Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Récapitulatif des comptes rendus n° 1 (4/12/2007)

Publié le par Nébal

Bon, ce blog miteux a grandi bien plus vite que ce à quoi je m’attendais… Comme la fonction « recherche » n’est pas hyper pratique, et que c’est quand même devenu un peu le foutoir, je me suis dit qu’il pouvait être utile de faire un récapitulatif de mes comptes rendus miteux, avec le lien adéquat à chaque fois. Pour chaque catégorie, le classement se fait par ordre alphabétique, en fonction du nom de l’auteur (écrivain, réalisateur, groupe). J’essayerai de faire ce genre de récapitulatifs de temps à autre.

 
C’est parti, récapitulatif à la date du 4 décembre 2007 :
 
Nébal lit des bons bouquins :
BAXTER (Stephen), Espace
BAXTER (Stephen), Temps

BEAR (Greg), Eon
BIARD (Michel) (dir.), Les représentations de « l’homme politique » en France
BISSON (Terry), Hank Shapiro au pays de la récup’
BRETIN (Denis) & BONZON (Laurent), Mickey Monster
BROWN (Fredric), Fantômes et farfafouilles

BROWN (Fredric), Lune de miel en enfer

CALVO (David), Minuscules flocons de neige depuis dix minutes

COLIN (Fabrice), La mémoire du vautour
COLLON (Hélène) (éd.), Regards sur Philip K. Dick. Le kalédickoscope

DAMASIO (Alain), La Horde du Contrevent

DAY (Thomas), L’Instinct de l’équarrisseur. Vie et mort de Sherlock Holmes
DAY (Thomas), Sympathies For The Devil – Redux
DAY (Thomas), La Voie du Sabre
DICK (Philip K.) & ZELAZNY (Roger), Deus irae
DI ROLLO (Thierry), Cendres
DUBOYS (Eric), Industrial Music For Industrial People
DUFOUR (Catherine), Délires d’Orphée
DUPERRAY (Annick), Paul Auster. Les ambiguïtés de la négation

ECKEN (Claude), Le cri du corps

EGAN (Greg), Radieux
ELLIS (Warren) & ROBERTSON (Darick), Transmetropolitan, t. 1, Le come-back du siècle

Fiction, t. 5

FINGER (Bill), BINDER (Otto), BORING (Wayne) & SWAN (Curt), Superman, 1959

GUNZIG (Thomas), 10 000 litres d’horreur pure


HEINLEIN (Robert A.), Etoiles, garde à vous ! (Starship Troopers)

HOWARD (Robert E.), Conan le Cimmérien. Premier volume, 1932-1933

JETER (K.W.), Dr Adder
JOUANNE (Emmanuel), Ici-bas

KEYES (Daniel), Les mille et une vies de Billy Milligan


LAINE (Sylvie), Le Miroir aux éperluettes

LE GUIN (Ursula), Les dépossédés

MATHESON (Richard), L’homme qui rétrécit

MOORCOCK (Michael), Tout Corum
MOORE (Alan) & SPROUSE (Chris), Tom Strong, t. 3

NOIREZ (Jérôme), Leçons du monde fluctuant


PRATCHETT (Terry), Un chapeau de ciel

PRATCHETT (Terry), STEWART (Ian) & COHEN (Jack), La science du Disque-monde

ROBINSON (Kim Stanley), Les Martiens

RUCKER (Rudy), Maître de l’espace et du temps

SCHEER (K.-H.) & DARLTON (Clark), L’arche des aïeux

SCHEER (K.-H.) & DARLTON (Clark), Les métamorphes de Moluk
SHAPIRO (Peter) & CAIPIRINHA PRODUCTIONS (éd.), Modulations. Une histoire de la musique électronique
SIMMONS (Dan), L’Homme nu
SIMONSON (Walter), Thor, 1983-1984
SOMOZA (José Carlos), La Théorie des cordes
STORA-LAMARRE (Annie), La République des faibles
STURGEON (Theodore), Romans et nouvelles. Cristal qui songe, Les plus qu’humains et autres œuvres
SUTIN (Lawrence), Invasions divines. Philip K. Dick, une vie

TABACHNIK (Maud), Tous ne sont pas des monstres


VANCE (Jack), Le cycle de Tschaï

VAN VOGT (A.E.), La faune de l’espace
VAN VOGT (A.E.), Les marchands d’armes
VAUGHAN (Brian K.) & HARRIS (Tony), Ex Machina, t. 2, Tag
Le Visage vert, n° 14

WAGNER (Karl Edward), Kane. L’intégrale 1/3

WAGNER (Roland C.), H.P.L. (1890-1991)
WAGNER (Roland C.), L.G.M.

