CR 6 Voyages en Extrême-Orient : Lame, l'arme, larmes (02)
Deuxième séance du scénario de Fabien Fernandez « Lame, l’arme , larmes », tiré de 6 Voyages en Extrême-Orient. Vous trouverez les éléments préliminaires ici, et la précédente séance là.
Je maîtrisais. Le joueur incarnant Sekine Senzô, l’onmyôji, était absent. Les PJ présents étaient donc Goto Yasumori, la voleuse, Hira Ayano, la montreuse de marionnettes, Kuzuri Hideto, l’apothicaire, et Masasugi Takemura, l’ancien soldat.
I : IL VA BIEN FALLOIR PARTIR
[I-1 : Yasumori, Hideto, Takemura, Ayano : Sekine Senzô ; Aki] Tous se trouvent chez Senzô, à réfléchir à ce qu’ils doivent faire. C’est l’occasion d’échanger leurs points de vue sur la malédiction qui les affecte, mais l’onmyôji leur fait prendre conscience d’une dimension qui avait pu leur échapper : si c’est bien le sabre qui les a maudits, la malédiction dépasse désormais le seul sabre – Yasumori ne l’avait même pas touché, et pourtant Aki est morte à ses côtés ; même chose pour les animaux de Hideto et Takemura (ce dernier avait sorti le sabre, mais l’avait ensuite laissé chez Senzô). Il serait trop simple d’enterrer quelque part l’objet maudit et de penser s’en tirer comme ça : la malédiction, comme de juste, est bien plus perverse… Par ailleurs, elle affecte donc également les animaux : Ayano pensait partir avec sa mule, mais, à l’évidence, celle-ci ne tiendrait pas plus d’un jour ; il en va d’ailleurs de même pour le cheval de Senzô, ce qui l’ennuie profondément… Mais, au-delà de ces révélations, la compétence de Senzô est éventuellement mise en cause : son projet d’exorcisme à la cascade semble tomber à l’eau, faute de pouvoir changer quoi que ce soit à leur situation – il ne le dit pas, mais Ayano, notamment, s’en rend compte...
[I-2 : Ayano, Yasumori : Sekine Senzô ; « le Messager », Noboru, Takeo, Reizo] Ayano insiste d’autant plus pour partir au plus tôt. Mais la question se pose inévitablement : dans quelle direction ? Certains penchent pour suivre la trace du « Messager », parti vers l’est ; d’autres préfèrent remonter sa piste, en enquêtant au relais de Noboru (Takeo avait mentionné sa présence là-bas, ainsi que le décès du soigneur Reizo, dans des circonstances similaires). Yasumori propose que l’un d’entre eux parte avec le cheval de Senzô pour pister « le Messager » pendant que les autres font ce qu’ils ont à faire au village et partent enfin dans la direction du relais de Noboru – mais l’animal serait condamné à mort, ainsi que l’onmyôji lui-même l’a démontré ! Dimension que Yasumori n’avait pas prise en compte… Mais on pourrait charger de cette tâche un habitant du village, non affecté par la malédiction ? Senzô admet à demi-mots que c’est envisageable…
[I-3 : Hideto, Takemura, Yasumori : Tsunekiyo, Sadasuke, Yoritaka] Ils ont en effet peut-être encore des choses à faire à Kengo – le temps presse, mais quelques entretiens supplémentaires pourraient s’avérer utiles… Hideto suggère ainsi d’en parler avec Tsunekiyo, l’érudit du village – il est sans doute le mieux à même de comprendre quoi que ce soit à cette affaire à Kengo… Takemura approuve cette idée. On évoque aussi Sadasuke, le moine zen errant… Dans un autre registre, Takemura mentionne le chasseur émérite du village, Yoritaka – un pisteur efficace, qui pourrait remplir la mission suggérée par Yasumori. C’est en outre un bon archer – Takemura n’est guère à même d’en juger, peut-être, mais Yasumori bien davantage, dit-elle : réflexion qui douche un peu l’ancien soldat, et la jeune fille se rattrape, louant son expertise en d’autres domaines… Quoi qu’il en soit, Yoritaka est un homme honnête et bon : Yasumori est convaincue de ce qu’il sera à même de remplir cette mission.
