Demain, les Révolutions ! Utopies & Anticipations révolutionnaires, anthologie établie et préfacée par Philippe Éthuin, [s.l.], publie.net, coll. Archéosf, 2018, 264 p.
WELLS (H.G.), Une Utopie moderne, traduit de l’anglais par Henry-D. Davray et Bronislaw Kozakiewicz, préface de Philippe Éthuin, [s.l.], publie.net, coll. Archéosf, [1905, 1907] 2018, 314 p.
En marge du Bifrost n° 92, à paraître bientôt, j’ai fait une chronique plus longue portant sur deux titres récemment édités par publie.net/Archéosf, à savoir l’anthologie Demain, les Révolutions !, compilant des textes essentiellement socialistes et tous français datant en gros du XIXe siècle, et « l’essai romancé » de H.G. Wells Une utopie moderne. Cette double chronique a été mise en ligne directement sur le blog de la revue, plus précisément ici.
LÉVI-STRAUSS (Claude), L’Autre Face de la Lune : écrits sur le Japon, préface par Junzo Kawada, Paris, Seuil, coll. La Librairie du XXIe siècle, [1979, 1987-1988, 1990, 1993-1994, 1998, 2001-2002, 2009] 2011, 189 p. [+ 16 p. de pl.]
L’éminent anthropologue Claude Lévi-Strauss avait une passion bien connue pour le Japon, entretenue depuis l’enfance, quand son père récompensait ses bons résultats scolaires par des estampes ; entre 1977 et 1988, tardivement donc (Lévi-Strauss est né en 1908 et mort en 2009), il s’est rendu cinq fois au Pays du Soleil Levant. La culture japonaise a régulièrement infusé dans sa réflexion scientifique – pour autant, dans son rapport au Japon, Lévi-Strauss n’était qu’assez peu anthropologue, et de son propre aveu : la méconnaissance de la langue japonaise, notamment, ne lui permettait guère de mener sur place des études comparables à celles, fameuses, que l’américaniste avait effectuées notamment au Brésil au milieu du XXe siècle ; il a pu accompagner des ethnographes sur le terrain, notamment à Okinawa, mais restait alors en retrait(il en donne une bonne idée dans l’article « Hérodote en mer de Chine », semble-t-il le plus connu de l’ensemble de ce recueil).
Ce rapport particulier imprègne l’ensemble des articles souvent brefs constituant ce petit ouvrage qu’est L’Autre Face de la Lune, et qui rassemble la plupart des écrits de Lévi-Strauss (ainsi qu’une interview pour la NHK) portant sur le Japon (entendre par là « essentiellement », « au-delà de quelques lignes seulement dans une étude portant sur un autre sujet, éventuellement plus abstrait » : à titre d’exemple, Lévi-Strauss a beaucoup écrit sur la notion de « maison » qu’il a contribué à forger, et j’avais pu lire çà et là, sauf erreur, quelques références passagères au système ie, qui ne figurent pas dans ce recueil) ; parmi ceux-ci, il y en avait d’ailleurs un que j’avais déjà lu et évoqué ici, sa préface au petit traité de Luís Fróis Européens et Japonais. Notez au passage que certains de ces articles, semble-t-il, n’avaient été publiés qu’au Japon avant d’être ainsi recueillis. Mais il ne faut donc pas s’attendre ici à lire un Lévi-Strauss scientifique, celui mettons des Structures élémentaires de la parenté ou des Mythologiques, et qui, avouons-le, peut se montrer aride, mais un auteur « plus décontracté » (ou « moins rigoureux », à chacun de voir quelle expression est la plus appropriée), ce qui peut décevoir ; en même temps, on peut éventuellement établir un lien entre cette approche et celle de ses ouvrages les plus « accessibles », néanmoins sérieux, comme Tristes Tropiques ? Peut-être aussi Race et histoire ? Je dois confesser n’avoir guère lu Lévi-Strauss au-delà… Mais il ne faut donc pas se tromper quant au contenu de ce recueil.
Sans pour autant, d’ailleurs, accorder trop d’importance aux deux premières communications recueillies, « Place de la culture japonaise dans le monde » (1988) et « L’Autre Face de la Lune » (1979) ? Il s’agit là de deux textes très « protocolaires », des allocutions prononcées par l’auteur envisagé comme un « invité prestigieux », et de son propre aveu certes enthousiaste mais pas des plus compétent en la matière. Le rapport à la culture japonaise, dans les deux (mais surtout dans le second, le plus ancien de l’ensemble), est relativement convenu, passant par des thèmes très classiques et récurrents (la cuisine, une fameuse préoccupation de l'auteur, mais aussi les estampes, donc, ou la musique, qu'il n'a découverte que tardivement mais qui l'enchantait...), et Lévi-Strauss ne s’y aventure guère dans la théorie – même s’il y évoque déjà une idée récurrente de ces articles, plus ou moins bien étayée par ailleurs (p. 51) : « La philosophie occidentale du sujet est centrifuge : tout part de lui. La façon dont la pensée japonaise conçoit le sujet apparaît plutôt centripète. » Et d’avancer plusieurs exemples qui reviennent régulièrement, et qu’illustre bien la préface à Européens et Japonais, comme le maniement de la scie, importée de Chine, etc. Ces textes sont d’une lecture agréable, mais il ne faut probablement pas leur accorder trop de crédit – à vrai dire, Lévi-Strauss lui-même témoigne à plusieurs reprises de ce que sa manière d’envisager le Japon, a fortiori depuis 1979 (avec les voyages sur place qui se sont enchaînés ensuite), a pu être mise à mal ; l’exemple le plus palpable, et que l’auteur met lui-même en avant de la sorte, porte sur la conscience écologique des Japonais, qu’il idéalisait bien trop en la rapprochant de ses propres préoccupations en la matière – un constat qui doit sans doute beaucoup à la relation de l’auteur avec l’anthropologue (africaniste sauf erreur) Kawada Junzo, qui fut entre autres le traducteur japonais de Tristes Tropiques et qui avait mené la très intéressante interview pour la NHK concluant l’ouvrage ; il livre ici également une très courte préface (sans véritable intérêt) et a également confié quelques photographies pour un cahier de planches en fin de volume.
Il y a à vrai dire des choses plus gênantes, dans ces deux articles – mais qui découlent probablement de leur dimension protocolaire. J’ai en effet le sentiment que Lévi-Srauss, par la force des circonstances, s’y autorise des comportements qui ne devraient guère être ceux d’un anthropologue dans l'absolu (et, oui, j’ai bien conscience que cette remarque est absurdement gonflée de ma part...) : ainsi, il « flatte » la culture étudiée (qu’il idéalise, donc – et il faut aussi relever que, dans l’ensemble de l’ouvrage, cette fois, il a par ailleurs tendance à se focaliser sur le passé japonais plutôt que sur le Japon présent, y compris quand il visite « Un Tôkyô inconnu », en préface à l’édition japonaise de Tristes Tropiques, et se remémore surtout une délicieuse promenade en bateau sur la Sumida – il a même en une occasion une formule un peu brutale et étonnante qui fait spécifiquement du passé l’affaire de l’anthropologue). Mais il s’autorise en outre un vague ethnocentrisme un peu déconcertant au regard de sa longue et remarquable carrière d’anthropologue – ce que l’idée même du Japon comme une « autre face de la Lune » (entendre par là que la face « habituelle » est celle de l’Europe, qu’il désigne régulièrement par la troublante expression de « Vieux Monde ») semble impliquer de manière un peu paradoxale, alors qu’elle se veut un plaidoyer pour une réévaluation de « la place de la culture japonaise dans le monde ». On notera par exemple, même si c’est loin d’être inintéressant, comment il est amené, presque systématiquement, à « comparer » des éléments majeurs de la culture japonaise à des « équivalents » essentiellement français – même si, là encore, c’est au bénéfice, au prestige même, de la culture japonaise, toujours antérieure. Ainsi, et à plusieurs reprises là encore, envisageant Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, il évoque parallèlement La Nouvelle Héloïse de Rousseau, de même qu’il rapproche Le Dit des Heiké des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand. Ce qui n’est probablement pas sans fond, mais témoigne avant tout de ce que cet ouvrage, ou en tout cas ces deux premiers articles, ne relèvent guère de la rigueur scientifique, ou du moins est-ce ce que je tends à croire.
Ceci dit, l’approche passionnée de ces articles, qui est en même temps une approche artistique, esthétique, littéraire, les rend d’une lecture agréable – et, parfois, l’auteur peut ainsi se permettre d’aller davantage au fond des choses, ce dont témoigne tout particulièrement ici « Sengaï. L’art de s’accommoder du monde », article dans lequel il dissèque aussi bien l’œuvre picturale de Sengai précisément (en envisageant comme indissociables la peinture et la calligraphie) que l’art japonais entendu de manière plus large (et dans d’autres domaines, comme la poésie ou la poterie – qu'il loue tout particulièrement, non seulement pour les réalisations zen, mais surtout pour celle de la période Jômon, à laquelle il revient très souvent, comme la plus fascinante, précoce et singulière culture de la poterie dans le monde entier). Mais il relève en même temps à chaque fois combien ces associations se conjuguent avec ce qu’il identifie comme un véritable principe fondamental de « séparation », des couleurs, par exemple ; et il inclut dans son essai le biais dérivant de ses propres goûts en la matière, héritage des estampes que lui offrait son père quand il était un écolier. J’y vois, peut-être à tort, comme une variation sur l’esthétique à même de rappeler aux meilleurs souvenirs de L’Éloge de l’ombre de Tanizaki… avec certes les mêmes précautions à prendre.
Toutefois, les articles les plus intéressants à mes yeux, s’ils sont souvent aussi les plus brefs, sont ceux dans lesquels Claude Lévi-Strauss traite du Japon au prisme d’un de ses principaux centres d’intérêt en tant que scientifique : la mythologie (une préoccupation qui peut occasionnellement ressortir dans les autres articles également). Connaisseur du Kojiki (en traduction, donc), l’anthropologue établit des passerelles entre les mythes japonais et ceux d’autres cultures – par exemple, dans « Le Lièvre blanc d’Inaba », il compare une fable animalière un peu incongrue dans le contexte du Kojiki avec d’autres fables très proches dans les mythologies amérindiennes – celles qu’il connaît le mieux de par ses travaux. C’est aussi à cet égard qu’il entend « repenser la place de la culture japonaise dans le monde », quitte à faire appel à la géologie et au climat pour rappeler que, dans un lointain passé, il a pu y avoir des passages entre l’Asie continentale (et notamment l’Asie du Sud-Est, où il suppose que se trouve le mythe originel dans ce cas précis) et aussi bien l’Océanie que l’Amérique, le Japon ayant pu constituer un lieu de passage important. D’une certaine manière, il procède un peu de même quand, dans « Hérodote en mer de Chine » (issu de Mélanges en l’honneur du fameux helléniste Jean-Pierre Vernant), puis dans « La Danse impudique de Ame no Uzume », non content de revenir sur la fable du « Lièvre blanc d’Inaba », il se penche sur les ressemblances, mais peut-être plus encore les différences, jugées plus significatives (un thème qu’il développe bien sûr dans « Apprivoiser l’étrangeté », soit la préface à Européens et Japonais de Luís Fróis), entre des mythes japonais et, notamment, grecs et égyptiens – supposant là aussi une autre origine commune, probablement du côté de l’Asie mineure. Et il est tentant de faire ce genre de comparaisons – votre ignare de serviteur lui-même s’en est d’ailleurs fait l’écho par ici, le Kojiki comprenant un fameux épisode qui ne manquera pas de rappeler le mythe d’Orphée à quiconque est imprégné d’un minimum de culture grecque, si, par exemple, le lien entre le vase de Pandore et l’histoire d’Urashima Tarô (voyez par exemple ici) est peut-être plus tendancieux. Mais, encore une fois, ces articles sont assez brefs, voire lapidaires, et Claude Lévi-Strauss prend bien soin de rappeler qu’il n’a rien d’un spécialiste du Japon.
Et je ne suis certes ni un anthropologue, ni un spécialiste du Japon, ni un spécialiste de la mythologie comparée. Dès lors, toutes ces remarques sont à manipuler avec précautions, et j’ai pu écrire quelques bêtises. Le sentiment demeure, d’un ouvrage plutôt « léger » dans l’abondante et très sérieuse bibliographie de Claude Lévi-Strauss – un ouvrage par ailleurs d’une lecture agréable, mais assez clairement mineur. Une lecture dispensable, dès lors, si loin d’être inintéressante.
TANABE Gou, Les Chefs-d’œuvre de Lovecraft : Les Montagnes Hallucinées, t. 1, [Kyôki no Sanmyaku Nite Lovecraft Kessakushû狂気の山脈にてラヴクラフト傑作集vol. 1&2], [d’après une nouvelle de Howard Phillips Lovecraft], traduction [du japonais par] Sylvain Chollet, [s.l.], Ki-oon, [2016-2017] 2018, 288 p.
J’aime mes amis ! Et, ces deux dernières semaines, une bonne dizaine d’entre eux au moins m’ont contacté d’une manière ou d’une autre en me disant, en gros : « Es-tu au courant ? Est-ce que tu as lu ça ? Il faut lire ça ? », etc. Eh bien, oui, du coup ! Uh uh. Faut dire, Lovecraft + manga dans l'actualité, je ne pouvais sans doute pas me permettre de passer à côté…
Et ce même si ma première expérience avec Tanabe Gou adaptant Lovecraft, toute récente, soit The Outsider (la nouvelle-titre de ce recueil), ne m’avait pas vraiment emballé... En même temps, le très beau dessin de la dernière histoire du recueil, « Ju-ga », m’avait beaucoup plu et donné envie de redonner une chance à l'auteur – et notamment en matière de lovecrafterie ; car je savais alors, grâce à l’excellente revue Atom, qui lui avait consacré une belle interview, qu’il avait, depuis The Outsider, réalisé bien d’autres adaptations de Lovecraft, et qu’une traduction française était prévue.
Ce sont donc les éditions Ki-oon (que je n’avais jamais pratiquées il y a quelques mois à peine, mais depuis la sublime Emanon est passée par là) qui se sont lancées dans l’entreprise, et en commençant par Les Montagnes Hallucinées, donc – ce premier volume venant tout juste de sortir (combinant deux volumes japonais). Le « roman » de Lovecraft devrait être conclu dans un deuxième tome français, mais l’intitulé général de la « série », Les Chefs-d’œuvre de Lovecraft, laisse entendre que nous aurons droit également au reste – des histoires courtes en fait antérieures (pour la plupart du moins) à cette adaptation d’At the Mountains of Madness : des choses comme « Le Temple » (adapté dès 2009), ou « Le Molosse », ou « Dagon », et aussi des plus « grands textes », sauf erreur, comme « Celui qui chuchotait dans les ténèbres » ou « La Couleur tombée du ciel » ? Nous verrons bien. D’ores et déjà, nous pouvons cependant féliciter l’éditeur pour avoir conféré à cette publication un écrin digne de ses ambitions, avec son format intermédiaire séduisant et cette couverture en simili-cuir souple du plus bel effet.
Bon, je ne vais pas vous faire l’affront de présenter plus avant l’histoire des Montagnes Hallucinées, hein, c’est un des plus fameux textes de Lovecraft, et j’ai eu bien des occasions d’en toucher quelques mots depuis que ce blog existe…
Ce qu’il me faut relever, je suppose, c’est combien ce récit, plutôt long pour l'auteur, est particulièrement intéressant, dans l’ensemble du corpus lovecraftien, pour sa dimension visuelle – qui n’en rend cependant pas l’adaptation plus évidente, loin de là. À vrai dire, des « grands textes » de Lovecraft, et pour s’en tenir à la bande dessinée, ce n’est pas exactement celui qui a donné lieu aux plus nombreuses transpositions – sauf erreur, Breccia comme Lalia l’ont laissé de côté (mais je me plante peut-être, j’avais lu ça il y a très longtemps – je vous recommande quand même, et une fois de plus, le splendide travail de Breccia), même si l’on compte l’étrange adaptation par I.N.J. Culbard, dont la proposition graphique pour le moins étonnante m’a tenu à l’écart (peut-être à tort). En même temps, le texte a pesé de toute son ambiance sur des transpositions moins avouées même si guère hermétiques pour autant – comme, à l’évidence, au cinéma, The Thing de John Carpenter (et Tanabe Gou ne fait pas mystère de ce que cet excellent film l’a inspiré pour sa BD) ; et l’on ne manquera pas, bien sûr, d’évoquer le projet avorté de Guillermo del Toro – dont l’ambition même, en même temps que les freins qui y ont été opposés, sont autant de témoignages de la place très particulière occupée par Les Montagnes Hallucinées dans le « Mythe de Cthulhu » et bien au-delà.
Mais cette dimension visuelle aussi enthousiasmante que redoutable englobe plusieurs caractéristiques différentes. Les Montagnes Hallucinées, tout particulièrement, est un texte essentiel dans toute analyse de « l’indicible » lovecraftien – celui qui, d’une certaine manière, prend le contrepied de « La Couleur tombée du ciel », mettons (texte autrement plus convaincant que… « L’Indicible »), en montrant les… eh bien, les monstres, sans cesse, et avec un luxe de précisions inouï (pensez à l’immortelle scène de dissection) ; pour autant, cette méticulosité même ne rend pas la figuration plus facile – et c’est même tout le contraire ! Pour résumer à la hussarde le procédé, Lovecraft dit qu’une chose est indicible, puis la dit quand même, mais de telle sorte qu’elle est encore plus indicible et fondamentalement incompréhensible pour le lecteur. Le péril de l’adaptation est donc là : il faut, à la fois, ne pas trop montrer, afin de susciter une ambiance, et montrer quand même, mais sans que jamais le lecteur ne puisse véritablement comprendre et intégrer ce qu’on lui montre.
Et, pour le coup, Tanabe Gou s’en tire remarquablement bien à cet égard : les Choses Très Anciennes ont chez lui une manière intrigante de se fondre dans le décor, et pourtant d’être inéluctablement présentes. Chapeau, parce que l’exercice n’a rien d’évident – et maint dessinateur moins doué, confronté aux improbables créatures de Lovecraft, aurait été contraint à une figuration grotesque et potentiellement ridicule, les exemples ne manquent pas ; mais non, chez Tanabe, elles ont exactement la forme et la présence, donc, qui doivent être les leurs. Et donc l'angoisse, voire la terreur, qui leur sont associées.