______________________________ 
 
Nébal regarde des bons films :

BARKER (Clive), Le maître des illusions

BAVA (Mario), Le masque du démon
BAVA (Mario) & LEONE (Alfredo), La maison de l’exorcisme
BOORMAN (John), Zardoz

CERDA (Nacho), La trilogie de la mort

CHAFFEY (Don), Jason et les Argonautes
CORBIJN (Anton), Control

DJALIL (H. Tjut), Nasty Hunter


FERRARA (Abel), Driller Killer

FERRARA (Abel), New Rose Hotel
FULCI (Lucio), Frayeurs

HERZOG (Werner), Ennemis intimes

HO (Godfrey), Black Ninja

JACOBSON (Rick), Haute tension


KASTLE (Leonard), The Honeymoon Killers

KENER (Paul W.), Eaux sauvages
KUROSAWA (Akira), Sanjuro

LAUNOIS (Bernard), Devil Story : Il était une fois le Diable


MYRICK (Daniel) & SANCHEZ (Eduardo), Le projet Blair Witch


PARKER (Trey), Cannibal! The Musical


RAIMI (Sam), Un plan simple


SESSA (Alex), Stormquest

SMITH (Christopher), Severance

THOMAS (Scott), Plane Of The Dead


WELLES (Orson), Macbeth

WISE (Robert), Le jour où la Terre s’arrêta
 
______________________________
 
Nébal écoute des bons disques :

Voir les commentaires

"Le Miroir aux éperluettes", de Sylvie Lainé

Publié le par Nébal

Le-Miroir-aux---perluettes.jpg

LAINE (Sylvie), Le Miroir aux éperluettes, préface de Jean-Claude Dunyach, Paris, ActuSf / Les trois souhaits, 2007, 87 p.
 
Voici donc enfin venu le temps de rendre compte de ma lecture du troisième petit recueil publié il y peu par ActuSf, via sa toute jeune branche de micro-édition Les trois souhaits (on peut y préférer les expressions d’Eric Holstein dans une récente et sympathique interview chez les abominables gauchistes de la Salle 101, et parler de « plateforme multimodale d’alter-édition », ce qui en pète plus, hé hé…). Blague à part, j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais de ce genre d’initiatives en évoquant Appel d’air et Cendres de Thierry Di Rollo (et on peut remonter plus loin avec H.P.L. de Roland C. Wagner, d’ailleurs).
 
Aujourd’hui, je vais donc vous entretenir d’un recueil de nouvelles de Sylvie Lainé intitulé Le Miroir aux éperluettes (dédicacé par l’auteur, ce que je ne savais pas, mais qui fait donc bien plaisir !). Et avant d’aller plus loin, je saisis mon vieux dictionnaire et cherche à « éperluette ». Rien. Zut. Rhalala, ces écrivains de SF et leur manie des mots bizarres… Bon, en cherchant sur le ouèbe, je tombe sur une page faisant le lien avec le mot « esperluette », ce qui me parle déjà davantage… Voyons voir… Ah, oui ! Le singe de Yorick Brown dans l’excellente bande-dessinée de Brian K. Vaughan Y le dernier homme. Rien à voir ? Probablement. Alors c’est quoi donc que cette esperluette / éperluette ? A en croire mes fouilles, ce serait donc ce que l’on connaît plus prosaïquement sous le nom de « et commercial », c’est à dire « & », symbole bien connu dérivé de la ligature du mot latin « ET », ou plus simplement des lettres « E » et « T ». Ce qui est finalement assez approprié, maintenant que j’y pense : la rencontre de deux lettres (êtres ?), et pas n’importe lesquelles, qui fusionnent ou sont liées… Hein ? Je brise la poésie avec ma misérable et creuse tentative d’interprétation à vol d’oiseau ? Pardon. C’est vrai. Honte sur moi et ma curiosité maladive. On peut bien se contenter des jolies et mystérieuses sonorités de ce titre singulier.
 
