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"Chien du heaume", de Justine Niogret

Publié le par Nébal

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NIOGRET (Justine), Chien du heaume, Paris, Mnémos, coll. Icares, 2009, 216 p.

 

Ayé ! J’ai enfin lu Chien du heaume de Justine Niogret ! J’aurai mis le temps, pour un bouquin acheté à sa sortie… Et je dois confesser que ma lecture (tardive) fut en outre quelque peu laborieuse. Mais n’en déduisez rien quant à la qualité dudit premier roman : c’est que, de manière générale, j’ai un peu de mal à lire en ce moment… D’où un rythme moins soutenu dans la rédaction de ce blog interlope, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

 

Mais revenons à Chien du heaume, qui est quand même nettement plus intéressant que ma petite vie pathétique. Un premier roman, disais-je (il y avait eu auparavant un recueil de nouvelles, dont je ne sais absolument rien), coup d’essai qui fut perçu par beaucoup comme un coup de maître : ledit livre a accumulé distinctions et critiques élogieuses. Bon, d’accord, les prix, c’est de la merde (le plus souvent), et tout ça. Mais reconnaissons que tous ces avis flatteurs plaçaient la barre assez haut. Aussi espérais-je beaucoup de ce livre. Mes attentes ont-elles été comblées ? Eh bien, dans l’ensemble, oui. Mais c’est le genre de « oui » qui suppose un « mais ».

 

N’allons cependant pas trop vite en besogne, et commençons par nous poser une question de classification (donc une question particulièrement stupide) : Chien du heaume, est-ce, comme on l’a dit et comme la collection le laisse entendre, de l’imaginaire, et plus précisément de la fantasy ? Personnellement, j’aurais tendance à dire que non : ce roman, qui prend place (a priori) durant le haut Moyen Âge français, ne contient qu’un très léger élément de surnature, tellement léger qu’il en devient presque anecdotique, ou, plus exactement, semble parfaitement cohérent avec une trame de roman historique mettant en avant le réalisme. Certes, il y a bien, dans ce cadre, un élément d’atmosphère assez typique d’une certaine fantasy : le passage du monde païen au monde chrétien (je ne vous fais pas de dessin) (non, mais non, je dessine mal, en plus). Alors, oui, si l’on y tient vraiment, admettons ; mais j’ai quand même plutôt lu Chien du heaume comme un roman historique. Et, chose vraiment très rare : comme un bon roman historique. Et peut-être se serait-il plus vendu sous cette étiquette, mais bon, hein, on n’est pas des épiciers, non plus.

 

En tout cas, une chose est certaine : malgré la putain de grosse hache de la couverture et la neige qui y tombe à gros flocons, on est quand même très loin ici d’un David Gemmell (ouf). Comment dire… C’est comme qui dirait plus subtil. Et c’est assurément mieux écrit.

 

Le haut Moyen Âge français, donc (grosso merdo ; un pinailleur pourrait faire la fine bouche devant deux ou trois anachronismes, mais bon, hein, bon). Chien du heaume, c’est une mercenaire, qui parcourt le pays en quête de batailles. Chose absolument impensable pour une héroïne de fantasy barbare : ce n’est même pas une bonnasse, et son armure ne se réduit pas à un string de cuir. Ce qui est bien, déjà.

 

En quête de batailles, disais-je ? Oui, mais pas que. En fait, Chien du heaume est surtout en quête de son nom. De son vrai nom, pas du sobriquet qu’elle utilise au quotidien. Quête des origines (oui, maintenant que j’y pense, ça aussi c’est assez fantasy, mais bon, hein, bon), pour laquelle la guerrière ne dispose que de bien peu d’indices : pour l’essentiel, sa putain de grosse hache aux serpents, héritage de son (salaud de) père, qu’elle a (malencontreusement) tué alors qu’elle était toute jeunette (et elle n’a jamais connu sa mère).

 

En chemin, elle fera notamment la connaissance de Bruec, alias Sanglier, un chevalier qui demeure dans le castel de broe. Plutôt sympathique, pour un guerrier dans ce monde de brutes. Et qui fait tout son possible pour l’aider. Autre figure notable rencontrée par Chien au cours de ses pérégrinations : le forgeron Regehir (on parle beaucoup de forge dans le roman) (la quatrième de couverture nous apprend d’ailleurs que Justine Niogret n’a pas seulement le deuxième plus beau des prénoms féminins, mais qu’elle pratique aussi la forge et l’équitation) (chacun ses hobbys) (j’adore les quatrièmes de couverture de Mnémos) (j’aime bien les parenthèses, aussi) (chacun ses hobbys).

