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Black Crusade

Publié le par Nébal

Black Crusade

Black Crusade, Games Workshop – Fantasy Flight Games – Edge, 2000-2013, 396 p.

FIFTY SHADES OF SLAANESH

 

Ah ben je vous l’avais dit, hein : en ce moment, c’est Warhammer 40,000 à donf’ dans la drepou. Pas seulement du côté des romans « The Horus Heresy » et « Gaunt’s Ghosts », mais aussi en jeu de rôle : PJ depuis peu à Rogue Trader, et c'est top cool, je me suis dit que c’était tant qu’à faire le moment de lire enfin Black Crusade – qui prenait la poussière depuis bien trop longtemps dans ma ludothèque, et il fallait bien changer ça (gloire à Tzeentch !). D’autant que Black Crusade, des quatre jeux de rôle Warhammer 40,000, était celui qui m’intriguait, et, disons-le, m’excitait le plus (hourra pour Slaanesh !).

 

Petit rappel, donc : il existe, pour autant que je sache, quatre jeux de rôle dans l’univers de Warhammer 40,000, qui utilisent pour l’essentiel le même système, encore qu’avec des nuances qu’il faut parfois traquer dans les recoins (et qui peuvent avoir leur importance : un exemple pour les amateurs de bourrinade – Khorne ! Khorne ! Du sang pour le dieu du sang ! –, une attaque standard à Rogue Trader se fait sous le score normal de CC ou CT, mais la même dans Black Crusade a un bonus de 10 %, méfiance donc ; le livre de base consacre une section aux équivalences entre les divers jeux, mécaniques comme thématiques, mais ce genre de choses n’y apparaît pas toujours). Ces quatre jeux offrent des expériences variées : le découpage de la licence peut agacer à première vue (coupable...), mais, clairement, nous ne parlons pas du tout de la même chose, au fond. Adonc, Dark Heresy, sauf erreur le premier et probablement le plus célèbre de ces jeux, offre de jouer des acolytes de l’Inquisition, des enquêteurs traquant dans l’Imperium de l’Humanité les menaces chaotiques et xenos – avec un cadre de jeu de base qui est le Secteur Calixis. Rogue Trader est focalisé sur l’exploration, avec des libres-marchands bénéficiant d’une lettre de marque et leurs employés, qui écument les confins de la galaxie, là où l’Imperium ne règne pas (encore) – l’optique est plus space op’, avec une forte connotation pirates et/ou western, et le cadre de jeu de principe est celui des Étendues de Koronus. Deathwatch est Votre Fantasme de Bourrin, vous y incarnez des space marines qui massacrent « les méchants » sur des champs de bataille infinis – par exemple ceux de l’Étendue de Jéricho.

 

Et Black Crusade ? Black Crusade, c’est l’occasion de jouer Le Camp d’En Face : les hérétiques, ceux qui se sont voués au Chaos, par haine de l’Imperium, ou par soif de pouvoir, ou d'autres choses encore, ou tout ça en même temps ; et il y a là aussi, outre des renvois aux précédents, un cadre de jeu détaillé plus spécifique, le Vortex Hurlant – un vaste secteur entièrement sous l’emprise du Chaos, et bien plus chaotique à vrai dire que le plus célèbre Œil de la Terreur, parce qu’aucun pouvoir hégémonique n’y a duré. On joue les méchants – sauf qu’en fait c’est plus compliqué que ça, bien sûr… Disons-le : les hérétiques ont toutes les raisons de haïr l’Imperium, société cauchemardesque, dystopie faf à poil dur – le jeu est probablement plus intéressant si on joue sur cette dimension, et sur la tension pas si évidente mais cependant incontournable, dans l’univers Warhammer 40,000, qui associe invariablement, même si sur la durée, la révolte souvent légitime et l’allégeance en définitive au Chaos, qui craint quand même un peu du boudin (gloire à Nurgle ! Merci pour toutes ces croûtes avec du pus…). Donc je reviens sur ce que je disais : prétendre qu’on joue les méchants, c’est à la fois… vrai, au registre de l'opposition en tout cas, et trop limité (voire « dangereux » avec des joueurs pas suffisamment matures, je suppose – ça aussi c’est à prendre en compte).