Je plaide coupable (une fois de plus) : je n’avais jamais entendu parler de Sylvie Lainé auparavant. Je sais maintenant qu’elle a publié plusieurs nouvelles, dont certaines ont été récompensées, et que c’est là son premier recueil, contenant cinq textes déjà publiés auparavant, dont « Un signe de Setty », Prix Rosny Aîné 2003, et un inédit (déjà ancien). Six textes sur le thème de la rencontre et de l’autre, comme le précise la quatrième de couverture. L’autre comme inconnu, voire inaccessible, avec toutes les difficultés dans la communication que cela implique, pourrait-on ajouter.
 
Après une préface hagiographique de l’ami et collaborateur Jean-Claude Dunyach, le recueil démarre très fort avec ce qui est à mon sens une de ses plus belles réussites, « La Bulle d’euze » (pp. 13-23). Sous ce titre une fois encore très énigmatique se dissimule un très beau texte, touchant et poétique, assez original également, belle histoire d’amours frustrées, difficilement résumable. Je n’en dirai pas davantage afin de ne pas gâcher le réel plaisir que l’on éprouve à la lecture de ce petit bijou.
 
Le texte qui suit immédiatement, « La Mirotte » (pp. 25-42), s’il n’est pas mauvais, est néanmoins beaucoup moins intéressant à mon sens. Un texte de science-fiction plus traditionnel, où les thématiques très fortes soulevées dans les premières pages sont finalement traitées d’une manière plutôt décevante à mon sens. Il me paraît à vrai dire assez difficile de faire le lien entre ce texte et les autres…
 
« Thérapie douce » (pp. 43-50) est autrement plus convaincant. Rencontre et amour frustré, à nouveau, dans une atmosphère quelque peu paranoïaque, cette fois-ci.
 
Avec l’inédit de 1985 « Question de mode » (pp. 51-56), on retombe un cran en dessous. Si l’atmosphère aigre-douce de cette saynète hautement féminine n’est pas sans charme, sa conclusion m’a laissé plutôt froid.
 
Les deux derniers textes, heureusement, sont bien meilleurs, et retrouvent le niveau et les thématiques de « La Bulle d’Euze », en y rajoutant à mon sens une nouvelle dimension, au travers d’un amour passionnel passant par l’abandon total aux mains de l’inconnu adoré. Ainsi, tout d’abord, avec « Un rêve d’herbe » (pp. 57-62), joli conte fantastique à l’atmosphère unique, naviguant avec brio entre rêve et cauchemar. Une réussite incontestable.
 
Le recueil s’achève enfin sur l’excellente nouvelle de science-fiction intitulée « Un signe de Setty » (pp. 63-88), qui fut donc très justement récompensée par le Prix Rosny Aîné 2003. La jeune Léa s’ennuie dans son « p’tit monde » virtuel ; elle y introduit alors un élément de surprise, en construisant un homme avec les données d’une intelligence artificielle extraterrestre captée par le projet SETI… Je n’en dirai pas davantage. Une excellente nouvelle, avec quelques idées brillantes, et un remarquable sens de l’atmosphère.
 
La plume de Sylvie Lainé, sans être extraordinaire, est cependant le plus souvent remarquablement sensible et juste, évitant les pièges du pathos outrancier et de l’exercice de style poétique pour privilégier la communication d’émotions authentiques et touchantes. Une jolie performance, assez rare dans le milieu de la SF.

Le Miroir aux éperluettes
constitue ainsi un recueil très intéressant quand bien même inégal, et l’on peut bien remercier une fois de plus ActuSf / Les trois souhaits pour cette compilation bienvenue. J’y ai en tout cas pour ma part découvert un auteur intéressant, dont je suivrai dorénavant avec plus d’attention la carrière, en espérant de nouvelles publications de ce niveau.

