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Le Pianiste déchaîné, de Kurt Vonnegut Jr

Publié le par Nébal

 

VONNEGUT Jr (Kurt), Le Pianiste déchaîné, [Player Piano], traduit de l’anglais [Etats-Unis] par Yvette Rickards, Rennes, Terre de brume, coll. Poussière d’étoiles, [1952] 2008, 380 p.

Hop, ma chro est à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard Cosmique. Je la reproduis ici au cas où...

 

 

 

Un jour, oui, un jour, l’humanité tout entière sera bien obligée de l’admettre : meilleur que Kurt Vonnegut, y’a pas. Hélas, il n’est pas forcément évident de se procurer ses ouvrages dans la langue de Molière, bon nombre d’entre eux n’ayant pas été réédités depuis fort longtemps... Heureusement, il y a Terre de brume ; et, histoire de commencer par le commencement, c’est aujourd’hui le premier roman de Kurt Vonnegut qui a les honneurs d’une réédition dans la collection Poussière d’étoiles.

 

Le Pianiste déchaîné s’inscrit dans une longue tradition d’anticipations dystopiques, et ne manque pas, par certains aspects, de faire penser notamment au Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Nous y découvrons une humanité future largement débarrassée du travail grâce aux machines, et à leur place de plus en plus prépondérante dans la société depuis la troisième guerre mondiale.

L’État-nation n’est plus guère une notion pertinente dans ce monde où les valeurs essentielles sont celles de l’efficacité et de la productivité, et où le patriotisme emprunte le plus souvent l’aspect de l’esprit de corps. Les machines se révélant bien plus efficaces que les humains, dont les erreurs et les faiblesses ne pouvaient que nuire à la production, il en a résulté une scission de la population en deux catégories totalement disproportionnées. La première, largement minoritaire, est celle des ingénieurs et administrateurs : des hommes au Q.I. élevé, dont la valeur est attestée par un diplôme universitaire, et dont les activités - guère attrayantes - ne pourraient être mieux accomplies par des machines. Pas encore, du moins... La seconde, bien plus nombreuse, est constituée par tous les autres, les innombrables individus au Q.I. moins élevé et dénués de diplômes, qui ont été remplacés par les machines ; pour ceux-là, il n’y a guère que deux possibilités : soit ils intègrent l’armée - mais personne n’est assez fou pour leur confier des armes, il s’agit seulement de les occuper - soit ils font « semblant » de travailler au sein des Brigades de Reconstruction et de Récupération. L’ennui, c’est que, parmi les « soldats » comme parmi les Recons & Récus, la colère gronde : cette vie sans travail leur apparaît totalement vaine, et ils rechignent, en dépit de la propagande des soap operas télévisés et de leur relatif confort matériel, à n’être que des consommateurs ; aussi méprisent-ils les diplômés, et plus encore les machines, certains d’entre eux devenant même des « saboteurs » - et l’on ne saurait imaginer crime plus atroce...

Ilium, dans l’État de New York, est une parfaite illustration de ce schéma : dans cette cité industrielle, la division entre les deux classes est matérialisée par un fleuve, les ingénieurs et administrateurs vivant sur une rive, et les « petites gens » sur l’autre. Paul Proteus est un ingénieur très haut placé au sein d’Ilium Works ; il est aussi le fils d’une des grandes figures du nouveau système. Il a tout pour lui : des revenus confortables, des perspectives de carrière séduisantes, des relations avec tous ceux qui méritent d’être connus, une femme jolie et aimante... Pas d’enfant, par contre, ce qui lui pèse quelque peu. Et il y a bien quelques frictions avec certains « rivaux », en particulier l’insupportable Shepherd, arriviste complet, pur produit de la culture d’entreprise, qui ne supporte pas d’occuper une position inférieure à la sienne. Pas bien grave, rien d’insurmontable... Le vrai problème, c’est que Paul Proteus s’ennuie. Et qu’il a un fond de mauvaise conscience... Quand son ami désabusé Finnerty vient lui rendre visite, la crise s’accentue, et Paul, bientôt, est amené à remettre en cause toutes les valeurs dans lesquelles il a baigné depuis son enfance.