 

Et, en fait, ça ne répond pas tout à fait à la question : « Que joue-t-on dans Black Crusade ? » Question que je me suis posé tout au long de la lecture de ce très volumineux et très dense livre de base – pour n’en avoir véritablement une idée relativement assurée qu’en en tournant la dernière page.

 

QUE JOUE-T-ON AU JUSTE ?

 

Maintenant, après coup, j’aurais donc tendance à mettre en avant le fait que Black Crusade constitue une sorte de miroir, non pas (seulement) au principe même de la constitution et de l’orientation idéologique des personnages évoluant dans la société de l’Imperium de l’Humanité, mais carrément aux trois autres jeux de la licence. Face à Dark Heresy, vous pouvez jouer des hérétiques (humains, j’y reviendrai), qui constituent des cellules plus ou moins terroristes complotant dans l’ombre pour corrompre le quidam et étendre la domination du Chaos dans un Imperium délétère et que l’on a toutes les raisons de vouloir abattre – clairement, c’était mon optique en en entamant la lecture (genre le mec y veut faire du Warhammer 40,000 « subtil », ah ah le con ah ah). Face à Deathwatch, vous pouvez littéralement jouer « l'adversaire », sur le champ de bataille s’entend, avec des putains d’armures et d’épées-tronçonneuses : vous êtes un space marine du Chaos, et vous avez grande envie de défourailler dans le cadre d’une Croisade Noire – soit un assaut en masse des forces au service des Puissances de la Ruine. Takatakatak. Piou. Piou. BOUM. Le dernier « miroir » est peut-être moins évident-qui-coule-de-source, il s’agit d’une nuance plutôt que d’une opposition : parallèlement à Rogue Trader, vous allez explorer un système en marge de l’Imperium « où tout est possible », en l’occurrence le Vortex Hurlant.

 

Avec Black Crusade, on peut faire tout ça. Dit de la sorte, c’est peut-être bien le jeu le plus ouvert de toute la gamme Warhammer 40,000 – mais dans l’absolu seulement, car, quand vient le moment de constituer une équipe de PJ, on perçoit bien qu’il y a des incompatibilités… Cela tient (notamment, pas uniquement, mais c’est vraiment un critère déterminant) au fait que les personnages, dans Black Crusade, peuvent avoir deux origines différentes : ils peuvent être des humains, ou des space marines du Chaos (ce qui débouche sur quatre classes pour chaque origine – et celles des space marines du Chaos m’ont l’air sacrément redondantes…). Or ce n’est pas du tout la même chose – mais au point, je crois, de l’incompatibilité, souvent.

 

(Notez que le système de création compense la suprématie martiale évidente des space marines du Chaos en offrant davantage de points d'expérience de base à dépenser pour les personnages humains ; mais ce n'est pas de cela dont je parle, ici.)

 