Mais il faut bien sûr mentionner l’autre trait visuel essentiel des Montagnes Hallucinées, qui est le cadre antarctique du récit – littéralement l'environnement le plus hostile que l’on puisse concevoir. Là encore, Tanabe Gou subvertit intelligemment les représentations que nous pouvons nous en faire, en teintant la démesure de ce contexte d’une certaine ambiguïté particulièrement troublante : il se montre notamment habile quand il introduit dans l’illustration les aperçus des montagnes titanesques qui donnent son titre au texte, mais aussi en laissant d’emblée entendre que l’artifice y sa part – ce qui est tout naturellement perçu comme autant de « mirages » dans un premier temps (on y revient régulièrement) s’avère petit à petit bien autrement concret, et les scientifiques tels que Dyer et Lake devinent bientôt, mais sans oser se l’avouer, ce que le lecteur sait quant à lui très bien : ces formes étrangement géométriques ne doivent rien à la nature… et pourtant rien à l’homme non plus. Tanabe Gou livre de belles planches panoramiques qui sont autant de troublants aperçus des montagnes et de la cité, et qui saisissent le lecteur comme un coup de froid et de fièvre, où le malaise perce, qui noue les tripes, et pourtant s'accompagne d'une fascination de tous les instants.
C'est que cela va au-delà. J’ai déjà eu l’occasion de dire combien le milieu polaire, arctique comme antarctique, me passionnait, aussi bien envisagé de manière réaliste (je vous renvoie par exemple à L’Odyssée de l’ « Endurance » de Sir Ernest Shackleton, ou aux Derniers Rois de Thulé de Jean Malaurie) que de manière plus romanesque, horrifique (Terreurde Dan Simmons – l’adaptation en série est pas mal du tout, au passage) ou pas (Court Serpent de Bernard du Boucheron) – il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que je prise au plus haut degré Les Montagnes Hallucinées comme The Thing de Carpenter. Et l’idée, littéralement, de ces derniers « blancs » sur la carte qui resteront de toute façon blancs m’excite au plus haut point – comme elle excitait beaucoup de monde du temps encore de Lovecraft, avec par exemple les expéditions de l’amiral Byrd, qui l’ont beaucoup inspiré. Bien sûr, Lovecraft, ici, avait des devanciers – Poe avec Arthur Gordon Pym, qui lui a fourni un prétexte référentiel, ou même Jules Verne, avec la « suite » qu’il en avait écrite, Le Sphinx des glaces ; mais il a su rendre l’Antarctique plus palpable, effrayant et magnifique en même temps, en l’envisageant au prisme de la science. Et ça, c’est une chose qu’a très bien intégrée Tanabe Gou, aussi bien dans le dessin que dans le scénario : dans cette adaptation, la science est toujours là, à chaque page, et elle est un outil singulier mais d’autant plus pertinent pour susciter cet effroi mêlé d’émerveillement, cette terreur au sens fort, si caractéristique du « roman » de Lovecraft – disons sa version très personnelle et subtilement pervertie du « sense of wonder » classique de la science-fiction.
Tous les développements de ces derniers paragraphes convergent vers un même constat : l’extrême fidélité de Tanabe Gou au texte de Lovecraft. Il ne s’autorise qu’assez peu de libertés, ai-je l’impression – et, quand il y en a, elles sont suffisamment subtiles pour se mouler dans la conformité générale au texte source. On peut relever, par exemple, ce prologue très bienvenu, qui fait débuter l’histoire à la découverte, par l’expédition de secours menée par Dyer, du camp de Lake déserté et visiblement le théâtre d’atrocités ; d’aucuns trouveront peut-être que Tanabe en dit (et montre) trop de la sorte, mais je crois le procédé pertinent – et très lovecraftien, en fait : c’est une variation sur « l’attaque en force » typique de l’auteur, même si, pour le coup, il n’en fait pas précisément usage dans Les Montagnes Hallucinées ; et c’est de toute façon une manière efficace d’accrocher le lecteur, en lui laissant entrevoir d’emblée l’horreur absolue du récit, ce qui autorise ensuite l’auteur à raconter ce qui s’est passé avant cet événement traumatique, et ce en prenant son temps – ce qui est là encore tout à fait bienvenu. Au-delà de cette scène en tant que telle un peu à part, la BD fait le choix d’une narration plus impersonnelle que le « roman », qui, comme assez souvent chez Lovecraft, est un témoignage a posteriori à la première personne – mais la narration BD en bénéficie probablement (les dialogues, notamment).
Cette extrême fidélité convaincra plus ou moins, fonction des attentes des lecteurs. Il s’en trouvera peut-être pour juger que Tanabe Gou s’est montré un peu trop timide… Mais je ne crois pas, pour autant, qu’on puisse parler d’une adaptation « fainéante » : l’auteur s’est vraiment appliqué et impliqué, il a bien étudié le texte, il l’a compris, et a compris les sensations qu’il lui fallait produire de même que les procédés, graphiques comme narratifs, qui le lui permettraient. De fait, l’adaptation ne se montre pas ici aussi aventureuse que dans The Outsider, qui s’autorisait quelques prises de risque bienvenues – mais le résultat global est autrement convaincant dans Les Montagnes Hallucinées.
Au-delà de cette question de la fidélité, je suppose que la BD n’est pas exempte, çà et là, de menus défauts que l’on grossira plus ou moins, là encore, fonction des attentes de chacun. Si le dessin est globalement magnifique, vraiment, il a aussi parfois un côté un peu « statique », voire « monolithique », qui ne rend pas toujours très lisibles les scènes où les choses « bougent » ; mais, certes, il n’en est pas 36 000 chez Lovecraft en général et dans ce récit en particulier, aussi est-ce de peu d’importance. Je suis autrement plus sceptique en ce qui concerne les yeux sempiternellement fous du Pr Lake, qui contribuent, malgré sa compétence scientifique, à en faire un personnage un peu (trop) grotesque (le poète Danforth s’en tire mieux, car plus subtilement – dans ce premier volume du moins, ça aura éventuellement l’occasion de changer dans le second…). Maintenant, on avouera que Lovecraft lui-même ne brillait certainement pas par la caractérisation de ses personnages : je rejoins toujours Houellebecq, parmi d’autres, considérant que le personnage lovecraftien n’a au fond pas d’autre fonction que de ressentir et, éventuellement, de témoigner. Ça n’est donc pas si gênant.
Et, oui, globalement, j’ai beaucoup aimé ce premier volume des Montagnes Hallucinées – il m’a incomparablement plus séduit que The Outsider, et c’est peu dire. Une très bonne adaptation de Lovecraft – un exercice que l’on sait ô combien périlleux. Et si cette BD n’a en rien les ambitions démiurgiques d’une œuvre plus « libre » comme l’excellente Providence d’Alan Moore, elle fait plus que remplir très bien son office. J’ai donc hâte de lire la suite – celle des Montagnes Hallucinées, mais aussi les autres adaptations lovecraftiennes de Tanabe Gou, pour le coup.
LIU (Ken), Le Regard, [The Regular], traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti, Saint Mammès, Le Bélial’, coll. Une heure-lumière, [2014] 2017, 92 p.
Une heure-lumière hors-série 2018, nouvelle de Ken Liu « Sept Anniversaires » [Seven Birthdays] traduite de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti, Saint Mammès, Le Bélial’, coll. Une heure-lumière, [2016] 2018, 55 p. + catalogue
Les deux derniers titres de l’excellente collection « Une heure-lumière » des Éditions du Bélial’, à savoir Retour sur Titan de Stephen Baxter et Les Attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard, ont été accompagnés à leur sortie par un petit bouquin « cadeau », sobrement intitulé Une heure-lumière hors-série 2018, objet d’une sympathique opération promotionnelle : il était offert pour l’achat de deux titres de la collection. J’emploie le passé parce que, même si j’en ai avancé la lecture par rapport à mon programme habituel, j'arrive un peu tard, avec cet article : il y a quelques jours à peine, peu ou prou au moment où je refermais le bouquin dans l’attente d’une future chronique, l’éditeur a annoncé avoir écoulé tous ses exemplaires (le tirage était de 3000)… MAIS, car il y a un mais, cette opération peut toujours avoir lieu chez certains libraires qui disposeraient encore d’exemplaires de ce hors-série – alors à bon entendeur…
Mais qu’y a-t-il donc, dans ce bonus ? Le gros de la pagination est occupé par un catalogue « étendu » de la collection (avec des blurbs bloguesques…). Mais ce qui en fait un cadeau appréciable se situe avant, dans trois textes très différents : une sorte d’ « éditorial » très bifrostien par Olivier Girard, patron du Bélial’ et donc de la collection « Une heure-lumière » en même temps que de la revue Bifrost, et qui fait l’apologie de la nouvelle et de la novella ; une intéressante interview d’Aurélien Police par Erwann Perchoc, qui revient sur la belle identité graphique de la collection et les processus qu’elle implique chez le talentueux illustrateur ; et, surtout, entre les deux, une nouvelle de Ken Liu, « Sept Anniversaires », traduites par Pierre-Paul Durastanti.
Or Ken Liu est un auteur important en UHL : il est le seul à avoir deux titres à son nom dans la collection, à savoir L’Homme qui mit fin à l’histoire et Le Regard – et, en ce qui me concerne, le premier de ces deux livres est tout bonnement le meilleur de toute la collection, qui est de manière générale bonne à très bonne. Seulement voilà : pour quelque raison, et sans doute pour partie parce que je savais qu’il ne me fallait pas m’attendre à une réussite comparable, j’avais laissé le second titre de côté, et il avait pris un peu la poussière… C’était le seul UHL que je n’avais pas encore lu, après avoir chroniqué récemment le Baxter et le Shepard – je me suis donc dit qu’il était bien temps de le faire, et d’associer cette lecture à celle du hors-série, puisqu’il contient lui aussi des vrais morceaux de Ken Liu dedans.
La nouvelle, je m’en occuperai plus loin – commençons par la novella Le Regard (n° 9 de la collection – les fanatiques noteront que le hors-série est numéroté « HS1 »…). Ken Liu joue ici dans une tout autre catégorie que celle de L’Homme qui mit fin à l’histoire : la présente novella est bien moins ambitieuse, et probablement plus divertissante – notamment en ce qu’elle associe à la SF classique de l’auteur des atours de policier, où le hard-boiled serait contaminé par un cyberpunk plus ou moins transhumaniste, avec comme de juste des ambiances à la Blade Runner pour épicer le tout.
Nous sommes à Boston, dans un avenir sans doute très proche. L’un peu trop bien nommée Ruth Law est une ex-flic qui a merdé – pire encore, qui a merdé au point où ses mauvaises décisions ont coûté la vie de sa propre fille… Le profil idéal pour faire un détective privé tourmenté typique du genre ! Mais avec quand même des particularités SF, car Ruth est une femme augmentée, qui n’a pas lésiné sur les implants bioniques de tous ordres – mais, surtout, elle est quasiment en permanence (ce qui n’est vraiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiment pas recommandé) sous l’influence d’un « régulateur », qui a pour objet de tempérer ses réactions émotionnelles pour, notamment, circonvenir l’angoisse et la panique, et garder la tête froide en toutes circonstances (et je peux vous assurer que ce genre de choses me parle énormément…). Ses ex-collègues se méfient du régulateur, car ils trouvent que la machine aplanit leurs intuitions, etc. (oui, bis, j'approuve), mais Ruth sait que le régulateur aurait pu/dû faire la différence au moment fatidique qui a vu toute sa vie voler en éclats… d’où sa véritable addiction à cette mécanique que l’on n’est pas censé employer plus de quelques heures par jour.
Ruth est devenue une privée, donc – et elle est contactée un jour par la mère d’une prostituée assassinée et énucléée. L’affaire a eu lieu dans le « Chinatown » de Boston, la prostituée et sa mère sont d’origine chinoise… Pour la police, tout indique que c’est une affaire « de Chinois », quoi – alors, hein, les gangs, tout ça… Mais la mère n’y croit pas – et, bientôt, Ruth non plus.
Le lecteur, lui, sait déjà que ça n’est pas une affaire de gangs – car la novella alterne entre Ruth et l’assassin, appelé « le Surveillant » ; et si celui-ci a multiplié les meurtres, et a sans doute quelques soucis d’ordre psychiatrique, hein, il n’a pas forcément pour autant le comportement d’un tueur en série – enfin, c’est à débattre, mais il associe à ces meurtres une dimension crapuleuse : que ce soit vrai ou pas, lui-même prétend, et à ses propres yeux, faire tout cela pour l’argent – et il y a dès lors de très bonnes (…) raisons pour qu’il s’en prenne ainsi à des prostituées au profil bien particulier…
Rien que de très classique, globalement. Pour l’essentiel, ça fonctionne plutôt bien – sur le moment en tout cas. Même si Ken Liu n’est sans doute pas totalement à l’aise dans le registre policier, et j’y reviendrai très vite, il sait grosso merdo raconter une histoire, et l’alternance des points de vue, si elle est clichée, fonctionne raisonnablement – du moins est-elle efficace, aussi la novella remplit-elle son objectif prioritaire d’être divertissante.
À y regarder de plus près, ou disons après coup, ça n’est pourtant sans doute pas très glorieux… De fait, l’intrigue repose sur un certain nombre de béquilles : si, pendant la lecture, on peut et sans doute on doit se permettre de, eh bien, fermer les yeux là-dessus pour se laisser emporter par une narration autrement excitante, en y revenant on est vite amené à se dire que tout cela ne tient pas vraiment la route. La clef même de l’intrigue n’est pas crédible, vraiment pas, et le twist à cet égard ne trompe personne – quant à la méthode employée par Ruth pour mettre la main sur le Surveillant, elle a quelque chose de plus qu’improbable qui confine au nanardesque. Mais ça n’est pas si grave – on se prend au jeu…
Côté SF, au-delà des principes généraux exposés plus haut, il y a quelques bonnes idées : si le finale suspendu (…) a à son tour quelque chose de pas-loin-du-nanardesque, d’autres idées sont plus intéressantes – comme celle du « détecteur de mouvements », notamment, même si sa crédibilité est probablement aussi douteuse, et pour des raisons assez similaires, que celle du gros twist de la novella.
Mais le plus intéressant, dans cette novella qui ne s’affiche pourtant pas très ambitieuse, ou en tout cas incomparablement moins que L’Homme qui mit fin à l’histoire, porte bien sur des éléments de fond d’un maniement compliqué : la question de la pertinence des augmentations, de leurs effets éventuellement secondaires, ou, plus abstraitement, de leur impact sur la notion même d’humanité. Le transhumanisme, en employant ce terme un peu grossièrement, comme un passe-partout, suscite bien des débats (dans lesquels je me positionne à titre personnel et pour l’essentiel plutôt du côté des augmentations), mais Ken Liu a l’art de poser les bonnes questions sans imposer ses propres réponses – et, en cela, je suppose que Le Regard est bien l’œuvre de l’auteur de L’Homme qui mit fin à l’histoire. On devine sans trop de peine ce que Ken Liu tend à penser de tout cela, j’imagine, mais son approche n’a rien d’invasif. Ce qui peut toutefois avoir un impact sur la narration : la conclusion de la novella est passablement sèche, elle ne s’embarrasse pas d’un classique épilogue.
Le Regard est un texte mineur – clairement. Cela dit, s’il ne tient pas toujours la route à y regarder de plus près, il constitue sur le moment une lecture agréable et efficace, pas dépourvue de considérations intéressantes sur le transhumanisme, l’idée même d’humanité, les intuitions et les sentiments face à la froide raison et au détachement protecteur. Ce qui n’est pas si mal, hein ?
Maintenant, Ken Liu peut se montrer autrement brillant – et « Sept Anniversaires », la nouvelle « cadeau » du hors-série, en est une éloquente démonstration. Et d’une densité impressionnante, car nous parlons bien cette fois d’une nouvelle, pas d’une novella : une trentaine de pages… qui vont nous projeter dans un très lointain avenir.
Ces « Sept Anniversaires », ce sont ceux de Mia – et ce sont sauf erreur des multiples de 7. Elle a sept ans quand nous la croisons pour la première fois, dans un futur si proche qu’il est peu ou prou présent – la petite fille vit mal le divorce de ses parents, et tout particulièrement les absences de sa mère, en quête d’une « solution technique » au problème d’une Terre qui meurt du fait des conneries des hommes : elle veut croire que cette solution existe, et est prête à se compromettre pour la trouver et la réaliser. Et nous recroiserons Mia à l’âge de 49 ans, puis de 343 ans, etc.
« Sept Anniversaires » est une nouvelle très impressionnante, dont la mécanique permet d’exposer, sur des millénaires et des millénaires, le développement vertigineux (c’est le mot en usage, et il est ici parfait) d’une post-humanité épanouie, et que nos pronostics légitimement pessimistes semblaient reléguer au rang de rêveries sans fondement. La nouvelle a quelque chose de très, très optimiste qui, à vrai dire… surprend. Nous n’y sommes peut-être plus habitués ? Mais, en même temps, cet optimisme… eh bien, n’apparaît pas naïf. Et ce n’est pas le moindre tour de force de cette très bonne nouvelle (si j’ose dire). La densité du texte y participe – son caractère laconique aussi. Le voyage n’en est pas moins saisissant. Comme les blogocopines et copains, je suis très tenté d’associer « Sept Anniversaires » au roman Accelerando de Charles Stross, pour le coup.
Mais l’autre tour de force – et qui pour le coup distingue Ken Liu de Charles Stross et de beaucoup, beaucoup d’autres –, c’est comment la nouvelle parvient à rester « humaine », délibérément. Le très touchant premier chapitre, dès lors, n’est pas à proprement parler une fausse piste, mais bel et bien l’amorce de quelque chose qui se perpétuera jusqu’à la fin, et à bon droit. On relèvera aussi comment l’auteur inscrit dans son récit des thématiques politiques, économiques, écologiques, mais aussi bien philosophiques, parfois très compliquées, et se refuse à y apporter de ces réponses « simples » qui, au risque de me répéter, ont toujours été l’apanage des brutes et des imposteurs : c'est au lecteur de faire ses choix.
Oui, vraiment une excellent nouvelle, pour le coup. Bien meilleure sans doute que Le Regard… même si je conserve une place particulière à L’Homme qui mit fin à l’histoire.
Quoi qu’il en soit, longue vie à « Une heure-lumière » ! Et hâte de lire les prochains titres de la collection : six sont annoncés à la fin du hors-série, et il y a quelques noms étonnants (si c’est le mot), laissant présager que la collection continuera d’évoluer – ce qui est bien la moindre des choses, quand on fête ce genre d’anniversaires.
