Nébal n'a pas été à fond sur la musique de 2017
VIEUX CON !
Ça fait un sacré bail que je n’ai pas chroniqué de musique sur ce blog… La disparition du Blog des Immortels n’a rien arrangé à l’affaire, mais, je ne vais pas me voiler la face non plus, le problème, et depuis bien avant ça, c’est moi : est-ce flemme, manque de curiosité, conservatisme de vieux con, le fait est que je ne me tiens guère au courant de l’actualité musicale, et tends à me repasser sans cesse les mêmes vieux machins.
2017 a sans doute constitué une nouvelle preuve de ce triste état des choses : j’ai très peu écouté de nouveautés, et peut-être faudrait-il en sus employer des guillemets de toute façon, car aucun des albums que j’ai écoutés avec un tant soit peu d’attention n’est à proprement parler le fait de p’tits jeunes – en fait, il n’y a aura dans les lignes qui suivent qu’un seul « premier album »… mais c’est celui de Dead Cross, et je ne peux pas vraiment prétendre que Mike Patton et Dave Lombardo soient très exactement des inconnus à mes oreilles – putain, ils sont la raison même pour laquelle j’ai écouté cet album…
Tentons quand même de dresser un bilan, ultra personnel et honteusement lacunaire donc
CE QUE J’AI ADORÉ
Déterminer le tiercé gagnant de cette année 2017 n’est guère compliqué. Attribuer une place précise sur le podium à chacun de ces albums, c’est autre chose.
J’imagine que nous pourrions commencer avec American Dream, de LCD Soundystem.
Bien placée au classement des reformations qui ne surprennent personne, la bande à James Murphy n’en a pas moins parfaitement maîtrisé son come-back – y compris en teasant avec la diffusion préalable de plusieurs titres de qualité, dans des registres assez variés (« American Dream », « Call the Police », et peut-être surtout le clippé « Tonite », vraiment bon).
Sur le moment j’avais lu quelques retours sans doute un peu snobinards, et qui se pinçaient le nez devant cette reformation « de gens qui n’avaient plus rien à dire »... Je trouve ça absurde : American Dream est un très bon album, bien meilleur en ce qui me concerne que This is Happening, et peut-être aussi que LCD Soundsystem, album séminal sans doute, mais qui valait surtout pour son deuxième disque débordant de tubes ; pas loin, en fait, de Sound of Silver ?
Surtout, Murphy et compagnie m’ont paru atteindre ce rare équilibre qui les caractérise dans les meilleurs moments, entre gimmicks discoïdes bondissants et chavirants, pop léchée aux mélodies subtilement imparables, et ton aigre-doux, parfois ludique, parfois mélancolique.
Un très beau retour, donc.
Hipster peut-être, mais on s’en fout.
Autres vieux croûtons qui s’étaient séparés un temps, mais dont la reformation date cette fois de quelques années déjà, les post-rockers kanadiens de Godspeed You! Black Emperor ont livré en 2017 un très bon Luciferian Towers, qui m’a bien autrement convaincu que leur précédent titre, en 2015, Asunder, Sweet and Other Distress, qui m’avait globalement laissé indifférent. On n’atteint peut-être pas le niveau exceptionnel de l’album de la reformation, l’excellent Allelujah! Don’t Bend! Ascend!, qui comprenait notamment le sublime « Mladic », mais Luciferian Towers, album d’une belle cohérence, qui m'a fait l'effet d'être moins sombre que les précédents, limite pêchu parfois (limite, hein), constitue une fresque musicale continue des plus forte, où c'est l'ensemble qui compte, avec son unité – il va de soi que je péterais les rotules de quiconque qualifierait ce son de « rock progressif », mais, étiquette ou pas, j’ai trouvé que cela fonctionnait remarquablement bien, sur un mode entêtant et envoûtant caractéristique des plus forts titres du groupe (bon, sans aller jusqu’au scandaleusement parfait et déprimant au possible « Sleep », sur Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven).
Ces deux albums sont excellents. Mais je crois que celui que j’ai préféré, en 2017, a été conçu par un groupe, certes déjà très appréciable et depuis quelques années tout de même, mais qui faisait sans doute moins figure de pointure : Amenra, pour l’excellent album sobrement intitulé Mass VI.
Post-metal ou post-hardcore, ou doom, ou sludge, je ne sais pas, et qu’importe : ce groupe belge est brillant. Noir, oui, mais brillant. Dans la galaxie doom/stoner/sludge, où je me sens bien mais où la créativité n’est pas toujours le maître mot, hein, à force de variations méga-lourdes, méga-grasses, méga-lentes sur le Black Sabbath première période (et j’y reviendrai), Amenra a bien davantage de personnalité, et produit une musique immédiatement identifiable ; et les hurlements à s’arracher la gueule dans une inqualifiable torture de Colin H. van Eeckhout y sont clairement pour quelque chose. C’est aussi, disons-le, horriblement dépressif – j’apprécie les musiques sombres, mais peu me sont aussi agréablement insupportables de douleur…
Mass VI est un album sublime, donc – qui m’a fait redécouvrir ce qui précédait, au point de la passion : voyez par exemple ce concert à l’Ancienne Belgique, c’est très fort (même si le trip maso-body art-truc, c’est vraiment pas pour moi).
