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Les Vacances de Jésus et Bouddha, vol. 1, de Hikaru Nakamura

Publié le par Nébal

Les Vacances de Jésus et Bouddha, vol. 1, de Hikaru Nakamura

NAKAMURA Hikaru, Les Vacances de Jésus et Bouddha (Saint Young Men), vol. 1, [Saint Oniisan, vol. 1], traduction [du japonais par] Étienne Robert, Paris, Kurokawa, [2008, 2011] 2015, 144 p.

 

J’AURAIS PAS DÛ

 

Les achats impulsifs, des fois, c’est le mal – et prendre le temps se renseigner avant d’acquérir une BD (ou tout autre chose) peut sans doute s’avérer salutaire… Encore que, là, les bons échos dominant globalement les mauvais, j’aurais pu me faire avoir quand même.

 

Or, pas de mystère, concernant ce premier tome des Vacances de Jésus et Bouddha, série de la mangaka Hikaru Nakamura bénéficiant d’un succès plus que confortable au Japon (dans les dix millions d'exemplaires écoulés ; je ne sais pas ce qu’il en est chez nous, mais douze volumes parus, je suppose que ça doit se vendre), je me situe clairement dans le camp des hostiles. Mais vraiment – au point d’avoir envie de faire péter les superlatifs et les invectives !

 

Pour dire les choses comme elles sont, j’ai peiné à la lecture de ce premier tome pourtant court, j’ai plus d’une fois grincé des dents ce faisant, ou simplement constaté, sur un mode plus navré, que ce manga censément humoristique ne m’a pas fait rire une seule fois, et peut-être tout juste sourire, allez, une ou deux fois ? Mais l’agacement l’emportait largement en définitive – associé à l’incompréhension de ce qui a pu faire le succès de cette chose : j’ai trouvé ça horriblement mauvais ; en fait, j’ai le sentiment que cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu quelque chose d’aussi mauvais ; au point même où je me suis demandé si ce n’était pas la pire BD que j'avais lue depuis, oh, allez : quinze ans ?

 

Vous allez dire que j’exagère. Objectivement, c’est très possible. Mais je ne me sens pas de retenir une telle réaction de rejet. Péremptoire, je dirai donc que ce premier tome est une purge, qui m’a d’emblée vacciné de la curiosité de lire la suite ; et je suis d’autant plus peiné/énervé par ce désastre que le pitch de la série était très enthousiasmant…

 

UN PITCH SYMPA, MAIS…

 

Oui, tout ça partait plutôt bien…

 

Nous avons donc Jésus et Bouddha, qui ont eu beaucoup de boulot aux environs du tournant du millénaire. Les deux « entités » décident alors de prendre un peu de repos après cette période d’hyperactivité – or les deux se connaissent, forcément, et décident de prendre ensemble des vacances au Japon ; ils louent un appartement au nom de MM. Saint, et c’est pour eux l’occasion de découvrir le monde (ou plus exactement le Japon) « à hauteur d’homme ». D’apparence plutôt jeune en dépit de leurs milliers d’années, Jésus et Siddhârta jouent donc aux touristes en t-shirts, dans un pays qui les fascine autant qu’il les surprend.

 

Au fond, ça n’est sans doute pas si original, comme pitch… Juste une version (théoriquement...) un peu plus blasphématoire (mais très, très gentiment…) de De bons présages de Neil Gaiman et Terry Pratchett (ou, d’ailleurs, d’American Gods de Neil Gaiman tout seul), ou du jeu de rôle In Nomine Satanis/Magna Veritas (euh, époque « classique… »), mais s’en tenant au camp « céleste ».

 

Pas si original, mais plutôt alléchant, oui ! En tout cas, dans l’idée, ça me parlait pas mal… Et la couverture, avec Jésus et Bouddha « casual », t-shirts débiles (attention : « Doux moi-même » est peut-être le gag le plus drôle de tout ce ratage, et je le connaissais déjà…), sac en bandoulière, guide touristique ou appareil photo en main… OK, plutôt amusant !

