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"Dans la brume électrique avec les morts confédérés", de James Lee Burke

Publié le par Nébal

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BURKE (James Lee), Dans la brume électrique avec les morts confédérés, [In the Electric Mist With Confederate Dead], traduit de l’américain par Freddy Michalski, Paris, Rivages, coll. Noir, [1992, 1995] 1999, 479 p.

 

Voilà encore un roman que j’avais envie de lire depuis un petit moment – au moins depuis son adaptation cinématographique –, et pas seulement en raison de son titre aussi splendide qu’intriguant. J’en avais en effet eu quelques échos, qui faisaient de ce livre un des meilleurs de James Lee Burke (jamais lu par ailleurs…), un très bon polar mâtiné, ce qui ne gâche très certainement rien, de quelques éléments fantastiques. Et, disons-le tout de suite, je n’ai pas été déçu. Car Dans la brume électrique avec les morts confédérés est certes un bon, et même un très bon polar, mais il brille surtout à mon sens par son ambiance incomparable ; et si le fantastique est en définitive assez discret, il y contribue néanmoins, en sus du très beau cadre qu’est la Louisiane du sud.

 

Dave Robicheaux est un flic à New Iberia. Et on peut même supposer que c’est un bon flic, avec tout ce que cela implique selon les canons du genre ; disons qu’il a des méthodes pas toujours très orthodoxes, qu’il est un brin réac, et qu’il a un goût prononcé pour les punchlines de dur à cuire. Un personnage un peu cliché au premier abord, donc, mais qui n’en constitue pas moins en définitive un narrateur de choix pour une intrigue complexe.

 

Au départ, il y a le viol et le meurtre (pas forcément dans cet ordre…) de Cherry LeBlanc, une jeune prostituée. Robicheaux est sur le coup, mais les pistes manquent ; a-t-on affaire à un maniaque type tueur en série ? Ce n’est pas exclu, auquel cas il vaudrait mieux le serrer avant qu’il ne recommence…

 

Mais le FBI (« Foutoir, Boxon et Incompétence ») vient fourrer son nez à New Iberia, en la personne de l’agent Rosie Gomez. Et le Bureau a sans doute quelque chose d’autre derrière la tête ; comme faire tomber le redoutable Julie « Baby Feet » Balboni, mafieux notoire qui fait son retour dans la petite ville après avoir fait fortune à la Nouvelle-Orléans… et qui se trouve être un ancien « camarade » de classe de Robicheaux, qui lui en doit une.

 

Et ce n’est pas tout. Alors que Dave rentré harassé du boulot, il est amené à arrêter pour conduite en état d’ivresse l’acteur hollywoodien Elrod Sykes, qui a un sérieux problème avec la boisson (de même que Robicheaux en son temps…). Sykes n’est pas une mauvaise poire, c’est même quelqu’un de plutôt sympathique, même s’il est définitivement en quête d’un baby-sitter qu’il croit avoir trouvé en Robicheaux. Mais il « voit » des morts. Tout d’abord le cadavre d’un Noir non identifié, réduit à l’état de momie… qui pourrait bien correspondre à la victime d’un lynchage auquel Robicheaux avait bien malgré lui assisté tout gamin, en 1957, mais qui n’avait jamais été puni.

 

Et ensuite… faut-il mettre cela sur le compte de l’alcool ? c’est tentant, certes… Toujours est-il que Sykes voit aussi des soldats confédérés en piteux état dans le bayou ; des soldats bien différents des figurants du film épique sur la guerre de Sécession qu’il est en train de tourner à Spanish Lake… Ce ne pourrait être que les élucubrations d’un pochard, certes ; si ce n’est que Robicheaux lui aussi se met à les voir, ces morts confédérés dans la brume électrique…

 

Tout ne plaide pas en faveur du roman de James Lee Burke, ce qui prohibe à mon sens la qualification de chef-d’œuvre : on relève ainsi, hélas, un certain nombre de clichés, dans les personnages comme dans l’intrigue, dont on se serait assurément passé ; notons aussi que si la plume de l’auteur est dans l’ensemble aussi travaillée qu’agréable, elle fait parfois preuve d’une certaine lourdeur dans l’accumulation de métaphores et comparaisons plus ou moins bienvenues.

 

Mais on ne va pas bouder son plaisir : Dans la brume électrique avec les morts confédérés est bien un excellent polar. L’histoire est aussi palpitante que complexe, avec des touches de thriller étrangement pas désagréables. James Lee Burke est à n’en pas douter un conteur talentueux, qui sait mener son lectorat en bateau avec adresse, et le gratifie régulièrement de séquences remarquables, dans tous les registres que le genre autorise. Par ailleurs, si les personnages, Robicheaux en tête, ne sont pas exempts de reproches, on reconnaîtra sans peine que l’auteur sait en jouer, et qu’ils sont dans l’ensemble fort bien campés.

 

Mais ce qui fait donc la grande force du roman de James Lee Burke, c’est son ambiance tout à fait singulière. Il y a tout d’abord ce superbe cadre qu’est la Louisiane du sud – avec quelques incursions à la Nouvelle-Orléans –, qui permet de bien mettre en valeur tant les personnages que l’intrigue. On est ici au cœur d’un « Sud profond » bien particulier, avec son influence française et catholique, sa corruption généralisée et son racisme endémique. L’héritage de l’esclavage reste très présent… et se trouve logiquement mis en lumière, au-delà du lynchage de 1957, par les quelques éléments fantastiques de l’intrigue, avec ces valeureux soldats de la Confédération qui se battent et meurent pour la plus bête des causes. James Lee Burke, ici plus qu’ailleurs, se montre particulièrement talentueux : on arpente avec Robicheaux le bayou et les bleds qui y sont paumés, et l’on subit fasciné les incursions étranges de la brume électrique, rares, certes, mais toujours marquantes. Il se dégage du coup du roman un parfum incomparable et immédiatement séducteur, qui n’est pas pour rien dans sa réussite. C’est à vrai dire sur ce plan qu’il est irréprochable. On n’en regrette que davantage les quelques faiblesses du « polar de base » sous-jacent…

 

Il n’en reste pas moins qu’au final Dans la brume électrique avec les morts confédérés tient toutes ses promesses. Bon roman noir, divertissement efficace, il se trouve transfiguré par son ambiance si particulière, qui lui confère un vernis bien supérieur ; un bien bel exemple d’une œuvre « de genre » qui, malgré son usage forcé des codes, trouve à s’élever avec grâce au rang de la meilleure littérature, toutes étiquettes confondues. Chaudement recommandé.

