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Galaxies Science-fiction - nouvelle série, n° 39/81 : Spécial Japon

Publié le par Nébal

Galaxies Science-fiction - nouvelle série, n° 39/81 : Spécial Japon

Galaxies Science-fiction – nouvelle série, n° 39/81 : Spécial Japon, [s.l.], Galaxies-SF, janvier 2016, 191 p.

 

Alors, forcément, ayant intégré le camp bifrostien il y de cela pas mal de temps déjà, je ne pouvais qu’être partisan dans la guéguerre opposant Bifrost et Galaxies, hein ? Aha. Bon, j’ai sans doute absorbé sans vraiment en prendre conscience des préjugés en la matière… Mais, au fond, sans vraiment savoir de quoi je parlais : après tout, je n’avais jusqu’alors jamais lu le moindre numéro de la revue – même pas de « l’ancienne série »… J’avais feuilleté les exemplaires de la « nouvelle série », par contre – ce qui m’avait suffi pour reproduire quelques jugements hargneux (notamment de ceux émis par Thomas Day dans sa « mordante » chronique des revues de SF dans chaque numéro de Bifrost ?), portant sur une finition « fanzineuse », ou la pauvreté du cahier critique, trop souvent… Ceci étant, je crois que les choses ont changé depuis (mais à mesure, si ça se trouve, de mes changements personnels), et que Galaxies Science-fiction – nouvelle série a trouvé à s’épanouir dans le domaine qui lui est propre – un domaine distinct voire opposé à celui de Bifrost, car autrement plus fandomique à maints égards, avec les conséquences tant positives que négatives que ce qualificatif semble impliquer ; mais c’est probablement ainsi que la revue a su se montrer la plus intéressante et pertinente, notamment au travers de dossiers parfois pointus, mais tout à fait bienvenus – dont, pour ce n° 39, un dossier consacré à « la science-fiction du Soleil levant », qui me faisait de l’œil, et avait même contenté voire plus le cruel Thomas Day…

 

Il était donc bien temps de m’y mettre, non ? En constatant d’emblée que les problèmes de « finition » évoqués plus haut semblent être du passé – la forme de la revue, sans être ébouriffante, est désormais tout à fait correcte. Bon, je l’ai laissé entendre : si j’ai acheté ce numéro, c’est pour son dossier… Sujet qui m’intrigue d’autant plus que, si la SF nippone des mangas et des animes s’exporte bien, il n’en va sans doute pas de même de la SF littéraire (même si l’on en trouve parfois des titres de par chez nous, mais systématiquement chez des éditeurs hors-genre, tels Picquier ou Actes Sud, etc. – en guise d’exception je ne vois guère que Harmonie, de Project Itoh, on y reviendra). Cependant, je pouvais très bien lire le reste aussi, hein, tant qu’à faire – et ne m’en suis pas privé.

 

Mais commençons néanmoins par le dossier – qui s’étend sur une centaine de pages, en gros, la première moitié comprenant trois essais, et la seconde deux nouvelles.

 

Les trois articles théoriques m’ont laissé une impression un peu mitigée. Mais ne pas s’y méprendre : ils ne sont pas mauvais ! Loin de là, même, le plus souvent. Simplement, la matière est telle qu’ils s’avèrent tous trois frustrants en adoptant des points de vue vraiment ciblés – quitte à faire un peu mentir leurs titres… En résulte, parasitant parfois l’enthousiasme, car ces articles son bel et bien enrichissants voire passionnants, une frustration plus ou moins raisonnée – le goût de trop peu est sans doute d’autant plus infondé que, à tout prendre, sur cette base, il m’aurait fallu plusieurs centaines de pages de théorie pour pleinement me satisfaire… à supposer que je puisse être véritablement satisfait. Jamais content, hein ?

