.

 

Attention, même si je ne vais pas excessivement rentrer dans les détails de ces scénarios, il y aura clairement, dans les paragraphes qui vont suivre, des SPOILERS çà et là…

 

La première aventure s’intitule « Old Bones and Skin », et elle est très amusante. Même si cela n’a pas forcément un impact direct sur le jeu, l’auteur note qu’il s’est inspiré ici du « Poème du troll » improvisé par Sam dans Le Seigneur des Anneaux. De fait, ce scénario, même destiné à des personnages de niveau 1 ou 2, les confronte bel et bien à un troll, et pas le moindre – soit un ennemi particulièrement redoutable pour eux. Mais l’aventure est bien conçue, bien écrite, qui mêle « enquête » et « social », avec une traque tournant à la course-poursuite, des rebondissements, des alliés inattendus, ce genre de choses – et la perspective d’un bon gros butin ? Ici, j’ai comme un vague problème : là où le Loremaster’s Guide consacrait un chapitre très bien vu à l’idée que la fortune était vulgaire et suspecte dans la Terre du Milieu, où l’économie du don prédominerait, les scénarios depuis n’ont jamais hésité à mettre dans la balance du loot conséquent… Je suppose qu’il faut jouer à fond de l’idée de corruption pour contrer cette déviation donjonneuse, mais, tout de même… Enfin, ce bémol mis à part, et qui n’est donc pas spécifique à ce scénario, loin de là, cette entrée en matière m’a paru très bonne !

 

La deuxième aventure, « Strange Men, Strange Roads », est celle qui joue le plus du registre « policier » : il s’agit, après tout, d’identifier, parmi les membres d’une caravane, le coupable du meurtre d’un Rôdeur, et cette enquête conduira les PJ à découvrir bien des secrets, évocateurs de menaces d’une tout autre ampleur. La galerie de PNJ est vaste et soignée, et les manières dont disposent les PJ pour rassembler des indices sont scrupuleusement détaillées – non sans humour là encore (p. 93) :

 

The players might try other methods of investigation, like infiltrating the caravan (« Hail! I am an Elf of Rivendell, one of the High Elves of the West, who crossed the Sea in the First Age of the World to make war on the Enemy and take back the Silmarils from the Iron Crown. Now I am a simple caravan-guard looking for work… »).

 

Enfin, quelques événements bien vus viennent épicer le voyage. C’est vraiment très bon dans son genre – même si je crois qu’il me faut mentionner au cas où que ce scénario n’est peut-être pas destiné à un MJ débutant : « Old Bones and Skin » est idéal à cet égard, mais « Strange Men, Strange Roads » prend tout de même un peu moins le Gardien des Légendes par la main, qui doit se montrer réactif et doser habilement les révélations, tout en mettant en scène une dizaine de personnages auxquels il s’agit de donner de la chair et de l’âme. Quoi qu’il en soit, c’est une réussite.

 

Mais, ici, il y a un problème : au cours de ce scénario, les PJ apprennent l’existence d’un chef de brigands qui est en même temps une sorte d’érudit, voire un « sorcier », un homme du nom de Gorlanc – et une expédition se monte dans l’épilogue pour aller s’occuper de cette menace. Cependant, et sans doute parce que les héros sont censés être encore de bas niveau, le supplément semble partir du principe qu’ils laisseront à d’autres (Rôdeurs et Elfes de Fondcombe à vue de nez) le soin de s’occuper de l’indésirable. En tout cas, il n’y a pas de scénario décrivant cet assaut, qui se retrouve confiné à quelques mentions lapidaires dans un épilogue. Je crains tout de même que cela soit bien trop frustrant pour les joueurs… En même temps, même à demi-mots, le supplément est bien obligé d’envisager que les PJ soient de la partie, mais « refuse » d’une certaine manière d’en dire davantage. La seule chose, c’est que Gorlanc et quelques-uns des siens doivent survivre – et, ici, d’une manière assez typique, l’auteur reconnaît bien que c’est éventuellement un problème tout en jouant de cet humour caractéristique du style du Bree-Land Region Guide (p. 112) :

 

If the Player-heroes take part in the siege of Gorlanc’s fort [...], then it’s possible they kill Gorlanc before the sorcerer can escape. (Players are usually utterly determined to hunt down and kill their foes, after all – had a player been present at the Battle of Fornost, when the Witch-king fled and Glorfindel prophesied « not by the hand of Man shall he fall », then doubtless that player would have immediately tried drawing back a bowstring with his teeth, arguing that an arrow loosed in that fashion wouldn’t count as « the hand of Man »).

 

Ben oui. Exactement. Et je trouve ça un peu problématique, oui – d’autant plus, à vrai dire, que l’ultime scénario de ce supplément ne me paraît clairement pas à la hauteur des précédents…

 

« Holed Up in Staddle » se scinde en deux parties – ou trois ; enfin, disons que le scénario couvre a priori deux phases d’aventure. Or la première me paraît plutôt ratée, qui manque de liant et enchaîne les événements de manière un peu maniaque et, à ce stade, grotesque en ce qui me concerne – c’est pour partie délibéré, je suppose, avec les « Bluebell Wood Oakmen » et le sort improbable des partisans de Gorlanc, mais ça ne passe pas vraiment pour moi. C’est… trop sucré ? Et l’arrivée impromptue de Gandalf n’a pas exactement arrangé les choses à mes yeux…

 

La suite est plus intéressante, heureusement, même si, côté motivation, elle a sans doute ses limites elle aussi. L’idée est que Gorlanc et quelques-uns de ses partisans survivants se sont réfugiés dans un smial de Staddle, où ils tiennent les résidents en otages – pourquoi donc ? Il y a une histoire autour de Gorlanc qui veut corrompre, euh, un pommier, euh… Bon. Quoi qu’il en soit, dans un premier temps, les PJ se retrouvent à nouveau dans une sorte d’enquête : il s’agit pour eux de prendre conscience de ce que les Hobbits sont pris en otages, pourquoi, et ce qu’ils peuvent y faire. En ce qui me concerne, c’est la partie intéressante du scénario.