Un cadre assez classique (on notera par ailleurs « l’archaïsme » de l’univers décrit, sans doute déjà sensible en 1952 ; ne vous attendez pas à de brillantes anticipations technologiques dans ce roman tout en diodes et cartes perforées... ce qui a son charme, en même temps !), et une trame qui l’est davantage encore. Quand il écrit Le Pianiste déchaîné, Vonnegut n’a pas encore pleinement développé sa personnalité littéraire, et on est très loin de l’inventivité et de l’originalité, mais aussi de la qualité d’écriture (au passage, on pourra regretter l’absence de nouvelle traduction ; un dépoussiérage ne lui aurait probablement pas fait de mal...), de ses romans ultérieurs, comme par exemple, Les Sirènes de Titan, Le Berceau du chat, ou l’immense Abattoir 5.

Le Pianiste déchaîné n’en est pas moins une dystopie de bonne facture ; le propos, cynique et dépressif, est souvent pertinent et d’actualité, quand bien même on peut être rebuté par une certaine naïveté dans les aspects les plus luddites du discours ou la valorisation moralisante du travail qui le sous-tend (mais sans doute tout n’est-il pas à prendre trop au premier degré, ainsi que la fin en témoigne...) ; Vonnegut touche généralement juste, livre une critique acerbe, et offre un tableau pertinent des classes populaires et des mouvements sociaux, finalement assez rare en science-fiction. On ne s’étonnera pas, dès lors, de l’enthousiasme qu’a pu manifester, entre autres, un Philip K. Dick pour ce premier roman.

Mais les aspects les plus intéressants du Pianiste déchaîné sont ailleurs, dans ce qui annonce déjà Le Berceau du chat et Abattoir 5 : on peut y relever quelques fulgurances dans l’écriture, quand les néologismes et onomatopées prennent subitement le devant ; c’est particulièrement vrai lors des petites saynètes qui viennent régulièrement interrompre le récit des « aventures » de Paul Proteus et, selon un schéma là encore très classique, nous amènent à suivre les pas d’un touriste visitant l’Amérique, le Chah de Bratpuhr, accompagné de son neveu et traducteur Khashdrahr Miasma, et d’un guide on ne peut plus las, le docteur Ewing J. Halyard. Persan façon Montesquieu, le gourou, amateur d’alcool sacré et de jolies Américaines porte un regard franc et cynique sur la société qu’on lui vend, et a le mauvais goût d’appeler un chat un chat. D’où bien des séquences où la satire se fait plus corrosive que jamais, et tout simplement hilarante...

Vonnegut se montre encore plus pertinent, cruel, et donc réjouissant, dans sa démolition en règle du monde de l’entreprise, avec son culte imbécile de l’efficacité et de l’ambition, et son pathétique esprit de corps : le « camp de vacances » des cadres sur l’île de Meadows, avec ses jeux idiots, ses traditions grotesques, sa propagande effrénée et son amusement sur commande, est un cadre de choix pour un pamphlet cinglant et monstrueusement drôle, d’un humour jaune qui n’appartient qu’aux plus brillants des humoristes (autant dire aux plus dépressifs...), et d’une actualité qui fait froid dans le dos...

 

Le Pianiste déchaîné n’est probablement pas représentatif du meilleur Vonnegut, tant ce premier roman se montre encore assez classique. Mais c’est une dystopie de qualité, toujours d’actualité un demi-siècle après sa rédaction, et quelques réjouissantes trouvailles enfoncent le clou, situant cette œuvre largement au-dessus du lot commun.

 

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"Le Petit Guide à trimbaler de l'Imaginaire français", de Charlotte Volper & Jérôme Vincent (dir.)

Publié le par Nébal

 

VOLPER (Charlotte) & VINCENT (Jérôme) (dir.), Le Petit Guide à trimbaler de l’Imaginaire français, Lyon, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, 2008, 63 p.

 

En son temps, le site ActuSF, via sa collection des Trois Souhaits, avait publié un fort utile Petit Guide à trimbaler de la S.F. étrangère, ultérieurement suivi par son pendant consacré à la fantasy. Tout cela était bel et bon, mais restait encore à défendre l’Honneur de la Frrrrrrrrrance (ah mais !). Parce que – non mais oh – chez nous aussi, on en a des qui écrivent des trucs avec des vaisseaux spatiaux et des Elfes dedans, d’abord. Pas un privilège des Ricains et de la perfide Albion, non mais ! « Allons z’enfants de la Pa-triiiiiiiiiiiiiiiiiiii-i-euh », etc. Cette grave entorse à l’Honneur National n’est heureusement plus qu’un mauvais souvenir, à l’instar de Fachoda et Dunkerque (salauds de homards !) : ActuSF, site label France, vient en effet de publier son tant attendu (si, si ; enfin, par moi, en tout cas, mais je ne crois pas être le seul…) Petit Guide à trimbaler de l’Imaginaire français (et, bon, de rééditer tant qu’à faire son aîné consacré aux estrangers).

