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"A travers temps", de Robert Charles Wilson

Publié le par Nébal

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WILSON (Robert Charles), À travers temps, [A Bridge of Years], traduit de l’anglais (Canada) par Gilles Goullet, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [1991] 2010, 370 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 59 (pp. 103-105).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop.

 

 Le Robert Charles Wilson nouveau est arrivé… et il est vieux de vingt ans ; 1991, plus précisément. Mais Lunes d’encre, par le biais de son traducteur émérite Gilles Goullet, a établi une passerelle temporelle rendant enfin ce Bridge of Years accessible aux lecteurs français de 2010. Ce qui, on l’avouera, nous fournira une belle occasion de nous réconcilier avec l’auteur d’origine américaine mais désormais canadien, qui nous avait quand même plutôt déçu l’année dernière avec Axis, la suite de son monumental et indispensable Spin

 

 De passerelle entre les époques, il sera beaucoup question dans À travers temps, comme son nom l’indique. Un roman qui pratique l’attaque en force. Prologue, avril 1979 : le maraudeur Billy Gargullo, engoncé dans son armure dorée, débarque d’un futur ensanglanté par la guerre civile et assassine sous nos yeux impuissants le « voyageur temporel » Ben Collier dans une petite maison de cèdre de Belltower, dans l’État de Washington.

 

 Puis, sans transition, nous voilà en 1989 : Tom Winter traverse une très mauvaise passe ; sa compagne l’a largué, et il a perdu son travail. En conséquence de quoi il a sombré dans la dépression et l’alcoolisme. Son frère Tony l’en a finalement sorti, et lui a dégoté un job de vendeur de voitures à Belltower, où Tom acquiert une petite maison de cèdre, à l’écart de la bourgade… Une maison qui – à en croire le représentant même de l’agence immobilière, Doug Archer, qui a une passion pour le bizarre et l’étrange – pourrait bien cacher quelques secrets… Et, effectivement, cette maison semble hantée par des fantômes obsédés par la propreté et les réparations immédiates ! Mais la vérité se fait jour peu à peu : la maison est envahie « d’insectes mécaniques », qui viennent réclamer l’aide de Tom Winter, communiquant avec lui par le biais de ses rêves… ou de sa télévision. Quant au sous-sol de la bâtisse, il abrite un long tunnel… qui conduit directement au New York de 1962 ! Tom, une fois passé le temps du choc, se voit tenté par la fuite, l’exil dans le passé, dans l’histoire, lui qui n’a plus rien à perdre et que rien ne rattache au présent. Mais il n’est pas le premier à qui cette possibilité a été offerte…

 

 Les (bonnes) histoires de voyage dans le temps ont souvent une fâcheuse tendance, en surjouant des paradoxes, à coller très facilement une migraine carabinée au lecteur. Ici, ce n’est jamais le cas, heureusement, mais il faut dire que le propos de Robert Charles Wilson est tout autre. Le roman joue en fait essentiellement sur trois tableaux.

 

Il a tout d’abord une dimension d’hommage clairement assumée. Sans surprise, on pense à La Patrouille du temps de Poul Anderson… Mais le roman renvoie encore davantage, avec son cadre (en partie, du moins) bucolique, sa dimension écologique et humaniste et son thème du « gardien », au classique de Clifford D. Simak Au carrefour des étoiles, dont il constitue le pendant temporel. L’hommage est en tout point réussi, et perceptible sans jamais sombrer dans la lourdeur. Il en va de même pour le discours, teinté de mélancolie… et d’un soupçon de fatalisme.

 

Sans surprise de la part de Robert Charles Wilson, la deuxième dimension du roman – et sans doute la plus fondamentale – repose essentiellement sur la psychologie des personnages, et en tout premier lieu du « héros » Tom Winter, celui que nous suivons durant la majeure partie du livre. Sous ses dehors de stéréotype dépressif, Tom Winter se révèle un personnage bien plus riche et complexe qu’il n’y paraît au premier abord, et cela vaut pour tous les autres personnages du roman, principaux ou pas… y compris la figure du « méchant », Billy Gargullo, en fin de compte un personnage aussi touchant que répugnant, et une victime autant qu’un coupable. Mais il ne faut pas non plus faire l’impasse sur les personnages féminins, très bien campés, et notamment Joyce, la belle new-yorkaise de Greenwich Village en 1962, plus complexe elle aussi que son archétype de chanteuse folk engagée… Autant de personnages profondément humains, plus vrais que nature, aux actions et réactions savamment étudiées et manipulées par un auteur déjà très doué sur ce plan en 1991.