[I-4 : Yasumori : Yoritaka ; « le Messager », Senzô] Yasumori part sur-le-champ et se rend à la maison de Yoritaka – il s’y trouve. Elle commencer par lui demander s’il pourrait lui vendre un bon arc et des flèches : c’est le cas, encore qu’il ne s’agisse pas véritablement d’une vente, pour lui qui n’a que faire de l’argent : Yoritaka offre en fait un arc adroitement conçu à Yasumori, considérant que c’est un moyen de contribuer à payer sa dette éternelle envers le village, mais c’est du coup maintenant Yasumori qui se trouve endettée auprès du chasseur – en son temps, il lui demandera un service à titre de rétribution. La jeune fille accepte sans l’ombre d’une hésitation et à grand renfort de courbettes. Après quoi elle mentionne aussi la tâche de pister « le Messager »… Cela fait soudain beaucoup de choses, et Yoritaka en fait laconiquement la remarque, mais le chasseur est volontaire – toujours cette notion de dette, plus encore, même. Il ne doute pas être en mesure de pister l’étranger, et, avec le cheval de Senzô que lui offre gracieusement Yasumori, il devrait pouvoir faire ça assez rapidement ; c’est aussi un moyen, pour cet homme de peu de mots, d’inciter les cinq « maudits » à partir sans l’attendre… Dès qu’il sera prêt, il se rendra chez Senzô, et partira aussitôt sur la piste du « Messager », après quoi il les retrouvera sur la route : nul besoin de convenir d’un rendez-vous, il saura suivre leurs traces. Yasumori le remercie, et s’en va de son côté pour préparer avec soin ses affaires pour ce voyage soudain auquel elle est contrainte…
[I-5 : Yasumori, Takemura, Hideto, Ayano : Senzô, Tsunekiyo, Sadasuke, Kioyosada ; Aki, Masako] Peu après le départ de Yasumori, Takemura et Hideto, en accord avec Senzô, hèlent un gamin pour qu’il fasse venir chez l’onmyôji Tsunekiyo et Sadasuke – en ajoutant à la dernière minute, et à la requête de Takemura, Kioyosada, en tant que chef du village, même si le vieil homme est plus que jamais dépassé par les événements… Ayano, qui n’a guère la tête à ces discussions oiseuses, est bien plus préoccupée par le décès d’Aki, et pensait rejoindre Masako, afin qu’elles se soutiennent mutuellement, et veillent à organiser les funérailles de la pauvre fille, la sœur d’Ayano donc – mais la présence de Sadasuke au village change quelque peu la donne, et, le moine se rendant de toute façon chez Senzô, Ayano décide finalement de rester.
[I-6 : Hideto, Takemura, Ayano : Kioyosada, Tsunekiyo, Sadasuke, Senzô, Takeo ; Noboru, Masako, Aki] Kioyosada arrive le premier, nerveux, incapable de prendre la moindre décision, et n’ayant pas le moindre avis sur la question : le débonnaire chef de village est parfaitement désemparé. Tsunekiyo et Sadasuke, qui arrivent ensemble chez Senzô, sont autrement sereins, mais ont d’abord besoin d’explications supplémentaires. Hideto et Senzô se chargent de leur résumer la situation – Hideto en profite pour évoquer aussi Takeo, qui semblerait avoir vu un cas similaire au relais de Noboru : on dépêche de nouveau un gamin pour aller chercher le marchand itinérant à l’auberge de Masako, où il s’est installé. Reste à voir le sabre : très solennel, Takemura scrute les nouveaux arrivants, puis ouvre le coffre afin de leur présenter l’arme maudite. Sadasuke et Tsunekiyo conservent toute leur dignité à ce spectacle, tandis que Kioyosada sombre de plus en plus dans la panique. Ayano fait la démonstration de sa haine du sabre qui lui a volé Aki : à la seule vue de la chose, elle crache par terre – sur le tatami de Senzô…
[I-7 : Takemura, Ayano, Hideto : Tsunekiyo, Sekine Senzô ; « le Messager »] Tsunekiyo se prononce enfin : il s’agit pour lui de remonter une piste, de trouver l’origine de la malédiction – ce qui permettra, soit de la réduire à néant… soit, même s’il ne le présente pas de la sorte, de la transférer sur quelqu’un d’autre (Senzô approuve, mais Takemura est visiblement mal à l’aise avec ce genre de solution…). Peut-être, plus concrètement, pourrait-il se montrer plus utile, à la condition de voir le sabre de plus près ? Takemura le lui tend, et Tsunekiyo, après un instant d’hésitation (la malédiction passerait-elle sur lui ?), s’en empare (c’est en effet très peu probable…). À ses gestes, Takemura, seul d’entre les présents, acquiert la conviction que Tsunekiyo a sans doute manié ce genre de katanas dans sa jeunesse – la rumeur dirait donc vrai… Mais il s’abstient de le signaler aux autres. Tsunekiyo confirme qu’un sabre pareil, aussi habilement conçu, aussi évidemment antique, a forcément une histoire, un passé – rien de commun avec le tout-venant de la production de katanas en cette ère de décadence. Peut-être faudrait-il alors creuser cette question de « l’héritage » ? « Le Messager » a très explicitement désigné ces cinq individus très différents – a priori, ils n’ont rien à voir entre eux : même le lien avec Kengo s’avère léger, tout particulièrement pour Ayano et Hideto… Quel est donc leur lien ? Takemura est le seul à répondre : il n’en a pas la moindre idée… Où trouver, alors, ces explications ? Sûrement pas à Kengo ou dans tout autre village de montagne du même type. Une arme pareille, on a forcément écrit à son sujet – de par Kyushu, ce ne sont pas les bibliothèques qui manquent, que ce soit dans des centres urbains, ou dans des monastères, ou dans des forteresses… Les légendes courant sur de semblables sabres ne manquent pas, à vrai dire – mais comment donc identifier précisément celui-ci ?