Quelques listes de plus pour X-Wing 2.0 – car nous avons fait notre séance mensuelle X-Wing + jeu de rôle avec les camarades Acteris, Albu et Sepresham ; d’ailleurs je vous causerai un de ces jours du jeu de rôle, puisque, exceptionnellement, c’était moi qui maîtrisais… Mais donc, aujourd’hui, X-Wing 2.0.
Et un article peut-être un peu particulier, au regard des précédents, pour deux raisons : 1) Comme un con, je n’ai pas pris une seule photo de bataille, j'y avions point pensé sur le moment, donc pour l’illustration de cet article, euh… 2) Plus sérieusement, les trois listes que je vais vous proposer aujourd’hui sont… trois listes impériales, oui, mais surtout trois variations autour d’un de mes vaisseaux préférés (et c’était déjà le cas en v1, même s’il était alors très, trèèèèèèèèèèèès différent) : le TIE/ph Fantôme ; et il y a forcément l’excellente « Whisper » parmi les pilotes… Mais elle n’est (forcément aussi) pas la seule – car l’idée à chaque fois était d’aligner plusieurs TIE Fantômes – d’abord deux, puis trois.
(Et, oui, je note qu’il est théoriquement possible d’en aligner quatre – et chacun avec une Feinte, mettons ; ce qui pourrait être rigolo, aussi…)
(TOO) CARELESS WHISPER – 199 POINTS
Commençons donc par la liste initialement prévue : je voulais piloter deux TIE Fantômes, et supposais qu’un vaisseau de soutien serait utile et compléterait pertinemment la liste. La question dudit vaisseau de soutien ne s’est pas posée longtemps : en v1, j’aurais probablement tenté le TIE Reaper, mais, en v2, je suis a priori davantage attiré par la Navette Lambda – depuis la v2, j’en ai fait part à plusieurs reprises, je n’ai eu que de mauvaises expériences avec le premier, et plutôt des bonnes avec la deuxième, par exemple ici, ou là…
À côté, mes deux Fantômes seraient, d’abord forcément « Whisper » (oui), et, après une petite hésitation cette fois, j’ai préféré engager un As de l’Escadron Sigma plutôt que l’autre pilote unique de TIE Fantôme, à savoir « Echo » ; parce que tous deux sont à la même Initiative (4), l’écart de quatre points d’escadron entre les deux pilotes ne porte en vérité que sur la capacité spéciale d’ « Echo », qui n’est pas la plus facile à gérer, et je n’étais pas certain qu’elle justifie vraiment cette dépense supplémentaire – mais on peut arguer du contraire, et j’y reviendrai d’ailleurs moi-même en fin d’article.
Détaillons un peu tout ça…
Et en commençant par le vaisseau de soutien, qui est donc une Navette T-4A de Classe Lambda. Je me suis longuement posé la question du pilote, cette fois… J’hésitais entre le Lieutenant Sai, qui est conçu pour la Coordination, ce qui pouvait faire sens dans l’optique de cette liste, et le Capitaine Kagi, le pilote officiel de Palpatine himself, qui, pour un point d’escadron supplémentaire, monopolise les Acquisitions de cible ennemies, ce qui me permettrait de protéger davantage mes Fantômes (qui sont fragiles, mine de rien – davantage qu’en v1, en fait, puisque l’Occultation ne fonctionne pas de la même manière…) ; finalement, cette dernière considération l’a emporté : ma navette serait donc pilotée par le Capitaine Kagi (48 points d’escadron).
Sa fonction de soutien reposait essentiellement, comme souvent, sur les postes d’Équipage – et c’est sans doute une particularité de cette liste que de se focaliser autant sur ces améliorations très particulières, car chaque TIE Fantôme dispose également d’un « slot » d’équipage, et je voulais en profiter à fond ; ce qui est en fait l’idée dominante pour mes listes suivantes… Mais, ici, nous en sommes donc à la Lambda ; adonc, j’ai tout d’abord sorti un Informateur (5), qui va avec la carte d’état Dispositif d’écoute : à la fin de la mise en place, je choisis un vaisseau ennemi ; et, en cours de partie, lors de la phase Système, si ledit vaisseau est à portée 0-2 de la Lambda, alors il doit révéler son cadran de manœuvre – dans le cadre de cette liste, cela me paraissait potentiellement utile du fait des capacités très particulières de repositionnement des TIE Fantômes, notamment quand ils se désoccultent, précisément durant cette phase du tour.
Le deuxième équipage est le Directeur Krennic (5), qui est beaucoup moins balaise en v2 qu’en v1 (où il était totalement foudingue), mais reste très intéressant, s’il est plus difficile à jouer (notamment en ce qu’il ne peut pas conférer sa carte d’état, Prototype optimisé, au vaisseau à bord duquel il se trouve). Cette amélioration a plusieurs effets : déjà, elle confère l’action Acquisition de cible à la Lambda, qui en est normalement dépourvue. Ensuite, le vaisseau qui a reçu la carte Prototype optimisé (clairement, dans mon esprit, « Whisper ») bénéficie de certains atouts quand il s’en prend à un vaisseau ennemi verrouillé par la Lambda : il peut alors dépenser un résultat Concentration, Dégât ou Critique et choisir un des deux effets suivants, soit faire perdre un Bouclier à l’ennemi, soit retourner face visible une de ses cartes de Dégâts face cachée. Pas forcément évident à mettre en place, mais amusant.
Il fallait donc jouer sur l’Acquisition de cible, ce qui a décidé des deux dernières améliorations de la Lambda : tout d’abord, le Titre ST-321 (6) fait que, quand la Lambda coordonne un de mes Fantômes, je peux choisir un vaisseau ennemi à portée 0-3 du vaisseau coordonné et le verrouiller automatiquement avec la navette, sans prendre en compte la moindre restriction de portée. Ensuite, le Senseur Système de commande de tir (3) fait que, si le défenseur est verrouillé par elle, la Lambda peut relancer un dé d’attaque, mais il lui est alors impossible de dépenser l’Acquisition de cible pendant cette attaque.
En tout, 67 points d’escadron.
Passons maintenant aux TIE/ph Fantômes, qui disposent tous de la capacité générique Réseau de stygium, laquelle détermine largement comment fonctionne leur Occultation/Désoccultation : après s’être désocculté, un TIE Fantôme peut effectuer une action d’Évasion (c’est à souligner ! en prenant en compte par exemple que la Désoccultation a lieu durant la phase Système et donc avant l’Activation, qui permettrait de faire dégager un Stress avec une manœuvre bleue…) ; et, au début de la phase de Dénouement, il peut dépenser un marqueur d’Évasion et l’échanger contre un marqueur d’Occultation (et ça aussi il faut s’en souvenir : pas de problème d’ « action » ici, mais un Fantôme qui a cramé son Évasion pour se défendre ne pourra pas s’occulter automatiquement à la fin du tour, et stratégiquement il faut toujours peser ce qui est le plus pertinent à cet égard…).
À tout seigneur tout honneur (que cette expression pue…), conférons la première place à l’excellente « Whisper » (52). Quand elle effectue une attaque qui touche, elle gagne un marqueur d’Évasion (ce n’est pas une action) – la « tueuse [et pas tueur] à la voix suave » y gagne en protection, et a davantage de garantie de pouvoir s’occulter à la fin du tour que tous ses collègues/subordonnés qui pilotent également des Fantômes.
Le jeu des Fantômes avec les marqueurs d’Évasion décide largement du Talent à leur associer – à « Whisper », mais pas seulement, à tous : la Feinte (4), qui permet, quand on attaque, si on a un marqueur d’Évasion, de changer un résultat Évasion ennemi en un résultat Concentration.
Côté plus ou moins « générique », j’ai également conféré à « Whisper », et parfois à d’autres Fantômes, fonction des points disponibles, une Modification Système d’occultation (6 points d’escadron du fait de l’Agilité de 2 du Fantôme), ben oui, qui lui permet d’ajouter un dé vert, du moins jusqu’à ce que le vaisseau subisse un Dégât quel qu’il soit, ce qui fait alors sauter l’unique charge de cette carte.
Mais l’essentiel, comme dit plus haut, était de rentabiliser le « slot » d’Équipage du TIE Fantôme. Dans cette première liste (et dans la deuxième, mais pas la troisième, voyez plus loin), j’ai repris le même modèle que j’avais déjà déployé (ici et là), en associant à « Whisper » rien moins que Dark Vador (14) himself, voyez-vous ça. Oui, le Sombre Seigneur Sith coûte très cher, mais je crois qu’il le vaut bien, il m’a fait l’effet d’un Équipage très, très efficace : déjà il confère un marqueur de Force récurrent, ce qui est toujours utile ; ensuite, il offre la possibilité de dépenser ce marqueur pour, au début de la phase d’Engagement, s’en prendre à un ennemi dans l’arc de tir à portée 0-2 et lui infliger un Dégât automatique, à moins que la proie ne sacrifie un jeton vert. C’est balaise – en fait, comme mes précédents articles en témoignent, ça a pu me faire gagner des parties : la dépense me paraît donc amplement justifiée.
En tout, 76 points d’escadron.
Restait à compléter cette liste avec un deuxième TIE Fantôme, qui était donc cette fois un générique, soit un As de l’Escadron Sigma (46). Je lui ai donné une Feinte (4), oui, mais je manquais de points pour compléter avec un Système d’occultation, et ai donc dû faire l’impasse sur cette Modification. Il était plus important de compléter le « build » avec un dernier Équipage, à savoir l’Agent Kallus (6) : lors de la mise en place, on assigne la carte d’état Traqué à un vaisseau ennemi ; ensuite, quand l’As attaque le vaisseau traqué, il peut changer un de ses résultats Concentration en un résultat Dégât ; enfin, si le vaisseau traqué est détruit, son propriétaire assigne la carte d'état Traqué à un autre de ses vaisseaux, de son choix, et c'est reparti. Intéressant, mais il ne faut pas se tromper quand on assigne cette carte – et de même pour l'Informateur, en fait…
En tout, 56 points d’escadron – ce qui nous fait bien une liste à 199 points d’escadron.
Bon. J’ai joué cette liste deux fois de suite... et j’ai perdu les deux fois. D’abord contre Albu, ensuite contre Sepresham. L’expérience n’a cependant pas été totalement vaine, car j’ai commis bien des erreurs, que j’ai globalement identifiées, et on apprend de ses erreurs – enfin, on est censé le faire, en tout cas.
…
Même si, dans le cas de la partie (HUMILIATION) (bis) contre Albu, j’ai commis tellement d’erreurs, et des erreurs tellement grossières, que je me suis d’abord abondamment insulté, pendant un bon bout de temps, avant de retrouver le calme nécessaire pour en retirer quelque expérience. Grmf.
Albu jouait une compo rebelle à deux vaisseaux, mais d'abord et surtout un Cargo léger YT-2400 piloté par Dash Rendar, en mode « je fais mumuse avec les Obstacles et t’avoine avec beaucoup beaucoup beaucoup trop de dés rouges » ; ce d’autant plus qu’il bénéficiait du soutien d’un Cargo léger HWK-290 piloté par Jan Ors.
Et je me suis fait démonter la gueule – sérieux, des attaques à sept dés rouges ?!??! Maintenant, si je me suis fait massacrer de la sorte, c’est aussi voire surtout en raison de mes conneries – et il y en a eu dès le départ, dès le placement des Obstacles, même : je savais qu’il fallait faire en sorte de les placer là où Dash en bénéficierait le moins, mais je n’ai pas trouvé « le truc », et un gros Débris en plein milieu du tapis de jeu m’a causé beaucoup trop de problèmes – à la fois parce qu’il favorisait Dash, et parce que le Stress qui en résultait me niquait la mécanique d’Occultation/Désoccultation des Fantômes : c’est une des principales leçons de cette hécatombe – il faut faire vraiment gaffe au Stress avec les Fantômes !
Une autre décision « d’avant-partie » s’est avérée malencontreuse : placer les cartes d’état Traqué et Dispositif d’écoute sur Dash – a posteriori, j’aurais probablement dû concentrer d’abord mon feu sur Jan Ors, ce qui aurait rendu Dash un peu moins menaçant ; j’ai choisi le YT-2400 parce que je savais qu’il coûtait une blinde de points d’escadron, et donc qu’il me rapporterait une blinde de points d’escadron si je le dégommais. Ses caractéristiques n’en font certes pas un machin intombable, encore moins si on parvient à lui coller aux fesses, car ses attaques sont minimes à portée 1 et sans Obstacles... mais je n’ai pas pu lui faire suffisamment de Dégâts quand il m’en infligeait des tonnes à chaque tour – et, même avec deux jetons d’Évasion ou un marqueur d’Occultation, et un Système d’occultation, un Fantôme ne fait pas long feu quand il se prend des attaques aussi brutales dans la gueule.
L’autre leçon de cette partie a porté sur l’efficacité très limitée de la Lambda : je n’ai pas vraiment tiré partie de mes diverses améliorations, et, la navette étant a priori bien plus facile à tomber (malgré tout) que les Fantômes et surtout « Whisper », qui bénéficiait en outre d'un marqueur de Force, Albu l’a ciblée en priorité et l’a sortie sans difficultés – plus tard, un de mes Fantômes est sorti également, mais je ne sais plus s’il s’agissait de « Whisper » ou de l’As de l’Escadron Sigma ?
Qu’importe : de mon côté, j’avais à peine un peu amoché Dash, pas suffisamment pour gagner la moitié de ses points – et je ne m’en suis pas pris une seule fois à Jan Ors. Bref : j’ai très, très, trèèèèèèès mal joué dans cette partie, et me suis pris une branlée parfaitement méritée.
Mais la liste était-elle mauvaise en tant que telle ? Je réserve ma réponse pour après la partie suivante…
(0-1.)
Car j’ai aussitôt rejoué la même liste exactement contre le camarade Sepresham – qui jouait lui aussi Empire galactique : d’abord un Décimateur VT-49 piloté par le Capitaine Oicunn et donc en mode « bump », ensuite un TIE/ca Punisher piloté par « Deathrain », et enfin pour compléter un petit Chasseur TIE/ln, piloté par Iden Verso.
Bon, j’ai un peu moins mal joué que contre Albu. Même si là aussi j’ai probablement fait une erreur en assignant Traqué et Dispositif d’écoute au Décimateur : « Deathrain » aurait été un choix plus pertinent, et, de fait, c’est le vaisseau sur lequel je me suis concentré – et à vrai dire le seul que j’ai sorti (j’ai totalement ignoré Iden Verso, qui ne m’a par ailleurs jamais inquiété).
En tout cas, j’ai mieux piloté mes Fantômes, je suppose : « Whisper » s’est occupé pour l’essentiel de « Deathrain », sans trop craindre de son côté, tandis que mon As de l’Escadron Sigma a semble-t-il surpris Sepresham, en parvenant, dans un mouchoir de poche, à arriver dans le dos du Décimateur sans se mettre en danger, ce qui lui a permis de lui ôter quelques Boucliers.
Le problème, c’était la Lambda. Là encore, je n’ai que très peu bénéficié de ses améliorations – et notamment de tout le jeu sur les Acquisitions de cible. Je suis tombé dans le piège « bump » du Capitaine Oicunn, au centre du tapis de jeu, avec une configuration telle que le Capitaine Kagi ne pouvait pas s’en échapper, il entrait automatiquement en collision avec quelque chose, ce qui le contraignait à rester sur place, sans possibilité d'action. Au moment crucial de la partie, les trois vaisseaux de Sepresham s’en prenaient, dans un espace très, très réduit, à la seule navette, qui n’a pas tardé à dégager comme de juste. Les Fantômes seuls étaient supposés s’occuper du Décimateur… Je ne sais plus, honnêtement, comment la partie s’est achevée – c’était au temps, il me semble, mais je ne me souviens plus si Sepresham m’avait explosé un Fantôme en prime ou pas ; en tout cas, aux points, il l’a emporté, et assez largement.
0-2.
Oui, le problème, c’était la Lambda : dans ces deux parties, elle ne m’a finalement servi à rien, en même temps qu’elle constituait une cible prioritaire pour les vaisseaux ennemis, autant dire une grosse réserve de points d'escadron peu ou prou donnée à l'ennemi.
L’Informateur et le Directeur Krennic n’ont pas fait grand-chose, et, à ce compte-là, si l’on tient à conserver la navette dans la liste, je suppose que l’Empereur Palpatine, même sacrément moins puissant qu’en v1, aurait été un choix plus pertinent. Et Système de commande de tir et ST-321 n’ont vraiment servi à rien dans ces deux parties…
QUAND Y EN A POUR DEUX Y EN A POUR TROIS – 199 POINTS
C'est normal si vous ne voyez pas le troisième Fantôme, il s'est occulté ! Aheum...
Ce qui m’a incité à revoir la liste pour en dégager la Lambda. En fait, j’avais déjà conçu une liste avec trois TIE Fantômes… Me manquaient une troisième figurine – et un troisième cadran. Mais Acteris, avec qui je pouvais encore, après le jeu de rôle, faire une ou deux parties, m’a proposé de tester cette liste en me prêtant la figurine et le cadran qui manquaient. Une idée qui me plaisait bien !
Et donc, trois fantômes…
Pour le coup, ça ne va pas forcément appeler beaucoup de développements ici… Le premier de ces TIE/ph Fantômes est, forcément, « Whisper » (52), telle que je vous l’ai présentée plus haut : elle a une Feinte (4), un Système d’occultation (6) et Dark Vador (14).
En tout, 76 points d’escadron.
Il y a ensuite deux As de l’Escadron Sigma (46). Le premier, comme celui de la précédente liste, dispose d’une Feinte (4) et de l’Agent Kallus (6), qui confère la carte d’état Traqué. Cette fois, cependant, je disposais d’assez de points pour lui donner également un Système d’occultation (6).
En tout, 62 points d’escadron.
Et il reste donc un dernier TIE/ph Fantôme, qui est un second As de l’Escadron Sigma (46). Comme son semblable, il dispose d’une Feinte (4) et d’un Système d’occultation (6). Mais, en lieu et place de l’Agent Kallus, il a à bord un Informateur (5), qui confère la carte d’état Dispositif d’écoute.
En tout, 61 points d’escadron, pour une liste à 199 points d’escadron.
Acteris, en face, m’opposait une liste impériale plutôt typée « as », avec un Défenseur TIE/d, qui était la Comtesse Ryad (ma chouchoute ! TRAÎTRESSE !!!), un Intercepteur TIE/in, qui était… non, pas Soontir Fel, mais Turr Phennir, et enfin, plus classiquement, un TIE/k Striker, l’habituel « Countdown ». C’était une configuration de test pour Acteris, qui n’avait jamais joué jusqu’alors, ni le Défenseur, ni l’Intercepteur.