 

Sur ces bases, pas grand-chose de plus à dire : l’intrigue est pour le moins minimaliste, le cadre relativement abstrait. Chien du heaume, en fait, est à mes yeux surtout un roman d’ambiance. Et c’est à cet égard une belle réussite. On y croit, à ces personnages, et à ce monde changeant et sauvage (mais qui ne se limite pas, heureusement, aux clichés généralement véhiculés sur le haut Moyen Âge). Et on y croit surtout du fait de la très jolie plume de Justine Niogret, qui fait dans le médiévalisant, chose fort dangereuse, mais elle s’en sort remarquablement bien. Oje !

 

Chien du heaume, Sanglier et Regehir sont en outre des personnages fort bien campés et tout à fait attachants, tandis que l’auteur nous prodigue aussi de beaux portraits de salopards finis. On s’attache à toutes ces figures, finalement plus nuancées qu’il n’y paraît, on partage leurs inquiétudes et douleurs, et on prend ses aises (autant que faire se peut) dans le castel de broe.

 

Une belle réussite, donc. Sur le plan formel, c’est indéniable (même si une ou deux couches de relecture supplémentaires auraient pu être utiles pour décoquiller la chose et sabrer quelques répétitions intempestives), et tout à fait remarquable pour un premier roman. Sur le fond, c’est pas mal du tout aussi, même si peut-être un peu trop minimaliste, donc.

 

Cependant, on peut bien se demander, avec le recul, si Chien du heaume méritait tant d’éloges et de récompenses… Personnellement, même si j’ai beaucoup aimé ce livre, et si je lui reconnais une qualité bien supérieure aux tombereaux ineptes de sous-fantasy française et au-delà, je n’en suis pas persuadé. On s’enflamme vite, dans le landernau de l’imaginaire. Et peut-être un peu trop, des fois… En même temps, je dis ça, je me suis moi-même largement enflammé pour un Jaworski, par exemple ; mais justement, tiens : je trouve ce dernier, dans ce registre, plus convaincant. Plus à l’aise pour ce qui est de divertir, en tout cas. Justine Niogret a peut-être (ici, en tout cas) davantage d’ambition, mais, tout en remplissant parfaitement son contrat, elle me paraît juste un cran en-dessous. Ceci dit, il ne sert sans doute pas à grand-chose de comparer ces deux auteurs, qui ont chacun leur univers, leur plume et leurs procédés… Et ce sont bien, tous les deux, des auteurs, justement, et non des faiseurs ; et ça, ça fait du bien, bordel.

 

Allez : à suivre avec Mordre le bouclier.

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"SYR 9 : Simon Werner a disparu", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, SYR 9 : Simon Werner a disparu

 

Tracklist :

 

01 – Thème de Jérémie

02 – Alice et Simon

03 – Les Anges au piano

04 – Chez Yves (Alice et Clara)

05 – Jean-Baptiste à la fenêtre

06 – Thème de Laetitia

07 – Escapades

08 – La Cabane au Zodiac

09 – Dans les bois / M. Rabier

10 – Jean-Baptiste et Laetitia

11 – Thème de Simon

12 – Au café

13 – Thème d’Alice

 

Il y a pas mal de temps de cela, je m’étais engagé, comme ça, dans une rétrospective de l’ensemble de la discographie du phénoménal groupe qu’est Sonic Youth. Bon, bien évidemment, je ne l’ai jamais terminée… C’est qu’ils ont été productifs, les bougres, en une trentaine d’années de carrière ! Je vous rassure (ou pas), je ne compte pas reprendre ce projet et le mener à terme, si tant est qu’une telle chose soit possible. Cependant, j’ai récemment fait l’acquisition de trois disques soniques qui manquaient à ma collection, et j’ai été tellement séduit par l’un d’entre eux que je ne peux résister à l’envie de vous en toucher deux mots. Il s’agit donc de Simon Werner a disparu, bande originale (pardon : « original enregistrement sonore ») du film éponyme de Fabrice Gobert (a priori une sorte de thriller adolescent ; je n’en sais pas plus, ou si peu, mais il paraît que c’est pas mal) (et pourtant, c’est un film français) (dingue, ça).

 

Simon Werner a disparu constitue donc le neuvième titre de la série des Sonic Youth Records (SYR), mais, disons-le tout net, cette classification peut paraître contestable eu égard aux précédents titres de la série (la plupart du moins) : on est très loin ici de l’expérimentation sauvage de, par exemple, SYR 8 (avec Merzbow ; excellentissime, celui-ci) ou SYR 6 (dont j’ai fait l’acquisition en même temps que cette BO, et qui est de même tout à fait recommandable), sans parler de SYR 4 (que là c’était trop pour ma pauvre petite gueule…). Non : si SYR 9 n’est pas un album de Sonic Youth comme les autres (essentiellement du fait de son caractère purement instrumental), on ne le qualifiera pas pour autant d’album expérimental.

 

Ceci étant, si cet album est plus « normal » et immédiatement accrocheur que les autres Sonic Youth Records, il n’en est pas moins tout à fait séduisant, et, bien loin de toute « compromission », constitue une très belle pièce de musique instrumentale. En fait, j’aurais même envie pour ma part, après seulement quelques écoutes, de le hisser au rang des meilleures productions de nos plus si jeunes gens néanmoins toujours assez soniques, finalement ; beau témoignage de la créativité sans cesse renouvelée des plus illustres vétérans de la no wave et de la noisy pop.