 

On commence avec l’article, assez touffu, de l’érudit et thésard Denis Taillandier (qui est aussi le responsable du dossier – l’édition électronique de ce numéro contient par ailleurs l’introduction de sa thèse, consacrée aux nanotechnologies dans la SF nippone), article intitulé « L’Imaginaire de la catastrophe dans la science-fiction japonaise à l’aube du XXIe siècle ». Le titre donne une impression de panorama, mais ce n’est pourtant pas vraiment le cas… L’article s’ouvre bien sur quelques développements (indispensables ?) consacrés aux plus grands classiques (par ailleurs exportés, et clairement incontournables) de la SF japonaise traitant de la problématique (japonaise s’il en est ? J’y vois presque une rivalité à cet égard avec les maîtres britanniques du domaine…) de la catastrophe : Godzilla, le film de Honda Ishirō ; La Submersion du Japon, le roman de Komatsu Sakyo (plusieurs fois adapté au cinéma), ZE best-seller du genre au Japon… mais qui m’avait fait l’effet d’être bien médiocre aujourd’hui ; Akira, enfin, la BD et le film d’Ōtomo Katsuhiro. Des choses globalement connues, mais sur lesquelles il est toujours appréciable de revenir. Mais cette introduction ne doit pas nous leurrer : nul panorama par la suite, mais bien au contraire une étude très ciblée et très pointue de deux auteurs seulement, de ces « zero nendai » (on désigne ainsi les auteurs des années 2000), lesquels ont par ailleurs fourni les deux nouvelles complétant le dossier (qui, du coup, à s’en tenir à l’ordre des textes, sont longuement commentées avant qu’on ne les lise…) : Itō Keikaku (ou Project Itoh), dont on avait pu lire en France (dans une traduction de l’anglais) le chouette roman Harmonie, et Ueda Sayuri (sauf erreur autrement inconnue de par chez nous). Matière quelque peu limitée en définitive, donc, et ciblée sur le contenu même de la revue (ça fait peut-être un peu serpent qui se mord la queue ?), mais qui est riche de développements tout à fait intéressants. Harmonie m’avait déjà donné l’impression que Project Itoh (mort en 2009, très jeune, d’un cancer…) méritait bien d’être davantage traduit de par chez nous (on ne lui compte cela dit que deux autres romans, dont une novélisation de Metal Gear Solid, et semble-t-il une seule autre nouvelle en sus de celle qui est ici traduite… sans compter une œuvre posthume, roman entamé par l’auteur mais achevé par un sien camarade après son trépas précoce), et sans doute est-ce aussi le cas d’Ueda Sayuri. Les deux se sont bien accaparé la problématique de la catastrophe, mais pour la renouveler joliment – on est bien loin, sans doute, des classiques évoqués plus haut, même s’ils ont pu avoir leur influence, éventuellement insidieuse. Sans doute la manière d’Itō Keikaku se montre-t-elle globalement plus sombre que celle de sa comparse – mais, en définitive, la « grammaire du génocide » et la réflexion désabusée du premier sur le post-humanisme accompagnent bien la submersion des terres, bien au-delà du seul Japon, offrant le cadre des récits d’Ueda Sayuri, où un écosystème chamboulé redéfinit, plus lumineusement peut-être, les notions d’humanité et d’identité, avec ce qu’il faut de boulons d’une part et de biologie tordue de l’autre. L’article est pointu – et m’a fait prendre conscience de dimensions insoupçonnées d’Harmonie, inculte et con de moi : j’étais très certainement passé à côté des (nombreux) éléments renvoyant à la mythologie celtique… Tout cela donne en tout cas l’image très positive d’auteurs réfléchis et pertinents, à découvrir, et plus vite que ça, encore – impression heureusement confirmée par la lecture, ultérieurement, des deux nouvelles évoquées ici, et qui s’avèrent plus que satisfaisantes, chacune à sa manière très particulière.

 