La première partie… a été très brève, Acteris commettant avec Turr Phennir la boulette que je commets systématiquement avec Soontir Fel : l’avancer trop agressivement, et donc imprudemment – et je l’ai fait disparaître du tapis de jeu dès le deuxième tour. Acteris a aussitôt concédé, moins d'un quart d'heure après le début de la partie…
1-2.
Nous avons donc aussitôt relancé une autre partie, avec exactement les mêmes listes. Comme dans la première, j’ai assigné les cartes d’état Traqué et Dispositif d'écoute à Turr Phennir. Acteris s’est montré plus prudent, mais a eu du mal à gérer les « vitesses de jeu » très différentes de ses trois vaisseaux. Surtout, m’a-t-il dit, le problème s’aggravait encore à ses yeux du fait de l’imprévisibilité des manœuvres de mes Fantômes, les mouvements de Désoccultation produisant des effets inédits pour lui, qui auraient pu être gérables si un unique vaisseau avait joué avec, mais beaucoup moins quand la liste entière le faisait.
De mon côté, je m’amusais beaucoup – cette liste n’est pas évidente à jouer, mais très, très fun ! Et relativement efficace, je suppose – en tout cas, j’ai sorti assez rapidement Turr Phennir à nouveau, puis il me semble que j’ai sorti également « Countdown » ? Je n’ai pas fait grand-chose à la Comtesse – je n’ai pas cherché à lui faire grand-chose de toute façon. Mais, de mon côté, les pertes ont été vraiment minimes : un de mes deux As de l’Escadron Sigma a perdu ses deux Boucliers… et, euh, c’est tout. Re-victoire pour ma pomme, du coup.
2-2.
PROJET : THE HAUNTING – 200 POINTS
Je me suis beaucoup amusé, donc – et j’ai envie de travailler le principe d’une liste à trois Fantômes. Car cette liste précisément était de toute évidence perfectible – notamment en raison du rôle très minime, voire inexistant, de l’Informateur : cette carte d’Équipage est pertinente avec des Fantômes, j’en suis à peu près sûr, mais je ne joue probablement pas assez bien pour en tirer tous les avantages. Je pense me débrouiller mieux avec une optique plus agressive...
Et je me suis demandé, aussi, si ça ne vaudrait pas le coup, tout compte fait, de remplacer un des As de l’Escadron Sigma par « Echo », avec ses Désoccultations particulièrement bizarres, difficiles à pleinement maîtriser, mais qui me semblent, à condition de les jouer comme il faut, donner de plus grandes garanties d’obtenir un arc de tir intéressant.
Le principe reste donc le même : trois TIE Fantômes, avec chacun un Équipage particulier, et une Feinte – si possible aussi un Système d’occultation, mais sinon tant pis. Il s’agissait aussi de répartir au mieux les améliorations, notamment d’Équipage, entre les trois vaisseaux. Et voici donc la liste à laquelle je songe – car je n’ai pas (encore) eu l’occasion de la tester.
Premier TIE/ph Fantôme : « Whisper » (52), forcément, avec donc une Feinte (4) et un Système d’occultation (6), mais, en Équipage, non pas Dark Vador, mais l’Agent Kallus (6) ; Vador en effet me semble plus pertinent, dans cette configuration, avec « Echo », là où l’Agent Kallus demeure une amélioration toute trouvée pour « Whisper », outre que répartir les améliorations ainsi rend plus dangereux les deux vaisseaux, histoire de ne pas fournir une cible toute désignée à mon adversaire – enfin, je le suppose…
En tout, 68 points d’escadron.
Le deuxième TIE/ph Fantôme est donc « Echo » (50). Comme c’est l’inédit de cette liste, il me faut mentionner sa (bizarre) capacité spéciale, qui fait que, lors de la Désoccultation, il peut toujours utiliser les Tonneaux à gabarit de vitesse 2, mais doit par contre remplacer le Tout Droit à vitesse 2 par un Virage sur l’aile à la même vitesse, à gauche ou à droite. Je tends à croire que ça l’autorise à obtenir plus facilement de bons arcs de tir, ce qui l’intéresse à un double titre, puisque je lui associe, oui, l’Équipage Dark Vador (14). Du coup, c'est ce pilote qui récupère le marqueur de Force récurrent... Autrement, il bénéficie comme « Whisper » d’une Feinte (4), et d’un Système d’occultation (6).
En tout, 74 points d’escadron – eh oui, Vador suffit à le rendre plus cher que « Whisper ».
Reste un troisième et dernier TIE/ph Fantôme, qui est donc un As de l’Escadron Sigma (46). Lui aussi bénéficie d’une Feinte (4), mais pas cette fois d’un Système d’occultation, faute de points d'escadron. C'est que j’ai préféré remplacer l’Informateur, assez peu utile dans mes parties précédentes… par ce bon vieux Directeur Krennic (5) : de la sorte, non seulement l’As peut booster, soit « Whisper » (probablement…), soit « Echo », avec la carte d’état Prototype optimisé ; mais, en plus, il gagne au passage l’action Acquisition de cible, ce qui lui permet de bénéficier du Senseur Système de commande de tir (3) – tout cela étant décrit plus haut, dans la configuration de la Lambda de la première liste. C’est peut-être une cible plus facile pour l’ennemi que les deux pilotes uniques, et il pourrait être tentant de s’en prendre en priorité à l’as pour affaiblir « Whisper » (probablement, donc), mais pendant ce temps cette dernière et « Echo » peuvent faire du dégât…
En tout, l'As représente 58 points d'escadron, pour une liste à 200 points d'escadron tout rond.
Bon, ça ne marchera peut-être pas. Mais j’ai vraiment envie de tenter l’expérience, je crois qu’il y a du potentiel.
Et, même si ça ne doit pas marcher, ça restera une compo très fun à jouer. Na !
TEZUKA Osamu, Ayako – intégrale, [Ayako奇子], traduction [du japonais par] Jacques Lalloz, traduction complémentaire [du japonais par] Patrick Honnoré, préface de Patrick Honnoré, Paris, Delcourt – Tonkam, coll. Tezuka, [1972] 2018, 721 p.
Il y a environ un mois de cela, je vous avais fait part de ma relecture, dans une toute nouvelle et très luxueuse réédition, de L’Histoire des 3 Adolf, de Tezuka Osamu – en même temps était ressortie, dans les mêmes conditions… eh bien, la seule autre BD du « Dieu du manga » que j’avais déjà lue : Ayako. Et cette BD, à l’époque, m’avait particulièrement touché – voire traumatisé. Il me fallait la relire, et, oui, le terrible impact de cette histoire parfaitement abominable et d’une noirceur oppressante demeure. En fait, et même en mettant L’Histoire des 3 Adolf dans la balance, je crois bien qu’Ayako est la bande dessinée la plus éprouvante que j’ai jamais lue, foin des origines géographiques ou des genres… D’une dizaine d’années antérieure à L’Histoire des 3 Adolf, Ayako incarne au mieux, au plus franc, cette bascule dans la pléthorique œuvre de Tezuka vers des récits plus adultes, et surtout très sombres – nul héros positif dans ce genre d’histoires…
Cela dit, les liens ne manquent pas entre ces deux séries au-delà – et, notamment, Ayako comme L’Histoire des 3 Adolf un peu plus tard joue de la carte du thriller (et, dans le cas présent, du policier) pour faire (plus ou moins) passer la pilule d’une chronique politique et sociale empreinte de considérations philosophiques extrêmement pessimistes. Et, comme L’Histoire des 3 Adolf, Ayako tient en même temps de la fresque historique, avec une histoire se développant sur près de trois décennies, et empruntant à des événements réels.
Un peu de contexte, du coup – indispensable pour apprécier l’intrigue. Tout commence en 1945, année fatidique pour le Japon : la Défaite face aux troupes américaines a anéanti le pouvoir nationaliste et militariste ; le Japon est occupé, et, si le SCAP a décidé d’épargner l’empereur, celui-ci est contraint de faire l’aveu qu’il n’est pas un dieu – et la sécularisation du Japon est un objectif prioritaire de MacArthur : le SCAP voit sans doute à bon droit dans le « shintô d’État » une cause essentielle de l'impérialisme japonais, et donc de la guerre. Mais la politique très volontariste des États-Unis va bien au-delà : dans l’idée de « démocratiser » le Japon, et à marche forcée, les autorités d’occupation imposent des réformes de grande ampleur, qui bouleversent encore un peu plus le modèle japonais – ainsi, notamment, une colossale réforme agraire, probablement la plus radicale jamais effectuée dans un contexte non communiste. Mais voilà, justement : le communisme doit être intégré dans l’équation… Quand MacArthur arrive au Japon, la libéralisation du pays et la promotion des droits de l’homme impliquent entre autres la libération des opposants politiques réprimés par le régime nationaliste et militariste japonais – parmi eux, les communistes (au sens large) sont les plus nombreux, qui rencontrent alors un écho non négligeable… et, la Guerre Froide s’annonçant, très vite, les autorités américaines redoutent d’avoir ouvert la boîte de Pandore (ou d’Urashima Tarô, puisque nous sommes au Japon, mais ce n’est pas tout à fait la même chose) ; à l’égard des communistes, à la veille de la guerre de Corée (déterminante pour le redressement de l’économie japonaise), la politique américaine opère un retournement radical : elle promeut les « purges rouges » en même temps qu’elle « pardonne » à bien des criminels de guerre d’extrême droite, souvent liés aux yakuzas, et auxquels elle « rend » les rênes du pouvoir, comme s’il ne s’était rien passé…
Or les occasions ne manquent pas, pour les militants des deux bords, de s’affronter – dans Ayako, Tezuka met l’accent sur les plans de licenciement massif dans les chemins de fer japonais (qui étaient parmi les plus développés au monde, pour partie en raison de magouilles politiques) ; c’est que, dans ce contexte, l'auteur peut faire référence, en maquillant à peine les noms, à une bien sombre affaire (et quelques autres, en fait...) : la mort très, très suspecte de Shimoyama Sadanori, premier président des Chemins de Fer Nationaux Japonais – aujourd’hui encore, les circonstances de la mort du haut fonctionnaire n’ont pas été éclaircies : meurtre (éventuellement politique, impliquant éventuellement les Américains) ou suicide ? Bien sûr, la première hypothèse est la plus stimulante pour Tezuka, et lui fournira un prétexte utile – même si, comme dans L’Histoire des 3 Adolf, c’est assez clairement un MacGuffin.
Car, si ce contexte est essentiel, le cœur de l’histoire, au sens du moins le plus primaire, est ailleurs, dans l’évocation sur trois décennies d’une ancienne famille traditionnelle japonaise, les Tengé, qui « règnent » depuis cinq siècles sur « leurs terres » au nord du Japon, autour de la ville de Yodayama. Comme tels, ces descendants de seigneurs locaux subissent de plein fouet l’impact de la réforme agraire, et n’ont pas de mots assez durs et haineux pour ces « communistes » qui l’ont promue, au travers des Américains (eh !), et les ont ainsi dépossédés. C’est que les Tengé incarnent le Japon ancien, encore largement féodal, même si Meiji est passé par là : ils sont des figures du passé, qui sont d’une certaine manière génétiquement incapables d’intégrer combien le monde a changé – et changera qu’ils le veuillent ou non, sans eux s’il le faut. Comme souvent, les Tengé déguisent la défense de leurs intérêts économiques et politiques sous l’étendard du respect des « traditions », jugées bonnes en tant que telles (un discours qui m’a toujours dépassé)… mais la réalité de la famille Tengé est nettement moins bravache, et beaucoup plus sombre – à vrai dire tout sauf « honorable », l’antithèse même de toute conception naïvement idéale de « l’honneur ».
Le premier membre de la famille Tengé que nous rencontrons se nomme Jiro – un prisonnier de guerre qui vient tout juste d’être relâché par les Américains et rentre à Yodayama après des années d’éloignement. Mais, là-bas, il subit de plein fouet la haine de son père, Sakuémon, le chef du clan : un vrai soldat japonais ne se serait jamais rendu à l’ennemi, Jiro est un lâche, et un traître ! Et, pour le coup… oui. Préoccupé par sa seule survie, Jiro s’est montré très serviable dans le camp de prisonniers, et a fait office d’indic et d’espion pour les Américains – sa « libération » ne met pas fin à son engagement auprès des services secrets de l'occupant, bien au contraire : elle a été favorisée afin de lui confier régulièrement des tâches qu’il ne peut pas refuser… et dont certaines puent sacrément. On est vaguement tenté, au tout début, de supposer que Jiro sera le « héros » de l’histoire – mais rien de la sorte (et peut-être son bandeau « de pirate », outil de caractérisation étonnant, doit-il être envisagé d’emblée comme un indice, mais j’y reviendrai…) : il n’occupera pas la première place dans ce récit, et, surtout, il multipliera les méfaits, au point où le lecteur à son tour le haïra profondément, peut-être plus encore que tout autre sur le moment…
Mais cela vaut en fait pour l’ensemble de la famille Tengé – ou, plus exactement, pour tous les hommes de cette famille (dans laquelle les femmes sont systématiquement des victimes, qui ne se rebellent pas le plus souvent – avec la vague exception de Naoko, qui flirte avec le communisme en flirtant avec un communiste). En effet, les mâles Tengé, dont Jiro, doivent se conformer au modèle déterminant du patriarche, l’odieux Sakuémon, une brute égoïste et autoritaire, qui justifie ses crimes par son statut nécessairement supérieur. L’élément déclencheur, et qui stupéfait Jiro quand il revient à Yodayama, est que Sakuémon a exigé de son fils aîné Ichiro, cupide et pas moins brutal que lui-même, mais aussi parfaitement veule, qu’il lui « livre » son épouse, la pauvre Sué, en échange de la garantie de la meilleure part de sa succession – et Sakuémon abuse sans cesse de Sué, qui lui a « donné » bien malgré elle une fille du nom d’Ayako, quatre ans quand l’histoire débute : ainsi, quand Jiro rentre à la maison, il se découvre stupéfait une petite sœur, et comprend bien vite que sa vieille mère n’en est pas la génitrice – tout le monde sait ce qui s’est passé, mais personne ne le dit… Parce que Sakuémon a tout pouvoir, et que l’inceste (au moins légal, à ce stade, mais plus tard il se passera de cette limitation) est un comportement jugé d’une certaine manière « normal » dans le contexte de la vieille famille Tengé.
(Et, ici, parenthèse : je n’en avais évidemment pas conscience lors de ma première lecture, il y a une quinzaine d’années de cela, mais, depuis, j’ai vu le film d’Ôshima Nagisa La Cérémonie, sorti en 1971, soit l’année précédant la publication en revue des premiers épisodes d’Ayako – et je n’ai pas manqué de relever les ressemblances entre les deux œuvres : une fresque s’étendant sur trois décennies, avec pour point de départ la Défaite de 1945, et constituant une métaphore de l'évolution politique et sociale du Japon sur cette période, le film mettant en scène les Sakurada, une famille traditionnelle aristocratique totalement anachronique, sous la coupe d’un patriarche odieux, brutal, autoritaire, qui est par la force des choses le « modèle » répugnant de tous les hommes qui lui sont liés par le sang ou par l’alliance ; les inclinations politiques de ce clan vont tout naturellement à l’extrême droite, même si on retrouve là aussi une vague histoire de flirt avec un communiste, mais, surtout, l’inceste est une véritable tradition au sein de la famille, jugée presque « normale », oui, et qui complique considérablement l’arbre généalogique des Sakurada… Ça fait vraiment beaucoup de points communs – même si je ne sais pas le moins du monde s’il faut y voir une influence, ou simplement l’air du temps et/ou la perpétuation de certains thèmes toujours utiles pour décrire ce genre de familles traditionnelles, et leur hypocrisie manifeste et révoltante.)
Tout cela va très mal tourner, inévitablement. Jiro, malgré qu’il en ait, est indirectement associé aux meurtres perpétrés par une sorte de « sous-agence » essentiellement criminelle qui gangrène les services secrets américains en mission au Japon – tout d’abord l'assassinat du fiancé communiste de Naoko, ensuite celui de Shimokawa, c’est-à-dire le Shimoyama Sadanori de Tezuka. Pas de chance : la servante simplette Oryo et la petite Ayako le surprennent à tenter de nettoyer une chemise tachée de sang au milieu de la nuit… Et c’est alors que Jiro, que nous avons déjà vu fourbe, lâche et mesquin, achève de nous faire la démonstration de ce qu’il n’a rien d’un héros, en se comportant en monstre : il menace de battre la pauvre Oryo pour s’assurer de son silence… mais comprend bien vite que la simple d’esprit le dénoncera de toute façon sans même s’en rendre compte : il « doit » la tuer…
(Deuxième parenthèse : quand j’avais lu pour la première fois Ayako, il y a donc une quinzaine d’années de cela, j’avais lu juste avant L’Art invisible, de Scott McCloud, qui m’avait vraiment passionné. J’avais été intéressé, notamment, par le discours sur l’identification aux personnages, variant selon le degré de schématisation ou au contraire de précision de leur illustration : en gros, on s’identifie à un smiley 😊 parce qu’il peut correspondre à tout le monde, et cela vaut de même pour les silhouettes figurant sur les panneaux indiquant les toilettes ou que sais-je – c'est leur raison d'être, d'une certaine manière. Et c’est pour la même raison qu’une BD telle que Peanuts de Charles M. Schulz est aussi efficace : Charlie Brown, tout particulièrement, a un visage presque aussi simple qu’un smiley, et on peut donc tous s’identifier à lui, même s'il a certes un sexe et quelques traits et autres procédés de caractérisation – son esquisse de cheveux, son T-shirt… –, qui en font en même temps un personnage ; l’étape suivante pourrait être Tintin, etc. Mais, à mesure que l'on s'éloigne du schématisme, plus un personnage est méticuleusement rendu, avec des traits plus réalistes, et moins il devient un véhicule d’identification – car son caractère de personnage l’emporte et le sépare du lecteur. Un auteur habile peut en jouer, nous dit Scott McCloud – et c’est exactement ce que fait Tezuka dans Ayako : les traits d’abord très simples de Jiro, même avec cet élément de caractérisation qu’est son bandeau sur l’œil droit, et qui contribue déjà à le différencier du lecteur – c’est en fait surtout en cela que c’est un indice de son caractère particulier –, ses traits tout d’abord simples, donc, permettent, voire incitent à, l’identification du lecteur ; mais, au moment précis où le personnage bascule, juste avant qu’il devienne proprement haïssable, Tezuka lui consacre une case silencieuse où son visage est incomparablement plus réaliste, avec quelque chose qui peut évoquer la gravure, voire un soupçon de photoréalisme ; le lecteur ne peut dès lors plus s'identifier au personnage, et il comprend intuitivement que quelque chose de terrible va se produire, quelque chose à laquelle il ne veut surtout pas avoir part... Cette case est une exception dans la BD, Jiro reprendra immédiatement ensuite des traits plus classiquement « tézukiens », mais ce procédé m’avait particulièrement saisi à l’époque, me renvoyant immédiatement à ce que disait Scott McCloud : l’impact émotionnel est énorme ! Par contre, mes souvenirs me joueraient-ils des tours ? Parce que je croyais me souvenir que cette case très particulière était en fait une double planche entière – mais, ici, c’est seulement une case « comme une autre », même si assez grande relativement, à la fin d’une page gauche « normale », et donc juste avant la révélation du crime de Jiro, quand on tournera la page, « comme dans Tintin » ; bizarre…)
Depuis quelque temps, déjà, Jiro comme la famille Tengé dans son ensemble sont pris dans un diabolique engrenage qui ne laisse aucune échappatoire – et, plus on progresse dans l’intrigue, plus cette mécanique amène les personnages à enchaîner les horreurs. Mais la BD connaît bientôt une nouvelle bascule, après le meurtre d’Oryo et le départ de Jiro (que nous retrouverons, bien différent, bien plus tard). Ichiro, l’aîné des Tengé, s’est de tout temps soumis à Sakuémon pour garantir sa succession – nous l’avons vu, il est allé jusqu’à « vendre » sa propre épouse à son père ! Le départ de Jiro l’arrange, mais Ichiro redoute que Sakuémon change d’avis quant à son héritage, en favorisant Ayako qu’il adore, ou peut-être même Sué, qui se livre toujours à lui, n’ayant guère la possibilité de refuser… En fait, Ichiro s’avère un personnage mentalement instable – et, si Ayako est le fruit de ses propres crimes, il la hait en fait plus encore pour cette raison… Quand il s’avère qu’Ayako pourrait nuire « aux Tengé » en racontant ce qu’elle a vu, il saisit l’occasion : « l’honneur des Tengé » implique de la faire taire – ils la feront passer pour morte, et l’enfermeront dans une remise, où elle sera à jamais coupée du reste du monde…
Et c’est alors, d’une certaine manière, que commence vraiment l’histoire d’Ayako… et qu’il me faut me taire, pour n’en rien révéler – simplement, comme je l’ai déjà dit, cette histoire se finira bien des années plus tard… et impliquera bien des crimes.
