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"Eon", de Greg Bear

Publié le par Nébal

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BEAR (Greg), Eon, traduit de l’américain par Guy Abadia, préface de Gérard Klein, Paris, Robert Laffont / LGF, coll. Le livre de poche science-fiction, [1985, 1989, 1994] 2006, 664 p.
 
En tant qu’amateur de science-fiction, j’ai souvent tendance à déplorer l’existence de romans qui semblent donner raison aux pires poncifs employés pour dénigrer le genre, a fortiori si ledit roman est en outre présenté comme un « classique », voire un « incontournable ». Car il y a bien des réputations indues dans le monde de la SF (dans un sens comme dans l’autre, d’ailleurs). Personnellement, que l’on puisse toujours recommander la lecture de Van Vogt à un novice en science-fiction me sidère… Qu’on ne se méprenne pas sur mes propos, toutefois : je n’ai rien contre la science-fiction de pur divertissement, et, de temps à autre, même si c’est assez rare, j’aime bien me défouler à la lecture d’un space op’ plus ou moins bourrin, sans être rebuté par la minceur de l’intrigue, l’inconsistance de personnages réduits au stéréotype et l’indigence de l’écriture, simplement parce que les idées sont bonnes et que, d’une manière ou d’une autre, cela fonctionne. Ce que je n’aime pas, en fait, c’est qu’il y ait tromperie sur la marchandise. Et c’est hélas ce que j’ai ressenti à la pénible lecture de ce très surfait Eon.
 
C’est d’autant plus triste que c’est le premier roman de l’auteur auquel je m’attelle, et qu’il ne me donne guère envie de poursuivre plus avant. Pourtant, dans la présentation du bonhomme, il est bien des aspects qui me semblaient alléchants : plus ou moins lié au mouvement cyberpunk, et en même temps représentatif d’une certaine hard-SF jouant au possible la carte de la fascination et du sense of wonder… Pourquoi pas ? Eon, premier tome d’une ambitieuse trilogie (les suivants étant Eternité – que j’ai eu le malheur d’acheter dans la foulée… – et Héritage), était même particulièrement loué, présenté comme le roman ayant assuré la consécration de l’auteur, et, pour reprendre les mots de la très flatteuse – bien sûr… – quatrième de couverture, une œuvre s’inscrivant en plein dans « la grande tradition de la science-fiction échevelée, émerveillée, sidérante ». Miam, non ?
 
Non. C’est triste à dire, mais non.
 
Il est pourtant bien des arguments qui semblent plaider en faveur du roman, et notamment son indéniable richesse. Eon fait en quelque sorte figure de somme de la science-fiction, reprenant et renouvelant nombre de thèmes très divers, comme on aura l’occasion de le voir en en survolant l’histoire ; seulement il n’a pas la finesse des Cantos d’Hypérion de Dan Simmons, pour citer une autre œuvre ambitieuse (à peu près contemporaine, d’ailleurs) procédant plus ou moins de la sorte. On y trouve en effet des éléments de space opera, dans un récit décrivant pourtant un futur très proche (déjà passé pour nous ; Gérard Klein, dans sa préface, est bien gentil de parler « d’uchronie a posteriori », en gros, là où l’on pourrait être tenté, plus méchamment, de ne voir qu’une vaine tentative de spéculation politique particulièrement mal branlée et peu lucide), avec un Big Dumb Object, des extraterrestres, des mutants, des implants, des voyages dans le temps, des univers parallèles, une apocalypse et une épaisse couche de hard-SF par-dessus tout ça… Il y en aurait donc pour tous les goûts, en principe. Sauf que, loin d’obtenir un pur rayon de lumière diaphane (avec un chœur d’anges tant qu’à faire), à mélanger toutes ces couleurs Greg Bear n’obtient qu’un vilain paté maronasse, sans attraits et sans saveur.
 