[I-8 : Hideto, Ayano, Takemura : Sadasuke, Sekine Senzô ; Aki, Masako] Hideto, peut-être pour la forme, demande alors à Sadasuke – qui n’a pas prononcé le moindre mot depuis son arrivée – s’il ne lui serait pas possible, en tant que moine, de « purifier » l’arme. Mais ce dernier n’éprouve en rien la gêne de Senzô à faire part de son incompétence… En fait, après avoir répondu à cette question, il se lèvre tout naturellement – expliquant laconiquement qu’il ne sert à rien ici : mieux vaut qu’il aille s’occuper des rites pour Aki, et tenter de procurer la consolation à ceux qui en ont besoin, Masako en tête. Ayano le remercie d’un signe de tête ; mais elle bout toujours autant : personne ici ne sait rien sur rien, il faut partir, et c’est tout ! Sadasuke semble s’arrêter un instant sur le pas de la porte, hoche la tête à cette déclaration, et s’en va. Toutefois, les rites ne seront pas exécutés dans l’immédiat et, même si ça lui déchire le cœur, Ayano sait qu’elle ne pourra pas rester jusqu’à la crémation de sa sœur… Par ailleurs, le mariage prévu pour la journée risque d’être affecté par ce drame – et les habitants de Kengo n’y verront que davantage encore de raisons pour chasser au plus vite les cinq maudits ! Elle n’en doute pas : il faut partir – et avant la nuit, précision qu’approuve Takemura ; sans quoi Masako au moins va y passer, et d’autres peut-être…
[I-9 : Yasumori, Takemura : Yoritaka, Sekine Senzô] Yasumori retourne auprès de ses camarades – elle a suivi Yoritaka, qui a obtenu confirmation de ce que Senzô lui prêtait son cheval, après quoi le chasseur s’est engagé sur la route de l’est. Takemura est assez impressionné par la manière dont Yasumori a agi avec le chasseur – la vilaine fille remonte un peu dans son estime…
[I-10 : Ayano, Takemura : Takeo, Sekine Senzô ; Noboru, Reizo, Masako, Towika, Sanzo, Osamu] Takeo les rejoint tous chez Senzô. Le marchand itinérant a été pour le moins interloqué par la scène qu’il a vue en arrivant à Kengo… Bonne patte, Takeo répond volontiers aux questions, avec un sérieux de circonstance. Il a effectivement vu un cadavre semblable au relais de Noboru, il y a deux jours de cela – soit la distance avec Kengo (il n’y a pas de route à proprement parler, ce sont des sentiers de montagne ; mais le relais se trouve au nord-ouest, dans la direction de Fukuoka. Et c’était bien le cadavre de Reizo, le soigneur qu’attendait Masako (Ayano intervient : il faut en prévenir l’aubergiste, et faire passer le mot, qu’un autre soigneur se rende à son chevet, elle tousse tant… Elle s’en chargera). Takemura demande au marchant si d’autres que lui pourraient savoir quoi que ce soit à ce sujet ; Takeo ne sait pas vraiment… Noboru lui-même et sa serveuse Towika en ont été témoins, mais autrement il y a du passage… Peut-être Sanzo, ce désagréable rônin qui erre souvent par là… Peut-être aussi Osamu, un concurrent de Takeo, qui ne l’apprécie guère… D’autres encore ? Tout dépend de qui se trouve là-bas…
[I-11 : Ayano, Hideto : Kioyosada, Tsunekiyo, Takeo, Sekine Senzô] Ayano ne s’attarde guère après le départ de Kioyosada, Tsunekiyo et Takeo. Elle se rend à l’auberge, où elle se prépare de son mieux – réalisant alors seulement qu’elle ne pourra pas partir avec sa mule ! Elle doit donc laisser des choses en arrière. C’est un crève-cœur, mais elle ne peut emporter ses marionnettes, et doit en outre faire le tri dans ses costumes (elle conserve dans un sac tout de même bien ordonné une tenue de femme noble, et une autre de paysanne). Hideto est dans une situation un peu moins fâcheuse, lui qui a l’habitude de tout conserver dans la malle d’osier qu’il porte sur le dos ; il trie néanmoins au mieux son matériel d’apothicaire. Senzô, enfin, ne peut sûrement pas emporter avec lui sa précieuse bibliothèque et ses tout aussi précieuses œuvres d’art… Il garde néanmoins ses outils de divination, et quelques rares livres dont il suppose qu’ils pourraient s’avérer utiles. Takemura et Yasumori se préparent également, et avec soin, mais n’ont pas ce genre de dilemmes.