Sans doute, dès lors, vaut-il mieux en traiter dès maintenant – nous reviendrons sur le dossier « théorique » plus tard. Nous commençons donc avec Ueda Sayuri, pour sa nouvelle « Ichtyonaus, Thérionaus », traduite par Denis Taillandier, et qui s’inscrit dans ses « Chroniques des océans », développées au fil d’autres textes. L’écosystème est au cœur de cette nouvelle douce-amère – l’humanité y a évolué suite à une submersion globale (même s’il reste des terres émergées), et, dans les clans marins, chaque naissance d’un petit humain s’accompagne de celle d’un « jumeau », quelque part entre le poisson et l’amphibien – une petite bébête destinée à devenir bien grosse, rejetée à la mer à la naissance, mais amenée à revenir auprès des humains de sa famille aux environs de la puberté de son « jumeau » : il devient alors un « ichtyonaus » (poisson-navire avec pilote, disons)… à moins que, pour une raison ou une autre, le rendez-vous ne puisse avoir lieu, auquel cas il devient un « thérionaus » (sauvage). Or ces derniers peuvent s’avérer envahissants – et les humains qui ont choisi de se réfugier sur les terres émergées, environnés de leurs « intelligences artificielles » incarnées en robots, y voient une menace à éliminer ; mais que faire, quand l’amie d’enfance revient au moment même où un thérionaus s’échoue sur une plage – prétendant au jeune « soldat » (narrateur) supposé s’en débarrasser que c’est là son « frère », qu’elle avait manqué quand il était revenu auprès d’elle – et qu’elle avait même inconsciemment torturé avec l’assistance toute dévouée dudit « soldat », lui aussi gamin ? La nouvelle, comme vous le voyez, regorge d’idées, d’un potentiel poétique certain, si je ne suis pas bien sûr qu’elles tiennent scientifiquement la route – d’autant que la nouvelle tire bien au-delà sur la corde du darwinisme déviant… Résultat imparable quoi qu’il en soit – associant avec bonheur idées et images, science et poésie, et en tirant une appréciable mélancolie douce-amère, tout à fait convaincante. J’aimerais bien en lire davantage…

 

L’autre nouvelle est donc signée Itō Keikaku, et s’intitule « La Machine à indifférence » (traduction de Tony Sanchez ; le titre peut faire référence, sans doute, tant à l’ordinateur de Babbage qu’au roman steampunk de William Gibson et Bruce Sterling ?). Et c’est une sacrée baffe – probablement plus encore que pour la pourtant très bonne nouvelle qui précède. Project Itoh y décrit une Afrique de science-fiction ravagée par des conflits ethniques à la mesure de ceux qui ensanglantent l’Afrique réelle (on pense au tout premier chef au Rwanda, mais cela va peut-être au-delà). Deux groupes ethniques, les Xemas et les Hoas, s’y entretuent sans cesse – chaque camp instrumentalisant l’histoire pour justifier le massacre de l’autre, par ailleurs déchu de son humanité (au sens le plus strict – on prétend par exemple que les « autres » sont d’une race totalement différente, qui ne ressent pas la douleur, etc.). Le narrateur est un enfant-soldat xema, et a accompli son lot d’atrocités suite à la dévastation de son village et à l’assassinat de sa famille par les Hoas : il viole, torture, tue, parce que c’est ainsi que vont les choses. Mais la guerre prend pourtant fin… et les trois factions négocient la paix sous l’égide de l’ancien pouvoir colonial hollandais, les inévitables Américains étant aussi de la partie. Comment toutefois rassembler une population aussi divisée par la haine ? Comment réinsérer tous ces soldats qui ont cultivé leur compétence pour le meurtre ? Les Américains ont leur petite idée – qui consiste à faire suivre aux belligérants un traitement nanotechnologique (en vogue chez eux) visant à « gommer les différences », l’idée étant que la perception détournée prohibera les comportements sociopathes. Notre narrateur, effectivement, en arrive au stade où il ne sait plus différencier instinctivement les Xemas et les Hoas… ce qui le terrifie : pour un soldat, qu’il est toujours quoi qu’en disent les autres, ne pas reconnaître aussitôt l’ennemi est fatal ! Et il y a forcément des différences, non ? C’est évident ! Les errances de l’ex-enfant soldat dans ce pays qu’il comprend moins que jamais suite au traitement l’amènent à prendre conscience, pourtant, de l’absurdité du conflit qui a fait de lui ce qu’il est – douloureuse séquence où, retrouvant son ancien officier supérieur, il apprend de la bouche de cette brute homicide, reconvertie dans la rémunératrice culture du cannabis, que tout ce qu’on lui avait dit au sujet des Hoas était faux… Mais cela change-t-il vraiment quelque chose ? Le narrateur est en guerre – et si le traitement l’empêche de distinguer les Hoas des Xemas, il ne lui nuit en rien pour dresser une ultime ligne de scission : lui et ses semblables contre le reste du monde… « La Machine à indifférence » est une nouvelle très forte, très éprouvante et moralement douloureuse – ô combien… Project Itoh questionne intelligemment tant la guerre, avec ses corollaires de propagande et d’instrumentalisation de l’histoire, que la science au regard des choix éthiques. Il semble assez clair que « l’amputation de la perception » résultant du traitement (et qui renvoie sans doute à Harmonie) n’a rien d’une solution viable, outre qu’elle est moralement embarrassante : ne pas voir les différences, réelles ou supposées, n’est pas forcément la même chose que de les gommer véritablement. On pourrait – et moi pas le dernier : si je n’ai rien d’un optimiste par nature, je n’en suis pas moins porté sur le techno-progressisme et intrigué par les possibilités du post-humanisme – on pourrait disais-je envisager le traitement comme un outil bienvenu à même de façonner une utopie pacifiste ; on le pourrait, oui, même en prenant en compte tout ce qui rapproche ce traitement nanotechnologique du soma du Meilleur des mondes… Mais Project Itoh ne condamne pas tant le procédé comme immoral et « anti-humain », bien plutôt comme inefficace : l’utopie supposée en résulter, si elle a de quoi allécher dans un contexte aussi terrible que la guerre de « purification ethnique », l’odieuse et stupide expression consacrée par des années d’atrocités en tous genres, est donc vaine, et peut-être même, au-delà, est-elle en fait contreproductive ? Un texte d’une extrême noirceur, porteur d’une violence sourde et désespérée… Remarquablement puissant. Il faut traduire davantage cet auteur : son premier roman Gyakusatsu kikanOrgane génocidaire »), qui joue de thèmes proches, mériterait sans doute bien qu’on le découvre en France… mais, à défaut, peut-être me reporterai-je sur sa traduction anglaise (Genocidal Organ).