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"The Major Works of H.P. Lovecraft", de John Taylor Gatto

Publié le par Nébal

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GATTO (John Taylor), The Major Works of H.P. Lovecraft. A Critical Commentary, New York, Simon & Schuster – Monarch Press, coll. Monarch Notes, 1977, 110 p.

 

Allez, une dernière lovecrafterie pour la route, après quoi je fais une pause.

 

Voici un petit livre dont je n’attendais sans doute pas grand-chose : S.T. Joshi avait émis à son encontre un jugement négatif (mais laconique) dans I Am Providence, et Celui Qui M’a Généreusement Permis De Lire Tout Ça (que Son nom soit loué au cours d’infinis éons) m’avait prévenu que son contenu était largement obsolète. Tout cela est assez vrai, et on ne saurait nier que l’exégèse lovecraftienne a fait bien des progrès depuis la parution de ce The Major Works of H.P. Lovecraft.

 

D’un autre côté, l’existence même de ce petit ouvrage du professeur John Taylor Gatto m’a passablement surpris, et plutôt agréablement – je ne pensais franchement pas qu’il était possible de trouver dès 1977 un « Monarch Notes » (équivalent américain de « Profil d’une œuvre », en gros ; HPL aurait sans doute aimé cette désignation, lui qui n’avait que mépris pour l’abjecte révolution américaine qui a coupé les colonies de la Mère Patrie…) consacré au Maître de Providence. En soi, ce simple fait mérite d’être noté, et sans doute loué ; c’est probablement une étape importante dans la reconnaissance et légitimation de Lovecraft et de son œuvre.

 

C’est donc avec un sentiment mitigé, quelques appréhensions mais aussi une sincère curiosité, que j’ai entamé la lecture de ce petit volume « scolaire ». Et, au final, même si j’ai effectivement de nombreuses réserves à émettre sur le travail de John Taylor Gatto, je n’ai quand même pas trouvé cela « si » mauvais que ça. Remis dans son contexte, ce The Major Works of H.P. Lovecraft me paraît donc plutôt appréciable, même s’il n’a plus guère aujourd’hui d’intérêt qu’en tant que curiosité.

 

Mais le terme a été lâché : il s’agit bel et bien d’un ouvrage « scolaire », rédigé et organisé en fonction des attentes d’un public étudiant (« l’étudiant » est régulièrement interpellé tout au long du livre), avec tout ce que cela peut impliquer d’analyse un peu artificielle et de vulgarisation (je ne m’étendrai d’ailleurs pas sur la fin de l’ouvrage, qui, avant de se pencher sur la bibliographie, livre des sujets de dissertation et des thèmes clefs de l’œuvre).

 

The Major Works of H.P. Lovecraft s’ouvre en toute logique sur un chapitre biographique. C’est bref, trop sans doute, mais plutôt convaincant eu égard à ce que l’on pouvait savoir de la vie de l’auteur en 1977. Pas trop mal, donc, même si on se serait sans doute passé de quelques interprétations psychanalysantes plus ou moins bienvenues.

 

Suit un chapitre insérant Lovecraft dans la tradition du « grotesque ». Développements plutôt intéressants, quand bien même on frôle plus qu’à son tour le hors-sujet. L’accent est cependant mis sur certaines particularités non négligeables de la plume de Lovecraft, dont une qui est trop peu souvent évoquée : son humour…

 

Brèves considérations ensuite sur « l’esthétique de l’horreur », avant de passer à une étude hélas assez laborieuse et beaucoup trop englobante (Lovecraft s’y perd dans son « premier cercle » d’imitateurs) du « Mythe de Cthulhu », nécessairement imprégnée, même si c’est bien entendu regrettable, de la vision derlethienne de la chose, avec ses dieux « bons », « l’expulsion » des Grands Anciens, et en guise de « justification » la fameuse lettre sans doute apocryphe faisant de l’ensemble de l’œuvre de Lovecraft un « cycle » plus ou moins cohérent ; on notera cependant que John Taylor Gatto rejette à bon droit le parallélisme établi par Derleth avec la tradition chrétienne, ayant bien conscience de l’athéisme et de l’indifférentisme de Lovecraft. Mais, du coup, ce chapitre-là est passablement confus, et résolument obsolète, pas de doute cette fois.

 