 

Pourtant, les quelques critiques que j’ai pu en lire sont loin d’être très enthousiastes… On a accusé Sonic Youth de se répéter, de faire dans la B-side de luxe, de chercher (comme si c’était encore nécessaire) à en rajouter dans l’affichette arty en collaborant à un film frrrrrrrançais (ce qui n’est pas une première pour le groupe, qui avait déjà travaillé avec Assayas), de se perdre dans une triste impasse en dissociant autant albums expérimentaux et albums « normaux » (critique d’autant plus improbable que Simon Werner a disparu semble justement, à sa mesure, faire le raccord entre les productions « classiques » du groupe et les SYR)…

 

Ben je suis pas d’accord avec tout ça. Si l’on excepte (donc) le superbe SYR 8, improvisation live de près d’une heure avec Merzbow, cela faisait un bout de temps qu’un disque de Sonic Youth, SYR ou pas, ne m’avait pas autant parlé. Non que les derniers albums du groupe soient franchement mauvais, hein (à part peut-être Rather Ripped, le seul album de Sonic Youth à m’avoir laissé totalement froid) ; seulement, ça faisait un bail que je n’avais pas entendu de leur part quelque chose d’aussi bluffant que – allez, choisissons-en un – le long « Thème d’Alice » qui clôt l’album. Peut-être depuis Washing Machine, en fait (même si je n’irais pas jusqu’à dire que c’est aussi bon que « The Diamond Sea », qui reste sans doute mon morceau préféré du groupe, il faut savoir raison conserver).

 

C’est qu’il y en a, quoi qu’on ait pu en dire, des bonnes choses dans cette bande originale. Une composition qui forme un tout, rythmée par des leitmotivs et autres thèmes récurrents, traversée d’explosions guitaristiques rafraîchissantes rappelant les meilleures heures du groupe, et émaillée d’ambiances tout en nuances, mi lumineuses, mi glauques, constituant au final une fort belle assise pour un film. Sans rien connaître de la réalisation de Fabrice Gobert, et en préférant faire l’impasse sur les quelques photographies (peu engageantes) qui ornent ce SYR 9 (couverture mise à part, que j’aime beaucoup), j’ai des images plein la tête à l’écoute de cette bande originale, je sens l’histoire se déployer, faite de rappels et de résurgences soudaines, tantôt apaisée, tantôt angoissante. J’y retrouve avec beaucoup de plaisir le son du groupe à son meilleur, qui ose parfois se livrer à quelques innovations bienvenues (si le piano n’est pas une première, son usage est quand même très limité dans la discographie sonicyouthesque), et oscille avec grâce entre pop léchée et illustration sonore juste un poil plus déviante (mais le poil qu’il faut, celui qui fait toute la différence).

 

Paradoxalement (ou pas), cet album respire la liberté dans sa forme la plus ludique ; on y sent les Sonic Youth enjoués, libérés du carcan de la mélodie pop comme de celui, non moins contraignant, de l’expérimentation à tout crin. On y retrouve, du coup, à mon sens tout du moins, une spontanéité qui faisait souvent défaut dans les plus récentes productions du groupe, généralement trop « ceci » ou trop « cela ». Ici, ben, on a Sonic Youth, quoi ; un groupe libre, donc, qui n’en fait qu’à sa tête pour notre plus grand plaisir (et sans doute aussi le sien). Simon Werner a disparu a en effet quelque chose du pied de nez (pour ne pas dire du gros « fuck ») majestueux à l’égard des règles que le groupe s’est lui-même fixées depuis une quinzaine d’années, à plus ou moins bon droit, et, du coup, des attentes les plus intégristes de certains fans, qui ne sauraient concevoir Sonic Youth que sous son versant pop ou que sous son versant expérimental. Aussi, en n’étant pas véritablement (donc) un Sonic Youth Record, et pas davantage un album « normal », Simon Werner a disparu a quelque chose de la salutaire bouffée d’oxygène, trouvé-je.

 

Finalement, c’est encore comme ça que je les préfère, les Sonic Youth. Et sans cracher pour autant sur ce qu’ils ont fait depuis Washing Machine, je maintiens : cela faisait longtemps qu’un enregistrement de Thurston Moore, Lee Ranaldo, Kim Gordon et Steve Shelley (avec aussi Jim O’Rourke) ne m’avais pas autant parlé, à quelques exceptions près. Aussi, bien loin de faire la fine bouche comme semble-t-il un certain nombre de personnes, je vais laisser s’exprimer le petit fanboy en moi, et vous recommander chaudement ce Simon Werner a disparu.

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Rencontre avec Percival Everett à Charybde (31/01/2013)

Publié le par Nébal

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