 

Et tout sarcasme mis à part, ouf. Car c’est bien une très bonne idée que cette publication. En effet, si la SF, la fantasy et le fantastique d’expression françouaise ne manquent pas d’auteurs talentueux, ils souffrent néanmoins d’un fâcheux problème de visibilité. Je trouve. Pour dire les choses autrement, le petit grouillot naïf qui souhaite découvrir les littératures de l’imaginaire, pour peu qu’il fasse un tout petit effort (i.e. abandonner/dépasser les novellisations, etc., de Star Wars, de Buffy et des Royaumes Oubliés), tombera facilement sur quelques grands noms incontournables et souvent cinématographiques (ou rôlistiques)… anglo-saxons. Stephen King, Clive Barker ou Anne Rice pour le fantastique, Tolkien, Howard, Moorcock ou Gaiman pour la fantasy, Asimov, Clarke, Dick, Herbert pour la SF, et Lovecraft au milieu. En gros. On pourrait imaginer pires portes d’entrée. Certes, il n’est pas exclu que, de temps à autre, un malheureux innocent, subjugué par une propagande insane, s’attaque naïvement au Monde des non-A en espérant lire le bon livre de science-fiction qu’on lui vantait, et abandonne à jamais le genre, parce que non, faut pas déconner, si ça c’est de la bonne SF, alors la SF c’est de la merde (il faut bien le dire). Mais, dans l’ensemble, ça va.

 

Mais quid de la SF et de la fantasy en France ? Là, il y a un problème. Oh, bien sûr, notre hypothétique jeune grouillot a probablement lu du Jules Verne en primaire, sans forcément penser à y accoler le terme de « science-fiction ». Il a sans doute lu aussi du Maupassant, mais, bon : c’est Maupassant, donc de la littérature, à l’évidence pas la même chose. Il y a fort à parier, dans un autre registre, que lui tombe un jour ou l’autre entre les mains un Barjavel, un Werber, ou un Loevenbruck, voire un Dantec… Mais après ?

 

Après, problème. Hors revues spécialisées tout aussi invisibles et sites Internet fréquentés par des gens étranges au discours hermétique émaillé d’allusions plus cryptiques encore, les auteurs français de SF, etc. (disons, plus exactement, publiés dans des collections de genre), font quelque peu figure d’êtres semi fantomatiques, aux noms bizarres et à l’existence douteuse, peuplant une terra incognita mobile et insaisissable. « Il y a bien longtemps, dans une lointaine galaxie, il paraît qu’il semblerait que l’on ait avancé qu’il s’en soit trouvé pour écrire des choses bien avec des vaisseaux spatiaux et des Elfes dedans (d’abord), mais, comment savoir ? Peut-être n’est-ce qu’une légende. Mais il est bien des choses qui dépassent notre entendement, jeune padawan… »

 

Du coup, sans les conseils avisés du tout aussi hypothétique libraire passionné et honnête, il y a fort à parier que notre sujet s’en tienne à ce qui est le plus visible, donc à ce qui se vend le mieux, et donc le plus souvent hélas à ce qui se fait de pire. Il pourra éventuellement en retirer du plaisir, et alors tant mieux pour lui ; ou en conserver une image négative du genre, et tant pis pour lui. Mais il semble peu probable qu’il ose s’avancer un peu plus profondément dans la Forêt Noire et Ténébreuse de l’Imaginaire Obscur des Petits Éditeurs au Nom Imprononçable, piochant ici ou là, au hasard, avec les dangers (indicibles) que cela comporte, jusqu’à atteindre enfin la Montagne Sacrée des Légendaires Auteurs Talentueux.

 

Et c’est dommage.