Amenra, par ailleurs, n’a pas seulement conçu l’album que j’ai le plus écouté cette année, ils y ont aussi inséré le morceau que j’ai le plus écouté cette année (et non, les deux choses ne vont pas toujours de pair) : le parfait « A Solitary Reign », qui m’a littéralement scotché par terre à la première écoute et a systématiquement continué à le faire par la suite – et ceci alors même qu’ils y osent le chant clair sur fond metal, pratique qui, 90 fois sur 100, me vrille douloureusement les oreilles. Remarquable. Peut-être même parfait. Ce qui lui valait bien, sous sa forme clippée, d’introduire cet article.
CE QUE J’AI AIMÉ
Voilà pour les trois albums que j’ai adorés cette année. D’autres m’ont beaucoup plu, sans atteindre le même niveau.
Ainsi du premier album de Dead Cross, intitulé… Dead Cross. Pas exactement des débutants – même si l’expression de « super-groupe » fait toujours un peu peur, et le plus souvent à raison, aussi vaut-il mieux la laisser de côté.
Quoi qu’il en soit, on y retrouve l’hyperactif Mike Patton au chant et le mythique Dave Lombardo à la batterie – qui refont mumuse ensemble comme dans Fantômas jadis ; et, je ne vais pas vous mentir, ce sont surtout ces deux noms qui m’ont attiré dans tout ça : des deux autres membres du groupe, qui semblent avoir eux aussi plus d’une corde à leur arc, je ne savais absolument rien.
La promo de l’album a inévitablement joué la carte de la sur-référence, « aussi violent que Slayer et aussi fou que Fantômas » ; disons-le, Dead Cross n’est ni l’un, ni l’autre. Mais cela reste un beau concentré d’agressivité, avec le grain de folie qui fait la différence.
Dans le registre vieux con, j’ai relevé quelques réussites de groupes bien établis, voire plus que ça, et que j’écoute de temps en temps, sans pouvoir prétendre être vraiment un fan.
Ainsi de Body Count, la bande à Ice-T ayant sorti cette année Bloodlust. Pour être franc, l’album ne m’a pas plus marqué que cela (y compris pour sa très inutile sans doute reprise de Slayer, merci quand même), mais il reste très correct, et, surtout, comprend au moins un excellent morceau – que j’ai presque autant écouté cette année que « A Solitary Reign » d’Amenra : le rugueux « No Lives Matter », concentré de saine colère qui appuie là où ça fait mal ; le rap aigu de Ice-T est presque insupportable, et pourtant nécessaire – ce qui ne pouvait pas mieux illustrer le propos, j’imagine. Quoi qu’il en soit, cette tuerie rappelle que la fusion rap d’un côté, metal/hardcore de l’autre, a pu donner des choses indispensables, fût un temps. Là, on remonte à… je sais pas ; mais y a longtemps.
Je suppose que c’est aussi dans cette catégorie qu’il faut ranger deux albums que j’ai peu écoutés, mais appréciés tout de même sur le moment.
Ainsi, par exemple, de The Desaturating Seven de Primus, album concept et ça s’entend, et dont je ne sais pas dire si ça sonne comme du Primus ou pas comme du Primus, sans doute parce que je ne sais pas vraiment si Primus sonne comme quelque chose. Autre que Primus et la basse à Les Claypool, certes.
Je ne crie donc certes pas au génie, mais relève tout de même que ça fait deux années de suite que Ledit Claypool se tape l’incruste dans mes bilans musicaux – l’an dernier, c’était pour l’excellent Monolith of Phobos de The Claypool-Lennon Delirium, bien plus marquant cela dit (notamment pour l'excellent « The Cricket and the Genie ».
Ultime exemple dans cette catégorie ? Eh bien, je ne suis pas certain qu’on puisse véritablement parler d’un « album », ça semble plutôt relever de la compilation d’inédits, mais j’ai été très agréablement surpris par The Saga Continues du légendaire Wu-Tang Clan.
Pas de quoi me retourner, mais c’est tout de même bien bon – peut-être du rap pour vieux cons, ceci dit, surtout que je suis tenté d’y voir comme une Leçon assénée par les Maîtres.
Oh, et, si vous avez le temps, je vous enjoins de jeter une oreille sur le très pertinent album de Noël Make America Say Merry Christmas Again!, signé Anal Trump.
