Blood & Thunder, de Mark Finn
FINN (Mark), Blood & Thunder : the Life and Art of Robert E. Howard, introduction by Joe R. Lansdale, [s.l.], The Robert E. Howard Foundation Press, [2006, 2011] 2013, VIII + 384 p.
La vie et l’œuvre de Robert E. Howard ont longtemps été méconnues – ou, plus exactement, cela va en fait plus loin, elles ont longtemps été présentées sous un jour au mieux douteux, au pire parfaitement mensonger. Cela tient pour l’essentiel aux manipulations (assez incroyables…) effectuées par Lyon Sprague de Camp à partir du moment où, via d’improbables magouilles, il a mis la main sur le personnage de Conan – loin d’être la seule création de Howard, peut-être même pas la plus intéressante, mais clairement celle qui a le plus généré de ventes et de culte, au prix, là encore, de torsions invraisemblables – et au point de dissimuler le reste. Non seulement Lyon Sprague de Camp a-t-il « réécrit » les récits de Howard consacrés à Conan, colportant la légende d’ajouts nécessaires et bienvenus, profitables à des textes intéressants mais bâclés et mal conçus par l’auteur originel, mais il a aussi maquillé sous une couche vaguement hyborienne d’autres textes qui n’avaient absolument rien à voir, donnant par ailleurs sa bénédiction – dès l’instant qu’on ne contestait pas « sa » conception du personnage et de son univers – à la production de pastiches généralement des plus médiocres au mieux, intégrés dans une « saga » officielle à mille lieues des véritables préoccupations de Howard. Cette manipulation est en soi déjà assez consternante, mais elle s’est accompagnée d’une autre – portant cette fois sur la vie de l’auteur, détournée au profit d’une légende noire mettant l’accent sur l’inadaptation sociale de Howard, voire nommément sa folie, en usant d’anecdotes et témoignages détournés ; cette légende s’est d’abord propagée via des articles dans des fanzines, ce genre de choses, avant de culminer dans la biographie consacrée par les époux de Camp à Howard, Dark Valley Destiny.
Face à de Camp, toutefois, il y avait des fans – et notamment des gens comme Glenn Lord – qui ont progressivement soulevé le lièvre, pris conscience des déformations imposées à la vie et l’œuvre de cet auteur qu’ils chérissaient, et milité, dès lors, pour que les œuvres de Robert E. Howard soient traitées avec le respect qui leur était dû ; ce qui imposait tout naturellement, en parallèle, de réévaluer la vie de l’auteur au regard des faits. Une entreprise de longue haleine, qui n’a en fait abouti que très récemment : somme toute, les textes originaux n’ont été livrés au public (ou re-livrés dans le cas de ceux, nombreux, qui avaient été publiés à l’époque dans les pulps, qu’il s’agisse de Weird Tales ou d’autres titres fort importants alors mais davantage tombés dans l’oubli depuis) dans toute leur pureté, via des éditions pleinement respectueuses (et tendant à l’exhaustivité), que depuis le changement de millénaire… Une véritable redécouverte. Ce mouvement, parallèlement, s’est donc accompagné d’un travail d’ordre biographique, d’abord mené dans des fanzines – ne serait-ce que pour y contester sur des points précis les allégations de Lyon Sprague de Camp, d’abord en sa présence d’ailleurs. Des ouvrages plus amples ont progressivement été consacrés au sujet, comme la biographie fondatrice de Glenn Lord, The Last Celt, ou l’anthologie critique de Don Herron, The Dark Barbarian. Tous ces éléments, et bien d’autres encore, figurent dans le dernier chapitre (« Mythology ») du présent ouvrage de Mark Finn, mais ils me paraissent un préalable indispensable à sa bonne appréhension. Il a en effet participé de ce mouvement à l’heure de la redécouverte de Howard : Blood & Thunder, dès lors, constitue probablement la biographie de référence de Howard au regard des informations dont nous disposons aujourd’hui. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que le travail est achevé : il s’agit là de la seconde édition de cet ouvrage, et l’auteur évoque déjà des changements significatifs, dans certains chapitres du moins, par rapport à la première… Cette biographie n’a donc rien de « définitif », pour reprendre l’expression courante et ô combien contestable. Mais elle constitue bel et bien, pour l’heure, une mise au point essentielle (je lui reprocherais cependant une chose à cet égard : l’absence de notes précises, de véritable appareil scientifique, disons…).
