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AD&D2 : Dark Sun : La Boîte

Publié le par Nébal

AD&D2 : Dark Sun : La Boîte

AD&D2 : Dark Sun : La Boîte, TSR – Hexagonal, [1991] 1993

 

Attention : séquence nostalgie.

 

Comme j’avais déjà eu l’occasion de le dire ailleurs, mon premier jeu de rôle fut le vieux Star Wars d6 (deuxième édition, je crois). Mais je l’avais acheté sur une impulsion, sans savoir vraiment ce qu’était le jeu de rôle, et n’y ai du coup pas plus joué que ça… Il en est allé de même pour les bouquins qu’avaient pris certains de mes camarades dans la foulée, notamment JRTM (avec ses tables terrifiantes dans mon souvenir), et Vampire : La Mascarade (dans un premier temps ; mais plus tard je l’ai racheté, et ça reste probablement à ce jour le jeu de rôle auquel j’ai le plus joué). Du coup, je crois que mon vrai démarrage en matière rôlitistique s’est effectué, en fin de compte, avec le très classique Advanced Dungeons & Dragons 2nd Edition… mais via un univers tout sauf classique. En effet, même si je ne me rappelle pas des circonstances exactes de ma découverte, j’avais été immédiatement attiré par l’univers de Dark Sun, qui tordait la fantasy classique à grands coups d’apocalyptique ou post-apocalyptique et d’ultra-violence, en prenant pas mal de clichés pour les retourner et les enculer : pensez donc ! De la fantasy sans dieux ! Des petites-gens anthropophages ! DES NAINS SANS BARBE !!! Il y a quelque chose de pourri dans les cités-États d’Athas, et c’est ça qu’est bien. Du coup, j’ai pas mal joué dans cet univers ; je l’ai maîtrisé, bien sûr (et surtout), mais j’ai aussi été PJ (avec de très loin le perso le plus bourrin que j’aie jamais incarné, un gladiateur demi-géant faut dire, ça m’a un peu vacciné pour la suite des opérations, même si j’avais pris grand plaisir à incarner cette montagne de muscles un brin couillonne) ; et quand, plus tard, j’ai voulu explorer un autre background, ce fut avec Ravenloft – là encore, pas tout à fait de la fantasy « classique ».

 

Mais restons-en à Dark Sun. J’en gardais un souvenir émerveillé. C’est à n’en pas douter – mais à mes yeux de relatif béotien, certes – un des plus beaux cadres de campagne pour Donj’, et de très loin (même si, à l’époque, Planescape me faisait également de l’œil, mais je ne l’ai finalement jamais lu) ; à vrai dire, je ne voyais pas vraiment l’intérêt de jouer dans les Royaumes oubliés, disons, quand on pouvait jouer à ça… L’envie de m’y remettre me taquinait de temps à autre, du coup, même si je n’avais plus mes vieux bouquins (vendus il y a de ça une quinzaine d’années, je ne jouais plus vraiment à l’époque, et j’avais besoin de caillasse…). En fait, j’envisageais même de les racheter, pour le coup. Et, même si ce n’était que sur une impulsion mal définie, je me suis ainsi procuré il y a peu Sable & Soleil, une très brève (peut-être trop ? Pas encore lue…) adaptation de Dark Sun aux règles de Tranchons & Traquons (que je n’ai pas encore lues non plus…).

 

Et c’est là qu’eut lieu le miracle. Il y a quelques jours de cela, je fouinais dans la barraque familiale, en quête de tout autre chose… quand je suis tombé sur ma vieille boîte de Dark Sun. Que j’étais donc persuadé d’avoir vendue il y a de cela une quinzaine d’années… Mais non : elle était là, à m’attendre ; un peu abîmée, certes, mais toujours là, complète. Whoa ! Je n’en revenais pas, n’en reviens toujours pas, et me suis prestement emparé de la chose pour la relire, les yeux brillant d’émotion…

 

Et je peux d’ores et déjà le dire : je me suis régalé lors de cette relecture. Dark Sun est à mes yeux d’aujourd’hui toujours aussi bon, voire encore meilleur ; et j’ai vraiment, mais alors vraiment, envie d’y jouer à nouveau (mais probablement, donc, avec un autre système de règles ; je vais voir bientôt ce que donne Sable & Soleil, en espérant que ça passe bien ; sinon, il faudra que je trouve à adapter la chose de moi-même à un autre système, et je ne me sens pas très armé pour ça…).