[I-12 : Takemura, Yasumori : Kuchi ; Kioyosada] Après quoi Takemura souhaite s’entretenir avec Kuchi la folle, la vieille grand-mère du pourtant déjà vieux Kioyosada. Il n’en a pas une très bonne impression, surtout avec la scène qu’elle a jouée devant lui plus tôt dans la matinée, mais suppose que cela doit être fait. Et Yasumori se joint à lui, ce qui ne l’enchante pas davantage… Pourtant, il lui faudra bien s’habituer à sa compagnie dans les jours qui viennent – et comme elle semble connaître un peu la vieille, pour autant qu’on puisse la connaître… Tous deux se rendent donc au cabanon à l’arrière de la propriété de Kioyosada, où la vieille réside quoi que son petit-fils puisse en dire – elle ne vivra pas sous son toit ! Yasumori se montre d’une déférence appropriée devant son aînée, mais Takemura est à la fois prudent et plus direct – la fillette réagit comme il se doit en se plaçant derrière lui. L’ancien soldat a surtout une question en tête : cette malédiction est-elle le fruit du hasard, ou bien ont-ils fait quelque chose (mais quoi donc ?) pour mériter ça ? Le discours de la vieille est forcément confus, ou plus exactement cryptique, mais Takemura et Yasumori en retirent l’essentiel : ils sont débiteurs de leurs ancêtres – peut-être sont-ce plutôt eux qui ont fait quelque chose pour qu’eux cinq « méritent » cela ? Takemura perçoit bien la portée de ce discours, admet forcément qu’il fait sens, et n’en est que plus inquiet… Yasumori reprend les devants : Kuchi sait beaucoup de choses… Sait-elle comment lever la malédiction ? La vieille ne dit rien, se contente de sourire. Puis Yasumori tente une autre approche : Kuchi est vénérable, on la dit très âgée… Peut-être aurait-elle connu leurs ancêtres ? Le sourire persiste, et Kuchi se tait. Yasumori n’est pas mécontente de cette entrevue – elle pense avoir mis le doigt sur quelque chose… Mais, à l’évidence, ils n’en sauront pas plus maintenant : Takemura et Yasumori se retirent humblement.
[I-13 : Ayano : Masako ; Noboru, Reizo, Aki] Ayano s’est entre-temps rendue chez Masako. Elles partagent leur deuil commun, et Ayano explique en outre ce qui s’est passé au relais de Noboru, avec Reizo. Comme elle s’y rend, elle verra à faire passer le message, qu’un autre soigneur s’empresse de venir à Kengo… Masako ne réagit pas. Elle ne se montre pas hostile envers Ayano, mais attribue la mort d’Aki autant à son intransigeance malvenue qu’à la malédiction dont la sœur même de la défunte prostituée est la victime et le vecteur… La vieille femme, abattue, laisse entendre qu’elle ne désire qu’une chose : qu’ils partent au plus tôt.
[I-14 : Takemura, Hideto, Yasumori] Impossible de se leurrer : c’est en fait tout le village qui n’attend que ça… Sitôt leurs préparatifs effectués, ils partent en direction du nord-ouest – avant même le déjeuner. Takemura se porte volontaire pour prendre le sabre : à n’en pas douter, d’eux tous, il est le plus à même de s’en servir, et a conscience de ce qu’il s’agit d’une excellente arme, à même de sublimer ses capacités déjà notables. Hideto avait proposé, autrement, de le glisser dans sa mallette – c’est faisable, en l’arrangeant bien. Yasumori suggère alors un stratagème : et s’ils échangeaient les fourreaux ? Sans qu’on puisse parler de modèles « standard », les deux armes, le sabre maudit et celui de Takemura, sont de même taille ; l’ancien soldat pourrait porter le sabre magique dans son simple fourreau, tandis que son vieux katana, dans le fourreau luxueux de l’arme maudite, atterrirait dans la mallette de Hideto… On procède à l’échange – mais c’est l’occasion pour Takemura de percevoir un nouvel aspect de l’arme maudite, car ce questionnement sur la modernité le travaille : la lame est à n’en pas douter ancienne, mais son fil parfait a peut-être bénéficié d’un nouveau forgeage, bien plus récent… Il se demande même si cet incroyable acier ne serait pas importé ! Mais il garde tout cela pour lui – pour l’instant du moins.
[Ellipse.]
II : LE RELAIS DE NOBORU
[II-1 : Ayano, Hideto, Takemura, Yasumori : Noboru] Ils arrivent deux jours plus tard au relais de Noboru (avant le déjeuner – et ils ne comptent pas y passer la nuit, mieux vaut être toujours en mouvement…). Ayano et Hideto sont habitués de ce genre de longues marches – à vrai dire, ils ont même emprunté ce chemin plus d’une fois, ce qui leur facilite la tâche à tous. Takemura ayant en outre gardé quelques trucs de ses campagnes passées, tout se passe pour le mieux. Yasumori, au matin, avait pris soin de guetter aux alentours de leur campement s’il n’y avait pas d’animaux morts, mais ce n’est pas le cas. Hideto, instinctivement, surveillait également leur état de santé à tous, mais, physiquement, ils se portent tous pour le mieux – il redoutait que Takemura, à porter le sabre, soit affecté davantage que les autres, d’une manière imprécise, mais ce n’est semble-t-il pas le cas.