Cependant, Mark Finn ne s’en tient pas à l’évocation froide de la vie et de l’œuvre de Robert E. Howard, façon catalogue de dates et de nouvelles. Il s’agit certes de combattre les assertions de Lyon Sprague de Camp, mais aussi – et c’est sans doute ce qui contribue à la singularité de l’ouvrage – de défendre une thèse, faisant ressortir des aspects jusqu’alors trop négligés de ce sujet, à en croire l’auteur tout du moins. Notamment, Mark Finn, texan lui-même, entend montrer l’importance du Texas pour Robert E. Howard, et son influence cruciale dans son œuvre (un aspect sur lequel appuie aussi Joe R. Lansdale dans sa préface). Une question d’identité, à bien des égards. Et, je plaide coupable, une question qui le plus souvent me laisse totalement froid – a fortiori quand la revendication d’identité débouche sur une « fierté » qui m’a toujours dépassé, la mise en avant de la singularité à cet égard pouvant en définitive s’avérer vite « excluante »… Préjugé de ma part : le fait est que cette question a souvent sa pertinence, que je le veuille ou non. Mark Finn a sans doute bel et bien déniché quelque chose d’intéressant, et son argumentaire est le plus souvent convaincant, qui inscrit l’œuvre dans un contexte nécessairement influent ; et on a en fait bien des témoignages, au-delà de la seule analyse et interprétation des fictions, toujours délicate, de l’importance du contexte texan aux yeux de l’auteur – qui, par exemple, y revient souvent dans sa correspondance (notamment celle, légendaire, qu’il a entretenue avec H.P. Lovecraft, et qui, au fil de lettres interminables et passionnées portant notamment sur leur célèbre controverse opposant la barbarie et la civilisation, revient souvent sur le contexte texan et plus largement l’idée de « frontière »). Pas n’importe quel Texas, par ailleurs : celui des booms pétroliers du début du XXe siècle, avec ses villes-champignons qu’écumait le père de Robert, le docteur Isaac Howard, traînant bon gré mal gré sa famille derrière lui, jusqu’à finalement s’installer à Cross Plains (les premières années de sa courte vie, Howard n’a cessé de déménager – ce qui ne lui a sans doute pas facilité la tâche pour ce qui est de se faire des amis…). Un cadre très particulier, et dont Howard ne pouvait se détacher, mais qui pouvait susciter des réactions très diverses : le créateur de Conan admirait la « frontière » et l’esprit pionnier, mais haïssait littéralement les booms pétroliers et leurs effets concrets… incursions à ses yeux d’une civilisation corruptrice et bien autrement vulgaire, génératrice de difficultés insolvables. « Son » Texas, dès lors, a peut-être quelque chose de vaguement idéalisé – faisant le tri, gardant le meilleur et rejetant violemment le pire, autant que possible du moins ; mais c’était sans doute une tâche bien difficile dans l’absolu, et la vie de Robert E. Howard, qui n’avait sans doute pas grand-chose d’un « pionnier » au regard de l’acception courante du terme (sur le plan littéraire c’est différent, étrange ironie…), suscitait bel et bien le doute et l’incompréhension (mutuelle sans doute) parmi ses compatriotes, qui ne pouvaient guère concevoir qu’un homme puisse gagner de l’argent en écrivant des livres, ce qui, à l’évidence, n’a jamais été un « vrai métier »… D’où son lot de frustrations. Mais qui ne font dans un sens que confirmer l’essentiel : bonne ou mauvaise, l’influence du cadre texan ne fait guère de doute.
Une influence qui, par ailleurs, se double d’un folklore précis (outre celui, parallèle, des esclaves, qui aura lui aussi, à terme, son influence – voyez par exemple « Les Pigeons de l’enfer »), et de pratiques culturelles déterminantes pour Howard. Mark Finn s’étend ainsi sur la tradition du « tall tale », sur ces menteurs gouailleurs aux anecdotes délibérément grossies jusqu’à l’absurde – un procédé qui ne manquera pas de laisser son empreinte sur Howard, et dont il usera volontiers, même si essentiellement dans ses récits humoristiques à la première personne, qui s’y prêtaient le plus : les histoires « de boxe » du marin Steve Costigan, et les westerns « légers » mettant en scène Breckinridge Elkins et son impayable famille (autant de textes que je n’ai pas lus, et qui ne seront a priori pas réédités chez Bragelonne, zut, mais dont je suis maintenant très curieux – ce qui n’était pas garanti avant la lecture de cet ouvrage…).