La suite, c’est le gros morceau : l’analyse (généralement peu poussée, et mettant toujours l’accent sur un point particulier au détriment de tout le reste) de quelques unes des principales œuvres de Lovecraft. On notera pour commencer que cette sélection, nécessairement arbitraire, a de quoi laisser perplexe. On y trouve en effet un texte aussi mineur et dispensable (et puant, mais c’est autre chose, et Gatto ne le nie pas) que « The Horror at Red Hook », là où d’authentiques classiques de Lovecraft sont tout simplement ignorés (parmi lesquels, pour retenir quelques exemples frappants, « L’Abomination de Dunwich », « La Quête onirique de Kadath l’Inconnue » et plus généralement les textes dits « des Contrées du Rêve », ou encore, et c’est là à mon sens particulièrement regrettable dans la mesure où ces œuvres témoignent d’un aspect fondamental de la fiction lovecraftienne et d’une évolution considérable de sa conception du « weird » et, en fait, de la science-fiction, « Les Montagnes Hallucinées » et « Dans l’abîme du temps »). On y trouve donc des commentaires pour le coup effectivement très scolaires de « Les Rats dans les murs » (interprétation plutôt alambiquée), « L’Appel de Cthulhu », « La Couleur tombée du ciel », « Celui qui chuchotait dans les ténèbres », « L’Horreur à Red Hook », « Le Cauchemar d’Innsmouth », « La Maison de la sorcière », « L’Affaire Charles Dexter Ward », « Celui qui hantait les ténèbres » et, en guise de conclusion, « Épouvante et surnaturel en littérature ». L’analyse, toujours un brin superficielle, parfois un peu capillotractée, et même à côté de la plaque à l'occasion, ne convainc jamais totalement (et vire parfois dans le délire intégral…), mais n’est pas entièrement à jeter. On notera par contre, ce qui est à la fois admirable, étonnant, et un peu malvenu dans un ouvrage « critique », l’enthousiasme sans mélange dont fait preuve l’auteur à l’égard de l’œuvre lovecraftienne ; il ne tarit pas de louanges, et pas toujours à très bon droit…

 

Reste enfin, avant les annexes les plus « scolaires », un chapitre consacré à la redécouverte, à la résurrection même, de l’œuvre de Lovecraft, et à sa réception critique. De l’eau a bien entendu coulé sous les ponts, qui rend cette partie de l’ouvrage franchement datée, mais, à titre de curiosité, ce n’est pas inintéressant.

 

Jugement qui vaut à mon sens pour l’ensemble de The Major Works of H.P. Lovecraft, finalement. C’est certes très dispensable, mais, bon, pas si pire… Et je ne peux m’empêcher de noter, encore une fois, que la publication de ce petit volume en 1977, avec tout ce qu’elle a de surprenant, constitue plutôt une bonne chose. Contexte…

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Grandeur et décadence de l'Humour de Droite

Publié le par Nébal

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Bon, j’ai déjà parlé de tout ça sur Facebook, mais ça m’a tellement énervé, et, quelque part, ça me paraît tellement représentatif d’une vilaine tendance que j’exècre, que j’ai ressenti le besoin d’y consacrer un petit billet, histoire que ça ne sombre pas tout de suite dans les limbes du ouèbe.

 

Donc, petit rappel des faits. L’Humour de Droite, vous connaissez nécessairement : cette page Facebook, avec compte Twitter associé, a connu son heure de gloire quand Naboléon était président de la République. Comme beaucoup, j’admirais l’humour et la pertinence de cette page, qui semblait toujours au courant des pires crasses de la majorité d’alors, et de l’extrême droite aussi tant qu’à faire, et savait en parler avec un sens de la dérision et de la satire remarquable. Je ne compte pas les statuts que j’ai partagés, et qui m’ont valu autant de barres de rire que de légitime indignation. Pour dire les choses, l’Humour de Droite me paraissait constituer une sorte de type-idéal de la page militante, qui savait exprimer ses idées avec pertinence et drôlerie, sans sombrer dans la stérilité haineuse et bêtement partisane si commune en la matière. Et qui savait pratiquer en outre avec astuce le détournement, procédé qui m’a toujours été cher.

 

Mais ça, c’était avant.

 

En effet, depuis un certain temps – depuis que Sarko s’est cassé de l’Élysée, peut-être ? – l’Humour de Droite ne me faisait plus que très rarement rire, et me paraissait nettement moins pertinent qu’autrefois. J’y trouvais en fait désormais les défauts que j’étais heureux de ne pas rencontrer à la grande époque. Y a-t-il eu changement de tenancier ? Je n’en sais rien, mais n’en serais pas plus surpris que ça. Parce que, franchement, ce n’est plus la même chose.

 

J’ai longtemps fermé ma gueule, me contentant de regarder cette page autrefois adorée d’un œil distrait et quelque peu navré. Et puis, hier, ça a été le message de trop. J’y ai en effet lu un bête statut formulé comme suit (et adapté sur Twitter) : « [ASTUCE] "liberté d'expression" dans une bio Facebook = Extrême-droite. » Ce qui ne m’a pas du tout fait rire, et m’a même franchement désolé.

 

Je m’explique. Je ne nie pas qu’il se trouve des connards à l’extrême droite de l’échiquier politique pour abuser du beau vocable de « liberté d’expression » et se planquer derrière pour balancer leurs élucubrations ; ce sont les mêmes qui se présentent volontiers comme « politiquement incorrects » et qui assurent lutter contre les « bobos », pour prendre d’autres expressions galvaudées et connotées. Seulement ça n’enlève rien à la légitimité de la défense de la liberté d’expression en tant que telle, principe auquel, vous le savez peut-être, je suis farouchement attaché. Certes pas en tant que faf : c’est plutôt, ici, de l’autre côté qu’il faut chercher (ou qu’il faudrait chercher, dans l’idéal…) ; je me répète un peu, mais voilà : je me considère libéral politique et libertaire, et c’est dans cette filiation idéologique que j’entends mener à ma manière, avec les maigres moyens dont je dispose, un combat en faveur des libertés publiques ; et parmi celles-ci, de la liberté d’expression. On connaît bien la sentence, faussement attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » Peu importe que cette attribution soit trompeuse (ce qui ne surprendra personne connaissant un tant soit peu Voltaire, au passage) ; cette déclaration ne m’en semble pas moins pertinente, et j’en fais un commandement de mes opinions politiques. Comme vous le savez peut-être encore une fois, j’ai travaillé un temps sur la répression politique sous toutes ses formes ; et si j’ai acquis une certitude dans cette matière autrement fort complexe, c’est bien celle-ci : la censure, quelle qu’elle soit, est au mieux inefficace, au pire contre-productive. Aussi ai-je toujours affiché mon rejet de toute forme de censure, ou autre discrimination ou sanction prenant pour seul critère des éléments d’ordre idéologique. Hélas, cette idée qui me paraît ne pas même nécessiter l’effort d’une justification est aujourd’hui régulièrement battue en brèche… et ce à droite comme à gauche. Chose qui me paraît franchement calamiteuse, et potentiellement dangereuse à terme.