[II-2 : Takemura, Yasumori : Noboru, Fusamasa] Avant de pénétrer dans le relais de Noboru, toutefois, Takemura, après avoir longtemps ruminé seul cette information, fait part aux autres de son soupçon de « nouvelle forge » ; Yasumori s’en désole : peut-être auraient-ils pu en parler avec Fusamasa, le forgeron de Kengo… Mais Takemura pense qu’il n’aurait rien pu dire plus : pour un travail pareil, il faut se rendre en ville… même si d’autres réparations, peut-être… ? Pris d’un soupçon, Takemura examine à nouveau à fond le sabre, mais aussi son véritable fourreau : oui, ce dernier a été réparé récemment – un anneau…
[II-3 : Ayano, Yasumori, Takemura, Hideto : Noboru, Sekine Senzô, Sanzo, Towika, Osamu ; Takeo] Ils pénètrent dans la grande salle commune du relais de Noboru. Ayano et Yasumori ont pris soin de se vêtir de tenues passe-partout, appropriées à la marche et discrètes. Mais ce sont Senzô et Takemura qui, d’emblée, s’attirent de sales regards de la part d’un rônin pouilleux, l’air peu amène, et qui a sans doute déjà bu bien trop de saké – mais il ne compte visiblement pas s’arrêter de sitôt… C’est sans doute là le Sanzo dont leur avait parlé Takeo, les mettant en garde contre ses colères… Noboru, le tenancier du relais à son nom, est un bonhomme bien plus sympathique – comme Ayano et Hideto ont eu maintes fois l’occasion de l’apprécier ; il les reconnaît d’ailleurs, comme de juste, et, bavard impénitent, il est heureux de discuter avec eux de tout et de rien – tandis que sa charmante serveuse Towika s’affaire en cuisine. Est également présent le marchand itinérant Osamu, qui leur adresse un sourire dégoulinant, mais reste à sa table – tendant toutefois l’oreille aux bavardages des nouveaux convives.
[II-4 : Hideto, Yasumori, Takemura : Noboru, Sanzo ; Takeo, Reizo, Aki] Hideto hésite à parler immédiatement de leurs affaires avec Noboru, et se fait comprendre sans rien en dire… Yasumori, de même, glisse qu’il vaut mieux qu’ils mangent d’abord, quitte à en parler entre eux. Takemura approuve. Pourtant, le volubile aubergiste leur tenant la jambe, c’est bien Yasumori, en définitive, qui en vient au fait ; elle commence par évoquer Sanzo, qui « la dévisage », mais c’est pour en venir aussitôt à ce que Takeo a rapporté : il y aurait eu un meurtre ? Noboru est forcément un peu gêné – c’est son établissement, après tout –, mais il est avant tout amateur de potins sordides, et, après une brève hésitation, et sur le ton de la confidence, il veut bien se lancer sur le sujet. Le mot de « meurtre » semble pourtant le laisser un peu sceptique – peut-être un écho de sa gêne de commerçant ? Mais peut-être – on aurait dit du poison, oui… Ce qui, au passage, exclut Sanzo : les insinuations de Yasumori ne l’offusquent en rien, mais elles ne tiennent pas la route. Hideto demande alors s’il y a un suspect – mais Noboru ne compte accuser personne ; il serait de toute façon bien en peine de pointer qui que ce soit du doigt… Mais Yasumori insiste : Takeo leur avait clairement fait entendre que Reizo n’était pas mort de mort naturelle – non, certainement pas… Mais Noburu ne peut se priver de faire la remarque que Takeo lui-même convoie des serpents vivants et ô combien venimeux pour certains clients « excentriques »… Remarque gratuite : Takeo est arrivé plus tard – et l’état du cadavre du soigneur était tout de même bien particulier : Noboru s’étale sur sa description, qui correspond en tous points à celle du cadavre d’Aki. A-t-il conservé quoi que ce soit de Reizo ? Non, pas la moindre babiole – Noboru ne le dit pas ainsi, mais ne compte certainement pas se laisser accuser d’être un voleur ou un pilleur de cadavres… Reizo, de toute façon, n’avait pas grand-chose sur lui, le pauvre… Était-il malade en arrivant ? Non, pas le moins du monde – mais après tout les soigneurs tombent malades comme les autres… Et il n’y avait pas d’autre malade ? Non… ou peut-être cet étranger, qui s’est longuement entretenu avec Reizo ? Noboru crevait visiblement d’envie d’en parler, et saisit l’occasion. Malade ou pas, il ne saurait dire : le bonhomme n’était pas très causant, c’est peu dire – plutôt désagréable, même (autant que Sanzo ?) ; en fait, il ne s’est pas attardé dans la salle : il a alpagué Reizo, qui l’a suivi dehors (Noboru n’a pas la moindre idée d’où ils sont allés et de ce qu’ils y ont fait). Puis l’inconnu est parti, et le lendemain Reizo était mort… Mais autrement cet homme intrigant n’a pas causé le moindre trouble ? Même avec Sanzo, qui semble n’attendre que cela ? Non… Sur le ton de la confidence, Noboru avance que Sanzo n’est pas du genre à provoquer ceux qu’il sait plus fort que lui, et cet homme, en dépit de ses habits crasseux, avait une certaine aura – en partie due à son sabre, peut-être… Mais Reizo et l’inconnu n’étaient donc pas arrivés ensemble ? Non : Reizo venait de l’est, et l’autre homme, rare renseignement qu’il a pu en soutirer, venait de Hizotachi, au nord-ouest (toujours dans la direction de Fukuoka).