CITRIQ

Voir les commentaires

"Tous ne sont pas des monstres", de Maud Tabachnik

Publié le par Nébal

Tous-ne-sont-pas-des-monstres.jpg

TABACHNIK (Maud), Tous ne sont pas des monstres, [s.l.], Baleine, coll. Club Van Helsing, 2007, 189 p.
 
Cette rubrique s’intitule « Nébal lit des bons bouquins ». Et, dans l’ensemble, c’est vrai. Si si. C’est bien pour ça que je les lis, d’ailleurs. Seulement, des fois, un naïf enthousiasme bibliophage, une curiosité malsaine ou un certain masochisme inavouable m’amènent à lire des grosses merdes. Et, aujourd’hui, je vais donc vous parler d’une grosse merde, en l’occurrence ce pathétique Tous ne sont pas des monstres de Maud Tabachnik qui a ouvert la collection du Club Van Helsing.
 
Le Club Van Helsing, j’ai déjà eu l’occasion d’en parler, avec l’excellent Délires d’Orphée de Catherine Dufour et le très sympathique Mickey Monster de Bretin et Bonzon. Inutile de revenir là-dessus. Une chose est claire, en tout cas : Tous ne sont pas des monstres ne soutient pas la comparaison deux secondes. Ce qui ressortait déjà des commentaires que l’on pouvait lire ici ou là, et notamment de la polémique ridicule suscitée par le co-directeur de collection Guillaume Lebeau contre Thomas Day, qui avait eu le malheur d’exprimer une opinion très négative sur ce premier opus. Thomas Day est un critique qui me paraît parfaitement estimable, même si je suis loin d’être toujours d’accord avec lui (normal ; d’autant qu’il a plus d’une fois exprimé son mépris d’Asimov et de Dick, là où j’aime bien le premier et je révère le second ; par contre, étrangement, on est d’accord pour ce qui est de Van Vogt…). Et là, je dois dire que j’ai choisi mon camp, camarades. Je l’ai lu, ce bouquin ; je pense même l’avoir lu sans trop d’a priori négatifs, d’autant qu’il s’était trouvé quelques lecteurs pour émettre un avis bien différent, comme Jérôme Vincent d’ActuSf, par exemple, ou encore Joseph Altairac. Je l’ai même lu jusqu’au bout (ce qui m’a coûté, en dépit de sa brièveté). Et je crois donc pouvoir dire, aujourd’hui, que c’est bel et bien – à mon sens, hein… – une grosse merde. Je sais, je me répète, mais c’est que cette « métaphore » commune et vulgaire me paraît particulièrement appropriée en l’espèce : Tous ne sont pas des monstres ne se contente pas d’être mauvais et désagréable, il est aussi puant et répugnant.
 
Déjà, on se demande franchement ce que ce bouquin vient foutre dans la collection du Club Van Helsing. Maud Tabachnik, qui vient du polar (ce qui n’est pas une tare, hein), maîtrise de toute évidence très mal le fantastique, et accumule les maladresses dans son récit ; le fantastique n’y est d’ailleurs qu’un prétexte totalement gratuit, n’intervenant que ponctuellement au travers d’un ramassis de clichés, sans l’humour ou la distance ironique qui permettraient de sauver le tout, à tel point que j’en viens même à me demander si cela témoigne seulement d’un manque de savoir-faire de l’auteur en la matière, ou bien de son mépris pour le sujet et pour les lecteurs… Le rattachement à la « méta-histoire » du Club est particulièrement artificiel, et tient à peu de choses près du foutage de gueule pur et simple, Hugo Van Helsing et son Club de chasseurs de monstres n’apparaissant que dans un prologue et un épilogue qui n’apportent strictement rien à l’histoire. Enfin, le Club Van Helsing, en principe, c’est « un chasseur, un monstre » (même si cette « règle » a connu pas mal d’entorses…) : or ici il n’y a pas de chasseur, et il y a deux monstres, clairement relégués au second plan. Déjà, ça commence mal. On pourrait en rester là, ceci dit : Tous ne sont pas des monstres se contenterait alors d’être un mauvais roman, mal écrit, terriblement mal structuré (les points de vue multiples sont gérés avec une maladresse qui tient de la performance), plat, sans saveur, et tout simplement chiant. Il y en a plein, des comme ça ; ce qui n’est pas glorieux, certes.
 