 

Mais revenons au statut de l’Humour de Droite. Généralement, je ne commente pas sur les pages de ce genre, pas plus que je ne commente la presse en ligne (qui croulent de toute façon sous les commentaires, généralement hélas plus consternants les uns que les autres, je ne vous apprends rien…). Mais, cette fois, je n’ai pas eu envie de laisser passer ça, et j’ai naïvement répondu. J’ai dit, en substance, que cette assertion était fausse (plus tard, sur Twitter, j’ai dit « bête », bouh le vilain mot), et que je m’interrogeais sur la tournure que prenait depuis quelque temps l’Humour de Droite, en engageant la ou les personnes qui se trouvent derrière à se ressaisir, parce que je ne trouvais plus la page aussi drôle et pertinente qu’autrefois. Quelques commentaires plus tard, et quelques likes et une réponse amicale à mon commentaire en prime, qui m’a permis de clarifier ma position (le truc libéral/libertaire, donc), mon message, hop ! a été supprimé, et j’ai été banni de la page, ne pouvant plus dès lors ni commenter ni même me contenter du bête « j’aime » caractéristique de Facebook.

 

Ce qui m’a fait mal au derche, tout de même.

 

Sur Twitter – qui m’était toujours accessible – j’ai donc cherché à en savoir davantage. J’ai demandé naïvement pourquoi j’avais été bloqué – surtout quand on voit les authentiques fafs qui laissent leur merde sous ce fil sans être pour autant censurés, au passage… J’ai exprimé à nouveau mon inquiétude quant à la tournure prise par l’Humour de Droite, et on m’a répondu en substance que personne ne m’obligeait à le lire. Ah. Oui, certes. Mais c’est le genre de réponse qui sent pas très bon, tout de même. Et, au-delà, cette mesquine petite affaire – je sais que j’en fais tout un plat alors que vous vous en foutez très probablement – me paraît hélas symptomatique d’une « fausse gauche », que je ne peux que mépriser : celle qui balance les libertés aux orties. Le terme de « censure » peut paraître un peu fort pour quelque chose d’aussi anecdotique, mais, objectivement, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et que ce comportement émane de gens dont je partage a priori la majeure partie des idées politiques, voilà qui me navre terriblement.

 

J’ai donc laissé tomber, et quitté l’Humour de Droite, en leur souhaitant bon courage dans la vente de leurs sacs, qui semble constituer leur préoccupation essentielle ces derniers temps.

 

Je sais : avec ce billet, j’essaye un peu désespérément de créer une tempête dans un verre d’eau, ce que l’on peut légitimement trouver ridicule. On m’a encouragé à m’en foutre, ce qui serait sans doute la chose la plus sensée à faire. Mais je n’y arrive pas. Parce que, au-delà de mon misérable petit cas personnel, qui n’a certes aucune importance, il me semble que ce comportement de « faf de gauche » constitue à l’heure actuelle une sorte de tendance lourde, dont je trouve des traces un peu partout. J’ai l’impression que, dans son combat bien légitime et comme qui dirait naturel contre la droite et a fortiori l’extrême droite, une certaine gauche ou extrême gauche mélange un peu tout, et erre dangereusement sur les terres de son ennemi. La censure, de manière générale donc, m’ennuie, quand elle ne m’agace pas. Mais qu’elle émane d’un organe prétendument de gauche ! Et qu’elle sanctionne une critique aussi anodine que celle que j’ai pu faire ! Non, désolé, ça ne passe pas. Encore une fois, il s’agit de dépasser mon cas personnel : c’est au niveau des principes que je situe ma gêne. Et que ce comportement, en l’espèce, soit le fait d’un site que j’ai tant aimé autrefois, voilà qui me désole au plus haut point.

 

Bien évidemment, ne pouvant plus ni commenter ni quoi que ce soit, je n’ai plus aucune raison de continuer à suivre l’Humour de Droite. De cela je ne me plains pas : de toute évidence, je n’y trouvais plus ce qui faisait autrefois l’intérêt de cette page. Non, depuis quelque temps déjà, l’Humour de Droite ne me fait plus rire ; et maintenant, il m’énerve carrément. Alors ciao bande de nazes, donc ; continuez si ça vous chante de jouer aux petits fachos prétendument de gauche ; tripotez-vous devant l’adulation d’ahuris qui laissent passer les aspects les plus crétins de votre discours ; mais ce sera sans moi.

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"Quién es ?", de Sébastien Doubinsky

Publié le par Nébal

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DOUBINSKY (Sébastien), Quién es ?, Paris, Gallimard – Joëlle Losfeld, coll. Littérature française, 2010, 82 p.

 

« Western Summer », suite, mais avec un auteur français cette fois, même s’il vit au Danemark et écrit également en anglais (c’est pénible, les surdoués). Là encore, il y eut une intense propagande en faveur de Sébastien Doubinsky, mais je n’avais pas encore trouvé d’occasion de le lire. C’est désormais chose faite, avec ce très court roman (cette novella, disons) qui s’inscrit en plein dans mon cycle de lecture estival.

 

« Qui est-ce ? » Eh bien, non, pour une fois, ce n’est pas le plombier (pardon), mais bien plus probablement Pat Garrett, dans la mesure où il s’agit là des dernières paroles de William Bonney, alias Henry McCarty, alias William Antrim, alias Billy the Kid. Vingt ans, probablement pas toutes ses dents, mais déjà une légende de l’Ouest, une des plus fameuses et fascinantes, sans doute. Billy the Kid, c’est Rimbaud ou Saint-Just avec une Winchester 73, qui traverse l’histoire héroïque et mythique de l’Ouest à la vitesse d’une balle, ce qui suffit amplement pour laisser son empreinte (sanguinolente, comme de juste).