[II-5 : Ayano : Noboru, Hideto ; Masako, Reizo, Someyo, Kioyosada, Akiharu, Takeshi, Yôko, Ito] Puis la conversation tend à s’amenuiser. Les ragots scabreux laissent la place à des choses plus anodines – ainsi quand Ayano évoque la maladie de Masako ; et demande à Noboru de faire passer le message pour qu’un autre soigneur, remplaçant Reizo, se rende à Kengo, au chevet de l’aubergiste ; c’est une promesse… Noboru se fera un plaisir de transmettre l’information, et ne doute pas que quelqu’un s’en occupera bien vite. D’un ton tout ce qu’il y a de naturel, Ayano évoque ensuite le village de Hizotachi, justement, où ils se rendaient (là encore, Hideto et elle y sont forcément passés à plusieurs reprises) ; ils ne pourront pas s’attarder au relais, hélas, ils sont assez pressés ! En plus, elle doit faire sans sa mule : la pauvre bête s’est cassé une patte ! Tous deux échangent des banalités sur les affaires, et sur Kengo – mais Ayano n’a pas grand-chose à en dire… Noboru étant visiblement un peu déçu, Ayano brode sur le bien joli mariage de Someyo, la fille de Kioyosada, avec Akiharu… Ce qui fait réagir Noboru : c’est une chance ! Parce que, à Hizotachi justement, les choses ne se sont pas aussi bien passées : figurez-vous que Takeshi, le chef du village, comptait lui aussi marier sa fille, Yôko, mais le fiancé, le charmant Ito, a disparu ! Yôko est une jolie fille, pourtant… ou du moins c’est ce qu’on a rapporté à Noboru.
[II-6 : Takemura : Sanzo] Takemura garde un œil sur Sanzo – c’est réciproque, les regards courroucés s’entretiennent et se renforcent… Il se demande si le rônin ne pourrait pas leur apprendre quelque chose sur ce qui s’est passé…
[II-7 : Hideto : Osamu ; Reizo] Au prétexte de parler affaires, Hideto laisse les autres à leur table pour s’asseoir à celle d’Osamu. Hideto sait parfaitement que ce dernier n’est pas fiable – en fait, son saké frelaté est peu ou prou légendaire – mais peu importe, d’autant qu’Osamu est parfaitement conscient de ce que l’apothicaire pense de lui. Puis la conversation en vient au soigneur mort. Osamu n’avait pas plus que ça discuté avec Reizo – ils n’étaient pas en affaires, de toute façon. Et le soigneur a donc passé beaucoup de temps à l’extérieur avec cet inconnu au beau sabre… Mais, oui, Osamu a ensuite vu le cadavre – pas beau à voir, c’est sûr… Bon, ça ne l’a pas empêché de se rendre dans les villages des environs pour y vendre ses produits, dont son excellent saké, il faut bien vivre… Et il est revenu ici, ayant fait ce qu’il avait à faire ; il ne compte pas s’attarder plus que de raison…
[II-8 : Yasumori : Towika] Quant à Yasumori, elle passe un peu de temps avec la serveuse, Towika – comprenant bien vite qu’elles sont deux âmes semblables, lasses de la monotonie de la campagne et assoiffées de ville… La serveuse fera tout pour sortir de ce trou – quitte à user de ses charmes s’il le faut. Yasumori lui dit qu’elle a bien raison d’avoir ce rêve, et qu’il ne faut surtout pas perdre de vue cet objectif.
[II-9 : Yasumori, Takemura : Sanzo] Yasumori retourne à leur table, où Takemura est plus que jamais engagé dans un duel de regards avec Sanzo – le rônin est déjà bien éméché… Puis il n’y tient plus, et, sans quitter Takemura des yeux, il s’installe à leur table, en face de l’ancien soldat – il a emporté avec lui sa cruche de saké et sa coupelle, il ne cesse de se resservir… Mais jamais il ne baisse le regard (quitte à renverser un peu d’alcool sur la table quand il se sert…). Takemura est toutefois assez intimidant… Craignant de perdre la face, le rônin l’agresse soudain verbalement : pourquoi a-t-il un sabre ? Il n’est pas un samouraï. Il ne mérite pas d’avoir une arme pareille, il n’en a pas le droit ! Où a-t-il trouvé son katana – il l’a volé, sans doute ? Ou alors – oui, c’est probablement plutôt ça – il a dépouillé un cadavre ! C’est ce qu’il fait, n’est-ce pas ? Voler leurs sabres aux morts qui, eux, les méritaient ? Horrible voleur ! Homme sans honneur ! Takemura ne se laisse pas faire : « Si vous voulez que je vous corrige, dites-le, et je saurai prouver que j’ai le droit de porter cette arme, et que je sais m’en servir… » Après quoi il essaye d’avancer que deux hommes civilisés n’ont pas à… Mais Sanzo se lève brusquement, emporté par une rage noire ! Partant en arrière, le saké aidant, il se casse presque la figure sur une table dans son dos, mais n’en dégaine pas moins son sabre. Takemura se lève aussitôt et porte la main sur la garde du katana maudit, mais Yasumori le saisit par le bras – cet imbécile ne le mérite pas, et mieux vaut ne pas montrer aux yeux de tous le sabre ! Takemura acquiesce.