Dans l’optique qui était mienne quand j’ai entamé le bouquin, infiltration/complot/et-toutes-ces-sortes-de-choses, je n’ai pu que constater, très vite, que les PJ space marines étaient parfaitement impossibles (ces grands gaillards ne peuvent tout simplement pas passer inaperçus – il en va de même, par ailleurs, pour tous ceux qui se retrouvent affligés de « dons » des dieux du Chaos, qui sont souvent fâcheusement visibles, un autre paramètre à prendre en compte, et qui ne facilite pas exactement cette optique de jeu – car ces dons déboulent forcément à un moment ou un autre, généralement au pire moment, j'y reviendrai). En sens inverse, sur un champ de bataille, votre hérétique humain lambda n’a absolument aucun espoir de durer au milieu de toutes ces brutes épaisses et psychopathes (labor) en méga-armures énergétiques (et l’expérience de jeu, pour qui tiendrait à jouer malgré tout un humain au milieu des machines à tuer que sont les space marines du Chaos, serait sans doute bien trop frustrante – ce qui me ramène à mon expérience sur Warhammer, le versant fantasy, d’ailleurs : quand on explore le donj’ et qu’on est toujours en retrait derrière les brutasses barbares, les magos pyromanes et les tanks runiques, on déprime un peu – je dis sans doute quelque chose de très naïf, là, mais je n’avais absolument aucune expérience de fantasy baston, surtout en mode « dungeon crawling »…). Dès lors, l’association des deux origines dans un même groupe ne me paraît véritablement concevable que dans un contexte bien précis : celui des mondes appartenant déjà au Chaos, et donc probablement ceux du Vortex Hurlant ici décrit. Ce qui, très franchement, ne m’enthousiasmait pas plus que cela à vue de nez – même si ce cadre de jeu, Chaos oblige, est riche d’endroits zarbi, plus singuliers que le monde-ruche lambda, dont le propos est d’être banal, atrocement banal.

 

Ou alors… C’est plus ambitieux, sans doute, mais on peut essayer de voir les choses différemment, d’incarner les différentes origines en fonction d’une certaine chronologie (et pourquoi pas, tant qu’à faire, idée amusante pour une campagne au long cours, commencer avec un autre jeu pour narrer comment les PJ succombent à la séduction du Chaos), ou, plus exactement, alternativement : l’humain complote, le space marine du Chaos, euh… composte ? D’autant que la Croisade Noire est censément l’objectif des manigances du premier, et l’occasion de briller pour le second. Il s’agirait donc de jouer plusieurs personnages, avec un dispositif favorisant le changement. Je suppose que tout cela est envisageable, mais, et c’est sur ce point que j’insiste, la proposition de jeu dans Black Crusade, si elle est là, et forte finalement, n’est cependant pas évidente – probablement bien moins que dans les trois autres jeux.

 

ALLÉGEANCE AUX PUISSANCES DE LA RUINE

 

Ceci étant posé, je n’ai pas vraiment envie de m’étendre, ici, sur la mécanique générale – qui est donc en gros celle des autres jeux Warhammer 40,000, et du Warhammer auquel j’avais joué (deuxième édition, sauf erreur). Quelques mots rapides, tout de même : bon, je n’en suis pas super, super fan… Perso, j'aime bien le d100 caracs/compétences honni, hein (Cthulhu forever), et ça tourne, hein, mais c’est tout de même un peu lourd, et, surtout, c’est très déséquilibré : l’orientation baston est marquée, outre la « spécialisation » de votre personnage. Ce qui aboutit à des scores de compétences parfois ultra élevés dans un registre très précis, et d’autres à mon sens bien trop bas, pour garantir une expérience de jeu fluide et satisfaisante, dans absolument tous les autres putains de domaines. Alors on dit « jack of all trades, master of none », certes, le système a l’air conçu pour éviter ça, mais, pour le coup, je le trouve un peu trop rigide à cet égard. Voire plus qu'un peu.

 

Ceci dit… C'est peut-être moins vrai que pour les trois autres jeux, en définitive ? Je ne peux parler avec une relative expérience que pour Warhammer et Rogue Trader, certes, mais, pour le coup, Black Crusade développe un système spécifique d’évolution des personnages qui m’a l’air assez intéressant. En effet, si l’on dispose à la base du choix entre huit « classes » de personnages (quatre pour les humains, bien typées – apostat, hérétek, psyker et renégat –, et quatre pour les space marines du Chaos – champion, élu, paria et sorcier, et les trois premières sont quand même passablement proches… Noter au passage que, Chaos oblige, la « magie » est super balaise – mais aussi super dangereuse !), nous n’avons pas ici, ni système de « carrières », ni système de « rangs ».