QUELQUES DÉCEPTIONS
Hélas, l’année 2017, même avec peu de suivi de l’actualité de ma part, a connu son lot de déceptions…
La pire est probablement Igorrr, avec Savage Sinusoid – qui semble pourtant avoir convaincu beaucoup de monde, avec son côté « groupe » plus affirmé et un bon gros buzz.
Quant à moi, je n’y ai globalement pas retrouvé la folie jubilatoire et gentiment extrémiste de Hallelujah, l’album avec lequel j’avais découvert Gautier Serre, ce qui m’avait amené à remonter un peu la discographie du projet, avec une prédilection pour Nostril.
Ce qui me paraissait si joyeusement inventif a très vite tourné au cliché, au banal – et en même temps, les breaks me manquent, bordel !
Bon, en soi, ce n’est pas scandaleux – je ne dis pas non, à petite dose, pour un truc comme « Cheval », disons… même si, comme pas mal de choses dans cet album, ça dégouline un peu trop de technique.
Le sentiment global demeure celui d’espoirs déçus, me concernant – et je n’attends plus grand-chose d’Igorrr, du coup, même si c’est sans doute pas bien malin de ma part de me braquer comme ça.
Autre déception pour un album pour autant pas scandaleux mais dont j'attendais davantage : Electric Wizard et Wizard Bloody Wizard. Jus Osborne et ses copains ont livré un disque, allez, correct, mais qui m’a paru manquer d’âme – et de son, qui ne m’a pas semblé aussi calibré doom/stoner qu’auparavant, plutôt quelque chose comme du rock 70’s, plus généralement ? À tort peut-être – mais le « See You in Hell » supposé me teaser, esthétique connotée mise à part, m’avait passablement ennuyé. Et le résultat global ne m’a pas convaincu, dans cette lignée – monotone, lisse, fade… Aux antipodes d’un Dopethrone, forcément, mais aussi, trouvé-je, du précédent album, Time to Die, que j’avais vraiment beaucoup aimé.
Sentiment peut-être un peu comparable concernant le Shake the Shudder, de !!!, groupe qui reste parmi mes meilleurs souvenirs de concert, mais dont les albums sont tout de même bien inégaux. Je ne suis donc pas leur activité dans le détail, on va dire, mais de temps en temps j’accroche vraiment sur un morceau – « Freedom! ‘15 », il y a deux ans de ça, était une vraie bombe, que je me repasse régulièrement pour sautiller tout seul comme un con devant mon PC.
Concernant Shake the Shudder, ben, voilà : sur la durée, comme souvent, un vague ennui – et un manque d’implication de ma part, sans doute ; au point que je ne sais même pas que penser du lissage passablement house qui paraît toujours plus présent dans les productions du groupe.
Cela n’empêche pas que l’on y trouve quelques bons morceaux bien bondissants, comme « Dancing is the Best Revenge », ou plus encore « NRGQ », très efficace.
Par contre, Nic Offer reste en tête du classement des types qui ont le plus invraisemblablement la classe en short – à ce stade, on peut bien le dire, le classement est définitif, pour les siècles des siècles, amen (non, pas ra).
J’ai beaucoup écouté les groupes qui précèdent, au cours de ma misérable vie, mais sans doute pas autant Stupeflip ; un truc très malin, très bien pensé, pourtant – et des albums comme Stupeflip et The Hypnoflip Invasion (je ne suis pas très fan de Stup Religion) sont vraiment excellents ; des trucs pas seulement au-dessus du lot, mais carrément en dehors, à quelques années-lumière de là.
Après avoir bouffé je ne sais combien de fois le trio fatal enchaîné de The Hypnoflip Invasion, à savoir « Stupeflip vite !!! », « La Menuiserie » et « Gaëlle » (parfaitement, je suis fan de Pop Hip, c’est l’meilleur), j’étais tout de même bien curieux d’écouter le nouveau Stup Virus, financement participatif ou pas.
Ce n’est pas un mauvais album… mais je me suis quand même un peu fait chier. Rien qui m’ait vraiment emporté, quoi (comme dans Stup Religion, en fait). Et une tendance du C.R.O.U. à l’autoglorification qui relève peut-être des satanées manipulations narratives de l’auditeur dont ses membres sont coutumiers, mais je suis faible, et si le teaser « The Antidote » était assez correct, au bout de 54 « Stupeflip c’est trop bien et on t’pète la gueule d’abord » par morceau, j’ai l’impression étrange d’écouter un album de rap français – ou de Manowar, allez savoir.
Bien mais pas top ? Allez, positivons.
HORS-CONCOURS
D’autres titres sont hors-concours, mais pour des raisons très diverses, qui peuvent tirer vers le haut, vers le bas, ou nulle part et tant pis.