Il me faut cependant insister sur un point : Ayako n’est pas seulement une BD très, très noire, c’est aussi une BD très, très rude – au point du malaise. Le mot n’est pas trop fort. J’avais déjà dit quelque chose du genre concernant L’Histoire des 3 Adolf, mais Ayako, ai-je l’impression, c’est encore autre chose – encore au-delà. La lecture de ce manga noue l’estomac, régulièrement – au point d’ailleurs où j’ai préféré en étaler un peu la lecture, et je ne crois pourtant pas être le plus impressionnable des lecteurs. Il y a d’ailleurs quelque chose, dans Ayako, qui m’a ramené d’une certaine manière au marquis de Sade – à ce même genre de cruelle noirceur, le rire sardonique en moins ; et, si la BD n’a absolument rien de pornographique, elle s’adresse quand même clairement à un lectorat adulte, il n’y a pas la moindre ambiguïté à cet égard (ou peut-être que si… et c’est bien pour cela que je ressens le besoin de le préciser, car le trait « rond » caractéristique de Tezuka ne doit surtout pas tromper), et la sexualité vaguement ou moins vaguement déviante et perverse sous-tend régulièrement l’intrigue. Je suppose d’ailleurs, au vu d’un commentaire sur ma vidéo portant sur L’Histoire des 3 Adolf, qu’il me faut probablement souligner que, dans Ayako plus encore que dans cette série plus tardive, on ne compte pas les séquences très éprouvantes de violences infligées à des femmes… Je ne crois pas pour autant, mais peut-être naïvement, qu’il faille y voir une forme de complaisance – mais, si tous les hommes ou peu s’en faut dans cette histoire sont des monstres parfaitement répugnants, les femmes quant à elle sont systématiquement des victimes ; la fin de la BD permettrait peut-être un commentaire complémentaire, mais je préfère ne rien en dire ici, au cas où…
(Une troisième parenthèse, quand même : Ayako a connu deux fins – la première pour la publication en série, dans la revue Big Comic, et la seconde pour la reprise en volume ; en France, nous ne connaissions que cette dernière, celle que favorisait Tezuka, et qui est très sombre – mais il s’était senti obligé, initialement, de livrer une fin plus « positive », le « happy end » relatif lui paraissant nécessaire dans les conditions de prépublication d’Ayako ; rappelons qu’il commençait alors tout juste, sauf erreur, à basculer vers des récits plus noirs, et peut-être était-il un peu indécis encore à cet égard… Quoi qu’il en soit, l’histoire dans cette réédition s’achève bien avec la fin « sombre », la seule que les lecteurs français connaissaient jusqu’alors – mais, en annexe, on trouve également la fin « positive »… Un bonus bienvenu, mais qui fait surtout la démonstration qu’Ayako ne pouvait pas se terminer de cette manière, que ça sonnait faux, et que Tezuka avait bien fait de remiser cette conclusion de côté. Tant qu’on y est, le paratexte de cette luxueuse réédition d’Ayako n’a rien de commun avec les abondants commentaires concluant chacun des deux volumes de L’Histoire des 3 Adolf – en dehors de la même préface de Patrick Honnoré, qui a semble-t-il également traduit la fin alternative inédite, il n’y a guère que six pages récapitulant les principaux personnages de la BD et les résumant ; le seul véritable apport de cette annexe concerne les personnages et situations historiques sur lesquels brode Tezuka – les autorités d’occupation américaines, et le mystère autour des « accidents » de chemin de fer, pour l’essentiel.)
Je n’ai pas grand-chose à dire concernant le dessin, ou l’art de la narration, y compris au travers du biais thriller/policier : pour l’essentiel, je ne ferais que répéter les mêmes choses que j’avais avancées pour la plus tardive Histoire des 3 Adolf. Et, oui, bien sûr, c’est donc d’une très grande qualité.
Ayako, globalement, est de toute façon une excellente BD – et une BD importante. Une expérience de lecture éprouvante, aussi, mais ça participe sans l’ombre d’un doute de la réussite exceptionnelle de ce manga crucial. Oui, on peut, on doit, parler de chef-d’œuvre.
DEWDNEY (Patrick K.), L’Enfant de poussière – Le Cycle de Syffe [tome 1], illustrations de Fanny Étienne-Artur, Vauvert, Au Diable Vauvert, 2018, 618 p.
Bon, ben, ça ne marche pas à tous les coups, hein ? Il est très rare que j’abandonne des lectures, mais cela peut arriver – et c’est arrivé pour cet Enfant de poussière, de Patrick K. Dewdney, premier tome nous dit-on d’une série de sept (!), qui pesait déjà bien ses 620 pages ; le deuxième tome, La Peste et la vigne, tout aussi volumineux, étant déjà sorti. En fait, je suppose même que cette parution a eu sa part dans ma décision de baisser les bras – car c’était comme si le premier roman, qui m’ennuyait profondément, avait soudain plus que doublé de volume ! Ce qui avait quelque chose d’un peu menaçant ? Quoi qu’il en soit, au bout de 440 pages du tome 1 environ, las et au mieux indifférent à l’égard de ce qui m’était raconté, j’ai lâché l’affaire – je ne manquais pas d’autres choses à lire.
Ce roman a reçu un accueil très favorable chez les blogopotes – et c’est sans doute pour de bonnes raisons. Mais je n’ai pas pu… Notez bien, je ne l’ai pas détesté non plus, je ne ressens pas le besoin de hurler combien il serait mauvais, etc. – mais il m’a sans l’ombre d’un doute paru bien médiocre, car très… banal, en fait. Je ne comprends dès lors pas le caractère censément « événementiel », pour ne pas dire « providentiel », de L’Enfant de poussière. Je vais tâcher de dire pourquoi…
« Le Cycle de Syffe », puisque c’est donc ainsi qu’il faut désigner l’ensemble, se situe dans un registre low fantasy, disons, ou de fantasy « réaliste », très éloigné de tout caractère épique. Il y a des cartes dans le bouquin (preuve que c’est bien de la fantasy) (aha), mais qui se dévoilent au fur et à mesure, avec une focalisation très ciblée – nous n’avons pas (dans les livres, mais on peut la trouver ailleurs) de carte globale. Ainsi, le début du roman se concentre sur la région immédiatement autour de Corne-Brune, une sorte de principauté frontalière, en tant que telle aux limites de la « civilisation ». Les autochtones, de la bonne société comme de l'autre, n’en sont que plus hostiles à l’encontre des « barbares » plus ou moins nomades qui les « envahissent », disent-ils ; le racisme et la xénophobie sont des thèmes sous-jacents du roman, qui redoublent d’une certaine manière mais en le complexifiant l’ersatz local de « lutte des classes », disons (même si cela serait en même temps une « lutte des ordres »).
Et nous y faisons la connaissance de Syffe (ce qui n’est en fait pas un nom à proprement parler, c’est un mot qui désigne les « étrangers » dans la perspective mentionnée à l’instant), un orphelin (oh…) de huit ans. L’Enfant de poussière est la première partie de l’autobiographie de Syffe, et porte sur quelque chose comme trois années, à vue de nez, qui ont changé sa vie – un vieux Syffe en est l’auteur, qui revient sur son passé avec, suppose-t-on, le recul qu’autorise seule la sagesse forcément (?) conférée par le poids des ans. Et c’est une vie… compliquée.
Dès les premières pages, L’Enfant de poussière nous braille à la gueule « ROMAN D’APPRENTISSAGE !!! », et, de fait, Syffe a bien des choses à apprendre. Bien des choses auprès de bien des maîtres, très différents les uns des autres… En fait, pour ce que j’en ai lu (mais a priori ce premier roman s’en tient là même dans les 180 pages en gros sur lesquelles j’ai préféré faire l’impasse), L’Enfant de poussière rapporte les enseignements reçus par Syffe auprès de trois maîtres successifs, qui ont tous comme de juste quelque chose de pères de substitution : le premier est le Maître-Lame Hesse, une sorte de super-policier/espion au passé un peu lourd, qui tire Syffe des mauvais pas de la petite délinquance pour en faire un agent/indic/espion au service de Corne-Brune. Le deuxième maître est un médecin du nom de Nahirsipal, un ancien esclave en provenance d’une lointaine contrée, et dont le savoir scientifique est en même temps religieux – cette partie est clairement celle qui m’a le plus parlé dans le roman (relativement s’entend, bien sûr). Mais le troisième maître est un guerrier mercenaire issu du fier peuple des Vars, et qui répond (s’il le veut !) au nom de Huldrik – il forme, à la rude, son apprenti (crotteux) Syffe au combat, à la survie et à la LIBERTÉÉÉÉÉÉÉ anarchiste (même si, sans surprise, je trouve la brute plus « anarfasciste » qu’autre chose, ça-arrive-parfois-hein, et sous cet angle je n’ai pas manqué de soupirer en repensant à un Damasio, mettons ; les deux aiment bien le Comité Invisible, d’ailleurs, à en juger par cette interview).
Mais cette succession des maîtres tient aussi à ce que la vie de Syffe est tumultueuse, avec une certaine prédilection pour le fait de se trouver exactement là où il n'aurait pas dû être. De mauvaises décisions, ou la fatalité, ou les déterminismes sociaux, décident de l'avenir de Syffe, au fil de ruptures brutales où l'accumulation a sa part.
C'est qu'il y a bien sûr de nombreux à-côtés – qui sont à leur tour autant d’occasions d’apprentissages pour notre Syffe apprenant ; ainsi auprès des tribus semi-nomades qui plantent périodiquement la tente dans la, euh, banlieue ? de Corne-Brune… mais aussi bien, par la force des choses, dans les écuries des nobliaux du coin, où le travailleur forcé Syffe charrie de la merde à longueur de journées, tâche parfaitement vaine mais qui réjouit son sadique « petit-chef ».
Et voilà pour l’essentiel – mais ceci, c’est dans la perspective de l’autobiographie de Syffe : il n’en laisse pas moins entendre qu’il se passe bien des choses dans le vaste monde, et, çà et là, se dessine progressivement le tableau d’un âge au bord de la crise, et de la guerre – la sédition nobiliaire et réactionnaire gronde en Corne-Brune, qui exècre d’autant plus le primat qu’il est « teinté » de sang étranger ; les fédérations conçues pour prévenir les conflits s’effondrent ; on engage ici ou là des troupes de mercenaires, dont les redoutables Vars, censément pour des « opérations de police », qui ne trompent personne… La haute politique est à l’arrière-plan, Patrick K. Dewdney ne fait pas à cet égard dans le « Trône de Fer », mais elle est là néanmoins – et, comme dit plus haut, ce tableau d’ensemble implique aussi d’envisager quelques thématiques politiques et/ou sociétales liées, touchant aussi bien à l’immigration et à la xénophobie qu’à la participation au pouvoir, aux conséquences diplomatiques mais aussi sociales du commerce comme aux modalités de l’aide aux indigents ou de la justice criminelle, au poids de la tradition quelle qu’elle soit ou encore à la place des femmes dans la société.
Ces thèmes sont intéressants en tant que tels, et, dans un premier temps du moins, l’auteur en traite de manière plutôt habile, je suppose (j’émettrais seulement un bémol : cela passe à l’occasion par des « scènes d’exposition » qui rompent le registre et l’intrigue). Cependant, la dimension de roman d’apprentissage de L’Enfant de poussière, qui y est nécessairement liée, m’a assez vite saoulé… et d’autant plus du fait de la répétition qu’elle implique finalement, avec cette succession de trois maîtres – une succession, au passage, qui n’est pas aussi compartimentée que j’ai pu en donner l’impression : si Hesse est le premier de ces enseignants, il le demeure en parallèle à Nahirsipal. Le médecin est donc celui qui m’a le plus séduit – y compris dans ses traits les moins unilatéralement positifs : le regard qui est porté (par Syffe ou surtout par l'auteur, qui y reviendra via Huldrick) sur sa religiosité, voire sa superstition, n’a rien de neutre, mais le personnage y gagne en caractère. En revanche, le guerrier var m’a vraiment pété les burnes… et le ton pseudo-sage-à-la-dure, ou je-t'apprends-la-vie-dans-la-forêt-mon-jeune-padawan-karaté-kid, qui accompagne ses « leçons » encore plus – même en prenant en compte combien notre narrateur Syffe affirme haïr ce troisième maître : les discours de ce dernier n’en sont ni moins pontifiants, ni moins creux (et vaguement ou moins vaguement puants). Bon, nous n’étions pas forcément supposés aimer ce personnage… Je ne sais pas ce que cela donne dans les 180 pages restantes de L’Enfant de poussière – et encore moins dans La Peste et la vigne, si la question doit seulement être posée. Non, ils n’ont pas à être sympathiques, ces maîtres, et l’auteur a toute latitude pour malmener l’identification du lecteur, passé le seul Syffe qui la monopolise par la force des choses, dans une perspective où les « héros » n’ont pas lieu d’être – c’est même un parti-pris que j’apprécie, de manière générale.
Le problème demeure : où sont les qualités propres qui font que l’on lira L’Enfant de poussière de préférence à what mille pavés de fantasy initiatique ? Quel est le petit plus, le truc, qui fait la différence ? Très honnêtement, je ne l’ai pas trouvé – nulle part. Si ce roman m’a déçu, c’est d’abord et avant tout parce que je l’ai trouvé tristement banal. J’ai déjà lu cette histoire – trop souvent (je n’ai pas forcément de références précises à mentionner, justement parce que c’est de banalité qu’il s’agit, mais je relève que plusieurs camarades ont cité Robin Hobb). Et j’ai déjà rencontré ces personnages – trop souvent ; bon sang, je les ai même probablement joués ou mis en scène dans je ne sais combien de parties de jeu de rôle… et pas les meilleures. Je n’y vois que des archétypes imbriqués dans un schéma narratif strict de roman d’apprentissage qui n’en tient que davantage de la formule (impression renforcée par la répétition de la structure). Le genre fantasy y a certes abondamment eu recours, cela fait sans doute même partie de son essence, mais il n’en reste pas moins que L’Enfant de poussière, ici, ne se distingue en rien du tout-venant. Et l’univers non plus n’a pas la moindre saveur – ce que l’optique « réaliste » n’implique en rien, voyez, pour citer des locomotives, George R.R. Martin donc ou, chez nous, Jean-Philippe Jaworski (auquel on n’a pas manqué de comparer Patrick K. Dewdney, comme on le fait pour absolument tout « nouvel auteur de fantasy francophone », et généralement sans vraie raison autre que commerciale) ; et il en va de même pour l’approche « micro » plutôt que « macro ». À tous les niveaux, en somme, j’ai la conviction que L’Enfant de poussière n’a pas ce « truc » qui en fait une lecture préférable à d’autres. Le caractère censément « événementiel » de cette publication ne m’en laisse que davantage perplexe.