 

Après ces deux excellentes nouvelles, revenons au dossier. L’article de Tony Sanchez, « Les Romans japonais de SF et leurs adaptations », qui est de loin le plus bref, est clairement celui qui m’a le moins parlé : il est finalement bien trop court pour que l’on puisse en tirer quoi que ce soit, ou presque – sans doute y avait-il d’ailleurs matière à développer plus avant sur les « light novels », puisque ce sont essentiellement des adaptations de ces romans « young adult » nippons dont il est question ici (et qui, souvent, semblent constituer un galop d’essai pour d’éventuelles adaptations en mangas ou animes) ; mais j’ai trouvé que l’article se rattachait trop à des œuvres ciblées, et tout particulièrement à cet égard à All You Need is Kill, de Sakurazaka Hiroshi – dont l’adaptation va cependant au-delà, puisque c’est le bouquin à l’origine de Edge of Tomorrow (je n’en avais pas la moindre idée ; j’ai globalement eu des échos plutôt négatifs du film, mais le livre semble avoir du potentiel…) ; même chose (hors « light novels », cette fois) pour Shin sekai yori de Kishi Yūsuke, plus maousse… Mais que retenir de tout cela ? L’analyse, quand elle est – bien trop rarement – détachée des œuvres, me paraît trop limitée pour vraiment m’intéresser ; et, quand elle vire à la « critique » des œuvres citées, c’est pour se contenter bien vite de résumés et paraphrases, assortis d’un « c’est bien » guère argumenté… Un article passablement frustrant, donc.

 

Il y a sans doute un peu de ça également dans l’article suivant, de Julien Bouvard, même s’il m’a bien davantage emballé ; mais, en fait, là aussi, la matière est finalement restreinte au regard de la tonalité très générale du titre – même si cette fois l’auteur nous livre quand même un sous-titre clarifiant cette dimension : « Généalogie des mangas de science-fiction : à propos de L’Histoire du manga de science-fiction d’après-guerre de Yonezawa Yoshihiro ». Du coup, le thème est en partie seulement le manga de science-fiction, et au moins autant si ce n’est plus le regard porté par le critique Yonezawa Yoshihiro sur le genre. C’est très intéressant, un béotien tel que moi ne manque pas d’apprendre plein de choses – sur les sources, sur les super-héros, sur Tezuka, sur les publics cibles, etc. La frustration est cette fois d’un autre ordre : c’est que cette « histoire du manga » s’arrête en gros en 1980, avec l’ouvrage de Yonezawa Yoshihiro… Aussi, on ne fait qu’entrapercevoir Ōtomo à la toute fin (dans un éclair de lucidité), et on n’y trouve absolument rien quant aux 35 années (tout de même !) qui ont suivi, et qui ont vu l’émergence d’auteurs majeurs, ainsi que – phénomène sans doute complexe mais passionnant – la diffusion des mangas (et en tout premier lieu des mangas de science-fiction, justement !) dans un monde occidental qui ne s’en préoccupait guère jusqu’alors, mais n’en sera pas moins profondément chamboulé par cet afflux massif et la passion corrélative qui l’a suscité, entretenu, renforcé… En l’état, ça demeure passionnant que tout cela, mais là j’ai vraiment ressenti le goût de trop peu…