 

L’évolution est donc a priori beaucoup plus libre – mais les choix des joueurs ont des conséquences intéressantes : en effet, le point crucial est qu’ils vont très probablement déboucher sur une allégeance envers une des quatre Puissances de la Ruine – Khorne, Nurgle, Slaanesh ou Tzeentch. Ils n’ont en principe pas d’allégeance au sortir de la création de perso, mais ça devrait évoluer assez vite, fonction de la dépense des points d’expérience.

 

Pour donner des exemples qui parleront immédiatement, un PJ qui développe des capacités en rapport avec le combat au corps à corps se rapprochera immanquablement de Khorne (et hurlera toutes les trois minutes : « Du sang pour le dieu du sang ! », prévoir un sédatif) ; en sens inverse, quelqu’un qui joue social et manipulation tendra vers Slaanesh – et un psyker avide de connaissances attirera l’attention de Tzeentch (les croûtes et le pus sont la condition et la récompense de Nurgle – on considère que son kif, au-delà de la maladie, c’est l’endurance).

 

C’est ainsi que les choix d’évolution décideront de l’allégeance du perso, notion fondamentale – et qui influera à son tour sur l’évolution en termes de compétences, etc., parce que, plus vous vous rapprochez, mettons, de Slaanesh, et moins les facultés associées au Pervers Pépère (du côté de la sociabilité, de la duperie, mais aussi de l’esquive, etc.) vous coûteront cher au moment de dépenser les XP, ce qui est putain d’incitatif. Un cercle vicieux – enfin, vertueux, mais si on cause de Slaanesh… En effet, beaucoup d’évolutions (mais pas toutes, il y en a un certain nombre dites « universelles »), et ce qu’il s’agisse de l’acquisition d’une nouvelle compétence, d’une augmentation de caractéristique, du développement d’un nouveau talent ou pouvoir psy, etc., beaucoup d'évolutions disais-je sont associées à une allégeance précise, et les coûts évoluent en fonction de ces choix. Y compris dans l’autre sens, d’ailleurs : si vous êtes très Tzeentch, les évolutions liées à Tzeentch vous coûteront moins cher, mais celle liées à Khorne vous coûteront plus cher. Beaucoup plus cher. Car les quatre dieux ont des relations conflictuelles, et j’y reviendrai.

 

Cependant, tout ceci n’est pas forcément gravé dans le marbre – notamment si, contre la mécanique globale, vous vous sentez le jack of all trades, voyez plus haut… Ce qui est possible, mais pas sans conséquences : l’allégeance est en effet comptabilisée de manière précise, selon des « jauges » associées aux quatre Puissances de la Ruine, et les facultés spéciales qui sont des récompenses des dieux du Chaos liées à cette allégeance peuvent être « retirées » si l’allégeance change. Sauf que les personnages ne perdent pas ces facultés spéciales à proprement parler, ils en perdent seulement l’usage tant que l’allégeance n’est pas pleinement retrouvée.

 

Exemple : un perso évolue dans le sens de Nurgle – OK, il aime les croûtes et le pus. Qui n’aime pas ça ? Papa Bouffi le récompense en lui donnant certains atouts liés à cette allégeance. Puis le perso se retrouve sur un champ de bataille et se prend de plein fouet (du calme, Slaanesh, du calme) la révélation que, tuer des gens avec des maladies, c’est bien, mais les déchiqueter avec une hache-tronçonneuse, c’est mieux (ou en tout cas plus fun, et délicieusement salissant) : son allégeance évolue cette fois vers Khorne. Et, tant que le personnage sera sous cette nouvelle allégeance, il ne bénéficiera plus des pouvoirs particuliers que lui avait octroyé Nurgle. Maintenant, le personnage évolue encore, et, relapse, se rapproche à nouveau du Seigneur des Mouches : ce dernier le récompense en lui rendant l’accès à ses anciens pouvoirs (il n’a pas besoin de les développer une deuxième fois) – mais, par contre, ceux acquis sur le champ de bataille au service de Khorne le bourrin seront alors en sourdine… jusqu’à ce que l’allégeance varie à nouveau, ce qui peut se produire – ou pas.