 

Et, sous la plume inspirée de Sébastien Doubinsky, Billy the Kid se livre. Quién es ? est un monologue, autant dire une confession (à qui ? c’est l’évidence même, mais ne dévoilons pas la fin ici, ce serait mal…). Dans les dernières heures précédant son destin tragique, Billy balance tout ce qu’il a sur le cœur, le bâtard. Et il tourne et vire autour de la notion de commencement, quand c’est bel et bien la fin qui s’approche. Car il faut bien que les choses aient un début. Pour Billy, ce ne fut pas sa naissance de père inconnu et d’une mère qui l’a abandonné, du moins il ne le croit pas ; ce ne fut pas non plus la première fois qu’il a volé du bétail, ou encore la première fois qu’il a tiré sur des boîtes de conserve avec un pistolet ou une carabine, mais bien plutôt quand la brute Windy Cahill a posé sa lourde main sur son épaule à la cantina. Il faut dire que, comme on le lui avait souvent dit, Billy cherche les emmerdes – même si lui pense plutôt que ce sont les emmerdes qui le cherchent.

 

Et, en confessant tant bien que mal, après moult détours, ce commencement, c’est au final – vraiment final – toute sa courte vie que Billy balaye du regard. Une vie tumultueuse, celle d’un outlaw qui se prend pour un justicier, même s’il n’a rien d’un Robin des Bois. Un desperado, plutôt, donc. Un voleur, oui, mais pas de banques ou de chemin de fer (c’est vulgaire, et il y a des innocents dans les parages). Un tueur, mais pas sans raison, quand bien même la raison peut être mauvaise. Un fils de pute, oui, mais qui trace sa route contre vents et marées, en s’affirmant pour ce qu’il est au-delà de ses identités multiples. « There is honor among thieves », comme c’est qu’on dit, et Billy n’en doute pas un seul instant, lui qui voue un attachement sans faille à ses compadres, à ses Regulators, et n’hésite pas à faire dans la vengeance froide pour dénoncer les exactions de tel shérif, puisque le gouverneur n’agit pas. Oui, Billy rêve de « justice »…

 

Mais ce Billy-là n’a peut-être pas grand-chose à voir avec la réalité historique de l’outlaw, et bien plus avec sa légende outrée. Pas un hasard, sans doute si, dans Quién es ?, malgré la menace qui pointe toujours pour le lâche auditeur de se faire descendre, même dans le dos, malgré l’alcool dont on suppose l’orateur imbibé plus que de raison, sinon de coutume, le fait est que Billy se montre philosophe, et poète. Je reprends mon Rimbaud où je l’avais laissé tout à l’heure (hop) : le bâtard armé, en tournant autour du pot, s’arrêtant longuement sur le geste fatal de Windy Cahill, s’interroge sur le sens de la vie – sa vie, mais celle des autres aussi, celles des amis morts au combat, celles des salauds qu’il a lui-même abattus en représailles ; et, si son discours est nécessairement décousu, il ne manque pas pour autant de grâce comme de lucidité, celles d’un poète forcément voyant. L’étoile filante de l’Ouest, dans sa confession, se livre à une réflexion complexe, dépassant les seuls moyens que sa maigre éducation a pu lui fournir. Il n’est sans doute pas très crédible, non – mais il est néanmoins vivant, il incarne quelque chose : sa propre légende, dont il a conscience.

 

On ne fera pas de Quién es ? un incontournable du genre – d’autant que, d’un point de vue bêtement matériel, c’est quand même bien bref et bien cher… Mais c’est néanmoins un petit livre original, bien vu même si guère crédible (peu importe), et qui se lit avec un plaisir constant et un art consommé du suspense, au sens où l’on sait ce qui va se produire, on sait ce qui va se passer avec Windy Cahill, on sait que Pat Garrett attend dans l’ombre, mais on veut quand même lire les choses, pour en avoir la certitude et se délecter de la plume de l’auteur. Ce qui n’est pas rien, et est même assez remarquable.

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"El último lector", de David Toscana

Publié le par Nébal

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TOSCANA (David), El último lector, [El último lector], traduit de l’espagnol (Mexique) par François-Michel Durazzo, Paris, Zulma, coll. Z/a, [2005, 2009] 2013, 187 p.

 

Note pour moi-même (je ferais bien de la méditer, celle-là…) : éviter de dire trop de bien des livres, même de ceux qu’on a vraiment adoré, parce que l’on risque ainsi de susciter la déception chez des lecteurs moins enthousiastes ; de la mesure en toutes choses, quoi. Parce que voilà : El último lector de David Toscana, on m’en avait dit beaucoup de bien (je ne dirais pas qui pour ne pas faire de publicité à l’excellent Jules Abdaloff, mais il n’était pas le seul, loin de là) ; aussi avais-je hâte de lire la chose, et j’ai profité de la ressortie de ce court roman dans la collection poche de Zulma pour enfin me lancer dans cette entreprise. Et au final, même si je ne prétendrai pas qu’il s’agit là d’un mauvais roman, certes non, pas plus que je ne dirai ne pas l’avoir aimé de bout en bout, le fait est que je suis déçu ; loin d’avoir comblé toutes mes attentes, il est vrai fort élevées, le petit livre de David Toscana m’a en définitive laissé comme un goût amer en bouche… Et je m’en veux un peu de le confesser, tant je respecte l’avis des amateurs ; serait-ce alors que je suis passé complètement à côté ? C’est possible, oui… c’est toujours possible. Mais je vous laisserai juges.