 

Sauf que non.

 

PAUVRETÉ DES GAGS – S’IL S’AGIT BIEN DE GAGS

 

Les Vacances de Jésus et Bouddha se présente comme une BD comique. Le problème est qu’elle n’est pas du tout drôle – pas… du… tout. Ce qui est un peu ennuyeux, tout de même.

 

En effet, l’auteure ne fait absolument rien de son pitch croquignolet. En tant que tel, il est une mine, promettant bien des gags absurdes, du comique de situation et/ou de répétition, des anachronismes et compagnie à foison, et une toute petite touche d’irrévérence peut-être…

 

Mais non. Le pitch est là, mais rien n’en découle – rien de drôle. Hikaru Nakamura – et ses lecteurs, faut croire – semble considérer qu’il suffit de mettre, ici Bouddha, là Jésus, pour susciter automatiquement le rire. C’est sans doute l’idée de base… mais il n’y a donc en fait pas de gags, ou très peu ; car rien n'est développé au-delà.

 

Jésus tient un blog, uh uh uh. Oui, c’est là qu’il faut rire – le contenu du blog n’a pas d’importance.

 

Bouddha va dans le métro, oh oh oh. C’est là qu’il faut rire, parce qu’il ne s’y passe à peu près rien.

 

Jésus et Bouddha mangent une pizza warf warf warf.

 

Ah et puis y vont aux bains aussi ROFL XD PTDR.

 

 

Vous avez là l’essentiel de ce premier tome : nos héros qui se trouvent en décalage dans des situations incongrues pour eux, mais ça s’arrête 95 % du temps là. Il n’y a pas de gags à proprement parler – il n’y en a que des amorces, visiblement jugées autosuffisantes, pourtant bien fainéantes.

 

Et ça n’est absolument pas drôle. Au mieux, quelques très, très vagues sourires çà et là – Jésus constate qu’un certain Judas le lurke sur Internet, ah ah ah. Ne prenez pas la peine de fouiller dans le détail, il n’y a rien de plus drôle que ça dans tout ce premier tome.

 

À ce stade, j’ai même trouvé sidérant qu’on puisse livrer une BD pareille, avec un tel sujet, sans rien produire de plus amusant – c’est comme si l’auteure avait délibérément gommé tout ce qui aurait pu être drôle pour s’en tenir à une épure… de rien du tout. Et ce d’autant plus que les quelques gags « théologiques » qui surnagent malgré tout sont au moins aussi navrants (et parfaitement innocents).

 

Et ça ne marche vraiment pas. D’autant que le comique de répétition n’arrange rien : ah ah ah Bouddha il a un truc au milieu du front, alors les gens ils appuient dessus comme si c’était un bouton alors ça lui fait mal à la tête ah ah ah ; oh oh oh Jésus les lycéennes elles disent qu’il ressemble à Johnny Depp oh oh oh.

 

Produire quelque chose d’aussi fade avec un sujet pareil relève de la performance artistique.

 

Et le résultat n’est pas seulement pas drôle, il est aussi invraisemblablement gamin – c’est d’autant plus invraisemblable que le propos ne devrait pas avoir grand-chose de puéril, à la base. Au final, Les Vacances de Jésus et Bouddha, c’est à peu près aussi inoffensif, moche et niais que Placid et Muzo, mais en moins drôle.

 

(Oui, je sais.)

 

(Non, je n’exagère pas.)

 

LEÇONS D’HUMOUR PAS DRÔLE

 

Une chose me dépasse tout particulièrement, ici – et c’est que cette BD fondamentalement pas drôle du tout… semble se piquer de leçons d’humour ?

 

Et à deux reprises. Une seule, j’aurais pu vaguement comprendre – et interpréter la chose comme une sorte de gentille humiliation des protagonistes par une auteure désireuse pour le coup de ne pas être drôle, mais la deuxième occurrence, outre qu’elle relève d’un certain « comique de répétition » propre à la BD (assurément répétitive, mais tout aussi assurément pas comique pour un sou), m’a conduit à envisager, la goutte au front… que Hikaru Nakamura pensait véritablement livrer quelque chose de drôle. Et qu'il n'était pas pertinent de se poser la question du premier ou du second degré, etc.