La famille… Un autre point crucial, sans doute. Et tout particulièrement en ce qui concerne la mère de Howard, Hester : une femme fragile à certains égards, souffrant de tuberculose, et dont le rapport à son fils unique avait sans doute quelque chose d’excessivement possessif ; Howard a passé la quasi-totalité de sa vie auprès de sa mère, à la « soigner ». C’est un point essentiel de la « légende », et qui a fort logiquement débouché sur d’inévitables raccourcis – on a notamment parlé d’Œdipe, forcément… Un point de plus rapprochant Robert E. Howard de son correspondant H.P. Lovecraft, d’ailleurs. Mais il est vrai que la mort de Robert E. Howard a forcément influé sur cette perception (au-delà de la mythologie qui s’est greffée sur les faits, les mensonges ou déformations portant sur un prétendu poème d’adieux laissé dans sa machine à écrire, ou l’histoire de sa virée en voiture dans le désert…) : quand Robert a appris que sa mère, sombrée dans le coma, n’en sortirait jamais, il s’est suicidé… Il avait seulement trente ans (dans un touchant texte « fictif » introduisant la première partie de l’ouvrage, Mark Finn fait joliment prendre conscience de ce fait en lui-même extrêmement poignant – le petit Robert, quand il achète son premier numéro d’Adventure, a quinze ans… et a déjà vécu la moitié de sa vie). Les passages consacrés au suicide de Robert E. Howard sont très douloureux – et troublants, inutile de prétendre le contraire : même en évacuant les racontars « mythologiques », même en insistant sur le fait qu’il s’agissait là d’une préoccupation ancienne de l’auteur (mais seuls ses proches, et le tout premier cercle encore, savaient ce qu’il en était au juste des idées noires et pulsions morbides du jeune homme – qui ont pris par surprise ses correspondants plus éloignés tel Lovecraft), tout en faisant la part de l’impulsion, les conditions de la mort de Howard ont quelque chose qui met profondément mal à l’aise, et qui demande sans doute à être plus profondément analysé (mais pas « à vol d’oiseau », comme c’était le cas jusqu’alors).
Sans doute faut-il parler ici, d’ailleurs, du grand amour de Howard – sa relation avortée avec Novalyne Price a elle aussi acquis des traits légendaires (au-delà du livre qu’elle y a consacré – plus ou moins en réaction aux allégations des époux de Camp, si je ne m’abuse –, One Who Walked Alone, toujours reconnu comme essentiel à la compréhension du créateur de Conan et compagnie). Rien d’étonnant à cela, sans doute : au-delà des maladresses et de l’excentricité, disons, du personnage de Howard, on est là devant un solide matériau pour une romance pleinement littéraire ; compliquée, hors-normes, mais pas moins touchante (et douloureuse…), bien au contraire – d’autant que Novalyne Price elle aussi a quelque chose d’un personnage (sans même s’arrêter à l’influence qu’elle a pu avoir sur certains textes howardiens, à moins que ce ne soit prendre les choses à l’envers – on cite ici souvent « Les Clous rouges »…).
On pourrait, j’imagine, prolonger ces développements sur l’entourage de l’auteur, bien d’autres aspects pourraient être pris en compte – des lointains correspondants à ses adversaires locaux, pour les matchs de boxe organisés à la fabrique de glace… Mais sans doute est-il temps d’en venir à l’œuvre.