 

Notez quand même que le jeu oriente pas mal ces choix, ne serait-ce qu’en raison des coûts, mais il y a de toute façon des profils de base qui sont sacrément incitatifs, dans un sens ou dans l’autre : je doute qu’un personnage multiplie effectivement ce genre d’allers-retours, et il y a tout lieu de croire que votre mago fan de Tzeentch le restera, et en tout cas n’évoluera jamais en brutasse fan de Khorne (et on ne peut pas décemment être fan de Jonathan Davis passé la vingtaine).

 

(Pardon.)

 

D’autant que les allégeances doivent prendre en compte certaines inimitiés des Puissances de la Ruine : Khorne massacre les sorciers à vue, alors jouer un sorcier de Khorne, aheum… Ceci est bien sûr également à prendre en considération dans la constitution du groupe – et, là encore, cela peut révéler certaines limites à cet égard… Les PJ ne sont pas censés s’entretuer, après tout. Or leurs ambitions rivales pourraient parfois les y inciter – là encore, joueurs assez murs requis ; oui, même pour du Warhammer 40,000...

 

Notez par ailleurs qu’il est théoriquement possible de ne pas souscrire une allégeance envers un des quatre dieux du Chaos, mais de choisir de maintenir l’équilibre entre eux – ça a l’air passablement ardu, mais cette voie (la plus jack of all trades) a ses propres récompenses, des pouvoirs « exaltés » inaccessibles à ceux qui se sont voués à l’une ou l’autre des Puissances de la Ruine (et qui sont perdus/regagnés de la même manière).

L’INFAMIE, LA CORRUPTION, LES PACTES, ET TOUTES CES SORTES DE CHOSES

 

L’évolution des personnages, au-delà, est aussi très affectée par un binôme de caractéristiques véritablement essentiel dans Black Crusade : l’infamie et la corruption (au passage, il n'y a pas de points de folie ici). La corruption prolonge en fait celle des trois autres jeux : le personnage qui a 0 en corruption à Black Crusade correspond (pour simplifier) à un personnage qui a 100 dans cette valeur dans un des autres jeux (et qui y devient injouable – l’effet de la chute de la SAN à 0 dans L’Appel de Cthulhu, quand elle change votre investigateur en cultiste dégénéré). Quant à l’infamie, qui compte comme une caractéristique (à l’instar de la CT ou de la Force, là où la corruption est une simple jauge), elle remplace pour partie les points de destin, mais elle a aussi des conséquences particulières variées – et plus marquées, en fait.

 

Ce sont deux valeurs fluctuantes, même si, en principe, elles évoluent surtout dans le sens de l’accumulation, et parallèlement. L’idée de base est simple, encore qu’un peu trompeuse – et peut rappeler ce que je disais à propos de Wraith il y a quelque temps de cela. La vie d’un hérétique n’est pas de tout repos – et l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il mourra comme un con (comme dans la vraie vie, quoi). S’il parvient cependant à survivre, deux possibilités sont à envisager : soit il devient super méga balaise et aboutit à une forme de transcendance, matérialisée par l’acquisition du statut de prince-démon – c’est rare (sans déconner…) ; soit, et c’est sans doute bien plus fréquent, la corruption l’amène à dégénérer au point de devenir un enfant du Chaos, créature pathétique et monstrueuse, un agglomérat de mutations totalement injouable et qui, dans le peu de conscience qui lui reste, espère en gémissant sous la torture une charitable mise à mort. Sur cette base, on peut considérer que les deux valeurs, infamie et corruption, font la course. Si l’on arrive à 100 en corruption, on devient un enfant du Chaos – mais si l’on atteint avant cela le score d’infamie déterminé par le MJ en début de campagne (selon qu’il veut rendre la transcendance accessible ou au contraire improbable), le PJ devient un prince-démon. Losers et winners, selon les propres mots du grand philosophe Donald J. Trump – qui s’y connaît en Chaos (#NoCollusion #WitchHunt).