 

Adonc. Nous sommes au Mexique, dans le petit village d’Icamole accablé par la sécheresse. Les ouailles prient en vain à la chapelle Saint-Gabriel-Archange que Dieu veuille bien leur faire offrande de sa pluie, et subsistent en attendant grâce aux bidons d’eau que le vieux Melquisedec transporte du village voisin mais bien mieux loti de Villa de García. Et puis, par une journée nécessairement torride, le seul homme du village à avoir encore un peu d’eau dans son puits, Remigio, y découvre le cadavre d’une petite fille… Embarrassé par sa découverte – on le serait à moins –, Remigio s’en va demander conseil à son père, Lucio, le « bibliothécaire » du village. Enfin, ça, c’était avant… sa bibliothèque n’a plus d’existence légale, et personne ne vient jamais pour y lire des livres.

 

Mais Lucio passe néanmoins son temps dans les livres. Les mauvais, surtout, qu’il « censure » impitoyablement au moindre défaut, chaque fois qu’un auteur en quête de prix et de lecteurs trahit la vérité ou cède à la facilité des clichés. Ce qui est le cas d’une très grande majorité de livres… Mais il y en a quelques-uns que Lucio juge néanmoins dignes d’êtres lus, comme La Mort de Babette de Pierre Laffitte. Pour lui, d’ailleurs, ça ne saurait faire de doute : le petit cadavre du puits de Remigio ne peut être que Babette. C’est que Lucio vit par et pour les livres, et interprète tout à travers le prisme de ses lectures. Mais quand Remigio enterre Babette sous son avocatier aux si beaux fruits, ce n’est encore que le début d’une histoire faite de lectures imbriquées et doctement commentées, de la visite de la police à celle de la mère de Babette… qui se trouve être une lectrice, horreur glauque.

 

Vous l’aurez compris, David Toscana fait ici dans le méta-machin post-post-post-post-post-moderne : un livre sur les livres, où les auteurs, les éditeurs, les traducteurs, les correcteurs et surtout les lecteurs sont systématiquement interpellés. D’un style un brin déconcertant mais indéniablement charmeur, l’auteur traite avec astuce de son sujet, passant de la sordide « réalité » du sordide fait-divers à de plus hautes élucubrations livresques, enfin, pas toujours si hautes que ça, et El último lector fait à n’en pas douter preuve d’intelligence comme de goût dans son entreprise de déconstruction et reconstruction.

 

Mais c’est en fait, en ce qui me concerne tout du moins, une partie du problème… Pour reprendre les mots de la (très mauvaise) quatrième de couverture, le roman de David Toscana est « virtuose ». Oh que oui. Mais ce terme-là est à double tranchant : il a toujours laissé supposer pour moi une forme de vanité toute de m’as-tu-vu… Et c’est bien en définitive le sentiment désagréable que m’a laissé El último lector. C’est brillant, oui, mais au sens tape-à-l’œil et aveuglant. J’ai eu l’impression d’un auteur qui se regarde écrire et plus encore penser. Chose qui peut facilement devenir agaçante…

 

En fait, j’ai même fini par trouver le court roman de David Toscana aussi antipathique que son insupportable personnage principal, ce en quoi je suis peut-être tombé dans un méta-piège du méta-écrivain ; car Lucio est à vomir, et ce n’est certes pas là en temps normal quelque chose qui me dérange : les habitués de ce blog savent que j’ai toujours eu une certaine prédilection pour les personnages de salauds magnifiques, poussant éventuellement le cynisme jusqu’à la monstruosité, ou se contentant d’en exhiber avec arrogance la froideur. Lucio est un connard, mais c’est sans aucun doute un bon personnage. Le problème, c’est que sa « pensée » imprègne tellement le roman qu’il devient difficile de faire le distinguo d’avec celle de l’auteur, et qu’elle en vient à constituer le livre lui-même. Livre que j’ai donc trouvé finalement un tantinet agaçant, voire plus qu’un tantinet, dans sa bête vanité teintée d’arrogance et de mépris. Un piège, peut-être, oui… Mais ce manque d’empathie m’a bel et bien perturbé, et a quelque peu entaché le plaisir que j’ai ressenti à la lecture de cette lecture de lectures.

 

Ou plutôt : le plaisir que j’aurais dû ressentir en temps normal… En effet, au-delà de la gêne suscitée par toutes ces qualités si flamboyantes qu’elles ne peuvent s’empêcher de sauter à la gueule du lecteur qui n’en demandait pas tant, le pauvre, le fait est que, tout au long du court roman de David Toscana, j’ai été partagé entre admiration un peu vaine (donc) et un vague ennui… Peut-être parce que tout cela, avec toute son astuce et son intelligence fièrement exhibées, m’a vite donné une impression de posture, d’artifice. Certes, c’est là le cœur de la littérature, j’imagine, et donc du propos d’El último lector ; mais cette fois l’artifice n’a pas pris, et la pirouette finale inévitable m’a paru plus navrante qu’autre chose.

 

Je ne peux pas vous déconseiller franchement la lecture de ce roman. Je ne nie pas un seul instant ses évidentes (trop évidentes) qualités. Mais, sur moi, cela n’a donc pas pris… et croyez bien, ô zélés propagandistes comme lecteurs de passage, que j’en suis le premier déçu.

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"Les Frères Sisters", de Patrick deWitt

Publié le par Nébal

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DEWITT (Patrick), Les Frères Sisters, [The Sisters Brothers], traduit de l’américain par Emmanuelle et Philippe Aronson, Arles, Actes Sud, coll. Lettres anglo-américaines, [2011] 2012, 357 p.

 

Malgré une intense propagande charybdéenne, je n’ai toujours pas lu Ablutions, le premier roman de Patrick deWitt (qui n’a cependant pas grand-chose à voir, j’imagine, avec le roman dont nous allons traiter aujourd’hui). Mais dans le cadre de ce « Western Summer » dans lequel je me suis lancé, il m’était bien entendu impossible de faire l’impasse sur ces Frères Sisters, qui, sous ce nom tout de même un brin loufoque, nous ramènent à la grande légende de l’Ouest, et plus précisément à celle de la ruée vers l’or en Californie.