Mais envisageons plutôt l’histoire qui nous est contée. Au début du XXIe siècle apparaît « par accident » dans notre système solaire un étrange astéroïde que les Américains ont tôt fait de surnommer « le Caillou » et les Soviétiques (l’URSS ne s’est donc pas effondrée chez Greg Bear, elle est même plus rude que jamais…) « la Patate » (ce qui dénote dans les deux camps une imagination phénoménale, mais passons). Etrange, certes : d’un côté comme de l’autre, on finit par comprendre qu’il s’agit en fait d’un vaisseau interstellaire de 300 km de long. Nous avons donc notre Big Dumb Object, comme on dit, énième variation sur Rama et compagnie. Comme Rama, d’ailleurs, le Caillou, s’il semble tout d’abord inhabité, n’en contient pas moins, dans ses sept immenses chambres, bien des mystères tout à fait fascinants, à même de tétaniser le plus blasé des scientifiques. Des villes entières, déjà, totalement désertes. Mais aussi des bibliothèques contenant des milliers d’ouvrages rédigés dans des dizaines de langues… terriennes, et qui semblent provenir, ainsi que le Caillou en général, du futur ; un futur à bien des égards horribles, puisque ces ouvrages évoquent pour nombre d’entre eux « la Mort », à savoir une terrible guerre nucléaire ravageant la Terre et entraînant la disparition de quatre milliards de ses habitants, perspective d’autant plus terrifiante que ces sinistres événements sont supposés avoir lieu très prochainement, aux environs de 2005… Dernier mystère, et non le moindre, cette septième chambre… qui semble avoir une profondeur infinie, s’étendant sur plusieurs milliers (millions ? milliards ?) de kilomètres, et où l’on suppose bientôt que se sont réfugiés les habitants du Caillou, de toute évidence humains, et potentiellement les descendants de ceux qui y mènent l’enquête…
 
C’est plutôt intéressant, tout ça, et je n’oserais certainement pas prétendre que Greg Bear est quelqu’un qui manque d’idées : les bonnes idées sont là, et nombreuses. Pourtant, la sauce ne prend pas.
 
Premier élément à charge : la… on va dire la « rédaction ». « Style » est tout à fait inapproprié, et « écriture » semble encore trop aimable. Disons-le franchement, employons cette expression qui agace assez souvent, mais qui reste la plus parlante en l’espèce : oui, Eon est « mal écrit ». Il est même très mal écrit, à la limite du pathétique par endroits. Et je ne vise pas spécialement, ici, l’abondance de phrases « simples » type « sujet – verbe – complément » (quand bien même elle est frappante), si souvent stigmatisée dès que l’on parle de style : une écriture simple et sobre n’est pas nécessairement mauvaise. Si Eon me semble aussi lamentable à cet égard, c’est bien davantage, au contraire, par sa tendance à en faire trop, et maladroitement qui plus est. Dans ce pavé, on ne compte pas, par exemple, les scènes de remplissage et les vaines tentatives de métaphores… Certaines descriptions me semblent à la limite représentatives de ce qu’il ne faut pas faire, et Eon, de manière générale, n’a même pas le minimum de subtilité qui survit encore dans le plus assumé et le plus alimentaire des romans de gare. Si seulement cela pouvait jouer en faveur de la fluidité du récit ! Loin de là, le côté hard-SF n’y étant probablement pas pour rien, on tend régulièrement à s’empêtrer dans un fouillis incolore et brumeux qui achève de ruiner la concentration défaillante du lecteur.
 
Et les personnages n’arrangent certainement pas ce triste tableau. Archétypaux au possible, ils sont tous autant que les autres d’une pauvreté anémique, ayant au mieux l’épaisseur d’une feuille de tabac à rouler. Alors autant ne pas s’aventurer dans les terres dangereuses de la psychologie et des sentiments, sous peine de déconvenue sévère, ou au mieux d’éclats de rire incontrôlables (notamment pour les inévitables scènes de cul – assez rares, ceci dit). On accordera notamment une mention spéciale aux personnages russes pour leur manque effarant de subtilité : Eon semble ainsi se rattacher à la pire tradition du cinéma reaganien, les Soviétiques y ayant en gros la consistance et la vraisemblance des infames cocos que Chuck Norris expédiait alors habituellement par paquets de douze dans les réjouissants nanars de la Cannon. Stupides et bornés, presque invariablement méchants, ils n’ont rien pour eux, les pauvres…
 