 

L’infamie, dès lors, a plusieurs fonctions – et, non des moindres, elle constitue un indice de réputation auprès des disciples du Chaos (rappelez-vous par ailleurs qu’elle peut donner lier à des tests, comme toute caractéristique – ce qui a une autre conséquence : si on commence en principe avec 0 en corruption, on a de base un score à vue de nez dans la vingtaine au moins pour l’infamie) : un haut score d’infamie témoigne de la faveur des Puissances de la Ruine, et c’est ce qui permet de s’attacher plein de disciples humains et de serviteurs démoniaques, et même, en principe, de quoi constituer une Croisade Noire – l’hérétique en prend la tête, et court massacrer tel secteur de l’Imperium. Youpi yeah !

 

Mais la corruption ne doit pas totalement être opposée à l’infamie – encore une fois, elle fonctionne en fait en parallèle : une opposition manichéenne entre les deux notions n’est donc en fait pas de mise. Le truc, c’est que la corruption augmente sans cesse – et a priori un peu plus facilement que l’infamie, même si on commence donc avec davantage de cette dernière, et, fonction des intentions du MJ, le score à atteindre la concernant peut être plus bas. Vous avez fait quelque chose qui déplaît aux Puissances de la Ruine ? PAF, gain de corruption. Mais vous avez fait quelque chose qui plaît aux Puissances de la Ruine ? PAF, gain de corruption aussi. La corruption n’est donc pas en soi mauvaise dans l’absolu (sauf au plan moral, pour les fachos de l’Imperium – obviously) : ce sont les circonstances de son acquisition qui sont déterminantes. Dès lors, tout est une question de timing – parce que, régulièrement, votre niveau de corruption décidera de l’évolution de votre personnage ; plus ou moins l’acquisition aléatoire ou semi-aléatoire d’une mutation, en simplifiant. Et, du coup, il y a comme un côté roulette russe (#NoCollusion #WitchHunt)… Parce que c’est l’événement faisant dépasser un certain seuil qui déterminera (en gros) si votre évolution vous est favorable ou préjudiciable – vous avez gagné neuf points en satisfaisant Tzeentch, mais le dixième, qui fait franchir le seuil, vous l’avez obtenu en lui déplaisant ? Pas de bol : Tzeentch vous « récompensera » avec un « don », souvent une mutation d’une sorte ou d’une autre donc, et qui risque de vous poser des soucis… Encore que pas toujours : nous parlons du Chaos, hein ! Il y a de vrais cadeaux. Il faut tirer le don sur une table – vous n’aurez probablement pas de chance… mais peut-être que si quand même ? C’est improbable, mais pas inimaginable. Notez, cela vaut aussi dans l’autre sens : si vous avez gagné beaucoup de corruption en merdant, mais changez de seuil grâce à une action plaisant à votre divinité, vous tirerez une évolution sur une autre table, et il y aura beaucoup plus de chances qu’il s’agisse d’une évolution favorable… même si là encore le contraire n’est pas exclu. C’est le Chaos, bitch ! Notez cependant qu’un score d’infamie élevé a aussi pour avantage d’octroyer au personnage un minimum de contrôle sur ces tirages aléatoires – mais un minimum…

 

Et, j’y reviens, c’est un aspect à prendre méchamment en compte, notamment si vous orientez votre campagne sur l’infiltration – l’optique de jeu qui me botte le plus, personnellement. Parce que ce troisième bras-tentacule-pince de crabe géante qui vous pousse dans le dos, là, ne vous posera pas forcément de problème dans un monde captif du Vortex Hurlant (où on pourra même trouver ça so cool) ou sur un champ de bataille en pleine Croisade Noire… mais n’est pas super discrétos pour déjouer les investigations des inquisiteurs dans votre monde-ruche anonyme du Secteur Calixis, où on vous voit comme le nez au milieu de la figure (d'un non-mutant, s'entend).