 

Après quoi… Eh bien, au bout d’un certain temps, il faut aller au turbin, hein ! Et du coup le scénario se conclut sur une sorte de donjon… qui, comme de juste, s’avère être un trou de Hobbit, même sacrément développé. Les gags sur les héros qui s’assomment sur des poutres ne fonctionneront sans doute qu’un temps, mais on retrouve bel et bien ici quelque chose de cet humour qui caractérise pas mal ce supplément. Bon, ça vaut ce que ça vaut, à ce stade…

 

Bilan un peu entre deux eaux pour les trois scénarios du Bree-Land Region Guide, donc : les deux premiers me paraissent très bons, il y a une lacune que je trouve un peu problématique juste après, et le dernier scénario me fait l'effet d'être d'un niveau bien inférieur, un peu bâclé à vrai dire, notamment dans sa première phase. Dommage – mais il doit y avoir moyen de retravailler un peu tout ça.

 

RIGOLO MAIS PAS INDISPENSABLE

 

À vrai dire, je suppose que ce bilan un peu mitigé, malgré de bons voire très bons moments, vaut pour l’ensemble de ce supplément.

 

J’y insiste : il est très agréable à lire, et souvent amusant.

 

Maintenant, est-il utile ? Je n’en suis pas totalement convaincu : le fait que la région couverte soit très limitée, le principe même de Bree comme un village épargné par l’aventure (pour ne pas dire « foncièrement ennuyeux »), la description un peu trop passe-partout de l’auberge du Poney Fringant, le peu d’apports spécifiques somme toute, tout cela ne plaide guère en faveur de ce Region Guide bien différent de ses prédécesseurs.

 

Et des personnages qui ont déjà roulé leur bosse n’y trouveront pas grand-chose d’excitant. On peut sans doute jouer sur le contraste, et cela peut être amusant, mais cela ne fonctionnerait qu’un temps, et, au fond, nous n’avons pas forcément besoin du contenu de ce supplément pour mettre en scène cette opposition entre l’îlot de sûreté bonhomme et le monde sauvage et semi-désertique tout autour.

 

En revanche, des personnages de bas niveau y trouveront probablement davantage de quoi faire – sur un ton un peu plus léger que les autres aventures de la gamme, typique des premiers chapitres du Hobbit comme du Seigneur des Anneaux. L’idée d’un groupe essentiellement constitué de (jeunes) Hommes de Bree passablement naïfs, avec éventuellement quelques Hobbits en sus, me plaît bien, il doit y avoir quelque chose à en tirer – ce que les deux premiers scénarios de ce supplément, au moins, illustrent de manière très convaincante. Ajouter à la compagnie, progressivement peut-être, un Dúnedain voire un Elfe de Fondcombe, pourrait d’ailleurs être tout aussi amusant – à la condition que le contraste entre ces personnages plus typiquement aventuriers et les bouseux de Bree ou de la Comté n’induise pas un déséquilibre trop marqué et dès lors frustrant pour les joueurs.

 

Les deux premiers scénarios sont très réussis, oui, même si le troisième me paraît donc à revoir largement – mais on peut y voir un prologue plus que convaincant pour les Eriador Adventures autrement épiques ; même si cela implique donc de réécrire pour partie le scénario « Nightmares of Angmar », en remplaçant probablement les Hommes des Collines du Gundabad par des Hommes du Rhudaur (quitte à y perdre un peu au passage, tout de même).

 

Voilà : un supplément amusant, bien écrit, mais certainement pas indispensable. On peut sans doute piocher dedans, mais les apports spécifiques de ce Region Guide très restreint en rendent l’usage assez incertain, et l’achat pas vraiment nécessaire. Toutes choses égales par ailleurs, il ne me parait donc pas se montrer tout à fait au niveau des précédents suppléments de la gamme, pour la plupart vraiment bons, sans qu'ils soit mauvais pour autant ; seulement, il ne satisfera véritablement MJ et joueurs qu’à la condition de jouer le jeu à fond, en s’immergeant totalement dans l’atmosphère très provinciale (et plus qu’à son tour rigolote) de Bree et des villages qui lui sont associés.

 

Sauf erreur, la gamme d’Adventures in Middle-Earth s’arrête pour l’heure ici. Je suppose que les autres suppléments de la gamme de L’Anneau Unique seront à leur tour transposés – ceux qui portent sur le Rohan, et dont j’ai eu des échos plutôt négatifs pour une fois, mais aussi Erebor et la campagne associée The Laughter of Dragons (j’espère que ça sera la priorité !), en attendant la Moria… ou la Comté, peut-être, davantage dans l’esprit de ce Bree-Land Region Guide, mais qui me séduirait probablement davantage à vue de nez. À un de ces jours…

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