 

Là, je parle d’expérience. J’étais il y a peu encore, dans un sens, ce jeune grouillot naïf sus-mentionné, et mon parcours fut probablement assez typique (avec une circonstance aggravante, cela dit : je suis à l’évidence un suppôt de l’Anti-France). Quand je me suis intéressé pour la première fois aux littératures de l’Imaginaire, ado, dans les années 1990, entraîné par le cinéma et le jeu de rôle, j’ai dévoré pas mal de classiques anglo-saxons, sans rien lire de françouais (rien-du-tout). Et ce n’est véritablement que ces deux ou trois dernières années, à coups de Bifrost, d’ActuSF et de Cafard cosmique, qu’il m’a été donné, enfin, de découvrir quelques-uns de ces Légendaires Auteurs Talentueux. Et mes lacunes sont encore innombrables… C’est qu’elle est vaste, cette terra incognita

 

Le Petit Guide à trimbaler de l’Imaginaire français publié sous la direction de Charlotte Volper et Jérôme Vincent me paraît donc extrêmement utile, voire (n’ayons pas peur des Grands Mots), salutaire. Si, si. Et je ne doute pas qu’il m’aurait été extrêmement précieux si j’avais pu mettre la main dessus il y a de cela deux ou trois ans. C’est probablement un peu moins vrai aujourd’hui en ce qui me concerne (encore que…), mais il n’en reste pas moins que ce Petit Guide… a tout de l’accessoire indispensable pour le béotien conscient et honteux de son inculture crasse.

 

Oui, toi, là. Achète ce Petit Guide… (5 €, ça fait une pinte ou un kebab-frites-coca, c’est pas la mort), et profite. Admire cette judicieuse sélection d’une cinquantaine d’auteurs, classés par ordre alphabétique, chacun se voyant attribuer sa petite fiche composée d’une brève présentation, d’une bibliographie sélective, et d’un choix d’œuvres d’auteurs français ou étrangers relativement proches. Tu as même quelques fiches thématiques à l’occasion. Et même, même, des petits « hiéroglyphes » (mmmh… pas sûr que ce terme-là soit particulièrement adapté, toute grandiloquence héroïco-fantaisiste mise à part…) qui sélectionnent dans la sélection, te disent ce qui est le plus grave indispensable de chez grave indispensable, et ce qui se trouve aisément ou non. Profite, te dis-je. Admire. Vante les mérites de ce puissant artefact. Et, après seulement, tu pourras te permettre des critiques (mais va d’abord me soigner cette vilaine peau).

 

 

Bon. Des critiques, donc. Car, aussi précieux soit-il, ce Petit Guide… n’est pas exempt de menus défauts. Oh, pas grand chose, hein. Assez peu de coquilles, d’ailleurs (même s’il y en a bien quelques-unes à l’occasion). Quelques petits problèmes d’actualisation, mais, bon… Par contre, on peut lever un sourcil sceptique, des fois, notamment dans les sections « Si vous avez aimé, alors essayez… », qui font parfois un peu le grand écart, en présentant des œuvres très diverses (et pas toujours très proches de l’auteur « étudié », à mon sens, mais, bon…). J’avoue, au passage, que le « Si vous avez aimé [Léa Silhol], alors essayez [les Œuvres complètes de William Shakespeare] », m’ a fait sourire, tout mauvais esprit mis à part ; ça fait quand même un peu démesuré… On peut aussi pinailler devant certaines notules, plus ou moins complètes, plus ou moins profondes (euphémisme… mais bon, normal, dans un sens), plus ou moins bien rédigées, en somme.

 

 

Ah, si, j’ajouterais quand même que les pages de publicité en plein milieu du recueil, j’ai pas aimé. Franchement pas. Groumf… Mais passons.

 

 

Surtout, il y a plus globalement le problème de la sélection. Pour être honnête, il va de soi qu’aucune sélection n’était en mesure de satisfaire tout le monde, et, si le choix effectué par Charlotte Volper et Jérôme Vincent est assez consensuel, chacun pourra néanmoins à bon droit émettre des regrets, parfois très différents, pour ne pas dire contradictoires, sur les auteurs retenus : « Quoi, z’ont pas mentionné untel ? C’EST UN SCANDALE ! Quoi, z’ont mis celui-ci ? C’EST UN SCANDALE ! » Etc. À mon tour.