Resterait, peut-être, malgré tout, le rêve, l’émerveillement ? Ben non. On est bien loin ici de la « hard-SF » (le terme a pu être critiqué) d’un Stephen Baxter, fascinante et passionnante (voyez mon compte rendu de Temps), ou même du bien plus aride Greg Egan ; Bear n’a pas non plus le sens de la pédagogie et la clarté d’expression, la passion de la découverte, caractérisant par exemple un Kim Stanley Robinson dans sa superbe "Trilogie martienne". Non : ici, la science sert de caution au rêve dans les premières évocations des mystères du Caillou, mais s’empresse bientôt de l’anéantir, dans une confusion verbeuse et totalement obscure pour le non-initié qui lasse très vite, et n’est finalement abandonnée que pour laisser le champ libre à une sorte de mysticisme totalement déplacé et pour ainsi dire ridicule de la façon dont il est amené.
 
J’arrête, je m’énerve tout seul… Eon a plu, semblerait-il. Pour ma part, il m’a semblé au mieux médiocre, et surtout terriblement chiant. Ce fut laborieux que d’arriver jusqu’au bout (et j’avoue avoir lu plus ou moins en diagonales les cinquante dernières pages…). A l’heure actuelle en vacances, et persuadé avant mon départ que je me régalerais avec ce roman dont j’avais entendu dire autant de bien, j’avais également embarqué sa suite Eternité, que j’étais censé lire dans la foulée. Ben désolé mais j’en n’ai pas la force, là… Comme je suis masochiste et que je tiens souvent à finir ce que j’ai entamé, je le lirai sans doute un jour prochain… Mais là, j’ai préféré lire et relire des nouvelles de Theodore Sturgeon ; comme une cure de bonne science-fiction (et fantasy) pour faire passer la pilule de cette cruelle déception.