Une œuvre étonnamment prolifique. Howard est mort à trente ans seulement, mais a livré quantité de textes, dans bien des genres différents – même si en vue d’un unique débouché ou presque : les pulps. Associé pour toujours aux yeux des amateurs de littératures de l’imaginaire à Weird Tales (dont il était un des « trois mousquetaires », selon l’expression consacrée, postérieure – les deux autres étant H.P. Lovecraft et Clark Ashton Smith ; on peut noter, d’ailleurs, que, des trois, il était incontestablement celui qui avait le plus de succès), Howard a publié dans bien d’autres revues – généralement bien plus profitables, d’ailleurs (ne serait-ce que parce qu’elles payaient souvent à l’acceptation du texte, Weird Tales repoussant au mieux à la publication). Très tôt convaincu qu’il voulait devenir un auteur professionnel (ses expériences scolaires et ses premières tentatives d’exercer un métier « normal » lui ayant laissé très vite une mauvaise impression, c’est rien de le dire), Howard a nécessairement dû arroser un peu partout – au prix d’un travail acharné. Ses récits consacrés à Steve Costigan et, plus tard, à Breckinridge Elkins sont probablement ceux qui se sont avérés les plus rémunérateurs – alors qu’on tend sans doute à les mettre un peu de côté aujourd’hui. Par ailleurs, il prisait par-dessus tout les récits historiques, souvent situés dans un cadre proche-oriental ou moyen-oriental, passablement fantasmé à l’occasion. Mais il n’en reste pas moins associé à l’heroic fantasy naissante (manière déguisée de faire de l’historique ?) – ou plus exactement, selon l’expression ultérieure de Fritz Leiber, au genre, qu’il a probablement fondé, dit sword’n’sorcery ; à distinguer, sans doute, des premiers apports anglais en matière de fantasy moderne, en ce que ses histoires relevaient plus d’une tradition proprement américaine, à rapprocher probablement du polar hard-boiled (inévitablement, il y a une comparaison avec Tolkien, que je trouve plutôt malvenue…). Ses personnages de Kull et de Solomon Kane sont apparus somme toute assez tôt – même si Bran Mak Morn (peut-être bien mon chouchou) est sans doute encore antérieur, dans sa première conception du moins, à concrétiser plus tard (ce qui sera aussi le cas d’El Borak, dans un autre domaine). Mark Finn ne s’attache pas forcément à décrire en long et en large ces divers « cycles » à héros récurrents – ce que je trouve un peu regrettable, d’ailleurs ; à ce compte-là, c’est probablement Kull qui s’en tire le mieux, pour des pages tout à fait passionnantes, mettant bien en avant la singularité de l’œuvre.
Et puis il y a Conan – pour un long chapitre, le plus long du livre… mais dans cette deuxième édition seulement. Les lecteurs de la première s’étaient en effet étonnés, et n’avaient pas manqué de mettre en avant leur déception, des développements somme toute très brefs de Mark Finn à l’égard de la plus célèbre création de Robert E. Howard – pourtant à redécouvrir, débarrassée des « ajouts » de Lyon Sprague de Camp. Mark Finn en a pris acte, et a gonflé son chapitre… sans doute un peu à regret : l’idée, après tout, était de retrouver Howard derrière et au-delà de Conan – de briser la domination plus ou moins justifiée des récits de l’Âge Hyborien sur le reste de l’œuvre de l’auteur. En fait, Mark Finn le confie – dans un aveu qui me paraît assez répandu chez les exégètes de Howard : il n’aime pas plus que ça Conan, au fond… Mais il s’exécute, dans un long chapitre bien détaillé, révélateur par ailleurs d’une certaine ambiguïté de sa part : globalement, au long de cet ouvrage, Mark Finn se montre plutôt « bon public » – ce qui n’a rien d’étonnant, c’est peut-être même la moindre des choses, mais cela peut s’avérer dommageable à l’occasion. C’est parfois vrai dans ce chapitre aussi, où l’enthousiasme dont il fait preuve ne convainc pas toujours, loin de là (son analyse, parfois, me paraît d’ailleurs un peu trop tirée par les cheveux – ainsi quand il met en avant une conception délibérée et ordonnée des premiers récits de Conan, qui me laisse assez perplexe, où quand il entend afficher la « cohérence » de l’Âge Hyborien, contre sa réputation traditionnelle de « patchwork » – là, je ne suis vraiment pas convaincu, et la comparaison qu’il glisse inévitablement avec la Terre du Milieu me paraît franchement absurde, tant les deux projets n’ont rien de commun… Je le suis volontiers, par contre, dans son analyse du monde de Conan comme illustrant sa conception de la barbarie et de la civilisation, ce qui n’a sans doute pas grand-chose de surprenant). Mais on en retient peut-être davantage, cette fois, les critiques inévitables, même chez un fan on ne peut plus fan, des pires récits « à formule » du Cimmérien… avec leur sorciers et monstres interchangeables, et leurs demoiselles gentiment dévêtues pour guigner la couverture le cas échéant. En définitive, même réécrit de la sorte, ce chapitre renforce donc l’idée initiale : au-delà de l’apport essentiel des récits de Conan, il y a une œuvre entière qui, pour être moins connue (encore que la dimension Conan ne soit pas forcément « connue » elle non plus, tant elle a été excessivement déformée, via, au-delà même des traficotages de de Camp, les cruciaux comics de la Marvel et le film de John Milius – sévèrement critiqué, comme d’hab’…), n’en est pas moins fort intéressante, et parfois bien davantage.
