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La Magie des glaces, de Fritz Leiber

Publié le par Nébal

La Magie des glaces, de Fritz Leiber

LEIBER (Fritz), La Magie des glaces, [Swords and Ice Magic], traduction [de l’américain] par Jaques Corday et Arlette Rosenblum, Paris, Temps Futurs – Pocket, coll. Science-fiction, [1977, 1983] 1990, 252 p.

 

Retour au « cycle des Épées » avec ce sixième volume qu’est La Magie des glaces, composé de nouvelles entrelacées publiées dans les années 1970 (un peu tardif, donc, par rapport à ce qui précède, il y a comme un petit fossé). Après ma déception (relative, mais quand même) à la lecture du Royaume de Lankhmar, j’avoue que je craignais un peu de m’y replonger et de ne pas être davantage satisfait – d’autant qu’un lecteur au goût très sûr m’avait dit que les deux derniers volumes du cycle, La Magie des glaces, donc, et Le Crépuscule des épées, étaient tout de même… « bizarres ». Mais bon : fallait bien voir, hein ? Et puis je n’ai pas a priori de problème avec le « bizarre », loin de là…

 

Ce sixième volume peut grosso merdo être découpé en deux parties. La première comprend six nouvelles directement liées entre elles, et parfois vraiment très courtes. La première, « La Tristesse du bourreau », donne le ton : on y pénètre dans les territoires de la Mort elle-même (ou peut-être plutôt lui-même, d’ailleurs), qui décide qu’il est bien temps de s’occuper de Fafhrd et du Souricier Gris, quitte à tricher un peu. L’ambiance de cette nouvelle est assez remarquable, et la Mort assurément charismatique (tiens donc). Le problème est que les cinq nouvelles suivantes en reprennent le canevas, étant toutes autant d’escarmouches avec la Mort (ou avec des dieux délaissés et jaloux, dont le plus notable est Issek, mais il a deux comparses plus agressifs). Ce qui ne poserait pas forcément problème – au-delà du caractère tout de même bien répétitif de l’action – si Leiber ne s’y complaisait pas autant dans l’évocation un brin artificielle des aventures vécues par nos deux héros – toutes ou presque –, et plus encore de leurs innombrables coucheries. J’ai lu ces pages comme j’aurais lu un catalogue, et ça m’a plutôt navré : on est très loin, ici, de la force d’évocation, du tragique et du comique de ces anciennes histoires, et les allusions qui y sont faites n’en tombent que davantage à plat…

 

Je redoutais que l’ensemble du volume soit de la même eau… mais heureusement ce n’est pas le cas. Restent en effet deux nouvelles, « Le Monstrème de glace » et surtout « L’Île de Givre » (cette dernière occupant à elle seule la moitié du livre), qui s’enchaînent parfaitement, constituant un quasi-roman bien plus dans le ton des récits anciens de Fafhrd et du Souricier Gris, et nettement moins « arty sans réussite » que les textes qui précèdent dans ce sixième tome.

 

Fafhrd et le Souricier Gris y sont contactés par deux étranges femmes, Afreyt et Cif, afin de venir au secours de la semi mythique Île du Givre. Celle-ci est en effet menacée par un assaut de Mingols, qui encerclent l’île et bénéficient de l’appui du magicien des glaces Khahkht ; l’île a bien besoin de héros pour faire face à cette terrible invasion, de même qu’elle a sans doute bien besoin de dieux, elle qui semble les avoir tous rejetés jusqu’à présent ; et ça tombe bien : deux dieux sont en vadrouille dans la région, d’apparence faible mais qui ressemblent étrangement à nos héros par certains aspects, et répondent aux noms… d’Odin et de Loki.

 

« Le Monstrème de glace », énième nouvelle maritime pour l’essentiel, pose les bases de cette intrigue, et on y voit comment Fafhrd et le Souricier Gris recrutent chacun une petite troupe de soldats et de marins (le Souricier Gris choisissant des Mingols…) pour venir en aide à l’Île de Givre ; mais on y voit surtout comment Khahkht cherche à perdre nos deux héros, en les montant l’un contre l’autre…

 

Quant à la novella « L’Île de Givre », autrement plus complexe, elle dépeint les aventures des deux voleurs dans ce territoire mythique qui les accueille froidement, et comment leur astuce mêlée à la complicité de nos dieux nordiques les amènera à vaincre la terrible menace pesant sur l’île. C’est un grand texte du « cycle des Épées », qui retrouve tout le sel (si j’ose dire) des meilleurs récits antérieurs, avec un beau cadre et quelques moments épiques, ne négligeant pas pour autant l’humour et la satire.

 

En somme, La Magie des glaces fait donc l’effet d’un recueil (quasi romanesque, on peut allègrement parler de fix-up ici) foncièrement inégal : si la majeure partie du premier ensemble du volume m’a donc paru poussive et guère palpitante, la suite vient heureusement remonter le niveau. Sans doute pas assez pour hisser ce sixième tome au niveau de la plupart des précédents, mais bon…

 

Suite et fin avec Le Crépuscule des épées, très bientôt…

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