 

Bilan du dossier ? Il est bon, à n’en pas douter : certes, il brille avant tout par ses excellentes nouvelles, là où les trois (seuls…) articles ont tous quelque chose d’un peu frustrant… Ils n’en sont pas moins compétents et alléchants ; le problème n’est donc pas à proprement parler le dossier en lui-même (plus qu’honnête et même bien plus qu’honnête), mais ma curiosité en la matière : je n’y connais peu ou prou rien, et suis désireux d’en apprendre davantage – il me faudra voir si je peux dénicher des titres en mesure de m’y aider…

 

Voilà pour le dossier. Mais autant lire l’ensemble de la revue, hein ? Et tout d’abord les cinq nouvelles qui précèdent le dossier, et qui occupent une cinquantaine de pages. Hop, retour en arrière.

 

On commence avec « - 0,96 » de Sylvain Lamur, nouvelle arrivée deuxième au prix Alain Le Bussy 2015, bon… Ça part d’une bonne idée, joliment farfelue (les athlètes qui courent tellement vite le cent mètres qu’ils en viennent à atteindre des temps négatifs, avec des conséquences forcément bizarres), et, si la plume est globalement terne, elle réussit pourtant quelque chose d’assez convaincant dans son traitement de la « reprise ». Plutôt une bonne surprise, donc.

 

Je n’en dirais pas autant de « La Taverne », nouvelle de l’auteur arménien Karen A. Simonian – déjà publié chez nous par les estimés Patrice et Viktoriya Lajoye, avec deux nouvelles dans Dimension URSS : l’une m’avait relativement séduit, l’autre pas du tout… Passons : c’est là un texte assez « old school » (ce n’est pas précisé ici, mais il date de 1972), avec un explorateur du cosmos en quête, sur une planète pas encore cartographiée, d’une mythique taverne, décrite dans quelque ersatz d’un Guide du routard (forcément galactique)… J’y vois bien des prétentions « poétiques » et « sages », quitte à passer par un vague sentiment d’absurde (ce qui, de l’autre côté du Rideau de Fer, pourrait peut-être, dans l’esprit du moins, renvoyer à des gens aussi chouettes que Theodore Sturgeon ou Clifford D. Simak ?), mais j’ai surtout trouvé ça bien creux, et à vrai dire totalement dénué d’intérêt… Quitte à séjourner pour un temps dans une taverne idéale, je m’en tiendrai à la libre-maison à l’enseigne de « La Fin des Mondes », telle qu’elle est décrite par Neil Gaiman dans Sandman ; oui, je sais, comparaison parfaitement hors de propos. Mais voilà.

 

Jean-Louis Trudel livre ensuite « Celle que j’abrite », une nouvelle qui n’a sans doute rien d’exceptionnel, mais s’avère quand même autrement intéressante ; cette extension de la nuisance des « pourriels » sous forme de « virusses », instaurant un chantage pharmaceutique de masse dont on devrait s’accommoder, voyez-vous, est assez crédible, dans son absurdité de façade, pour être inquiétante ; la relation centrale du narrateur et de sa compagne sur-affectée par ce fléau est plus ou moins intéressante, mais, dans l’ensemble, ça passe bien.