 

Car, oui, Dark Sun est un univers merveilleux. Athas, orbitant autour dudit Soleil Sombre en fin de vie, n’a pas grand-chose à voir, en dépit du thème, avec la « Terre mourante » de Jack Vance, même s’il s’agit bien d’un monde au bout du rouleau. Un vague souvenir d’une époque meilleure (forcément) y est conservé, mais il disparaît bien vite sous les coups de boutoir d’une réalité plus cruelle que jamais. En effet, Athas est un monde désertique (dans tous les sens du terme) ; la rareté de l’eau y est une préoccupation de tous les instants. La vie y est rare, et hostile, dans des conditions pareilles. Il faut dire – et cette préoccupation écologique m’a toujours paru très intéressante – que le vieillissement du Soleil Sombre n’explique pas à lui seul la désolation d’Athas : les vrais reponsables sont censés être les magiciens, plus exactement ceux que l’on appelle « profanateurs » (par opposition aux « préservateurs ») qui, dès qu’ils font usage d’un sort, annihilent toute vie dans un certain rayon autour d’eux… Les plus puissants d’entre eux, ainsi les Roi-Sorciers à la tête des diverses Cités-États, qui se font souvent passer pour des dieux dans un monde qui en est autrement dépourvu, mais aussi une créature aussi mythique que le Dragon de Tyr (le seul dragon connu dans l’univers, un immense bipède dénué d’ailes), sont d’ailleurs pour beaucoup dans l’aggravation de la situation, mais personne n’est bien évidemment en mesure de s’opposer à leur pouvoir… C’est aussi un monde largement dénué de métal (ce qui change pas mal la donne sur les plans de l’économie d’une part, et de l’équipement martial de l’autre). Un monde rude, donc, et violent : dans le cadre des règles de AD&D2, on nous précise d’emblée que les personnages débutent au niveau 3 (leurs chances de survie, en dessous, seraient trop faibles ; par ailleurs, on y suggère – j’avais complètement zappé cette idée un brin étrange – de gérer des « arbres de personnages », autorisant des remplacements soudains ; ajoutons enfin que tous les personnages de Dark Sun ont au moins un pouvoir psionique, sinon plus – ce qui, à l’époque, impliquait de se procurer en outre le Manuel complet des psioniques, que je n’ai plus).

 

La Boîte de Dark Sun est composée de deux livrets d’une centaine de pages chacun, le Livret de règles qui contient toute la technique (mais pas que), et Le Journal du Vagabond, qui décrit l’univers, en s’attardant essentiellement sur la « région de Tyr » (appelée ainsi par défaut, la Cité-État de Tyr ne domine pas la région, mais le narrateur-vagabond en vient – tout dans ce livret est en effet narré, et assez joliment d’ailleurs, à la première personne, assumant sa subjectivité et à l’occasion ses récits et rumeurs de deuxième ou troisième main, pouvant déboucher sur des « erreurs » exploitables par le MJ) ; il faut y ajouter deux cartes au format poster, assez jolies : une de la « région de Tyr », donc, et une autre de ladite Cité-État ; restent enfin deux petits carnets à spirale (la drôle d’idée…) : un scénario d’introduction intitulé Un brin de savoir…, accompagné d’ « aides de jeu » destinées aux joueurs (essentiellement des illustrations).

 