Tenez, les vieux papys de Black Sabbath, par exemple, qui tirent leur révérence (pour la dernière fois ?) avec The End, et attention, car il peut y avoir des confusions, je parle bien de l’album live (donc pas vraiment un album, d’où le hors-concours) enregistré à la Birmingham natale le 4 février 2017 pour clôturer la tournée du même nom, et la carrière de ce groupe très multiforme en même temps.
Si Tony « God » Iommi a fait la démonstration qu’il avait encore des putains de riffs sous le coude avec l’étonnamment très très bon 13, je me méfiais néanmoins de ce genre de concerts après m’être enquillé trop de vidéos où un Ozzy définitivement cramé (et trop souvent… ridicule, en fait) était complètement à côté de la plaque.
Le premier morceau de ce live, le séminal et grandiose « Black Sabbath » (eh), m’a fait très peur à cet égard – Ozzy adoptant un rythme un peu, euh, bizarre. Mais après, ça va, en fait – sans autotune, putain ?! Bon, il multiplie toujours les gamineries… Mais je suppose qu’on peut les lui pardonner sans trop de peine : qu’il s’amuse toujours autant depuis 1968, au fond, c’est plutôt un bon point, non ?
Si ce live pèche quelque part, à mon sens, c’est du côté de la batterie, avec un Tommy Clufetos remplaçant le légendaire Bill Ward, et dont le jeu m’a paru bien impersonnel (en même temps, hein…), terne et mou – l’interminable et très chiant solo de batterie sur « Rat Salad » me confirme dans cette opinion, bien loin d’arranger les choses.
Et pourtant, globalement, ce live (focalisé sans surprise sur la grande période avec Ozzy, hein) est vraiment bon – les riffs de Iommi sont toujours aussi parfaits, et Geezer Butler les sert bien de ses parfaits contrepoints. La bonne ambiance de l’ensemble, enterrement jovial, mérite bien qu’on confère à ces adieux une bonne note.
Bye Sabbath Bye.
D’autres albums sont hors-concours pour une tout autre raison : je ne les ai pas aimés, mais sans en déduire qu’ils étaient à proprement parler décevants, ou pire, mauvais – simplement qu’ils n’étaient pas pour moi.
Le meilleur exemple, ici, c’est le Deus Salutis Meæ de Blut Aus Nord : je n’y comprends absolument rien. Mais rien de rien. C’est trop pour ma pomme. J’avais adoré Memoria Vetusta III: Saturnian Poetry, somme toute récemment, mais cet album très « black metal classique » et qui m’évoquait pas mal le meilleur d’Emperor ne me préparait tout simplement pas à ce genre de productions autrement rudes, et qui me dépassent.
Il y a enfin d’autres albums que j’ai trouvés médiocres voire carrément mauvais, mais sans pouvoir parler de déceptions – tout simplement parce que je les ai écoutés par curiosité un peu perverse, sans rien en attendre, au fond.
Nine Inch Nails, par exemple – qui fut un de mes groupes cultes, il y a de cela une quinzaine d’années. Hélas, depuis, mon gars Trent Reznor s’est trop souvent vautré dans l’auto-parodie fadasse, même si ses albums instrumentaux, Ghosts I-IV et les collaborations avec Atticus Ross, contiennent encore quelques bons moments. Quand il chante, par contre, c’est foutu… « This is a Trent Reznor Song », quoi.
L’EP Add Violence, en dépit de son titre prometteur (...), est peut-être un peu moins calamiteux à cet égard, mais, bordel, la voix avec ses gimmicks, les riffs de gratte semi étouffés, les notules de piano à la con, les arrangements, j’ai déjà entendu tout ça bien trop souvent par chez toi, mon gars Trent, et ce n’est pas en glissant au pif un petit moment noise par-ci par-là que tu retrouveras les sommets de la création…
Enfin, cette année, j’ai fait un truc très improbable : j’ai essayé le Roger Waters nouveau (hein ? Quoi ?), titré Is This the Life we Really Want?, tout un programme, et, rassurez-vous, je n’ai pas tenu jusqu’au bout (forfait au bout de dix minutes max). Mais quelle idée de ma part, aussi… Même The Wall, qui fut ZE album pour moi à l’âge critique, j’ai du mal à le réécouter, alors les insupportables The Final Cut ultérieurs et compagnie, je vous raconte pas.
PEUT MIEUX FAIRE
Bilan pas très glorieux pour ma pomme, hein ? Mais certaines choses, quand même, qui marquent.
À l’heure des bonnes résolutions, je promettrais bien de me tenir un peu plus au courant en 2018, mais bon…
Et chroniquer sur ce blog ? Ben déjà que je trouve pas le temps pour le reste… Hein...
On verra...
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