 

Ce qui n’est vraiment pas le cas de la nouvelle de Jean-Pierre Laigle intitulée « Le Spectre de Vulcain » (titre éloquent, déjà ?) : ah ben là, pour du « old school », c’est du « old school »… La présentation du texte, qui spoile le machin, pas grave, avance le qualificatif de « hard SF », et oui, peut-être, mais alors à la façon « campbellienne », disons : on est aux antipodes d’un Greg Egan ou d’un Stephen Baxter, etc. – le texte fait plus que loucher sur la SF à Papy Heinlein et Papy Asimov, peut-être plus d’ailleurs qu’à Papy Clarke… Mais sans la moindre réussite, hélas. Rendons-nous à l’évidence : balancer plein de nombres et à peu près rien d’autre ne suffit certainement, dans cet optique, à susciter l’intérêt et la fascination du lecteur : le texte est très, très commun, et très, très terne, relevant bien d’une autre époque, mais hélas pas super bien digérée – le « sense of wonder » des glorieux ancêtres, autrement habiles à manier nombres et notions, passe en effet à la trappe, et, dès lors, il ne reste à peu près rien…

 

Enfin, « Attachement », de Liz Coleman, est de loin la meilleure de ces cinq nouvelles. Peu importe que le propos soit une fois de plus assez banal (avec là encore du spoiler bienvenu dans la présentation – qui m’a d’autant plus déstabilisé en fait qu’il ne spoile qu’à moitié, et justement la moitié la plus attendue…) : le narrateur (un homme devenant « alien » par amour, et qui porte en lui un enfant-parasite qu’il chérit) a une chair et une âme, et, sans se montrer d’une inventivité foudroyante, l’univers qui est décrit par petites touches çà et là, à l’occasion d’un très anxiogène retour au bercail, intrigue et séduit. Bien aimé, vraiment. Du côté des références, si on doit poursuivre ce petit jeu-là, on va cette fois chercher plutôt du côté de la grande Ursula K. Le Guin ou du chouette roman L’Étrangère de Gardner Dozois, tout récemment réédité (y a pire, comme références) ; peut-être aussi du côté des Amants étrangers de Farmer, mais, ne l’ayant toujours pas lu…

 

Reste les rubriques, de l’autre côté du dossier, là encore pour une cinquantaine de pages… mais je n’ai pas grand-chose à en dire : c’est clairement le point faible du numéro.

 

S’en tirent au mieux Jean-Michel Calvez, qui traite de deux albums de Tangerine Dream (occasion de me rappeler qu’il faudra bien que je me penche un jour sur ce groupe mythique – eh oui, aussi absurde que cela puisse paraître, je n’y connais rien du tout…), et peut-être Alain Dartevelle pour sa rubrique « Strips », sur les parutions en BD SF (très franco-belge, par contre, même si l’on y trouve un comic, et, via un chroniqueur invité, un manga). Peut-être aussi Pierre Stolze (tiens, un transfuge de Bibi…) qui livre ici le premier opus de sa nouvelle rubrique, « Sous le scalpel du docteur Stolze », sur un modèle assez proche de ce qu’il faisait auparavant chez la Distinguée Concurrence (et qui ne m’emballait pas vraiment…).

 

Le reste est globalement bien plus faible, tout particulièrement aux abords du cahier critique. Au sens strict, on y trouve un peu de tout. L’environnant, il faut mentionner la chronique « Le Coin du Bouquineur, épisode #39 : Jean Arlog, le premier surhomme (1921) – Georges Lebas (1862-1924) », par Philippe Ethuin, qui se contente peu ou prou de paraphraser le bouquin, brièvement, et sans rien en retirer d’excitant (voire le contraire), et la brève rubrique de Georges Bormand, « Et si on traduisait ? », portant cette fois sur Hal Clement, ce qui aurait pu m’intéresser… à ceci près que le chroniqueur se contente grosso merdo de citer Wikipédia – et là encore, zéro analyse. Bon…

 

Mais ce premier contact avec Galaxies Science-fiction – nouvelle série était globalement plus que satisfaisant : le dossier est bon, les nouvelles l’illustrant sont même excellentes ; les nouvelles « classiques » m’ont globalement plutôt surpris, en bien ; les rubriques sont ternes, et je tends à penser que la revue gagnerait à s’en passer, mais rien de véritablement scandaleux pour autant.

 

 

Allez, la prochaine fois, je tente Science-fiction magazine !

 

 

Comment ça je suis pas crédible ?!

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