 

L’évolution du personnage se mesure donc sur la base de ces trois mécaniques : l’expérience, l’infamie et la corruption. Le MJ, en bon MJ (…), peut exercer un pouvoir discrétionnaire sur l’attribution de ces points, mais Black Crusade propose aussi, de manière complémentaire (car certains gains coulent plus ou moins de source : avoir fini une session de jeu, avoir buté au combat tel adversaire, ce genre de choses), une mécanique pour rendre cette attribution plus objective : les pactes. On peut les considérer comme des « métaphores », ou souhaiter les matérialiser en jeu en signant avec son sang (enfin, celui des PJ, déconnez-pas...) – quoi qu’il en soit, les PJ s’accordent ensemble, et avec le démoniaque MJ, pour définir différents objectifs, dont la réalisation déterminera l’attribution des points d’expérience, éventuellement, mais surtout d’infamie et de corruption. Il y a un objectif primaire – qui doit avoir de l’ampleur : genre, diriger une Croisade Noire sur le Secteur Calixis ; mais ça peut aussi être, je sais pas, moi, quand même un peu plus humblement même si ça reste badass, corrompre le clergé impérial de Pedzouïe IV pour que les représentants du culte se vouent tous, et leurs fidèles avec, au sexy Slaanesh. Cet objectif primaire, si les PJ l’accomplissent, leur vaudra de belles récompenses en infamie et en corruption – après quoi il sera bien temps de définir un nouvel objectif primaire, dans un nouveau pacte. Mais la réalisation de l'objectif primaire passe par la réalisation d’objectifs dits secondaires – les moyens pour la fin, en gros : buter tel inquisiteur un peu trop zélé, amasser telle somme dans le marché froid, ce genre de choses. La réalisation de ces objectifs détermine des gains d’infamie et de corruption en proportion. Enfin, il y a des objectifs tertiaires – qui ne sont pas ceux du groupe, mais ceux des personnages le composant : mettre la main sur tel vieux grimoire pour un sectateur de Tzeentch, par exemple ; là encore, gains d’infamie et de corruption en proportion. J’étais un peu sceptique à la base, je n'en voyais pas vraiment l'intérêt initialement, mais, à la réflexion, cette mécanique m’a l’air plutôt intéressante – à creuser, donc.

 

COMMENCER QUELQUE PART (PARTIR UN JOUR ?)

 

N’empêche qu’on en revient toujours à la question de base : que joue-t-on dans Black Crusade ? En dernière mesure, le livre de base tente d’y apporter une réponse un peu plus explicite – avec un scénario d’introduction qui se déroule dans le Vortex Hurlant, cadre de jeu longuement (et assez joliment) défini dans un long chapitre de background (qui comprend aussi quelques éléments synthétiques sur les trois autres contextes des jeux de rôle Warhammer 40,000, le Secteur Calixis, les Étendues de Koronus et l’Étendue de Jéricho). Oui, c’est clairement l’optique de base – même si ce n’est pas celle qui m’enchante le plus… Mais il faut dire que c’est aussi la seule optique permettant vraiment de constituer un groupe mixte, avec des PJ humains et d’autres space marines du Chaos – une solution de facilité, alors ? Peut-être pas tout à fait…

 

Car ce scénario d’introduction (il est vraiment calibré pour) s’autorise quelques enjolivures – une, essentiellement, qui fait intervenir le destin (outre un contexte bien défini, avec des « trucs » sympa ici ou là). L’idée est que les PJ vont découvrir qu’un vieux bouquin, le Torestus, semble prédire les événements auxquels ils vont prendre part en tant que groupe. Double avantage : cela assure une pertinence au groupe des PJ, quelle que soit sa composition effective (au-delà notamment de la distinction entre humains et space marines, mais aussi, le cas échéant, au-delà des allégeances éventuellement antagonistes), et cela offre au MJ un petit challenge dans la conception de sa chronique, un défi certes très classique, mais ça ne mange pas de pain – et pour le coup ça fait vraiment sens dans ce contexte, c’est loin d’être le cas dans tous les jeux de rôle.