 

Pour ce qui est des « exclusions », je commencerais par regretter une relative « tromperie sur la marchandise » : l’expression est un peu forte, certes, mais bon… Le fait est que la (jolie) couverture, ainsi que la préface, laissent supposer la présence d’auteurs « anciens » dans la sélection. Or ce n’est pas le cas, en-dehors de quelques brèves mentions dans les fiches thématiques. Et j’avoue trouver ça dommage… Quelque part, parler de l’Imaginaire français sans consacrer une fiche à Jules Verne me paraît pour le moins critiquable. Vous me direz que ça n’aurait pas servi à grand chose, l’auteur étant connu. Certes… Mais, à ce stade, un guide de la fantasy pourrait tout autant se passer de Tolkien, ou un guide de la S.F. étrangère d’Asimov ou de Dick, non ? Et j’imagine que là, on s’accorderait pour trouver que ça coince un peu… Ç’aurait pu être l’occasion de mentionner des œuvres moins « classiques », etc. Je pinaille, direz-vous. Mais oui… C’est le propos… Dans le même ordre d’idées, on pourra regretter l’absence d’auteurs anciens moins connus, qui, à mon sens, auraient parfaitement trouvé leur place ici : Rosny-Aîné, Maurice Renard, Régis Messac… et même Barjavel, d’ailleurs. Ou encore Pierre Boulle, pas mentionné une seule fois si je ne m’abuse… Sans parler des auteurs du FNA « non-recyclés », uniquement évoqués à l’occasion d’une notule consacrée à l’éditeur (c’est déjà ça). Pour ce qui est des auteurs contemporains, la sélection me semble déjà plus exhaustive (trop, sans doute… voir plus bas). Je ne regretterais pas pour ma part l’absence de Bernard Werber et Henri Loevenbruck (même si ça pourrait se défendre). Je n’ai pas relevé trop d’oublis fâcheux, mais j’en mentionnerais tout de même un : Emmanuel Jouanne, quand même un pilier de Limite, et qui nous a quittés il y a peu… Enfin, il me semble qu’il aurait pu être intéressant de mentionner quelques auteurs qui font de la SF « sans le dire », dont certains auraient pu trouver aisément leur place ici ; s’il ne fallait en citer qu’un, je dirais bien sûr Houellebecq…

 

En sens inverse, évidemment, certains auteurs retenus peuvent laisser sceptique. Le problème n’est d’ailleurs pas forcément celui de la qualité des œuvres, de toute façon éminemment subjective (même si, je l’avoue, à vue de nez, je ne crois pas que l’absence de Pierre Grimbert et de quelques autres m’aurait vraiment gêné…). Mais prenez par exemple Sylvie Lainé : j’ai beaucoup aimé Le Miroir aux éperluettes (publié par… ActuSF), et je vais très probablement me jeter sur son nouveau petit recueil (toujours aux Trois Souhaits), Espaces insécables ; mais, si Sylvie Lainé écrit, depuis un certain temps déjà, d’excellentes nouvelles maintes fois primées, on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment prolifique… Et la fiche s’en ressent, qui ne peut mentionner dans la bibliographie sélective que Le Miroir aux éperluettes… et deux nouvelles isolées pas forcément évidentes à se procurer. C’est le seul cas dans tout le recueil, si je ne m’abuse ; mais il me semble bien que cela témoigne d’un certain problème… Mais la critique essentielle porte sans doute sur la trop grande ampleur du guide, sa propension à l’exhaustivité (notamment pour les plus jeunes pousses de l’imaginaire français), qui le conduisent à brasser tous les genres et sous-genres ensemble, littératures « adulte » et « jeunesse », confidentiel et vendeur, commercial et expérimental… On passe sans cesse du coq à l’âne, et, en ce qui me concerne, la fantasy notamment ne s’y présente pas forcément sous son meilleur jour, les cycles de (plus ou moins) BCF jouxtant des œuvres bien autrement inventives et personnelles ; il en résulte, à mes yeux en tout cas, une fâcheuse impression de nivellement par le bas, justement ce que ce guide était chargé d’éviter, tel que je le concevais. Un peu plus d’exigence quant aux auteurs retenus n’aurait probablement pas fait de mal…

Mais il s’agit là de regrets tout personnels, et qui n’enlèvent rien à l’essentiel : Le Petit Guide à trimbaler de l’Imaginaire français est un ouvrage utile, probablement le plus utile d’ailleurs des guides publiés par ActuSF ; à la limite de l’indispensable pour celui qui entend s’initier au genre en lisant ce qui se fait de par chez nous…

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