 

Enfin – et c’est là encore assez typique de Robert Charles Wilson, voyez par exemple Blind Lake, ou, sur un mode moins réussi, Axis –, quand bien même le roman, avec ses aspects tantôt bucoliques (à Belltower), tantôt psychologiques, sait se faire posé, il ne s’en transforme pas moins progressivement en un palpitant thriller, tout ce qu’il y a d’efficace. Certaines séquences – et de plus en plus au fur et à mesure que l’on avance dans le roman – sont riches de suspense ou d’action, et menées de main de maître.

 

La plume de Robert Charles Wilson, quoi qu’il en soit, bien servie comme d’habitude par la traduction de Gilles Goullet, sait faire honneur à ces multiples dimensions ; le style est fluide et délicat, sans jamais sombrer dans la lourdeur, tandis que les dialogues sont frappés du sceau de l’authenticité. Rien à redire.

 

Aussi la quatrième de couverture, élogieuse comme il se doit, n’hésite-t-elle pas à parler « d’une des plus belles réussites de Robert Charles Wilson ». On n’ira tout de même pas jusque-là : si le roman est assurément bon, il lui manque encore quelque chose, une ambition sans doute, une vision, un projet, bref, une dimension supplémentaire qui l’empêche d’atteindre aux sommets des Chronolithes ou a fortiori de Spin. Avec À travers temps, nous avons droit à du bon Robert Charles Wilson, pas à de l’excellent Robert Charles Wilson. Mais on avouera que c’est déjà pas mal…

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"Stalker" et "L'Île habitée" d'Arkadi & Boris Strougatski

Publié le par Nébal

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STROUGATSKI (Arkadi & Boris), Stalker, ou Pique-nique au bord du chemin, [Пикник на обочине],  traduit du russe par Svetlana Delmotte, édition définitive établie par Viktoriya Lajoye, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [1972, 1980-1981] 2010, 222 p.

 

STROUGATSKI (Arkadi & Boris), L’Île habitée, [Обитаемый остров], traduit du russe par Jacqueline Lahana, édition définitive établie par Viktoriya Lajoye, Paris, Denoël, coll. Lunes d’encre, [1971] 2010, 432 p.

 

Ma chronique de ces deux romans se trouve dans le Bifrost n° 59 (pp. 99-101).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

  

EDIT : Hop.

 

 Après Il est difficile d’être un dieu l’année dernière, la collection Lunes d’encre poursuit la réédition des œuvres majeures des frères Arkadi et Boris Strougatski avec – toujours sous de très belles couvertures de Lasth – deux titres particulièrement marquants, L’Île habitée et, bien sûr, le célébrissime Stalker, ou Pique-nique au bord du chemin, probablement le plus fameux roman des frangins du fait de son adaptation cinématographique par Andreï Tarkovski (une adaptation passablement libre, toutefois – même si scénarisée par les Strougatski, mais sous la direction du réalisateur : les mauvaises langues pourront se réjouir de ce que le roman est beaucoup moins soporifique, hermétique et prétentieux que le film…). Un livre qui a assurément marqué de son empreinte son époque et son pays, à tel point, nous dit la quatrième de couverture, que « c’est sous le surnom de stalkers qu’on connaît désormais les hommes et femmes qui ont étouffé le cœur du réacteur en fusion de Tchernobyl, entre le 26 avril et le 16 mai 1986 ». Précision que l’on pourra à bon droit trouver un brin putassière et d’un goût douteux, et dont on fera peut-être bien de se souvenir le moment venu…

 

Mais parlons (enfin) du roman. De mystérieux extraterrestres sont venus sur Terre. À l’instar de ceux de l’excellent Génocides de Thomas Disch, on ne les verra jamais, et on ne les connaîtra qu’au travers de leurs manifestations ; mais, à la différence de ces derniers, il semblerait qu’ils soient tout simplement repartis, et qu’ils n’aient donc fait qu’une « Visite » éclair sur Terre. Mais la Visite a laissé des traces, plusieurs « Zones » réparties sur la surface de la planète, où ils ont abandonné des objets de toute sorte, au fonctionnement et à l’utilité mystérieux, tels les « creuses ». Mais les Zones sont avant tout des endroits dangereux, émaillés de pièges qui semblent à première vue défier les lois de la physique, quand ils ne font qu’en appliquer de différentes : « calvities de moustiques », « gelées de sorcières », « hachoirs », « gais fantômes », et tant d’autres encore…