[II-10 : Takemura, Ayano, Yasumori : Sanzo] Takemura essaye de désarmer Sanzo, mais son coup ne porte pas suffisamment. Et, le rônin a beau être ivre, il n’en reste pas moins qu’il est armé d’un sabre contre un adversaire à mains nues ! Il riposte aussitôt, et blesse assez grièvement Takemura, d’une vilaine estafilade au bras gauche… Ce que voyant, Ayano entreprend de contourner le rônin pour passer dans son dos, tandis que Yasumori s’avance couteau en main – c’en est presque dérisoire face au katana, même d’un ivrogne… Pourtant, c’est Ayano qui parvient à le vaincre, et d’une manière encore moins conventionnelle : un bon coup de cruche de saké à l’arrière du crâne ! Sanzo lâche son arme sous le choc, et tombe à genoux – il reste cependant conscient, juste sonné… Takemura, malgré la douleur, dégaine alors son sabre et le place sous la gorge du rônin. Sanzo se rend – mais ils n’ont pas d’honneur, ils s’y sont tous mis pour le vaincre !
[II-11 : Yasumori, Takemura, Hideto : Noboru, Sanzo, Towika, Osamu] Yasumori donne un coup de pied dans le sabre de Sanzo pour le mettre hors de portée. Puis elle s’empresse de retourner à ses affaires et de payer Noboru – elle ne compte pas rester plus longtemps. Takemura demande pourtant à Sanzo s’il a déjà vu son arme – ou plutôt, il l’affirme… Sanzo, un peu dégrisé par l’adrénaline, observe le sabre de plus près, et dit, stupéfait : « Vous avez la Griffe ? » Takemura répond que c’est un « héritage »… maudit, sans aucun doute. Mais qu’est-ce que le rônin sait à ce propos ? Sanzo baisse la tête : il ne savait pas, il ne comptait pas interférer avec la Griffe, il n’aurait jamais… Le rônin se prosterne et se confond en pitoyables excuses. Impossible d’en tirer quoi que ce soit de plus : ils embarquent leurs affaires, et laissent là le relais de Noboru – l’aubergiste, Towika et Osamu tous stupéfaits de ce soudain éclat de violence, et de sa conclusion inattendue… Mais Takemura ne se prive pas d’adresser un regard courroucé à Yasumori, qui l’avait dissuadé de sortir son sabre de suite… Hideto a toutefois pris le temps de s’occuper de la blessure de Takemura ; l’hémorragie est vite stoppée, et les organes vitaux ont été épargnés, mais la douleur est là, et demeurera quelque temps…
III : DU RELAIS DE NOBORU À HIZOTACHI
[III-1 : Takemura, Hideto, Ayano, Yasumori] Takemura veut partir aussitôt en direction de Hizotachi, et tous l’approuvent. Le voyage est plus tendu, si Hideto et Ayano ont là encore déjà emprunté cette route… Ils sont sur leurs gardes, et se doutent qu’au relais on ne parlera pas d’eux en termes très flatteurs – d’autant que Yasumori en a rajouté in extremis, en s’offusquant de la tenue de cet établissement… Mais la jeune fille suppose qu’ils ne seront peut-être pas très bien accueillis à Hizotachi, du coup.
[III-2 : Takemura, Hideto] Dans ces circonstances, et la blessure de Takemura n’y est pas pour rien, ils prennent un peu de retard : il leur faudra trois jours au lieu de deux pour parvenir à Hizotachi. Mais Hideto en profite pour soigner au mieux Takemura : arrivé au village, il ne devrait plus être affecté par sa blessure, qui a été bien traitée.
[III-3 : Yoritaka, Senzô ; « le Messager »] À un jour de leur destination, ils sont rejoints par Yoritaka. Le chasseur n’a pas eu de véritables difficultés à trouver « le Messager »… ou plutôt son cadavre. L’étranger s’est en effet suicidé par seppuku – dans un endroit choisi, calme et beau… Pas grand-chose de plus à en dire – simplement, il avait un bandage à l’omoplate droite : en dessous, un petit carré de peau avait été écorché – par quelqu’un d’autre, a priori, avec une lame quelconque… Yoritaka ne s’attarde pas – il ne désire pas vraiment leur compagnie… Il repart très vite pour Kengo, sur le cheval de Senzô.