 

Les frères Sisters – les légendaires frères Sisters –, ce sont Charlie, l’aîné, et Eli, le narrateur. Et ce sont des tueurs. Pourtant, en dépit des liens du sang et de leur commune profession, ce sont deux individus bien marqués, au caractère bien trempé. Charlie, ainsi, est d’une complète amoralité, et plus qu’un peu porté sur la boisson ; Eli, de son côté, le gros Eli, est nettement plus sentimental, ce qui l’amène tantôt à exprimer des remords quant à leurs coupables activités, mais aussi à succomber à de terribles crises de colère. Les deux font néanmoins la paire, et, dans leur profession, ce sont des sommités.

 

Ils travaillent souvent pour le mystérieux Commodore, basé à Oregon City. Et, en cette année 1851, le Commodore leur fournit une nouvelle tâche : il s’agit pour eux d’éliminer un certain Hermann Kermit Warm, chercheur d’or de son état, que le patron accuse de l’avoir voler. Accusation plus que douteuse, une fois n’est pas coutume… Mais nos deux anti-héros enfourchent néanmoins aussitôt leurs nouveaux chevaux – Eli ayant quelques problèmes avec son Tub, ne serait-ce que le fait qu’il soit nommé – et prennent la direction de la côte Ouest enfiévrée. Long périple pour un assassinat, qui les amènera à croiser, sur un mode picaresque, toute une kyrielle d’individus plus ou moins loufoques, victimes de la légende de l’Ouest et de la folie de l’or.

 

Le roman, constitué de chapitres généralement assez brefs, prend ainsi son temps pour nous faire arriver jusqu’en Californie, et est émaillé de saynètes piquantes, entre deux cuites de Charlie et deux déceptions sentimentales d’Eli (qui songe à se mettre au régime). C’est l’occasion de mieux cerner ces personnages remarquablement bien campés au-delà de la loufoquerie du premier abord, et d’apprendre à vivre avec eux jusqu’à ce que la mission débute véritablement.

 

Mais, bien sûr, les frères Sisters ne sont pas au bout de leurs surprises… et leur quête du chercheur d’or supposé voleur va les conduire à remettre en question leurs présupposés éthiques – si – et le bien-fondé de leur profession. Et le burlesque des premières aventures (quand même sanguinolentes) de Charlie et Eli, qui saura se montrer fort réjouissant pendant un bon moment, cèdera en définitive la place au tragique, l’hubris étant de la partie. Je m’en voudrais cependant d’en dévoiler trop, et m’en tiendrai donc là ; mais l’astuce avec laquelle Patrick deWitt ose le changement de registre, du comique assumé au franchement poignant, méritait d’être souligné.

 

Ce n’est assurément pas là la seule qualité de ces Frères Sisters, roman qui se dévore avec un plaisir constant, et dont on tourne les pages sans même y penser. Ainsi que je l’avais déjà noté, les personnages sont fort bien campés – ce qui vaut pour Charlie et Eli, superbe illustration de la fraternité dans tout ce qu’elle peut impliquer, mais pas seulement, loin de là. Sous la blague, le mythe de l’Ouest est en outre intelligemment questionné (quand bien même dans le registre de la parodie), ce qui fait de ces Frères Sisters un western bien conçu et, si j’ose employer cette expression passe-partout, vaguement post-moderne. Notons enfin que la légèreté de l’ensemble (enfin, « ensemble »… jusqu’à ce que les frères rencontrent Hermann Kermit Warm, en tout cas) n’empêche pas Patrick deWitt d’user d’une plume très habile, aussi agréable à la lecture que pertinente, drôle et un brin pathétique (dans tous les sens du terme).

 

On l’aura compris : Les Frères Sisters est un bon roman. C’est au moins un bon divertissement, selon l’expression consacrée, bien ficelé et bien écrit ; et, quand on en arrive aux dernières pages, on se convainc sans peine que c’est aussi un peu plus que cela ; bref, un bon roman, tout court, plaisir de lecture en rien coupable, qui mérite le détour.

 

Ou du moins est-ce le cas dans le cadre de mon « Western Summer ». Ce roman y avait tout à fait sa place, et a parfaitement satisfait mes attentes. Je n’irai cependant pas jusqu’à en faire un roman « incontournable », et avoue avoir du mal à saisir comment – ainsi que la quatrième de couverture ne manque pas de le rapporter… – cette friandise finalement douce-amère a pu figurer dans la dernière sélection du Man Booker Prise 2012 : on est quand même bien loin, avec Les Frères Sisters, d’une littérature de génie, à même de marquer durablement ; non, ce roman ne me laissera pas un souvenir impérissable, de toute évidence. Mais, en attendant, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire ; et n’est-ce pas là l’essentiel ? Roman fort sympathique, et plus ambitieux qu’il n’y paraît sans pour autant se prendre trop au sérieux, Les Frères Sisters constitue bien, dans son genre et sans doute au-delà, une réussite.

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Questionnaire jeux vidéos

Publié le par Nébal

Bon, aujourd’hui, même si j’ai des articles en retard, j’ai la flemme de faire un compte rendu casse-tête, du genre à nécessiter la moindre agitation de mes neurones. Alors, ça ne m’arrive pas souvent, mais je vais remplir un questionnaire, puisque c’est ça : celui consacré aux jeux vidéos proposé par le Traqueur stellaire.

 

1/ Quels genres de jeux te définissent le mieux ?

 

Sans aucun doute, les jeux de stratégie/gestion au tour par tour, d’une part, et, d’autre part, les jeux de rôle. Du coup, entre les deux, il y a une case parfaite pour les tactical RPG. J’ai eu ma période FPS, aussi (ça défoule), mais ça fait très longtemps que je n’y ai pas touché.

 

2/ Tu es consoles, tablettes ou ordinateur pour jouer ?