 

La Zone a ses spécialistes, mais elle a surtout ses contrebandiers, ses trafiquants, ses guides : ce sont eux, les stalkers, qui ont baptisé ainsi les pièges et les objets que l’on y trouve. Le roman – court mais dense, divisé en quatre long chapitres – nous invite essentiellement à suivre les pas de l’un d’entre eux, le rouquin Redrick Shouhart, de la Zone de Harmont. Le premier chapitre pratique plus ou moins l’attaque en force, en nous plongeant très vite au cœur de la Zone et de ses mystères meurtriers. Mais, si le roman sait se montrer palpitant, il saura néanmoins adopter par la suite un ton plus posé, et les scènes les plus passionnantes, finalement, auront lieu en-dehors de la Zone, dans le monde gris-cendré des hommes, mesquin et triste, avec ses petites intrigues, ses petites bassesses… et ses interrogations sur l’objet de la Visite. Les hommes ne seraient-ils que des fourmis, se jetant sans rien y comprendre sur les débris abandonnés par des pique-niqueurs au bord du chemin ? C’est ce dont débattent, dans le chapitre 3, Richard H. Nounane, le meilleur ami de Redrick, et le prix Nobel Valentin Pilman ; les perspectives qu’ils dégagent, dans tous les cas, sont plutôt humiliantes pour l’humanité…

 

Mais l’espoir demeure, pourtant, incarné dans certains mythes propres aux stalkers, et notamment celui de la « Boule d’or », un artefact laissé par les Visiteurs et qui serait à même d’exaucer tous les vœux. Un mythe ? Et si c’était vrai ? S’il était possible de changer les choses, de sortir les hommes de leur condition insupportable ? Le jeu en vaudrait la chandelle, non ? Et le sceptique et soiffard Redrick Shouhart pourrait bien finir, lui aussi, par se mettre en quête de la Boule d’or… mais pourrait-il la comprendre ? Et elle, comme tous les objets de la Zone, pourrait-elle comprendre les humains ? La communication est-elle seulement possible ?

 

N’y allons pas par quatre chemins : Stalker est un chef-d’œuvre. Mais il fonctionne selon « l’effet Ballard », comme une bombe à retardement, de manière très insidieuse : une fois le livre refermé (ce qui arrive vite, il est très court), on sait qu’on a lu quelque chose de bon, voire très bon ; mais ce n’est qu’alors, dans un sens, que le véritable travail débute, que les images apparaissent, et que les idées, superbes, viennent à s’exprimer dans toute leur force. On reste alors sous le choc de l’intelligence du propos, et de la maestria avec laquelle les frères l’ont amené. Un chef-d’œuvre, donc, et pour une fois le qualificatif n’est pas galvaudé.

 

Mais si L’Île habitée ne saurait prétendre à ce titre, ça n’en est pas moins à son tour un roman fort intéressant, très proche dans ses thématiques d’Il est difficile d’être un Dieu (le camarade Patrice Lajoye, dûment interrogé à ce sujet, a confirmé que les deux romans pouvaient être considérés comme faisant partie d’un « cycle » plus ou moins informel et comprenant en outre Tentative de fuite, antérieur, puis Scarabée dans la fourmilière et Les Vagues éteignent le vent), mais en bien plus convaincant.