 

Maintenant, si ce scénario contient pas mal d’éléments intéressants pour un début, il s’achève vraiment dans le bruit et la fureur, avec beaucoup de bastons… Bon, c’est Warhammer 40,000, en même temps, pas Tails of Equestria. Mais c’est quand même un peu trop pour ma pomme – certes, ça doit pouvoir se gérer…

 

Au final, ce scénario, même primaire (et c’est peu dire) dans sa résolution, remplit son office d’introduction à Black Crusade. On peut en dériver d’autres aventures dans le Vortex Hurlant, il y a plusieurs pistes à cet effet, et, qui sait, à terme, peut-être une Croisade Noire dans le Secteur Calixis ou ailleurs… L’optique un peu « perdante », ici, est donc celle de l’infiltration/complot/cellule terroriste, ce que je ne peux que regretter – mais on y trouvera peut-être matière à réflexion, oui. Et je ne perds pas de vue cette possibilité. Oh, non.

 

La gamme Black Crusade est très limitée en français (outre ce livre de base, il n’y a que le classique écran + livret et une campagne), à peine moins en VO, mais j’y jetterai probablement un œil – parce que ça me botte et, oui, ça continue de m’intriguer, même si ça me frustre un peu aussi, donc.

 

MORT AUX VACHES (DE L’IMPERIUM)

 

Oui, je lirai la suite – d’autant que ce gros livre de base s’est avéré… d’une lecture agréable, en fait. La forme est peu ou prou irréprochable – dès l’instant qu’on aime les illustrations typées Warhammer 40,000, ce que les spécialistes de l’esthétique qualifient techniquement de « GROS QUI TACHE ». Le bouquin est en couleur, avec un papier fin mais agréable, et si ces 400 pages sont très remplies, du coup avec une pagination en deux colonnes en corps 10 sinon 8, ma foi, ça passe bien. L’univers, notamment, est très bien rendu – avec cette différence de perception quant à l’Imperium, qui fait plaisir. C’est vrai aussi bien pour les grandes lignes que pour les mondes du Vortex Hurlant, qui ont tous leur singularité, et parfois carrément excitante.

 

Et c’est vrai (là, c’était pas gagné) au-delà du seul background. Car chaque mécanique du jeu se voit expliquer aussi bien par des exemples d’ordre technique que par d’autres s’attachant davantage à l’univers. C'est très pédagogique, et intéressant. L’orientation baston du jeu n’y change rien – même le long chapitre de l’arsenal est lisible, allons bon !

 

Même si cette approche a sans doute sa limite : à force, c’est parfois un peu redondant – et, oui, je sais, je suis particulièrement gonflé de formuler une critique pareille alors que je viens d’atteindre les 28 000 signes espace comprises dans ce compte rendu beaucoup trop long…

 

Bonne pioche quand même. Je ne sais pas si je maîtriserai un jour ce jeu, ne serait-ce que parce qu’il faut sans doute que je creuse au préalable la question de l’optique du jeu – que ce soit pour appuyer mes désirs d’infiltration corruptrice, ou pour me laisser séduire par le Côté Obscur de la… bref, et envisager d’autres approches, éventuellement très différentes.

 

Au cœur de tout ça, demeure de toute façon le désir de subvertir l’odieux Imperium de l’Humanité. Mort aux vaches de l’Inquisition, mort aux fafs de l’empereur-charogne ! Un faux dieu !

 

« Mais… c’est de l’hérésie ! »

 

T’as trouvé ça tout seul, gazier ? Mange-toi ces bolts par paquets de trouze, espèce de laquais de l’impérialisme !

 

Rhôôô que ça fait du bien…

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M
Bonjour,<br /> <br /> Billet fort intéressant, d'autant que j'ai le jeu et que j'ai jamais pris la peine de le lire ^^<br /> <br /> Merlyn
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