Seulement voilà, Tous ne sont pas des monstres est encore pire. Car il sent vraiment très très mauvais. Je vous recommande donc de vous pincer le nez, on va devoir s’enfoncer dans le cloaque…
 
« L’histoire » (aha). C’est le gros bordel en France, où les banlieues se soulèvent, agitées par de vilains islamistes barbus qui ont la racaille à leurs babouches. Ces gens-là veulent tout simplement détruire la République française et la convertir à l’Islam, en s’en prenant en premier lieu à une cible de choix : les Juifs. Nathan est un intellectuel juif, rationaliste au possible ; effrayé par la tournure des événements, et poussé par une impulsion mystérieuse (autant dire que ses motivations sont très très floues, et qu’il a la consistance, la profondeur et la vraisemblance d’un figurant d’Independance Day, comme tous les autres personnages du roman, à vrai dire), il se rend à Prague pour ramener à la vie le Golem, protecteur du peuple juif (et par extension du monde…) contre la perfidie des Arabes fanatiques, qui invoquent de leur côté un Djinn. Hop.
 
Moi, je trouve que ça pue, quand même. On s’interroge sur ces émeutes banlieusardes qui forment la toile de fond du récit. Le CVH n’étant pas une collection de science-fiction et ne jouant en principe pas sur l’uchronie, on ne peut s’empêcher d’y voir les émeutes de 2005. Et là, problème : on a eu l’occasion de dire beaucoup de conneries sur ces émeutes, mais y voir une insurrection islamiste destinée à l’éradication de la République française, laïque et trop tournée vers la « compromission » voire la « collaboration » (si si, j’vous jure, texto) et des Juifs (comme d’hab’), c’est quand même pas mal. Il faut dire que Maud Tabachnik va très loin dans l’amalgame : à Prague, Nathan apprend que le Golem n’est pas intervenu lors de la seconde guerre Mondiale, mais qu’il doit intervenir maintenant en France. Comparer la Shoah et ces émeutes a déjà de quoi laisser pantois ; et en tirer cette conclusion, ça me laisse franchement sans voix… Et cette comparaison absurde revient tout le temps, que ce soit dans les dialogues des personnages juifs, ou dans de nombreuses allusions impersonnelles à la « collaboration » des autorités, etc. Bon, à vrai dire, ce n’est pas la seule invraisemblance en la matière : la description que fait Maud Tabachnik des banlieues embrasées évoque quand même plus un mélange improbable de la Bande de Gaza et de l’Arabie Saoudite que le 9-3…
 
Alors on a parfois cherché à défendre Maud Tabachnik par rapport à cet étrange discours. Moi même, c’est ce que j’ai voulu faire, dans un premier temps : j’ai supposé tout d’abord que cette vision très contestable d’événements bien réels correspondait au regard biaisé de Nathan, paranoïaque qui succombe régulièrement à des hallucinations. Ce qui rendrait le discours acceptable, comme émanant d’un personnage torturé et anxieux, qui y aurait à vrai dire gagné une certaine humanité. Le problème est que très vite on ne peut plus accréditer cette lecture, du fait de la multiplication des points de vue : outre Nathan, d’autres personnages témoignent bientôt de la « véracité » de cette analyse des banlieues et de leur crise, et notamment les méchants terroristes islamistes caricaturaux au possible, et les flics français, tous jusqu’au dernier aussi convaincants que les protagonistes d’un épisode de Navarro. Bon, d’accord. Il s’agit alors de montrer que Maud Tabachnik n’a pas une vision manichéenne de ces événements. Il y a bien quelques brèves lignes, en fin de roman, qui vont dans ce sens. Et le titre aussi, sans doute (on notera d’ailleurs que le roman devait être intitulé dans un premier temps En lettres de feu…).
 
