Pour une première chronique musicale, je ne choisis pas vraiment la facilité, là… Et du coup, je vais probablement manquer du vocabulaire et des connaissances pour faire quelque chose de réellement pertinent. Pourtant, le fait est que cette musique atypique m’a séduit…
« Musique de la Grèce antique »… Il y a de quoi être intrigué… On sait l’importance occupée par la musique (entendue au sens large, certes) dans la Grèce classique ; on sait moins qu’il en est resté quelque chose. Bien peu, certes, si l’on compare aux brillants vestiges architecturaux ou à la riche littérature qui ont pu traverser les siècles jusqu’à nous. « C’est comme s’il ne restait de l’Acropole d’Athènes que quelques débris de colonnes épars et une paire de chapiteaux détruits », nous dit Gregorio Paniagua dans le livret. C’est peu. Mais c’est déjà ça. Et jamais jusqu’alors, semble-t-il, on n’avait cherché à interpréter sur instruments d’époques les quelques compositions bien fragmentaires parvenues à notre connaissance. C’est désormais chose faite, grâce au travail titanesque de Gregorio Paniagua et de l’Atrium Musicae de Madrid. Loin de n’être qu’une austère et érudite compilation d’archéologie sonore, cet enregistrement constitue un remarquable tour de force, d’une beauté et d’une originalité rares, parfaitement à même de combler les ignares dans mon genre…
Mais à quoi ça peut bien ressembler, de la musique de la Grèce antique ? Très bonne question, merci de l’avoir posée… Pas facile à dire, en fait. A mon niveau de béotien, tout ce que je puis faire pour vous en donner une idée, c’est essayer de procéder par analogies.
Il s’agit tout d’abord d’une musique largement vocale, que le chant soit mélodique ou parlé, en chœur ou solo ; l'alternance entre parties mélodiques, dissonances et « récitatifs » (un musicologue me tuerait peut-être, je suis pas sûr d'employer ce mot comme il faut...) confère à l'ensemble un fort côté théâtral, qui m'a personnellement pas mal rappelé ce que l'on peut parfois trouver dans les enregistrements de nagauta (la musique d'accompagnement du théâtre kabuki), en plus abordable.
Outre le chant, il y a un vaste panel d'instruments à vent et à cordes, et quelques percussions.
Ensuite, la construction des mélodies (rares mais remarquables) fait parfois penser à certains enregistrements de musique populaire médiévale (par exemple, des chants de pèlerins de Compostelle).
Quant aux sonorités des instruments, elles sont d’une richesse et d’une variété assez stupéfiantes. C’est là encore le béotien qui s’exprime, mais cela m’a un peu rappelé, par certains aspects, outre la musique japonaise ou occidentale médiévale, la musique arabe (les « cithares » les plus graves évoquant parfois quelque peu le timbre de l'oud), ou, plus généralement, les sonorités de l’Orient.
Dans l'ensemble, il s’agit d’une musique plutôt sobre, voire minimaliste, assez éthérée, et très... comment dire... « évocatrice », peut-être ; elle suscite des images, une atmosphère particulière, teintée d’onirisme. Mais cela vient sans doute du parti pris délibéré des maîtres d'œuvre de cet enregistrement, qui ont dû pour une part, aussi minime fut-elle, faire appel à leur imagination pour compléter les fragments antiques (les lacunes, quand elles se voient comblées – le silence est parfois la meilleure solution, et elle est ici souvent retenue –, le sont le plus souvent par le biais du maintien de la note afin de lier les fragments, ce qui crée des dissonances agréables et bienvenues). Au final, l’auditeur se laisse porter dans un univers lointain et jusqu’alors inaccessible, un peu comme à la lecture d’un excellent ouvrage de fantasy, dont ce disque constituerait par ailleurs une bande son idéale…
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