Globalement, le livre de Mark Finn est bien fait, d’une lecture passionnante, et riche de développements bien vus, souvent tout à fait convaincants. Il pèche cependant par endroits. Comme mentionné plus haut, je regrette qu’il n’adopte pas d’appareil scientifique – mais il est vrai que le ton ne l’est guère par ailleurs (on peut s’étonner, tout de même, des « explications » avancées dans les brèves notes à propos de la deuxième édition, sur le caractère incomplet des deux derniers chapitres dans la première livraison – au seul motif que l’auteur avait « manqué de temps »…). Je regrette aussi un peu qu’il se montre globalement tant « bon public » ; il est vrai que je ne saurais pour ma part me présenter comme un authentique « fan » de Howard, ce qui me porte peut-être à des jugements plus sévères et plus ou moins fondés – encore qu’un exégète admiratif puisse se montrer extrêmement critique avec bien plus de pertinence. Sur ces deux points, inévitablement peut-être, à plus ou moins bon droit sans doute, je ne peux m’empêcher de comparer l’entreprise de biographie howardienne réalisée ici par Mark Finn, à celle qu’a réalisé S.T. Joshi par rapport à Lovecraft – il est vrai que le volume est tout autre, et l’ambition de même, du coup, mais, non, Blood & Thunder n’est vraiment pas I am Providence… Cela dit, ce ne sont là que des questions d’attentes plus ou moins concrétisées, elles sont très personnelles et ne prêtent sans doute guère à conséquence. J’imagine que la relative subjectivité de l’ouvrage est du même ordre ; elle ne pose pas de problème, le plus souvent, mais c’est parfois plus délicat – et si l’on comprend bien la colère qui saisit Mark Finn quand il évoque, dans son dernier chapitre ô combien édifiant, Lyon Sprague de Camp, je ne peux m’empêcher de regretter, par exemple, que la science-fiction en tant que genre (notamment la SF « campbellienne », par opposition aux vieux space op’, etc.) et en tant que communauté en fasse les frais, façon dommage collatéral, d’une manière que rien ne justifie vraiment (et qui se fait l’écho des vaines querelles de clochers opposant les différents genres de l’imaginaire, dont on subit parfois encore aujourd’hui de pénibles escarmouches)… Parfois, enfin, je regrette un peu que la profonde sympathie, bien légitime, exprimée par l’auteur pour son sujet débouche sur quelques considérations hasardeuses, peut-être – ou, surtout, des refus d’obstacle ; il prend systématiquement la « défense » de Howard, sur tous les points quels qu’ils soient (mais voyez par exemple la question des « ennemis »…), et, désireux d’expurger la biographie de Howard de ses éléments de légende, ce qui est parfaitement louable bien sûr, il s’aveugle peut-être un peu à l’occasion – ainsi, notamment, dans le rapport de Howard à sa mère et peut-être aussi à Novalyne Price ; et Mark Finn est tellement obnubilé par le besoin de démontrer que Howard, notamment en rapport avec son suicide, n’était pas « fou » (mais qu’est-ce que ça veut dire, « fou » ?), qu’il en vient à balayer un peu trop vite la composante pathologique du personnage – il n’est pas dit que dresser un semblable voile pudique sur les mystères les plus troublants de la personnalité de Howard soit la meilleure manière de le « réhabiliter », si tant est qu’il ait besoin de l’être sous cet angle…
Des critiques pour le principe. Globalement, j’ai beaucoup aimé cette biographie, instructive et pertinente. Elle pourra d’ailleurs vraisemblablement intéresser des lecteurs qui, sans être des « fans » à proprement parler, se montrent curieux d’un sujet qui le mérite bien – ô combien.
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