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Zebulon, de Rudolph Wurlitzer

Publié le par Nébal

Zebulon, de Rudolph Wurlitzer

WURLITZER (Rudolph), Zebulon, [The Drop Edge of Yonder], traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Chapman, [s.l.], Christian Bourgois, [2008] 2010, 346 p.

 

(Avant toute chose, je vous présente mes excuses ; ce « compte rendu » est en effet assez affligeant... Le problème est que j'ai lu ce roman il y a quelque chose comme deux mois de ça, et, si je me souvenais l'avoir apprécié sur le moment, je n'en avais cependant absolument rien retenu, comme si je ne l'avais jamais lu ; le présent compte rendu miteux se base sur les notes que j'avais prises alors... mais j'étais vraiment au fond du seau à ce moment-là, et j'ai eu du mal à déchiffrer mes pattes de mouche ; l'absence du moindre souvenir de cette lecture n'a pas exactement arrangé les choses... Mille excuses, donc, je ferai mieux ultérieurement.)

 

On ne juge pas un livre à sa couverture. Le décor océanique ici représenté est certes à propos, une bonne partie du roman se déroulant en mer, mais on y passe aussi, entre autres, par l'Oregon, le Mexique et surtout la Californie, en pleine ruée vers l'or. Ce qui fait de Zebulon un western, quand bien même atypique. Oh, on peut bien établir quelques liens ici ou là avec des grands classiques du genre : ainsi, le côté « odyssée » (mais en plus sordide) peut vaguement évoquer Lonesome Dove, tandis que l'aménagement disharmonieux des bourgades californiennes plongées dans le marasme de la fièvre aurifère peut faire penser à Deadwood (mais avec beaucoup moins d'humour)...

 

Le « héros » de l'histoire, Zebulon donc, n'a vraiment pas de chance, mais alors pas du tout. Il peut certes flamber aux cartes, mais c'est pour tout dilapider immédiatement. Et il fait deux rencontres qui ne vont pas exactement lui faciliter la vie : revient son demi-frère, Hatchet Jack, qui aimerait bien que Zebulon arrondisse les angles avec le paternel bourrin (qu'il n'a pas vu depuis longtemps) ; et (surtout ?) la belle métisse vaguement sorcière Delilah.

 

Ces trois-là savent qu'ils ne doivent pas se croiser, que cela ne fait qu'aggraver les choses ; mais leurs retrouvailles sont inéluctables. Comme si elles obéissaient à une sorte de prophétie, qu'on aurait envie de qualifier de biblique.

 

En tout cas, où qu'ils aillent, ça va mal pour eux. Ils se retrouvent ainsi pris dans de terribles fusillades qui leur valent, en dépit du bon sens, des inculpations pour meurtre (ou vol de chevaux, c'est la même chose). Quant à Delilah, son statut particulier de joueuse et sorcière lui fait subir bien des confusions fâcheuses.

 

C'est ainsi que, où qu'ils se trouvent, leurs retrouvailles dégénèrent systématiquement. Déjà pour des raisons « familiales » ; Zebulon et Hatchet Jack sont tous les deux, nécessairement, amoureux de Delilah ; et il y a bien sûr ce maniaque dangereux de paternel, qui dégaine son flingue pour un rien.

 

Mais, au-delà, les malentendus, volontaires ou pas, sont nombreux, qui viennent noircir le portrait de nos losers de « héros » : Zebulon, par exemple, que toute justice impartiale acquitterait pour ses premiers exploits, voit bientôt sa tête mise à prix, mort ou vif. Ce qui peut susciter la curiosité du quidam, et a fortiori celle des journalistes et photographes, qui en font une légende de l'Ouest comme l'Ouest les apprécie tant.

 

Mais Zebulon, dans tout ça, le vrai Zebulon ? Eh bien, il commence à en avoir gros sur la patate. Il n'en peut plus et ne croit plus en rien. D'où son envie immédiate de partir. Mais partir où ? Et surtout, avec qui ? Sa mulâtresse adorée le suivrait-elle (on la sait enceinte, mais de qui ?) ? Elle aussi est de toute évidence sur le point de tout lâcher. Elle ne se plaît pas dans cette Californie d'immigrants, où l'on est encore irlandais ou chinois avant d'être américain – alors cette négresse instruite, adroite et cultivée...

 

Peut-être parviendront-ils à fuir isolément et à mener leur propre vie. Ou pas : peut-être seront-ils systématiquement amenés à se croiser, parfois pour le meilleur (nostalgie...), le plus souvent pour le pire.

 

Si le roman est d'une facture assez classique au début, la donne change vraiment après un éprouvant voyage via Panama pour rejoindre la Californie, dont le tableau ici dépeint est aussi effrayant qu'affligeant. Mais d'une force indéniable, qui confirme la qualité de ce western atypique, riche de ses personnages puissants, et porteur d'une cinglante critique sociale.

 

(Pardon...)

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