Sauf que je ne suis pas du tout convaincu. Tout, dans ce roman, est beaucoup trop caricatural. Et peu importe, au final, les discours éventuellement bien différents qu’a pu tenir Maud Tabachnik dans d’autres ouvrages, etc. Je ne saurais dire si ce résultat ne témoigne que de sa maladresse dans une entreprise de subversion louable, d’une provocation gratuite et sans fond, ou bien d’une conviction plus ou moins consciente. A vrai dire, et parce que j’aime bien faire des comparaisons débiles, je dirais que sur ce plan Tous ne sont pas des monstres m’a fait penser au pitoyable Cannibal Ferox d’Umberto Lenzi, où le prétexte anti-raciste emprunté (non, volé) au Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato se retrouve totalement invalidé par une affreuse collection de clichés tout droit sortis des pires exemples du cinéma colonial… Je trouve que c’est un peu la même chose ici : peut-être Maud Tabachnik a-t-elle sincèrement la conviction de prôner la tolérance et l’amitié entre les peuples et tout et tout ; dans les faits, elle se contente de montrer de méchants musulmans, typiques de la vision qu’en ont les partisans de Le Pen, Mégret, ou peut-être plus encore De Villiers (je rejoins tout à fait Thomas Day sur ce dernier exemple).
 
N’en déplaise à l’auteur, et en dépit du bref passage évoqué plus haut, tous les musulmans envisagés dans ce roman sont des islamistes : les « Barbus » (au fait, moi aussi je suis barbu, et je ne suis pas musulman pour autant, et même pas antisémite ! Impressionnant, non ?) viennent de « l’Etranger » (à la fin, on les y ramène en charters sous les applaudissements des électeurs) pour prêcher la haine de la France et des Juifs. Les jeunes caillera, de simples délinquants qu’ils étaient tous, deviennent tous des terroristes convaincus. Et la « seconde génération » de convertir la première. Tous, de tout âge, n’ont qu’Allah en tête, ils sont violents, haineux, antisémites et misogynes. Seule exception (qui confirme la règle) : Laya, victime du fanatisme de ses frères et de son père.
 
Qu’on ne se méprenne pas, je ne suis pas naïf au point de nier la véracité de certains de ces aspects. Oui, l’Islam tend, en France, à se radicaliser, la communautarisation n’arrangeant rien à l’affaire ; oui, il y a bien des imams qui viennent de l’étranger prôner un discours de haine ; oui, il y a probablement des cellules terroristes dormantes sur notre territoire ; oui, l’antisémitisme se développe terriblement, notamment chez les jeunes (petit aparté : bien que n’étant pas Juif, j’en ai malgré tout fait l’expérience, le jour où trois lascars se fondant uniquement sur mon apparence m’ont traité de « sale feuj ! » à la sortie d’une station de métro, ce qui m’a fait comme un choc…) ; oui, la condition de la femme est parfois terrible dans les banlieues, avec son lot d’insultes misogynes, de mariages arrangés, de violences conjugales et de « crimes d’honneur » (qui sont bien interdits en France, Madame Tabachnik, au passage…). Il faudrait être le dernier des crétins pour le nier. Ces problèmes sont bien réels, il ne faut pas se voiler la face. Et il faut y trouver une solution.
 
Ce que ne fait pas Maud Tabachnik dans Tous ne sont pas des monstres. Son « analyse » (un bien grand mot !) est unilatérale, caricaturale, et mensongère. Au mieux, simplement naïve ; au pire, islamophobe et xénophobe. Elle pue. Il s’en dégage – joli paradoxe ! – un sordide parfum de « complot musulman » pour la domination du monde, rappelant les pires obsessions sur le « complot juif ». Peut-être Maud Tabachnik pensait-elle sincèrement faire un roman prenant le prétexte de la littérature populaire pour livrer une analyse brillante et humaniste, et constituant au final un pamphlet en faveur de la tolérance ; moi, j’ai eu l’impression d’y lire ce qu’on pourrait appeler « Les protocoles des sages d’Islamabad ». Une caricature stupide et haineuse, se contentant de jeter de l’huile sur le feu, et faisant preuve d’un aveuglement qui a de quoi faire peur.
 
C’est en tout cas mon point de vue. Comme tous les compte rendus miteux que je fais sur ce blog miteux, il n’engage que moi. Ce qui m’autorise, à mon sens, à conclure par où j’ai commencé : ce roman est bel et bien une grosse merde.

CITRIQ

Voir les commentaires

<< < 1 2