Commençons par le Livret de règles. Celui-ci, comme de juste, contient tous les éléments pour adapter AD&D2 dans cet univers si singulier. Ce qui passe notamment par de nouvelles races et classes de personnages. Pour ce qui est des races, on retrouve bon nombre de classiques de la fantasy, même si quelque peu « tordus », donc : les Elfes nomades et escrocs qui courent inlassablement dans le désert n’ont pas grand-chose à voir avec les sublimes créatures hautement civilisées de la high fantasy ; et les petites-gens « sauvages », chasseurs-cueilleurs anthropophages (donc), ça fait toujours son petit effet… Mais on trouve aussi des races plus « originales » : il est ainsi possible d’incarner des demi-géants (issus d’une expérience magique, il ne s’agit pas de croisements « naturels » entre des humains et des géants… Ils sont par ailleurs caractérisés par leur alignement fluctuant, les demi-géants étant hautement influençables), des mûls (en gros des croisements entre humains et nains, sacrées bêtes de combat d’une robustesse exceptionnelle), ou encore – mes chouchous sans surprise – des thri-kreens, sortes de mantes religieuses géantes vivant par et pour la chasse. Il en va de même des classes : au-delà des reprises classiques (guerrier, rôdeur, barde, voleur), on peut noter des absences – il n’y a ainsi pas de paladins sur Athas (bien fait pour leurs vilaines gueules d’enfoirés de fascistes de merde) –, mais aussi des « adaptations » (les clercs ne dépendent pas d’un dieu à proprement parler, mais sont rattachés aux divers plans élémentaires ; les druides sont liés à une « réserve » précise sur le plan géographique, et à ses esprits ; les magiciens sont donc ou profanateurs – auquel cas ils progressent plus vite – ou préservateurs), et enfin de nouvelles classes à proprement parler (gladiateurs du côté des combattants, arkhontes du côté des prêtres – ce sont des serviteurs des Rois-Sorciers, sources de leurs pouvoirs surnaturels, qui, au-delà du seul aspect religieux, sont avant tout des bureaucrates et des juges), sans oublier, bien sûr, celle de psionique.

 

Le Livret de règles, dès lors, même s’il a donc un aspect essentiellement « technique », participe pleinement du background de Dark Sun. On y trouve de nombreuses adaptations, souvent bien vues même si parfois perturbantes (ainsi de l’économie, du fait de la rareté du métal ; le calendrier est passablement complexe, en outre), et il se lit ainsi fort bien.

 

J’ai déjà évoqué la rédaction particulière, mais très bien vue, du Journal du Vagabond. C’est vraiment un très beau supplément de contexte, qui plonge avec astuce et élégance dans les aspects les plus fascinants de Dark Sun. La société athasienne, avec ses particularités (l’esclavage, les caravanes marchandes, les arkhontes…), y est bien décortiquée, et il en va de même de la géographie d’ensemble, détaillant les divers types d’environnements que l’on peut croiser sur Athas (et notamment dans la région de Tyr), comme par exemple la Mer Pulvérulente (une grande étendue de poussière, que l’on suppose avoir été autrefois remplie par de l’eau à l’état liquide, quelle folie !), les plateaux si variés, où la vie éclot parfois au milieu des étendues désolées, les montagnes de la Cordillière, et les mystérieux Hinterlands au-delà. Enfin, la région de Tyr à proprement parler y est décrite, avec ses sept Cités-États (ici, je mettrais un petit bémol : chacune, en effet, présente des caractéristiques propres, hautement évocatrices de diverses civilisations terriennes ; le patchwork anachronique passe plus ou moins bien), mais aussi ses villages notables, les indispensables oasis, les ruines innombrables (forcément…) et quelques merveilles naturelles… On trouve enfin un petit bestiaire en fin de volume (avec notamment les principaux animaux domestiques, erdlus, kanks, mekillots et inix, mais aussi – comme par jeu – l’invincible et unique Dragon de Tyr…).

 

Quasi sans-faute jusque là, donc. Mais il y a bien un aspect de cette excellente boîte qui pèche, et c’est sans surprise le « scénario ». Oui, les guillemets s’imposent… La chose n’est en effet vraiment pas convaincante : outre son départ convenu (les PJ sont des esclaves, transférés d’une Cité-État à une autre, et le convoi est attaqué…), elle croule bientôt sous les bastons inutiles, beaucoup trop nombreuses et atrocement répétitives, avant de bifurquer vers deux « donjons » pénibles et sans âme… Je ne peux certainement pas faire jouer un truc pareil, je n’en vois vraiment pas l’intérêt, et ça ne me paraît pas faire honneur aux merveilleuses possibilités offertes par ce très beau cadre de campagne ; ça ne m’intéresse tout simplement pas.

 

Mais c’est bien le seul bémol dans cette Boîte. Dark Sun, à cette relecture, m’a donc autant convaincu qu’à l’époque, et peut-être même plus. D’une lecture passionnante, et d’une densité exemplaire (faisant la chasse au superflu et à toute forme de remplissage : tout, ici, sur un format relativement concentré, est utile, prêt à l’emploi, et ça fait du bien…), ce cadre de campagne n’a rien perdu de sa puissance évocatrice. Ça me titille vraiment d’en faire quelque chose à nouveau… On verra. Belle redécouverte, en tout cas.

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