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Brigandyne

Publié le par Nébal

Brigandyne

Brigandyne, 2015, 101 p.

 

Je poursuis mes découvertes de productions rôlistiques indépendantes françaises toutes récentes (après l’excellent La Lune et Douze Lotus et l’intéressant Sur les frontières) avec ce Brigandyne signé James Tornade, dont on a pas mal causé ces derniers temps (sur Casus NO, par exemple). Les très bons échos m’ont incité à lire la bête, un système générique (pas d’univers, ce que je regrette toujours un peu, mais bon, c’est moi) de fantasy, pas mal inspiré par les Warhammer et plutôt axé low fantasy « chair et sang », comme on dit (ce qui n’empêche pas des adaptations à d’autres genres). En fait, ce sont essentiellement deux traits mis en avant qui m’ont poussé à l’acquisition : l’idée d’un jeu très simple où le MJ ne jette quasiment jamais les dés, et, en parallèle, un système de combat très simple, bref et violent – le combat se joue en passes ne nécessitant qu’un unique jet de dés, et on évite ainsi, pour reprendre les mots de l’auteur, les pénibles séquences « à toi, à moi » (un travers fréquent, dans lequel, je plaide coupable, j’ai versé plus qu’à mon tour…). Tout cela méritait bien qu’on y jette un œil, donc.

 

Quelques remarques de pur pinaillage sur la forme avant d’aborder le cœur du sujet… Le livre (oui, je l’ai pris en papier sur Lulu, mais on peut autrement choper le .pdf) n’est à mon sens pas super bien réalisé ; un défaut assez agaçant est l’absence de marges intérieures : pour pouvoir déchiffrer les mots (en tout petits caractères, qui plus est) qui taquinent le bord intérieur, on est contraint de tordre le machin en tous sens, ce qui est un poil désagréable. Les illustrations, plutôt peu nombreuses, manquent singulièrement de personnalité (mais bon : pas grave). Le style déconcerte un peu au premier abord, l’auteur s’adressant directement au lecteur en usant de la première personne et en affichant sa subjectivité (ainsi quand il explique, par exemple, que la phase de création de perso a tendance à le faire chier – moi c’est tout le contraire –, ou qu’il aime bien la dimension tactique en combat, jouant sur les spécificités des armes – alors que moi vraiment pas ; bon…), mais pourquoi pas, après tout ? Ça se défend… Ce qui se défend moins, c’est le nombre assez conséquent de coquilles ; ça aurait bien mérité quelques relectures supplémentaires.

 

Mais passons maintenant au système… en essayant de montrer pourquoi, au final, je ne suis pas tout à fait convaincu. Il y a de très bonnes choses dans Brigandyne, mais aussi d’autres plutôt mauvaises (ou plus exactement en porte-à-faux, à mes yeux en tout cas : j’ai l’impression que le jeu est parfois un peu trop le cul entre deux chaises pour pleinement me séduire), ou un peu trop gadget pour mériter qu’on s’y attarde (les formules magiques rimées, par exemple : j’imagine que ça peut être rigolo la première fois – avec une dose de méta-jeu plus ou moins encombrante, peut-être –, et qu’on peut encore sourire au deuxième usage… mais qu’on laisse vite tomber le machin après ça, parce que bon…).

 

La création de perso est clairement du bon côté – malgré, donc, une approche de cette phase éventuellement différente de la mienne. La fiche est simple, et le système repose pour l’essentiel sur treize caractéristiques qui font tout le boulot (même s’il peut éventuellement y avoir des « spécialisations » pour personnaliser un poil plus). Pour déterminer ces caractéristiques, outre l’inévitable appartenance à une des races classiques des jeux de rôle de fantasy, on a recours pour l’essentiel à un archétype, une sorte de totem animal dessinant à gros traits la personnalité, et à une carrière (un métier, grosso merdo), définissant à son tour les caractéristiques privilégiées, et déterminant les possibilités d’évolution. C’est très simple, mais sans être excessivement simpliste, et me paraît donc bien tenir la route.

 

La mécanique de Brigandyne est une variante du d100 (impliquant par ailleurs un certain challenge, de manière délibérée ; mais bon : je ne suis vraiment pas en mesure de rentrer dans un débat statistique…). La grosse originalité, sans doute, est que le MJ ne jette quasiment jamais les dés. Même pour un jet dit « en opposition » : en fait, la caractéristique du PNJ adverse se contente de déterminer un modificateur au jet du PJ – lequel modificateur est très simplement déduit (il suffit de se référer à une simple ligne, qui apparaît dans le bestiaire final et se conçoit autrement très aisément pour les adversaires et créatures n’y figurant pas). Ça me paraît une très bonne idée (même si, pour le coup, le vieux cliché selon lequel les dés ne sont là que pour faire du bruit derrière le paravent en prend pour son grade).