CITRIQ

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C
Je viens de le relire. C'est effectivement atroce. Bien plus que dans mon souvenir adolescent... Ah, les effets de la mémoire...
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N
<br /> <br /> Ouf. Je me sens moins seul...<br /> <br /> <br /> <br />
N
C'est noté. Mais je vais sans doute attendre encore un peu...
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E
Héritage est un préquel d'Eon, tu peux donc te dispenser d'Eternité sans problèmes à moins que tu ne veuilles lire la fin des intrigues principales d'Eon.
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N
Bienvenue à toi.<br /> <br /> Tu as très bien fait d'émettre ton opinion ; cet article ne renvoyait qu'à mon seul point de vue, avec une subjectivité revendiquée, et on peut sans doute trouver de quoi défendre "Eon". Il y a un point sur lequel je te rejoins volontiers : peut-être, effectivement, aurais-je adoré ce roman si je l'avais lu à 15 ans (tu n'es pas le premier à faire cette remarque, et elle me paraît compréhensible ici ; par contre, pour Van Vogt, non ! gnihihihihi...) ; mais ce n'est pas le cas... Je n'y ai vu qu'une cruelle déception, bourrée de bonnes idées mais terriblement maladroite, finalement guère originale, et surtout ennuyeuse ; du gachis, avec une idée a priori aussi fascinante que celle de la Voie... Je n'y ai donc pas ressenti le "vertige métaphysique" qui fait souvent tout l'intérêt de ce genre de science-fiction (que j'ai par contre ressenti, comme une grosse baffe, avec "Temps" de Baxter, donc). Et l'aspect caricatural "d'Eon" sur le plan humain n'a rien arrangé à l'affaire... Pas convaincu, donc ; mais ça n'engage que moi, encore une fois (les goûts, les couleurs, et toutes ces sortes de choses...).<br /> <br /> Pour ce qui est des suites, je les lirai sans doute un jour, mais pas tout de suite... Ceci dit, quand j'avais fait part de ma déception concernant "Eon" sur le forum du Cafard cosmique, plusieurs, qui avaient tendance à me rejoindre plus ou moins dans cette critique, avec des nuances, ont effectivement considéré "Héritage" bien meilleur... Mais bon, j'imagine qu'il vaut mieux passer par la case "Eternité" avant, et ça ne me presse pas vraiment.<br /> <br /> Sur Egan et Dick, il y a du vrai, certes, mais le traitement est tellement différent que la comparaison me paraît un peu absurde. Mais bon, je plaide coupable : j'aime bien Egan, mais j'adooooOOOOooore Dick, alors mon admiration fanatique pour cet écrivain génial (si si) n'exclut peut-être pas à l'occasion une certaine mauvaise foi... ;)<br /> <br /> En tout cas, merci pour ton commentaire, et n'hésite pas à revenir faire un saut par ici pour exprimer un point de vue différent, c'est fait pour !<br /> <br /> (ah, au fait, c'est Nébal, pas nebalia...)
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O
salut<br /> bon,Je n'essaierai de convaincre personne ici juste expliquer pourquoi J'ADORRRRE eon.<br /> Tout d’abord j ai decouvert ce roman par hasard vers l age de 15ans et il faut dire qu a cette epoque je ne lisai pas grand chose a part quelques livres de S.king qui me laissairent de marbre.<br /> Mais des les premieres pages de eon j ai ete transporté (aspiré par la voie peu etre ,lol)je n avai jamais vu autant de richesses des voyages dans le temps des multivers des cyborgs aux multiples personnalité (avoue tout de meme que la societé de l hexamone est plutot riche non! meme baxter (que j adore aussi)ne fait pas mieux!(la description des posthumains de "temps"est plutot legere,et la societé des romans du cycle xeelee n est pas non plus très poussée)n oublions pas que eon a ete ecrit en 84.<br /> Les personnages sont caricaturale ...d accord!<br /> La politique est naive ...surement<br /> Mais moi j ai pris un sacré pied a le lire .<br /> J y est trouvé des resonnances avec mes interroguations d ado concernant l ame par exemple (je n ais jamais vraiment pu faire entrer l ame dans ma vision des choses meme a l epoque et la conception mecaniste de bear du fonctionnement de l esprit ma beaucoup plu)et puis toute ces histoires d espace qui ce courbe d univers empilé waoooo dark vador pouvait aller se faire foutre !!!!<br /> voila pour eon<br /> Malgre tout je pense que tu devrais lire heritage qui est tres different de eon/eternité<br /> et aussi "le chemin de tous les fantomes"qui ce passe dans l univers de eon et est tres dickiennes ,c est une nouvelle ce trouvant dans le receuil"horizon lointain" (pour le pretexte de l achat il ya meme une nouvelle de d.simmons qui ce passe quelque annee apres la cycle hyperion/endymion).<br /> Encore une petite chose j ai survolé ta critique de radieux et le fait que l on dise de egan qu il est un auteur dickien (hormis les exagerations publicitaires de base) est sa tendance a decortiqué la realité a gratter le vernis de l apparence des choses ,la ou dick le faisait d un point de vue mystique et metaphysique (avec de bonnes doses de trucs pas tres clean dans la citrouille)egan aborde les memes themes en n utilisant que l extreme logique du concept mis en scene.le resultat n est pas moin epousstouflant,voir, plus grandiose encore parce que..ça pourrait tres bien etre ce qui ce passe vraiment dans la "realité"<br /> je te laisse la nebalia(sans doute dans ton etat initiale )
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N
Il n'est pas exclu que je lise "Eternité" un de ces jours... Mais pas tout de suite. Il faut que je retrouve un peu de naïveté et perde ma mauvaise impression sous peine de le descendre en flammes instantanément... Un jour, peut-être. Mais loin, loin...
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L
Tu me rassures, moi aussi je l'avais terriblement ennuyeux et dépourvu de réelle originalité ! Je n'ai pas acheté d'ailleurs Eternité, tu nous diras ce que ça vaut (si tu as envie de le lire ...).
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