 

Très majoritairement ordinateur. J’ai commencé à jouer sur un vieux CPC 6128, avant de passer au PC, qui ne m’a plus quitté depuis (enfin, je l’ai amélioré au fur et à mesure, bien sûr, mais n’ai jamais eu une bête de compétition, par contre). Mais j’ai aussi joué sur des consoles, surtout quand j’étais gamin : Game Boy tout d’abord, puis Megadrive. J’ai raté le passage des consoles 32 et 64 bits. Par contre, il y a quelque temps de ça, je m’étais pris une PSP, que j’ai pas mal utilisée ; mais aujourd’hui, ça m’a lassé… Jamais de tablette, pas encore eu l’occasion.

 

3/ Quels sont les trois jeux qui t’ont le plus marqué ?

 

Je préfère répondre par séries de jeux. Et comme je ne sais pas décidément pas choisir, ben je vais en mettre quatre.

 

Shining Force

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C’est avec ces jeux que j’ai découvert l’univers merveilleux des tactical RPG, et ce fut une énorme baffe. Visuellement, c’était moche comme tout, mais qu’est-ce que c’était bon ! J’ai passé des heures et des heures à finir et finir encore Shining Force, un peu moins sur Shining Force II, mais autant sur Shining Force CD. Depuis, j’ai eu l’occasion de pratiquer d’autres excellents jeux de ce genre, comme Final Fantasy Tactics ou encore les excellents Disgaea (à mourir de rire, ce qui ne gâche rien), mais, la nostalgie, camarades : les Shining Force gardent encore une place particulière dans mon cœur. Et quand, il y a quelques années, j’y ai à nouveau joué sur un émulateur, le plaisir était intact, ce qui est assez rare pour être signalé.

 

Sid Meier’s Civilization

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Est-il besoin de présenter ce jeu et ses succédanés ? Là, on fait vraiment dans le mythique. J’ai découvert la série avec Civnet, suis retourné ensuite au premier Civilization, et ai continué avec chaque nouvelle sortie, de Civilization II à Civilization V. Un plaisir inégalé, parfait pour assouvir ma mégalomanie. Je reconnais ne pas être un très bon joueur – je ne sais pas vraiment gérer la guerre, je gagne généralement avec la science, ou éventuellement la culture et la diplomatie – mais peu importe : j’adore construire et gérer mon empire, écrire l’histoire. Et aucun jeu de ce genre n’est à mon sens aussi bon que ce grand ancêtre (même si j’ai beaucoup aimé, dans un registre légèrement différent, Medieval II Total War).

 

 The Elder Scrolls

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J’avais acheté le premier jeu, Arena, totalement par hasard… et n’ai jamais vraiment pu y jouer, pour tout un tas de raisons. Mais le concept me plaisait bien. Aussi, je me suis précipité sur Daggerfall à sa sortie… et re-baffe énorme. On n’a jamais fait de JDR PC aussi vaste. Alors, certes, c’était bourré de bugs, mais qu’est-ce que j’ai pu prendre mon pied sur ce jeu ! J’ai incarné des dizaines de personnages, sans me lasser ; je ne compte pas les donjons que j’ai arpentés, du coup… Puis, nouvelle baffe, des années plus tard, avec Morrowind, qui reste à mon sens, toutes choses égales par ailleurs, le meilleur de la série, du fait de son univers très riche et plus original que d’habitude. J’ai donc moins aimé Oblivion et Skyrim, mais c’est très relatif : ce fut chaque fois une excellente expérience. C’est bien simple : The Elder Scrolls, c’est ZE série de jeux de rôle sur PC ; il n’y a que les Fallout pour rivaliser (je ne les ai pas retenus dans cette liste seulement parce que les Elder Scrolls m’ont touché en premier lieu, et continuent encore aujourd’hui).

 

 Heroes of Might & Magic

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Encore un bon moyen de mêler jeu de rôle et stratégie/gestion au tour par tour. J’ai découvert la série avec HOMM II, et ce fut un sacré choc. Ce n’est qu’ensuite que j’ai joué au premier (mais je l’ai fait quand même, parce que gros fan). Et j’ai enchaîné sur les suivants : HOMM III (le meilleur à mon sens), HOMM IV (totalement raté en ce qui me concerne, la fausse note de la série), puis HOMM V (qui est retourné aux bonnes vieilles habitudes, mais en plus joli). Si les Civilization et Elder Scrolls sont probablement les jeux auxquels j’ai le plus joué en solo, les HOMM ont néanmoins un énorme atout : la possibilité de jouer à plusieurs sur un seul PC. Je n’ai jamais tenté l’expérience du jeu en ligne, mais ça, c’est énorme (convivialité en plus). Alors si on y rajoute l’éditeur de scénarios, on est pas sortis de l’auberge… Là encore, des heures et des heures de jeu sans me lasser.

 

4/ A contrario, quel jeu t’a laissé le pire souvenir ?

 

Oh, ben, des mauvais jeux, y en a plein… Aussi je préfère évoquer ici une déception, déjà mentionnée en passant plus haut : Heroes of Might & Magic IV constitue la seule fausse note d’une série par ailleurs brillante. J’ai eu beau faire des efforts, je n’ai jamais vraiment accroché à ce système où les héros ont trop d’importance, qui plus est dans un univers moins riches que les autres jeux de la série. Ratage complet.

 

5/ Tu choisis tes jeux en fonction du gaming ou du roleplay ?

 

Un peu des deux, j’imagine… Oui, ça doit être équivalent.

 

6/ Et en ce moment, à quoi tu joues ?

 

Pas à grand-chose… J’ai donc laissé tomber la PSP (façon de parler), et, si j’ai quelques jeux d’installés sur mon PC, je n’y joue que rarement… Citons-les quand même pour le principe : Civilization V et Skyrim, j’y joue de temps en temps ; mais j’ai aussi sous le coude Fallout 3, Galactic Civilisations II et Empire Total War, juste au cas où…

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