Ce « truc », à en croire les blogocopines et copains, pourrait résider dans le style de Patrick K. Dewdney – mais, là encore, je ne suis pas convaincu. Ou disons pas totalement. En cela aussi, d’ailleurs, l’auteur me fait penser d’une certaine manière à Alain Damasio… Tous deux ont indéniablement le sens de la formule : ils sont capables, et de manière régulière, de livrer des sentences qui sonnent, qui claquent, et qui appellent presque irrésistiblement à la citation – par exemple, quand Syffe prend conscience des implications de la manière dont on le désigne : « […] je ne connaissais aucun chien auquel son maître n'avait pas daigné donner un meilleur nom que chien. » Sobre, pertinent, efficace. Et des sentences de ce type ne sont pas seulement là « pour faire joli », mais servent bel et bien l’histoire et l’ambiance, quitte à appuyer un peu trop sur les thèmes sous-jacents, d’une manière pas toujours très subtile. Mais, oui, ça sonne, ça claque, régulièrement au fil de L’Enfant de poussière – peut-être même chaque page a-t-elle sa phrase parfaitement à sa place, fond et forme. En cela, je suppose que Patrick K. Dewdney est effectivement au-dessus du lot… mais pas tant que cela non plus, car, pour chaque formule élégamment troussée, j’en vois une autre, deux paragraphes plus loin, qui boite pour quelque raison (une répétition malencontreuse, une rupture dans le registre de langage qui nuit à l’immersion, ce genre de choses). Ceci pour la forme, mais cela vaut aussi pour le fond (comme chez Damasio là encore, aux deux niveaux), ainsi quand l’auteur tend à devenir pontifiant, et émet des saillies censément spirituelles et profondes mais qui ne le sont pas tant que cela à y regarder de plus près, ou, autre possibilité, des réflexions tellement démonstratives dans leurs intentions qu’elles en deviennent péniblement lourdes, et, donc, guère subtiles. Du coup, j’ai sans cesse fait la bascule entre ce qui fonctionne bien, voire très bien, et ce qui fonctionne mal, voire très mal – parce que boiteux, parce que lourd, parce que démonstratif. Je veux bien croire que ce jeune auteur, qui a déjà quelques livres à son actif dans d’autres domaines (le policier, mais aussi la poésie) a du talent, une bonne plume, et dès maintenant, c’est-à-dire probablement plus que du simplement potentiel, mais L’Enfant de poussière me paraît encore inégal en la matière.
Ce n’est pas forcément un mauvais roman, non... On en a dit beaucoup de bien, c’est sans doute qu’il y a de bonnes raisons à cela. Mais il ne m’a pas plu – parce que je l’ai trouvé tristement banal, n’y ayant pas décelé le moindre élément en faisant une lecture préférable à une autre, tout particulièrement dans ce genre très encombré, et plus qu’à son tour par la formule, qu’est la fantasy, qu’elle soit low ou high ou ce que vous voudrez. Je n’y vois certainement pas l’événement que l’on a dit – même si ma déception ne pèse probablement pas grand-chose au regard de l’enthousiasme quasi systématique dans la réception de L’Enfant de poussière. La seule chose que je puis affirmer est que moi, je, me, myself, I, me suis ennuyé à mourir dans cette lecture, au point où je n’ai pu la mener à son terme – d’autant qu’à ce stade, je me doutais depuis quelque temps déjà que je n’aurais aucune envie de poursuivre l’expérience avec La Peste et la vigne… et les cinq autres tomes prévus !
SHEPARD (Lucius), Les Attracteurs de Rose Street, [Rose Street Attractors], traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Daniel Brèque, Saint Mammès, Le Bélial’, coll. Une heure-lumière, [2011] 2018, 128 p.
Quinzième titre de la collection « Une heure-lumière » des Éditions du Bélial’, Les Attracteurs de Rose Street rappelle Lucius Shepard à notre bon souvenir, en passant forcément par la traduction impeccable et l’enthousiasme militant de son zélé propagandiste, Jean-Daniel Brèque. L’auteur est de longue date associé à l’éditeur, mais nous n’avions pas eu grand-chose à nous mettre sous les yeux depuis le décès de Shepard en 2014 – ceci alors même que les inédits ne manquent pas. Maintenant, il n’a jamais été le plus vendeur des écrivains, et son goût pour le format (chouettement) bâtard qu’est la novella peut éventuellement sécher quelques entreprises éditoriales qui s’en accommodent mal ; mais « Une heure-lumière » est une collection de novellas, pour le coup – dès lors l’écrin parfait pour continuer de traduire Lucius Shepard.
Qui le vaut bien. Maintenant, je ne cacherai pas que je n’ai jamais été un ultra-ultra-fan, hein : j’ai globalement toujours aimé ce que j’ai lu, mais je ne prétendrai pas que ça m’a systématiquement renversé. Je lui reconnais cependant une voix particulière, c’est indéniable – dans un registre de l’imaginaire, oscillant entre science-fiction et fantastique, qu’il a fait sien, et dans lequel il est relativement isolé. Les Attracteurs de Rose Street confirme sans peine tout cela.
Nous sommes à la fin du XIXe siècle, à Londres, où le smog est plus épais que jamais. Dans cette Angleterre victorienne qui cultive l’hypocrisie, mais dont la dignité de façade ne trompe absolument personne, la pas si bonne société se réunit dans des clubs toujours plus select, où elle jase et dénigre – ce qu’elle a toujours fait et continuera toujours de faire. Le jeune Samuel Prothero, un aliéniste en cette époque pionnière dans l’étude des pathologies mentales, et sans doute trop pionnière pour être pleinement respectable, le jeune Samuel Prothero donc n’échappe pas à la règle, et se réjouit, lui le provincial proverbialement monté à la capitale, d’avoir gagné l’accès au Club des Inventeurs, l’endroit idéal pour gagner appuis, contacts, et recommandations, à même de faire de lui un parfait gentleman.
Le Club n’en a pas moins son mouton noir, car il en faut toujours un : Jeffrey Richmond, un inventeur certes doué, et un homme fortuné par ailleurs, mais, voyez-vous ça, il vit à Saint Nichol, un quartier très mal famé de Londres – ce qui suffit à lui ôter toute crédibilité : dis-moi où tu habites, et je te dirai qui tu es… et pourquoi je te méprise. Prothero n’en pense pas moins. Pourtant, un soir, Richmond l’accoste : il aurait besoin de ses services… contre une belle rémunération ? Principes ou pas, Prothero ne crache certes pas sur la proposition, la curiosité voire le voyeurisme y ayant sans doute aussi leur part, et décide de donner sa chance (?) à l’inventeur paria... à moins qu'il ne s'agisse simplement de saisir une opportunité de s'initier, en compagnie d'un cicérone de circonstances, au bas-monde londonien, qui a la séduction un peu vulgaire d'une prostituée. Et c'est peu dire, car Prothero accompagne ainsi Richmond dans sa demeure de Saint Nichol, et découvre avec effroi et frissons d'excitation comme de dégoût… qu’il s’agit d’un ancien bordel ! Pire, un bordel qui était tenu par la propre sœur de Richmond ! Et deux des… « employées » sont toujours là ! Horreur, horreur glauque ! Protestations d'effroi ! Et frissons...
Mais il y a plus : les attracteurs de Richmond – des machines qu’il a développées (à base de pseudo-science « ta gueule c’est pseudo-scientifique »), et qui sont conçues pour débarrasser Londres de son smog (mais la métropole le veut-elle seulement ? Le smog a ses avantages…). Le projet est prometteur, même si loin d’être abouti – il serait assurément à même de valoir à son inventeur les lauriers du scientifique philanthrope... ou pas, car cela impliquerait malgré tout de minimiser la souillure nauséabonde du logis à Saint Nichol.
Mais voilà : ces machines ont un effet secondaire imprévu… qui est qu'elles attirent des fantômes ! (« Ta gueule c’est fantastique. ») Et parmi les âmes en peine qui rôdent autour des attracteurs, il y a la défunte sœur Christine… Or Richmond veut en savoir plus – sur elle, sur ce qui l’a amenée, et comment, à tenir un bordel, et sur les circonstances de son meurtre, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. L’aliéniste Prothero est chargé de disséquer la psyché d’une morte, avec laquelle il n'apparaît pas possible de communiquer.
Ce qui implique de s'installer sur place. Mais, dans cet ancien bordel, qui en a conservé quelque chose – comme la souillure indélébile de Saint Nichol –, les occasions ne manquent pas, pour un jeune et talentueux aliéniste, d’appliquer son savoir à des créatures plus classiquement vivantes. Et jusqu’à lui-même, sans doute, et plus encore quand il tombe follement (…) amoureux de la belle Jane, la plus raffinée des anciennes employées de Christine…
Ce résumé un peu tordu en témoigne, je suppose : Les Attracteurs de Rose Street est une novella complexe et très dense, où il se passe pas mal de choses très diverses. À vrai dire, le liant est parfois un peu lâche, et le sentiment de lire un récit passablement décousu est sans doute dans l’ordre des choses.
Et pourtant pas tant que cela ? C’est que le liant ne réside pas dans ces éléments d’intrigue disparates, mais dans l’ambiance et les thèmes – les vrais atouts de la novella, pour le coup autrement solides. Et si ce récit met tout d’abord en avant, via ces mystérieux « attracteurs », une quincaillerie connotée steampunk, c’est sans doute un leurre, un de plus, car le clinquant pulp n’est guère à sa place ici : il s’agit bien plutôt d’explorer l’âme humaine. Shepard s’amuse sans doute à respecter le cahier des charges, et il « cite », toutefois avec bien plus de finesse qu’il n’est d'usage dans ce registre très référentiel. Son Angleterre victorienne est imprégnée de références gothiques, on devine ici un Jekyll, là le souvenir d'un Frankenstein (malgré les années d'écart et le contexte tout autre), etc., mais l’essentiel est décidément ailleurs – en même temps que l’ambiance sous-tendue par ces clins d’œil nécessaires, mais suffisamment discrets pour rester de bon goût, s’attache davantage à la description d’un Londres d’autant plus hypocrite qu’il est vicié, à l’instar de ce smog qui s'avère charrier le souvenir de défunts infréquentables. Finalement, machines et fantômes ou pas, on louche plutôt du côté des penny dreadfuls, surtout, et éventuellement du Portrait de Dorian Gray. La place centrale accordée au sexe dans cette affaire en témoigne tout particulièrement, avec la décadence fin-de-siècle qui va bien, tandis que les réflexions de Prothero, quand il fait l’aller-retour entre Saint Nichol et le Club des Inventeurs, ont quelque chose d’une prise de conscience – de ce que le vice suinte littéralement de la digne aristocratie des clubs, et qu’une prostituée, même formée professionnellement pour la mascarade, a plus d’âme et de personnalité dans ses comédies que tant de faux-nez et autres masques, qui jouent aux savants pour épater la galerie, mais sentent la charogne dès l'instant qu'on s'y arrête un peu.
En même temps, les éléments proprement imaginaires des Attracteurs de Rose Street ne sont pas pour autant totalement gratuits : si les machines de Richmond ont quelque chose d’un prétexte, elles sont cependant le moteur (...) d’une métaphore efficace et pertinente, qui distille insidieusement une sensation de vague malaise qui ne lâchera plus le lecteur jusqu’à la dernière page. Mais, bien sûr, les fantômes participent à leur tour de cette métaphore, et Lucius Shepard sait, au travers de ces êtres intangibles, susciter des tableaux puissants, dont on ne sait trop en même temps s’ils sont avant tout déprimants ou inquiétants.
Ou émouvants, ça n'est pas exclu non plus.
(Moi qui potasse Wraith en ce moment, j’y ai trouvé de beaux modèles, et mine de rien ça n’est pas toujours si commun dans le traitement littéraire ou cinématographique des fantômes.)
Finalement, cette novella n’est donc pas si décousue qu’elle en a tout d’abord l’air, car tout dans ce texte, du plus fantasque au plus prosaïque, dans l’éthéré comme dans le charnel, dans le céleste comme dans le matériel, unit les personnages dans une même ronde inquiète et finalement très humaine – les ambitions de Prothero comme la tendance au retrait de Richmond, les comédies de Jane comme les chansons d'ivrognes de la plus crue Dorothea, les fantasmes (eh) du bordel comme les impostures des clubs, et, toujours, derrière, les remords et les pensées inavouables, ce qui peut être dit et ce qui doit être caché, ce qui brille et ce qui souille, l’élévation et la sanie, et les paradoxes qu’implique nécessairement ce jeu des contraires qui sous-tend sempiternellement l'ensemble.
La plume de l’auteur, en évitant l’écueil de la virtuosité, sait se montrer juste et authentique avant tout ; elle sonne suffisamment victorien pour que l'illusion fonctionne, sans en faire trop. L’ambiance y gagne, et l’impact sur le lecteur n’en est que davantage renforcé.
Je n’irais pas jusqu’à faire des Attracteurs de Rose Street un des meilleurs titres de cette collection – globalement de bonne à très bonne tenue. Mais elle lui fait honneur, indéniablement. Et si je ne peux toujours pas prétendre avoir été retourné par ce texte, je l’ai suffisamment apprécié pour espérer d’autres traductions encore de Lucius Shepard, un auteur qui gagne décidément à être connu.
HIGASHINO Keigo, Les Doigts rouges, [Akai yubi赤い指], roman traduit du japonais par Sophie Refle, Arles, Actes Sud, coll. Actes Noirs, [2009] 2018, 236 p.
Il y a un peu plus d’un an de cela, j’avais bien apprécié la lecture de La Lumière de la nuit (malgré ce titre…), gros pavé dû au maître actuel du polar japonais, Higashino Keigo, un auteur dont je ne savais alors absolument rien. Cette expérience très concluante, notamment au regard de l’acuité du tableau sociologique dressé par le romancier, m’incitait à prolonger l’expérience. Il y a quelques mois de cela, je me suis donc procuré un autre roman de l’auteur, en Actes Noirs cette fois : Les Doigts rouges (lui aussi adapté en téléfilm au Japon, tiens).
Question format, c’est un peu le jour et la nuit : là où La Lumière de la nuit était un bon gros pavé, Les Doigts rouges est un roman très bref, moins de 250 pages, et très aérées – et là où le précédent roman affichait d’emblée son caractère ambitieux en développant une intrigue complexe sur plus de vingt ans, Les Doigts rouges tient en quelques jours à peine. Si le machiavélisme est de la partie dans les deux cas, ce roman plus récent donne cependant bien davantage l’impression d’un engrenage fatidique, qui ne laisse aucune chance au criminel…
Et au-delà, en fait : c’est bien le propos.
Les Maehara forment une famille tristement banale, où l’indifférence à l’égard des autres l’emporte sur les vagues reliquats de sentiments, si même il y en a jamais eu. Akio est un père démissionnaire et un mari absent – un fils ingrat, aussi, qui ne goûte guère d'être contraint à vivre avec sa mère Masae, une veuve qui perd un peu la tête, aussi laisse-t-il à sa sœur Harumi le soin de s’occuper d’elle. L’épouse d’Akio, Yaeko, tient de la mégère frustrée par sa condition, ulcérée par la médiocrité et les tromperies de son époux, et presque naturellement hostile à l’encontre de sa belle-mère – elle reporte sur leur seul fils Naomi tout le poids de ses affections contrariées. Et ledit Naomi, quatorze ans, est un cas emblématique de hikikomori… mais le type violent, celui qui terrifie régulièrement les médias japonais.
Un jour fatidique, Yaeko appelle Akio à son bureau – où il enchaîne les heures supplémentaires non payées, car cela vaut toujours mieux que de rentrer à la maison. Il s’est passé quelque chose de grave… C’est peu dire : Naomi a tué une petite fille ! L'adolescent revêche ne dit pas pourquoi ni comment, mais sa culpabilité ne fait aucun doute ; sauf qu’il ne semble même pas comprendre ce que le mot « culpabilité » signifie, il se moque totalement de son crime, qu’il ne perçoit pas comme tel, et en reporte de toute façon la faute sur ses parents – il se réfugie dans sa chambre, comme de juste, et on ne le reverra qu’à peine en passant de tout le roman.
Mais que faire ? Pour Akio, cela va de soi : Naomi a commis un crime, et, même si c’est son fils, il est tout disposé à le livrer à la police, qui ne manquera pas de comprendre ce qui s’est passé, et très vite ; ils n'ont pas le choix, de toute façon. Mais Yaeko furieuse multiplie les menaces (et les invectives à l'encontre de son lâche époux) : son fils n’ira pas en prison ! Et jouer la carte du trouble mental pour lui épargner la responsabilité pénale ne fonctionnera pas : où qu’il aille, il sera aux yeux de tous un tueur de petite fille ! Les gens sauront ! Akio est-il donc si veule et indifférent, pour condamner son fils à pareil sort ? Oui, Yaeko n’en a pas grand-chose à secouer de la gravité du crime : la seule chose qui compte pour elle est l’avenir de ce fils qu’elle ne parvient pas à gérer et qui n’éprouve rien pour elle, si sa puérilité s’accommode bien de la servitude maternelle – l’amae est du lot…
Poussé dans ses retranchements, Akio commence par dissimuler le cadavre, laissé jusqu’alors à l’abandon dans un sac poubelle au fond du petit jardin des Maehara, dans les toilettes d’un square un peu plus loin ; mais l’enquête policière s’intéresse immanquablement à la petite famille naturellement dysfonctionnelle – et, tandis que Yaeko succombe de plus en plus à la panique, Akio songe à un moyen de se tirer d’affaire… une idée révoltante, qu’il avait délibérément refoulée jusqu’alors, parce qu'il savait, d'une certaine manière, qu'une fois qu'il l'aurait posément envisagée, il ne pourrait plus reculer et il lui faudrait la mettre en œuvre ...
Car l’enquête débute très vite, et progresse tout aussi rapidement. Akio n’est pas un criminel endurci – un père de famille lambda ne peut que commettre des erreurs dans pareilles circonstances ; les indices ne manquent donc pas qui, sans incriminer à proprement parler les Maehara, incitent du moins les détectives à s’intéresser à ce foyer désuni – et à tous ses membres, tous…
Kaga Kyôichirô est un enquêteur doué – froid, méthodique ; cette affaire est l’occasion pour son cousin Matsumiya de se former au travail sur le terrain – ceci en dépit de la vague gêne qui persiste entre eux, due à l’indifférence manifeste de Kyôichirô concernant le sort de son père en train de mourir à l’hôpital, quand Matsumiya est lui très attaché à cet oncle qui avait fait office pour lui de père de substitution et de mentor…
Oui : la famille – c’est bien le thème central de ce roman. Et, comme dans La Lumière de la nuit, cela passe par une étude quasi sociologique de ce thème, brassant les représentations qui y sont associées, notamment par les médias. Nous avons parlé de hikikomori, et du type violent donc, éventuellement aussi d’amae ; nous savons que, chez les Maehara, il y a « trois générations sous un même toit », et en même temps que cette famille était il y a peu encore nucléaire et tout sauf traditionnelle ; nous avons aussi le portrait dysfonctionnel et pourtant si commun d’un époux qui travaille à l’extérieur pour gagner l’argent du foyer, enchaînant les heures supplémentaires, et d’un tempérament plutôt puéril et détaché, jusque dans ses relations extra-matrimoniales, tandis que son épouse doit se contenter d’un petit boulot d’appoint pour se consacrer autrement aux tâches domestiques, dans un environnement particulièrement ingrat, dont elle fait sans cesse le reproche à son époux, mais sans être capable d’y inclure son fils comme faisant partie du problème ; le vieillissement de la population et le sort des personnes âgées sont des préoccupations affichées de plusieurs personnages du roman ; la sénilité, tout particulièrement, est exposée, sur le mode le plus franc de la tendance à littéralement retomber en enfance, etc.