 

La première fois, nous avons Jésus et Bouddha naviguant dans un festival, et qui se retrouvent embringués dans un spectacle comique amateur. Le terme n’apparaît pas dans la BD en français, mais je suppose qu’il s’agit de manzai, certes pas la forme d’humour japonaise la plus facile à exporter. Toujours est-il que cette scène n’est absolument pas drôle, le spectacle improvisé par « Perma et Chevelu », ainsi que, ah ah ah, ils appellent leur duo, ah ah ah (c’est le gag le plus « drôle » de toute la séquence, une fois de plus), est parfaitement affligeant.

 

Délibérément ? J’ai donc voulu le croire… L’idée était alors que Jésus et Bouddha, tout divins qu’ils soient, étaient parfaitement ridicules dans ces situations si peu en accord avec leurs personnages. OK, c'est l'idée de base, après tout.

 

Mais, plus loin, nous voyons Bouddha, fanatique de la BD que lui a consacré le grand Osamu Tezuka, envisager encore qu’à reculons (ou timidement) de devenir lui-même mangaka, et de livrer des histoires drôles. Dans un registre théologique marqué. Sauf que c’est tout aussi navrant – mais sans l’ambiguïté du spectacle de manzai, cette fois. Et la scène s’accompagne, d’une certaine manière, de commentaires de l’auteure quant aux moyens de provoquer le rire en bande dessinée ?!

 

Je n’osais pas me l’avouer jusqu’alors, mais je crois que c’est ici que j’ai définitivement dû faire avec : Hikaru Nakamura se foutait de ma gueule, et ce depuis le début. C'est pas possible autrement.

 

DESSIN SANS INTÉRÊT ET MISE EN PAGE PÉNIBLE

 

Bon. Un truc pas drôle, donc. Un truc puéril et qui ne tient pas les promesses de son pitch. Mais c’est une BD : le graphisme rattrape peut-être la chose ?

 

 

Vous voulez rire ?

 

Si j’ose dire.

 

Non, donc – le graphisme ne rattrape absolument rien du tout. Le dessin est tristement fade et moche – il n’a pas de personnalité, et, même dans son classicisme ultra-simpliste, il ne convainc pas. Rien n’en ressort, personnages et décors sont tout aussi ternes et sans intérêt.

 

La mise en page n’arrange rien – globalement classique là encore, mais aussi régulièrement confuse, elle participe en outre de l’effet « pas drôle pour un sou » de la BD, notamment en glissant çà et là des « gags » purement textuels totalement affligeants, au moins un par chapitre. Exemple : « Bouddha a acheté le DVD d’entraînement sportif Billy’s Bootcamp », suivi la page d’après de : « Jésus doute de l’efficacité des méthodes pour maigrir comme Billy’s Bootcamp car cela demande trop d’efforts pour y arriver. » Oui, c’est le gag – double, aha. Méga fun, non ? Et pas le moindre rapport avec le contenu des deux planches, au cas où… Et les phylactères narratifs sont globalement du même tonneau. Sans même parler des paroles hors-phylactères, d'un prosaïsme pénible.

 

J’y étais au début indifférent ; à force de répétition, ça a fini par carrément m’énerver…

 

PLUS JAMAIS ÇA

 

Bilan sans appel : ce premier tome est une purge absolue, et je ne veux rien savoir de la suite. Une BD absolument pas drôle, alors qu’elle prétend sans cesse l’être ; une BD moche et mal foutue par ailleurs ; au mieux aucun intérêt, au pire de quoi montrer les crocs.

 

Je ne comprends tout simplement pas comment une merde pareille a pu avoir un tel succès – et pas seulement au Japon, faut croire (là, le décalage culturel aurait pu l’expliquer, j’imagine ?).

 

Plus.

 

Jamais

 

Ça.

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