 

Le roman débute d’une manière atrocement banale que n’aurait pas reniée Jack Vance. Maxime, un jeune Terrien du GRL (Groupe de Recherches Libres) s’échoue sur une planète « archaïque » (dont le stade de développement correspond approximativement à celui de la Terre des années 1960, en somme…). Bientôt rebaptisé Mak Sime, il y fait la découverte d’un terrible régime totalitaire, une dictature militaire qui s’en prend aux « dégénérés ». Ceux-ci souffrent considérablement des ondes émises par des tours implantées à travers la majeure partie de l’île habitée, et c’est ce qui permet de les identifier. Mais – lâchons le mot, puisque la quatrième de couverture ne s’en prive pas –, la véritable fonction de ces tours est tout autre : elles permettent le contrôle de la population ; et c’est parce que les « dégénérés » y sont insensibles qu’ils constituent une menace pour le régime… Mak Sime n’accepte pas cet état de fait : il rejoint bientôt le maquis et se fait résistant, prêt à tout pour renverser le régime « fasciste » des Pères Inconnus…

 

À la lecture de ce roman (bien plus long que les deux précités), il est une chose qui frappe immédiatement : on n’en revient tout simplement pas qu’un tel ouvrage (« le plus politique des romans des frères Strougatski », dit la quatrième de couverture – euphémisme !) ait pu être publié en Union soviétique en 1971 ! Aussi avons-nous de nouveau fait appel aux lumières du camarade Lajoye pour tenter d’expliquer cette étrangeté. Il y a tout d’abord le personnage de Maxime, qui est censé être le Komsomol parfait, le surhomme, l’homo sovieticus. Certes… Mais, malgré tout, et quand bien même le régime qui nous est présenté est qualifié de « fasciste », il n’est guère difficile de lire entre les lignes… Mais il est vrai qu’il est toujours possible de faire un double discours, dans une optique brejnévienne. En outre, la popularité des Strougatski les rendait relativement intouchables, et enfin l’Union des écrivains ne s’intéressait plus à leur cas, contrairement aux années 1960, dans la mesure où elle ne les envisageait que comme écrivant des ouvrages puérils… Aussi le roman échappa-t-il largement à la censure, et seuls quelques passages concernant le fonctionnement interne des Pères inconnus, guère primordiaux, durent-ils être réintégrés (ils furent néanmoins plus nombreux que pour les deux autres romans, semble-t-il). Étonnant, tout de même…

 

Quoi qu’il en soit, c’est bien ce caractère éminemment politique qui fait tout l’intérêt du roman (par ailleurs très enlevé et palpitant, mais parfois un peu gros… et on avouera que le « surhomme » Maxime a quelque chose de profondément agaçant !) : la réflexion sur le politique, et notamment sur le volontarisme politique et la notion de progrès, est tout à fait passionnante. Elle est pertinente hors de tout contexte historique spécifique, mais on avouera que la situation actuelle de la Russie rend la lecture de L’Île habitée d’autant plus troublante…

 

Un chef-d’œuvre et un très bon roman d’une actualité et d’une pertinence étonnantes : la collection « Lunes d’encre » nous a gâtés avec ces deux très belles rééditions des frères Strougatski. On en conseillera vivement la lecture à tous les amateurs de grande science-fiction, quelle que soit ses origines : la meilleure littérature n’a jamais eu de frontières.

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Pub copinage : "Bara Yogoï. Sept autres lieux", de Léo Henry, Jacques Mucchielli & Stéphane Perger

Publié le par Nébal

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HENRY (Léo), MUCCHIELLI (Jacques) & PERGER (Stéphane), Bara Yogoï. Sept autres lieux, Evry, Dystopia Workshop, 2010, 146 p.

 

Bien que n’ayant participé ne serait-ce qu’un chouia à la chose, je ne me sens pas d’en faire décemment une chronique.

 

 Aussi me contenterai-je de cette pub copinage : lisez Bara Yogoï, c’est un recueil qu’il est vach’ment bien.

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Pub copinage : "Bifrost", n° 58

Publié le par Nébal

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Bifrost, n° 58, Saint Mammès, Le Bélial’, avril 2010, 183 p.

 

Même si je n’ai pas participé à ce numéro en particulier, ben, ça reste Bifrost, quoi. Je ne peux donc pas décemment en faire une chronique.

 

 Aussi me contenterai-je de cette pub copinage : lisez Bifrost, c’est une revue qu’elle est vach’ment bien.

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"Starship Troopers", de Paul Verhoeven

Publié le par Nébal

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Titre original : Starship Troopers.

Réalisateur : Paul Verhoeven.

Années : 1997.

Pays : Etats-Unis.

Genre : Science-fiction.

Durée : 125 min.

Acteurs principaux : Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Jake Busey, Neil Patrick Harris, Clancy Brown, Patrick Muldoon, Michael Ironside…

 

 Hop, ma chro est à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard Cosmique.

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