Ce tableau, pas si froid qu’il en a l’air, car les Maehara, sans jamais vraiment susciter la sympathie, c’est même plutôt le contraire, n’en ont pas moins quelque chose d’humain qui ne peut que toucher (et tout particulièrement Akio, un très bon personnage, à la psychologie savamment développée), ce tableau, donc, est un des principaux atouts du roman. L’autre, c’est l’engrenage dans lequel sont pris les Maehara, et Akio au premier chef : l’enquête se rapproche toujours un peu plus d’eux, et ils doivent y réagir sous le coup de la panique – toujours un peu plus. Le méthodique Kaga Kyôichirô ne laisse pas passer le moindre détail, et, à terme, l’entreprise des Maehara visant à maquiller le crime de Naomi ne peut qu’échouer.
Et nous le savons – et ça n’est en rien un problème, bien au contraire. En fait, dans ce court roman, même si sa nature même de policier implique le suspense et les indices tordus, nous savons donc d’emblée que les choses vont mal tourner pour les Maehara et que la police connaîtra le fin mot de l’histoire, et nous savons aussi, bien avant que le roman ne le dise ouvertement, quel sera en définitive le plan d’Akio pour se sortir de cette sale affaire en épargnant Naomi ; et nous avons au moins une vague idée de comment les enquêteurs sauront circonvenir ce plan. Je crois sincèrement que tout cela participe d’un même atout – l’engrenage, avec ses connotations de panique et de manœuvres désespérées…
Pour toutes ces raisons, Les Doigts rouges est un court roman d’une lecture très agréable – ou plus exactement il est longtemps un court roman d’une lecture très agréable… Mais, hélas, pas jusqu’au bout.
Si j’étais un peu sceptique concernant l’évocation en miroir du sort du père de Kaga Kyôichirô, qui est donc aussi l’oncle de Matsumiya, un procédé que je trouvais un peu forcé voire grossier, et qui rallongeait inutilement un roman certes bref mais qui aurait peut-être gagné à encore un peu plus d’épure, le plaisir l’emportait largement durant la majeure partie du roman. Mais la fin… a tout gâché ? C’est d’autant plus triste que j’ai bien conscience, encore maintenant, de mon plaisir de lecteur avant cela !
Mais, oui, j’ai vraiment détesté la conclusion du roman… Notamment du fait d’une succession de twists dans les dernières pages, qui ne m’ont vraiment pas plu. Le premier porte sur l’indice déterminant permettant à Kaga Kyôichirô de mettre à mal le « scénario » conçu par Akio – c’est inutilement tordu, et assez peu crédible ; bon, ça n'aurait pas été déterminant... Mais le deuxième twist porte sur les implications de cet indice – c’est beaucoup trop tordu, au point où c’en est totalement invraisemblable, voire ridicule… Et là je me rends bien compte que la résolution de La Lumière de la nuit n’était pas irréprochable sous cet angle, mais ce n’était pas au point de me gâcher le roman… Hélas, un troisième twist résout l’intrigue parallèle à l’hôpital de la pire, de la plus affligeante et malhonnête des manières !
Tout ceci dessert considérablement le roman – mais il y a peut-être pire encore, et c’est que, au moment où ces twists s’enchaînent, le discours sur la famille change brusquement, et pour le pire : Higashino Keigo repeint tout le tableau, jusqu'alors si juste, à la moraline la plus rance et pénible, et d’une banalité affligeante. Comme dit plus haut, le tableau peu ou prou « sociologique » de la famille japonaise moderne qui constituait la structure du roman était non seulement pertinent, mais aussi étonnamment touchant – même au travers de personnages que nous n’avions aucune envie d’aimer ; en fait, leurs travers ne les rendaient que plus humains, et c’était là une dimension essentielle de l’intrigue, qui faisait que nous pouvions être touchés, écœurés, révoltés, affligés, etc. Sans doute ce tableau avait-il d’emblée des fondations trempées dans la morale, mais la morale et la moraline sont deux choses différentes – or, la fin du roman, c’est résolument de la moraline ; et ça pue un peu, et c’est définitivement grossier.
Ce ton très pénible, et l’invraisemblance agaçante et inutile des ultimes twists, s’associent pour diminuer considérablement la note d’un roman que je trouvais jusqu’alors tout à fait divertissant et intéressant, même sur un mode relativement mineur – ce qui n’avait à vrai dire aucune espèce d’importance.
Une déception, donc – même si je pense redonner sa chance à Higashino Keigo un de ces jours ; Les Doigts rouges me fait l’effet d’un roman tristement raté, mais il n’en contient pas moins beaucoup de bonnes choses – comme, dans un genre différent, La Lumière de la nuit. Qu’il gâche tout en définitive n’en est que plus rageant.
Nous avons remis ça avec le camarade Acteris ! Je n’ai jamais autant joué à X-Wing que depuis la sortie de la 2e édition… C’est qu’il faut tester plein de trucs ! À l’évidence, ce rythme très soutenu n’aura qu’un temps. Mais pour le moment, on s’amuse bien !
Adonc nous avons passé une autre après-midi à tester des trucs et des machins – nous avons ainsi joué quatre parties : dans les trois premières, j’ai joué impérial (forcément ?), et rebelle dans la dernière (oh) ; le camarade Acteris a joué deux listes impériales, puis deux racailles.
Et… oui. On a chacun essayé des trucs. Qui ont plus ou moins bien marché.
Hein.
DECADE(NCE) OF AGGRESSORS – 200 POINTS
Cette première liste impériale est pour partie issue d’une discussion avec le camarade Albu, après qu’il m’a humilié une fois de plus. On faisait le tour des vaisseaux impériaux, et j’avais noté qu’il n’y en avait que deux que je n’avais pas encore testés en v2… et pour cause, ce sont probablement (avec le TIE Reaper, je le maintiens !) ceux qui ont le plus souffert en passant au nouveau système, alors qu’ils se défendaient plus qu’honorablement en v1 : le TIE/ag Aggressor, et le Star Wing de Classe Alpha.
Nous nous sommes surtout intéressés au premier – qui est une sorte d’anomalie dans la flotte impériale : un châssis spécialement créé, semble-t-il, pour avoir des tourelles, ce qui en fait un cas unique dans le camp de la Justice, de la Vérité et du Bon Droit. En v1, il suffisait de l’équiper d’une Tourelle laser jumelée, même un petit Spécialiste Sienar, et, hop ! Ça donnait un truc pas cher du tout et potentiellement très pénible pour l’adversaire – on pouvait même gonfler un peu sa défense avec un Châssis léger, que demandait le peuple ?
Mais en v2… En v2, déjà, les règles des tourelles ont considérablement changé (avec l’action de rotation, tout particulièrement), il n’y a plus de Tourelles laser jumelées (et c’est sans doute tant mieux, parce que c’était une amélioration vraiment balaise et donc vraiment pénible), et il n’y a plus non plus de Châssis léger. Les tourelles qui demeurent sont beaucoup moins dangereuses et... agressives (un comble !), aussi la plus-value de cette approche tactique est-elle relativement limitée, surtout eu égard aux caractéristiques assez médiocres en général du TIE Aggressor – et les pilotes uniques de ce support en v2 ont des capacités spéciales plus ou moins excitantes, plutôt moins que plus… Cependant, il fallait tester le truc, hein ! On sait jamais ! Et l’idée était donc d’aligner deux Aggressors, équipés chacun d’une Tourelle à canons ioniques – en jouant sur les capacités des pilotes et/ou des Artilleurs pour s’assurer autant que possible la faculté pour chaque vaisseau de tirer deux fois par tour (ce qui, au fond, ramène bien au fonctionnement de feue la Tourelle laser jumelée).
J’ai donc essayé de bâtir une liste sur ce principe – avec les pilotes uniques, que je voulais essayer : le camarade Albu a depuis proposé une autre approche, avec deux Éclaireurs de l’Escadron Onyx, également équipés de Tourelles à canons ioniques, contrôlées par des Artilleurs de tourelle vétérans, mais avec aussi un jeu sur le Talent Gambit des astéroïdes – je suppose qu’il faudra essayer ça aussi, au cas où…
Mais, autant le dire tout de suite, ma liste n’a pas fonctionné, et m’incite à me montrer plus sceptique encore quant à la pertinence d’aligner ces chasseurs « anormaux ».
Puisque la liste avait pour objet de tester les TIE/ag Aggressors, autant commencer par eux, hein ? J’en ai donc aligné deux, les deux pilotes uniques : le premier est le Lieutenant Kestal (36 points d’escadron). Quand il effectue une attaque, après que le défenseur a lancé les dés de défense, je peux dépenser un marqueur de Concentration pour annuler tous ses résultats vierges ou Concentration ; mouais.
Je l’ai donc équipé d’une Tourelle à canons ioniques (6) : elle donne – bien sûr – l’action de Rotation, et offre une attaque à trois dés rouges et à portée 1-2 (un truc qui m’a beaucoup fait chier dans cette partie, cette portée…) ; si l’attaque touche, je peux dépenser un résultat Dégât ou Critique pour infliger un Dégât au défenseur – tous les Dégâts et Critiques en plus sont convertis en autant de marqueurs ioniques.
Et, ce qui va avec, c’est un Artilleur de tourelle vétéran (8) : après avoir effectué une attaque principale (rappelons que le TIE/ag Aggressor, de base, n’a que deux dés rouges), je peux faire une attaque bonus en utilisant une tourelle pas encore employée durant ce tour. L’idée est donc bien de faire, dans l’idéal, deux attaques par tour : une attaque normale, puis une de tourelle (avec ce timing précisément, j’y reviendrai) – ceci bien sûr si la tourelle est orientée dans l’arc de tir avant, ou si les vaisseaux ennemis sont dispersés ; sinon, eh bien, c’est une tourelle, donc, orientée comme il faut, elle permet d’atteindre des cibles ne faisant pas face au vaisseau – et c’est bien l’objet de ces améliorations particulièrement hostiles pour les pilotes faisant dans l’ « arc dodging », comme on dit en bon français. C’est l’idée, hein…
Mon deuxième TIE/ag Aggressor est également équipé d’une Tourelle à canons ioniques (6), mais fonctionne différemment – « à l’envers », d’une certaine manière : il s’agit en effet de « Double Edge » (33), qui a une Initiative plus basse (2 au lieu de 4), et une capacité spéciale en vertu de laquelle, s’il rate une attaque de Tourelle ou de Missiles, il peut effectuer une attaque bonus en utilisant une arme différente – pas nécessairement, donc, une attaque d’arme principale.
Dans ces conditions, un Artilleur de tourelle vétéran serait moins utile à « Double Edge » qu’au Lieutenant Kestal – enfin, ça se discute, je suppose. Cette capacité spéciale, en prenant certes en compte son côté « roue de secours », car cela suppose une première attaque ratée, offre quand même une certaine souplesse de jeu, mais en imposant un timing différent : cette fois, il faut d’abord faire une attaque de Tourelle ou de Missiles, et ensuite, si elle rate… eh bien, cela dépend des circonstances, mais pas nécessairement une attaque d’arme principale, du coup. Parce qu’un Artilleur était sans doute quand même bienvenu, je me suis décidé pour un Artilleur hors-pair (7) : quand j’effectue une attaque de Tourelle, après l’étape « Modifier les dés de défense », le défenseur doit retirer un marqueur de Concentration ou de Calcul – bon, ça se tente…
Mais le point essentiel, avec « Double Edge », concerne probablement la possibilité d’insérer des attaques de Missiles dans son économie offensive (si j'ose m'exprimer ainsi) : je me suis donc décidé pour des Missiles à concussion (6) ; c’est une attaque à trois dés rouges (sans bonus de portée) dans l’arc de tir avant, et à portée 2-3 ; elle nécessite une Acquisition de cible, et, quand l’attaque touche, chaque vaisseau à portée 0-1 du défenseur expose une de ses cartes de Dégâts – et il y a trois charges. Oui, ça se tente…
Maintenant, il me fallait compléter cette liste – sachant que les deux Aggressors ensemble faisaient tout de même 102 points d’escadron. Je me suis décidé pour une paire de Bombardiers TIE/sa, en fait le duo Jonus/Rhymer que j’avais déjà testé (ici) avec un certain succès ; dans cette liste cependant, ces Bombardiers... n'emportent pas de Bombes, et leur capacité générique n'a donc pas à être rappelée ici.
Le premier de ces vaisseaux est piloté par le Capitaine Jonus (36), que j’aime beaucoup, et dont la capacité spéciale permet à un vaisseau allié à portée 0-1 effectuant une attaque de Torpilles ou de Missiles de relancer jusqu’à deux dés d’attaque : il s’agit donc de voler en formation, pour que les autres vaisseaux bénéficient de ce bonus non négligeable (qui s’applique bien sûr également à Jonus lui-même).
Le Major Rhymer (34), de son côté, peut augmenter ou réduire de 1, dans une limite de 0-3, le prérequis de portée pour ses Torpilles et ses Missiles.
En dehors de ces facultés uniques, ces deux Bombardiers sont équipés des mêmes améliorations : tout d’abord, des Roquettes de barrage (6, cette amélioration requiert deux emplacements de Missiles), qui offrent une attaque à trois dés rouges (sans bonus de portée) dans l’arc de tir principal à portée 2-3 (et donc 1-3 pour Rhymer). À noter, cette attaque ne requiert pas d’Acquisition de cible, mais nécessite en revanche d’avoir un marqueur de Concentration. Et, si le défenseur est dans le « Bullseye », je peux dépenser une ou plusieurs charges pour relancer autant de dés d’attaque – sachant que cette amélioration dispose à la base de cinq charges.
Ensuite, les deux vaisseaux sont armés de Torpilles à protons avancés (6) : il s’agit d’une attaque dans l’arc de tir avant à cinq dés rouges (sans bonus de portée), mais à portée 1 seulement (du coup, 1-2 pour Rhymer – ça devient de suite plus intéressant…) ; il faut une Acquisition de cible, mais on peut changer un résultat Dégât en résultat Critique. Par contre, il n’y a qu’une charge…
Et c’est donc surtout en pensant à ces Torpilles que j’ai choisi de munir les deux Bombardiers de la même Modification, à savoir Munitions à sûreté intégrée (2) : pour faire simple, si une de mes attaques de Torpilles ou de Missiles rate d'emblée (après avoir jeté les dés rouges, avant que le défenseur ne jette les dés verts), je peux annuler tous les résultats des dés pour récupérer une charge consommée dans cette attaque.
Bon.
…
Ça n’a pas très bien fonctionné. Enfin, les Bombardiers, si, plutôt... Mais pas les Aggressors qu’il s’agissait de tester.
En face, Acteris alignait une compo impériale – oui, c’était Empire contre Empire, un exercice de l’Académie, sans doute… Et avec du clonage à la clef, je suppose, car il y avait bien dans cette liste antagoniste un Bombardier TIE/sa… qui n’était autre que le Major Rhymer. C’était la brute de service – les deux autres vaisseaux ennemis jouaient davantage de la carte du « petit machin agile », pour ne pas dire de la savonnette (HEY ! NORMALEMENT C’EST MOI QUI JOUE ÇA !), à savoir un TIE Advanced x1 piloté par (natürlich) le citoyen Dark Vadorhimself, et un TIE/sk Striker piloté par (natürlich) le citoyen « Countdown ».
…
J’ai souffert. Enfin, mes deux Bombardiers s’en sont plutôt bien sortis – d’ailleurs, ils ont très vite pulvérisé « le Rhymer d’en face », qu’Acteris avait un peu imprudemment approché… de sorte qu'il s’est pris deux Torpilles à protons avancées dans la face. Vous connaissez l’histoire de Paf le Bombardier ?
Mais le reste… Non, mes Aggressors n’ont pas fonctionné. Déjà, une chose qui m’a considérablement agacé (et, oui, cela tient à ce que je les pilotais comme un sabot, sans doute), c’est que je n’ai quasiment jamais eu l’occasion de faire la « double attaque » qui était censée constituer leur principal (unique ?) atout – ceci notamment du fait de la portée 1-2 de la Tourelle à canons ioniques : je ne l'ai que très rarement utilisée, et les dégâts ioniques ont été plus rares encore (à vrai dire, je ne suis même pas certain d’en avoir infligé). Du coup, j’avais déjà l’impression d’avoir cramé beaucoup trop de points d’escadron pour un truc qui ne fonctionnait pas vraiment.
Le deuxième effet Kiss Pas Cool, c’est que les Aggressors, en plus, sont fragiles – trop pour leur coût en ce qui me concerne. Quatre points de Coque et un Bouclier avec deux dés verts, vous me direz, c’est mieux que « Countdown », et, oui, sauf que le Striker a sa capacité spéciale (et il en a fait usage dans cette partie) qui permet de retarder sacrément l’échéance – outre que ses facultés de repositionnement sont tout autres.
Acteris, après sa boulette concernant Rhymer, s’est montré plus prudent, et, à bon droit, a concentré ses attaques sur mes Aggressors : il me les a sortis tranquillou, en prenant son temps, et, paf, j’ai perdu 102 points d’escadron, qui ne m’ont quasiment servi à rien de toute la partie. Sauf erreur, quand nous avons arrêté les hostilités pour cause d’horloge, il me restait mes deux Bombardiers, et en relativement bon état ? Mais, avec ces savonnettes de Dark Vador et de « Countdown » en face, je ne pouvais pas espérer faire grand-chose…
Acteris l’a emporté, donc – large.
Et j’ai regardé mes Aggressors d’un sale œil.
Non, le test ne s’est pas montré concluant…
0-1.
GIRL POWER À L’ACADÉMIE – 200 POINTS
Ma deuxième liste impériale de la journée doit elle aussi beaucoup à une discussion avec le camarade Albu. Nous évoquions les nuées de Chasseurs TIE. Je « défendais » celle que j’avais jouée précédemment contre Acteris, comprenant six vaisseaux avec des pilotes uniques bénéficiant d'une Initiative relativement élevée (trois vaisseaux à Initiative 5, et trois à Initiative 4 – ces derniers étant trois des quatre pilotes de l’Escadron Inferno), mais, à l’évidence, on peut envisager pas mal de formats de nuées différents et efficaces.