[III-4 : Yasumori, Takemura, Ayano, Hideto : Sekine Senzô ; Takeshi] Avant de reprendre la route, Yasumori veut déterminer comment ils aborderont le village. Ce n’est pas seulement qu’il faut dissimuler le sabre – et Takemura s’y emploie. Par exemple, les habitants ne manqueront probablement pas de s’étonner, non seulement de leur troupe passablement hétéroclite, mais aussi de ce qu’ils ne passeront pas la nuit sur place – puisque tous sont d’accord pour bouger sans cesse, de crainte de faire d’autres victimes innocentes… Ils décident d’un pieux mensonge : Ayano et Hideto, itinérants de profession, se rendent à des festivités près de Fukuoka – ils ont été amenés à faire la route ensemble, la compagnie n’étant pas de refus dans leur activité autrement solitaire… Ils ne peuvent pas se permettre de rester à Hizotachi, sans quoi ils ne seront jamais à temps pour la fête… Quant à Yasumori, elle se rend auprès d’une vieille tante en ville – elle est de bonne famille, aussi a-t-elle requis les services d’un garde du corps, Takemura… Yasumori avait suggéré à Senzô de parler d’une cascade miraculeuse dans les environs, et qu’ils avaient prévu d’y passer la nuit – mais Senzô ne connaît pas suffisamment la région, et redoute que Takeshi, le chef du village, y trouve matière à suspicion... Ayano concocte plutôt un boniment à propos d’un hameau, un peu plus loin, où on les attendrait.
IV : L’ARRIVÉE À HIZOTACHI
[IV-1 : Ayano, Hideto : Takeshi, Akane ; Yôko, Ito] Ayano et Hideto connaissent le village, un peu plus grand que Kengo. Ils savent notamment que son chef, le vieux Takeshi, assez riche pour un campagnard de cette région montagnarde, a de plus en plus délégué la gestion de ses domaines agricoles, et a consacré une bonne partie de son patrimoine à l’apprentissage de l’astrologie et autres disciples ésotériques ; à force, il a acquis une érudition appréciable en la matière. Sa femme, Akane, a voulu suivre ses traces, mais n’a pas sa compétence. Quand ils pénètrent dans la maison commune pour y faire leurs salutations, ils ne voient par contre pas la jeune Yôko, censée se marier quelques jours plus tôt à peine, avec un certain Ito qui a soudainement disparu… Les formalités sont accomplies ; mais l’aimable Takeshi prend bien soin de ne jamais évoquer la disparition de son futur gendre, et évite avec soin toutes les allusions qui pourraient amener à évoquer cette affaire qui lui pèse.
[IV-2 : Ayano, Hideto, Takemura, Yasumori : Takeshi, Sekine Senzô ; Noboru, « le Messager », Bentei, Yôko, Ito] Ayano mène la conversation habilement, et Takeshi ne suspecte rien, même quand elle évoque les rumeurs entendues au relais de Noboru, sur cet inconnu qui disait venir de Hizotachi… On a tout de même parlé de meurtre ! Cet étranger – qu’on disait taciturne, et arborant un sabre impressionnant, guère en accord avec sa mise – est-il bel et bien passé par ici ? Takeshi confirme que c’est le cas – notant que lui non plus n’a pas passé la nuit au village. Lui-même ne l’a guère vu – il a passé l’essentiel de son bref séjour ici avec Bentei, le forgeron (que Ayano et Hideto connaissent pour être déjà passés dans le village). Mais Takeshi avait deviné qu’il était affecté par une mauvaise étoile, et son aura, pour qui y est sensible, exprimait une intolérable souffrance…Et Takeshi ajoute alors qu’il a le même sentiment concernant les cinq voyageurs ! Malgré la réussite apparente de leur boniment, tous craignent d’avoir été démasqués… Mais ce n’est pas forcément le cas : de la part de Takeshi, c’était plus un constat qu’une insinuation. Takemura décide cependant de montrer le sabre à Takeshi, sans autres explications, tandis que Senzô, à demi-mots, laisse entendre que le vieux chef a sans doute perçu la vérité quant à leur passage à Hizotachi… Takeshi joue pleinement le jeu : non, ils ne resteront pas ici, et ça sera mieux pour tout le monde. Mais Yasumori évoque alors le sujet tabou, le mariage annulé de Yôko et Ito – peut-être y a-t-il un lien avec le passage de « l’étranger » ? Auquel cas, ils feraient face au même problème, et auraient peut-être le même but… Mais, étrangement, Takeshi ne semble pas croire à ce lien – c’est encore autre chose… Puis le chef du village s’attarde dans la contemplation du sabre exhibé par Takemura : c’est une très vieille arme… Elle lui évoque, sans qu’il sache trop dire pourquoi ni comment, ces lames ancestrales que l’on avait conçues avec un soin inouï du temps des conflits avec la Corée – pas les projets tout récents de Toyotomi Hideyoshi, non, ceux du temps de Mahan [une confédération de 54 petits États qui a existé du Ier siècle av. J-C. au IIIe siècle dans le sud-ouest de la Corée]… Kyushu a conservé la mémoire de ces temps presque mythiques. Il y a sans doute des choses à découvrir, dans les bibliothèques – il cite notamment celle de la forteresse d’Ashiga Tomo, tout particulièrement riche à cet égard… mais en avançant qu’il ne sera peut-être pas facile d’y accéder.
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