 

Le gros atout de Brigandyne, néanmoins, c’est donc son système de combat – qui est largement une déclinaison de la mécanique générale. J’ai personnellement beaucoup de mal avec les combats en jeu de rôle : le plus souvent, je n’aime pas ça (et, si je veux bien y sacrifier de temps à autre – faut bien, visiblement –, je trouve ça régulièrement absurde et peu voire pas du tout intéressant), et, pire encore, je ne sais vraiment pas les gérer (enchaînant donc ces pénibles « à toi, à moi » sans saveur, qui font d’un moment qui se voudrait épique et tendu une lassante et ridicule opposition interminable de jets de dés foireux ; bon, il est vrai aussi que les jeux que j’ai le plus pratiqué ces dernières années ne brillent pas exactement quant à leur mécanique de résolution des bastons…). L’idée d’un système simple, bref et violent, dès lors, ne pouvait qu’attiser ma curiosité. Et, oui : en reprenant le principe de l’opposition réduite à un modificateur, James Tornade parvient à rendre quelque chose de parfaitement convaincant, et qui fait le job avec astuce. D’aucuns trouveront peut-être cette approche un poil trop « radicale », mais c’est néanmoins intéressant.

 

C’est juste après, hélas, que les choses se gâtent – à mon avis en tout cas. À s’en tenir à ces premières considérations (création de perso, mécanique générale, combat « de base »), Brigandyne est clairement un très chouette produit. Mais la suite m’a donné une vague impression de remplissage pour donner de l’épaisseur au bouquin, qui n’en avait pas besoin, et même, par un étrange retournement (qui vient peut-être de ce que je me suis braqué, hein…), qui se trouve finalement y perdre…

 

Je disais plus haut que Brigandyne m’avait fait l’effet d’être quelque peu « le cul entre deux chaises » ; ce sont essentiellement les règles avancées de combat qui m’ont donné cette impression. Elles me semblent en effet entrer en contradiction totale avec la mécanique générale : là où celle-ci brille par sa simplicité et sa polyvalence, mettant probablement en avant la narration, les règles avancées, elles, tentent d’introduire une étrange dose de « simulationnisme » qui m’a laissé pour le moins perplexe. Oui, je sais : ce sont des règles optionnelles, on peut très bien s’en passer – et tant mieux. Mais quel intérêt à ces listes d’armes et d’armures pointilleuses, débordant de règles spéciales ? Je ne comprends pas, ici, ce que l’auteur a voulu faire, et tends à y voir comme un défaut de conception. D’autant que cette manière de couper la poire en deux ne satisfera probablement ni les amateurs de simplicité, dont je suis – et qui se contenteront des règles de base –, ni les amateurs de « simulationnisme » – dont je suppose, en m’avançant un peu, peut-être, qu’ils trouveront à tout cela un goût de « trop peu »…

 

La suite, même si pour d’autres raisons, est également un poil décevante à mes yeux, surtout en comparaison avec le brio des premiers chapitres. Le système de magie, ainsi, est fade et sans saveur (y balancer des formules maladroites pour faire « comme dans les films » – c’est l’expression employée – n’arrange rien à l’affaire selon moi, c’est bien trop artificiel et « méta » pour cela). Quant aux derniers développements, consacrés au MJ, on n’en retiendra guère que le bestiaire – banal mais pratique ; les quelques « conseils » qui figurent çà et là ne m’ont pas paru d’une grande utilité…

 

Au final, donc, Brigandyne me fait l’effet d’un produit un poil bancal, comportant du très bon et du nettement moins bon – certes pas rédhibitoire, mais qui pèse quand même un peu à mon sens sur l’enthousiasme que pourrait susciter le bouquin, envisagé globalement : ce superflu, ou « pas à propos », donne une vague impression d’inachèvement, ou de défaut de conception du moins – toujours à mes yeux, hein. Ça n’en fait pas un « mauvais » jeu de rôle, certainement pas ; mais un truc perfectible, j’en suis persuadé. Ceci dit, Brigandyne n’était de toute façon pas un jeu calibré pour me plaire, sans doute : que cela vienne de l’inspiration Warhammer ou d’autre chose, on est quand même là devant quelque chose de passablement bourrin, où la baston s’impose régulièrement… Je ne suis donc sans doute pas le mieux placé pour peser les atouts et inconvénients de ce système générique. Reste néanmoins ce sentiment de « peut mieux faire »… Bon, c’est pas dramatique, hein.

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