J’avais envie de reprendre, d’une certaine manière, une configuration que j’avais parfois jouée en v1, de manière plutôt satisfaisante, avec un vaisseau de soutien et quatre ou cinq Chasseurs TIE – à l’époque, j’avais fait une nuée amusante avec une Navette de Commandement de Classe Upsilon (éventuellement pilotée par le Major Stridan) qui appuyait des Pilotes de l’Académie. Je supposais qu’il était possible de faire quelque chose dans cet esprit en v2 – mais, certes, avec un autre vaisseau de soutien, du fait de la scission des factions Empire Galactique et Premier Ordre. Cela dit, la Navette de Classe Lambda avait bien profité du passage à la v2, hein ?
Et, surtout, je crevais d’envie de jouer un Équipage plus qu’aguichant dans une configuration « swarm » : l’Amiral Sloane…
(J’étais intéressé aussi, de manière générale, par Ciena Ree, mais probablement pour un autre format.)
Et, sur ces bases, une liste s’est comme dégagée toute seule…
Commençons donc par le vaisseau de soutien, qui est bien une Navette T-4A de Classe Lambda. Nous nous sommes posés la question du pilote, en envisageant un simple Pilote du Groupe Omicron, mais je tendais à croire que la capacité spéciale du Capitaine Kagi (48) pourrait être utile à ma nuée : en effet, au début de la phase d’Engagement, je peux ainsi choisir… autant de mes vaisseaux que je veux à portée 0-3, et transférer les marqueurs d’Acquisition de cible ennemis sur la Navette, hop ! Et ça peut s’avérer utile.
La clef de cette liste (enfin, en théorie, voyez plus bas…) était donc l’Équipage Amiral Sloane (10), et ladite dame a un effet très, très rigolo : quand un autre vaisseau allié à portée 0-3 a défendu, s’il est détruit, le vaisseau qui l’a attaqué gagne deux marqueurs de Stress. Ce qui est sympathique – mais, en outre, tous mes vaisseaux alliés à portée 0-3 peuvent relancer un dé d’attaque quand ils s’en prennent à un ennemi stressé ! J’aime bien – c’est assez « Premier Ordre », peut-être, comme approche ? Du genre : « Vas-y, fais-moi mal, et plus tu me feras mal, plus tu vas en chier… » Oui, j’aime bien.
Maintenant, la Lambda risquait de se prendre le feu ennemi – d’autant plus peut-être si elle accumulait les Acquisitions de cible hostiles. Il m’a donc paru utile de prendre, en guise de deuxième Équipage, la Ministre Tua (7) : au début de la phase d’Engagement, si la Navette est endommagée, elle peut faire une action de Renforcement rouge. Hop ! Ce qui lui permet de conserver en guise de « véritable » action la Coordination, par exemple.
Et, là je fais les choses à l’envers, parce qu’il me restait trois points d’escadron à dépenser après m’être occupé de mes Chasseurs TIE : j’ai décidé de prendre au cas où un Canon Rayon tracteur (3) : c’est une attaque à trois dés rouges dans l’arc de tir avant (rappel : la Lambda a aussi un arc de tir arrière, mais sauf erreur cette amélioration ne fonctionne pas dans cette direction), à portée 1-3 ; mais elle n’inflige pas de Dégâts, tous les Dégâts et Critiques sont remplacés par autant de marqueurs de Rayon tracteur. Pour des raisons qui seront bientôt évidentes, je n’ai pas eu l’occasion de l’utiliser…
Bon, les Chasseurs TIE/ln, maintenant ! Il me fallait un chef d’escadrille, et la question de qui qui donc ne se posait même pas : l’indispensable « Howlrunner » (40) s’est donc invitée dans la partie : tout vaisseau allié à portée 0-1 peut relancer un dé d’attaque quand il effectue une attaque d’arme principale – merci Madame ! Cette liste est très « girl power », décidément…
Pas d’améliorations : « Howlrunner » n’en a pas besoin…
… et les grouillots qui l’accompagnent non plus : on fait simple et sobre, quatre autres Chasseurs TIE/ln, qui sont tous des Pilotes de l’Académie à poil, les moins chers du jeu (23 points d’escadron chacun).
Et c’est parti !
Cette bataille a été assez improbable – largement du fait du choix audacieux d’Acteris de m’opposer une liste impériale peu orthodoxe, constituée d’un Décimateur VT-49 piloté par le Capitaine Oicunn en mode « bump », et... d’une autre Navette T-4A de Classe Lambda, mais pilotée cette fois par le Lieutenant Sai (afin de faire de la Coordination-Renforcement avec le Décimateur).
Très honnêtement, je crois que c’était la pire configuration possible face à ma nuée. Et cette partie n’a donc pas duré – moins d’une demi-heure, si je me souviens bien. La Coordination-Renforcement n’a fonctionné qu’un temps, et le Décimateur d’Acteris se prenait tous mes vaisseaux dans la gueule – avec « Howlrunner » pour les booster tous (et dans les ténèbres les rebooster), « Howlrunner » qui, par ailleurs, même Traquée par l’Agent Kallus sournoisement embarqué à bord du Décimateur, échappait aux Acquisitions de cible ennemies du fait de l’intervention du Capitaine Kagi.
Bref : mes TIE sont arrivés en formation (les quatre Pilotes de l’Académie alignés devant, « Howlrunner » juste derrière au centre) face au Décimateur, lui ont fait très, très mal, puis ont eu assez de champ pour faire chacun un virage Koiogran sans rompre la formation et sans qu’aucun ne « bumpe » (wahou, je ne pensais vraiment pas pouvoir faire ça un jour…), et finir le gros machin par derrière : j’ai fumé ses quatre Boucliers et ses douze points de Coque en deux tours, Renforcement ou pas. De son côté, Acteris n’est pas parvenu à me sortir le moindre de mes Chasseurs – il a amoché un unique Pilote de l’Académie, mais pas suffisamment. Restait ma liste entière et bien à fond contre une Lambda isolée – Acteris a logiquement concédé. La partie la plus expéditive que j’aie jamais jouée (et remportée, en tout cas…).
…
Et pour le coup c’était un peu frustrant, en fait : j’ai tapé comme un mulet, et, oui, c’était assez jouissif, mais je n’ai qu’à moitié joué cette liste – et, notamment, je n’ai pas eu l’occasion de voir ce que donnait l’Amiral Sloane en jeu, or c’était bien l’objet premier de ma compo… Il me faudra donc la retenter dans d’autres conditions, pour la tester vraiment.
Quoi qu’il en soit, ce fut un massacre. Littéralement.
1-1.
DÉFENSE ACTIVE – 200 POINTS
Pour ma dernière liste impériale de la journée, je voulais essayer un truc qui… m’effrayait un peu ? À savoir piloter deux Défenseurs TIE/d. Le problème étant surtout le prix à mon sens un brin excessif de ces vaisseaux certes excellents… Du coup, on a vite fait d’atteindre les 200 points – ce petit vaisseau coûte plus cher que bien des gros, et pourtant son impact dans la composition est tout autre… Placer un Défenseur, et a fortiori un pilote unique, limite un peu les possibilités pour compléter. Mais, tant qu’à faire, j’ai voulu essayer une liste composée de deux Défenseurs ET PIS C’EST TOUT. Ce qui ne me mettait pas à l’aise : en tant que joueur impérial, j’ai régulièrement des palpitations quand je n’aligne que deux vaisseaux – en fait, c’est encore pire en v2 : là où je jouais souvent trois vaisseaux en v1, j'en joue de plus en plus souvent quatre désormais. Alors seulement deux petits vaisseaux, ou en tout cas deux chasseurs, si vous préférez… Pas n’importe lesquels, certes, mais…
Bref.
Je jouais donc deux Défenseurs TIE/d, l’un piloté par Rexler Brath (84), et l’autre par ma chouchoute la Comtesse Ryad (86). Et tant pis pour le Colonel Vessery ! Mine de rien, cela ne laisse déjà que 30 points d'escadron pour les améliorations...
Lesquelles se ressemblent beaucoup d'un vaisseau à l'autre, car ils ont en commun les mêmes Senseur et Missiles : côté Senseur, un Détecteur anti-collision (5), qui, en gros, permet de ne pas tenir compte des effets négatifs d’un obstacle pendant un round entier quand on dépense une charge (et il y en a deux) ; et côté Missiles, des Missiles groupés (6) : attaque à trois dés rouges dans l’arc de tir avant à portée 1-2 (sans bonus de portée), une Acquisition de cible est requise, et, après cette attaque, on a droit à une attaque bonus, sans prérequis de verrouillage, contre une cible différente à portée 0-1 du défenseur ; et il y a quatre charges.
Mais les deux pilotes ont un Talent particulier, en lien avec leur capacité spéciale. Rappelons tout d’abord que tous les Défenseurs TIE bénéficient de la faculté générique Plein Gaz, qui leur confère une action d’Évasion gratuite quand ils exécutent pleinement une manœuvre à vitesse 3-5. Zoooooooooooom !
Rexler Brath joue avec les marqueurs d’Évasion, justement : quand son attaque touche, s’il a un tel marqueur (et c'est donc plus que probable), il expose une des cartes de Dégâts de son adversaire. Tant qu’à faire, je lui ai du coup donné le Talent Feinte (4) : quand il attaque, s’il a un marqueur d’Évasion (bis), il peut changer un résultat Évasion du défenseur en un résultat Concentration.
Ce talent, parce que Défenseur TIE et Plein Gaz, fonctionne très bien avec la Comtesse également, mais j’ai voulu la distinguer un peu. Sa capacité spéciale lui permet, en augmentant leur difficulté, de changer toutes ses manœuvres Tout Droit en Virages Koiogran – elle peut ainsi se retourner à vitesse 2-5, sans prendre de stress, et donc virtuellement chaque tour. Ce qui en fait un candidat de choix pour le Talent Manœuvre improbable (6) : tant qu’elle effectue une attaque dans l’arc avant, si elle n’est pas dans l’arc de tir de sa proie, celle-ci lance un dé de défense en moins.
Et… ça a bien mieux fonctionné que je ne le pensais. En fait au point où cette partie également a été très expéditive – guère plus d’une demi-heure si je me souviens bien…
En face, Acteris était passé aux Racailles et Scélérats, sa faction de prédilection. Il alignait trois vaisseaux : un Patrouilleur de Classe Firespray(je ne me souviens plus avec certitude du pilote, c'était soit Krassis Trelix, soit Koshka Frost, même si je penche plutôt pour la première hypothèse), un Chasseur M-12L Kimogila piloté par Torani Kulda, et, pour compléter, un Chasseur de têtes Z-95-AF4 en mode kamikaze, plus précisément un Soldat du Soleil Noir.
Le Firespray est une de mes bêtes noires – un des vaisseaux que je crains le plus dans les factions d’en face. Cela m’a incité à concentrer mes assauts sur les deux autres. Rexler Brath a bien profité de son Détecteur anti-collision et de sa Feinte (même si Torani Kulda veillait pour ce qui était des marqueurs verts), tandis que la Comtesse enchaînait les Koiogran à son habitude – les deux vaisseaux s’en sont pris au Kimogila en priorité, mais, en attaquant avec des Missiles groupés, ils infligeaient en fait également des Dégâts au Z-95 tout proche. En deux tours de combat, les deux vaisseaux ont dégagé du tapis, et mes Défenseurs étaient sauf erreur peu ou prou intacts – Acteris avait encore son Firespray indemne, mais il a aussitôt concédé...
À la différence de ce qui s’était produit avec la liste précédente, je suppose que je peux cette fois considérer que cette compo à base de deux Défenseurs TIE a bel et bien été testée, et de manière concluante – mais je la ressortirai quand même un de ces jours, pour voir ce qu’elle donne dans d’autres configurations.
2-1 !
CHEWBACCA-WING – 200 POINTS
Bon, encore une partie à livrer, et j’ai voulu, cette fois, tenter de (me la) jouer rebelle… et sans grand succès. En fait, chaque partie où je rallie l’Alliance me convainc un peu plus que je ne suis pas fait pour cette faction – outre qu’il y a assez peu de choses qui m’excitent la concernant.
Attention, je ne dis certainement pas que les rebelles sont nuls, qu’ils ont souffert en passant à la v2, ce genre de trucs que j'entends ou lis çà et là, et qui me paraissent infondés – je dis seulement que je ne sais pas comment les prendre, et que je les joue mal, et probablement parce qu’ils m’ennuient un peu. Du coup, en fait de « faction alternative » (car je continuerai probablement de jouer au premier chef impérial), je louche de plus en plus sur les Racailles et Scélérats – qui m’ont quand même l’air autrement fun. Du moins au regard de mes envies de jeu.
Mais bon : là, j’avais donc fait une liste rebelle – et à l’arrache, au dernier moment, avec au moins un choix peu ou prou inutile... Je crois que cette tendance à bâcler en dit long à sa manière… outre que je n’ai pas vraiment cherché à faire dans la synergie ou truc : j’ai très bourrinement pris le gros socle qui me plaisait le plus, et l’ai associé à deux petits socles… eh bien, « presque impériaux », je suppose…
Nous commençons donc avec un Cargo Léger YT-1300 modifié, piloté par ce bon vieux Chewbacca (84) : avant qu’une carte de Dégâts ne lui soit assignée face visible, il peut dépenser une charge pour qu’elle lui soit assignée face cachée à la place – et le vaisseau dispose d’une charge récurrente. Bien, ça.
Bien sûr, ce YT-1300 n’est autre que le Faucon Millenium (6), car tel est son Titre, qui lui donne une action d’Évasion blanche, et fait que, s’il a un marqueur d’Évasion, il peut relancer un dé de défense (certes, il n’en a en principe qu’un seul).
Et Chewie a ses copains à bord. Tout d’abord, côté Artilleur, nous avons rien moins que Han Solo (12) : pendant la phase d’Engagement, à Initiative 7 (bon, en clair, avant tout le monde), il peut faire une attaque de tourelle (en l’espèce l’arme principale du YT-1300) – mais il ne peut pas remployer cette tourelle plus tard durant cette même phase. 12 points d’escadron juste pour être sûr de taper le premier, mf… Je suppose qu’il y a de la combo à faire pour rentabiliser cette carte – en fait j'en suis à peu près convaincu ; mais ce n’est pas en bâclant mes listes que je la trouverai…
Côté Équipages, deux gaziers, deux potes : d’abord et surtout, Lando Calrissian (5), le joueur – il donne une action bizarre où on jette deux dés verts, et on gagne les marqueurs Concentration et/ou Évasion correspondants – si les deux résultats sont vierges, c’est l’adversaire qui choisit un de ces deux types de marqueurs, et on en gagne un. C’est rigolo – aléatoire mais sans trop de risques non plus, j’aime bien. Et ensuite nous avons Nien Nunb (5), qui diminue la difficulté des manœuvres de virage sur l’aile – je l’ai sélectionné sans regarder le cadran du YT-1300, parce que j’étais à l’arrache, et ça en dit long…
C’est tout pour le Faucon. J’ai choisi (très vite...) de lui associer deux A-Wing RZ-1 – des petits vaisseaux agiles, que mes camarades jouant rebelles ne prisent généralement guère, mais moi j’aime bien, ils sont un peu impériaux dans le pilotage, faut dire… Ils sont nativement équipés de Propulseurs vectoriels : après avoir effectué une action, on peut faire une action d’Accélération rouge – ils ont de manière générale une excellente économie d’actions, à vue de nez la meilleure de toute l’Alliance (avec les E-Wing, peut-être ?).
Le premier pilote est Jake Farrell (40) : après avoir effectué une action de Tonneau ou d’Accélération, il peut choisir un vaisseau allié à portée 0-1, qui peut alors faire une action de Concentration – autrement dit, ce que je venais de louer à propos de l’économie d’actions générale des A-Wing est encore accru en ce qui concerne Jake Farrell ; je crois me souvenir d’un blog, mais c’était probablement encore en v1, où une combo lui permettait de faire à chaque tour un nombre d’actions parfaitement improbable, à faire pâlir un Dark Vador ou un Soontir Fel… C’est vraiment un pilote au profil d’as, et je n’ai pas l’impression qu’il y en ait tant que ça dans les rangs de la sédition.
Le deuxième pilote de A-Wing est assez bizarre : il s’agit d’Arvel Crynyd (36), qui peut effectuer des attaques principales à portée 0, et peut considérer ses Accélérations qui « bumpent » comme des manœuvres partielles plutôt que comme des actions échouées. Ce tout petit machin qui entre délibérément en collision avec un gros truc, c’est un peu surprenant…
Quoi qu’il en soit, les deux A-Wing, parce qu’ils sont en principe compétents en repositionnement, sont équipés du même Talent, Manœuvre improbable (6), voyez plus haut.
Et... c’est tout.
Bon, sans surprise, ça n’a pas été très efficace, hein – la compo était bâclée, mon pilotage relevait totalement de l’improvisation, sans vraie tactique bien mûrie… Je ne pouvais que perdre.
En face, Acteris jouait une autre liste racaille, avec deux vaisseaux seulement : un Cargo Léger YV-666 piloté par Bossk (et qui est bien le Hound’s Tooth, avec sa ch’tite navette d’évacuation, un Chasseur de têtes Z-95-AF4 qui n’a pas eu l’occasion de montrer le bout de son nez), et un Chasseur d’assaut Aggressor, piloté sauf erreur par le droïde IG-88B (qui avait un de ses copains, IG-88D, dans le Hound’s Tooth).
Il n’y a probablement pas grand-chose à dire de la partie : l’Aggressor a esquivé à peu près toutes mes attaques, Chewie ne s’est pas montré très utile, les A-Wing naviguaient bien mais ne faisaient pas suffisamment de Dégâts. Acteris s’est concentré sur eux – et, mon repositionnement n’étant pas toujours au top, il a pu leur taper dessus, suffisamment pour les faire dégager : il faut dire qu’ils sont très fragiles, surtout pour des vaisseaux rebelles – ce qui les rapproche là encore de nombre de chasseurs impériaux… Mais c'est assez frustrant, pour le coup. Je crois qu’Acteris a dégagé d’abord Arvel Crynyd, puis Jake Farrell, mais sans grande certitude – quoi qu’il en soit, je venais à peine de commencer à endommager IG-88B, et le Hound’s Tooth était peu ou prou indemne ; mon Faucon Millenium aussi, mais j’avais été amené à lui faire faire des manœuvres d’évasion qui l’avaient éloigné du cœur de l’action, et je ne croyais pas un seul instant pouvoir retourner la situation. J’ai donc concédé – peut-être un peu hâtivement, mais…
Honnêtement, je ne m’amusais pas.
Si je ne m’applique pas dans la composition, et pas davantage dans le jeu, dès l’instant que je sors des figouzes rebelles, je suppose qu’il me faudra bien en tirer un jour les conséquences…
Et ça pourrait bien être de tenter de bidouiller des listes « Scum ».