"Baroudeur", de Jack Vance
VANCE (Jack), Baroudeur, traduit de l’anglais [américain] par E.C.L. Meistermann, Jean-Pierre Pugi et Michel Deutsch, Ris Orangis, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, [1951-1954, 1961] 2009, 175 p.
Bon, ce n’est plus un secret pour personne, et j’imagine que ça s’est vu : j’ai à l’heure actuelle beaucoup de mal à écrire des comptes rendus dignes de ce nom ; plus que jamais, même, à tel point que mes texticules deviennent plus miteux jour après jour. Pour parler franchement, la flemme et la peur du ridicule m’incitent en permanence à arrêter de nouveau les opérations, en attendant un éventuel regain de forme et d’envie.
En attendant, je lis quand même… Moins, sans doute, et avec plus de difficultés (a fortiori les pavés ; là, par exemple, je viens d’entamer Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, et, j’ai beau me régaler, je rame un peu…) ; mais quand même. Et des bonnes choses, qui mériteraient un meilleur traitement.
Ce recueil paru récemment aux Trois Souhaits, ainsi, vaut franchement le détour. Une belle occasion de découvrir (c’était mon cas) ou redécouvrir Jack Vance en tant que nouvelliste. Et on notera au passage que c’est à ma connaissance le plus gros volume (relativement) publié par ActuSF, jusqu’à atteindre une taille tout à fait conventionnelle. Cinq nouvelles datant essentiellement des années 1950, et qui nous montrent diverses facettes du talent de l’auteur, dans une veine parfois inattendue.
Ici, je pense notamment à « La Princesse enchantée » (pp. 9-45). Mais je ne m’étendrai pas davantage sur ce texte autrement plutôt convenu, de même que deux autres de ces cinq nouvelles, « Le Bruit » (pp. 135-153) et « Le Temple de Han » (pp. 155-176), ce dernier texte étant plus typiquement vancien. Mais ces trois nouvelles n’en sont pas moins dans l’ensemble relativement médiocres, et ne m’ont guère laissé de souvenirs…
Mais restent deux nouvelles qui justifient à elles seules l’achat de ce petit volume.
« Personnes déplacées » (pp. 47-77) traite de la problématique de l’immigration d’une manière fort originale, dans le fond comme dans la forme : la nouvelle est en effet essentiellement composée de coupures de presse et d’extraits d’ouvrage dissertant sur une improbable « invasion » pacifique de troglodytes jusqu’alors réfugiés dans les entrailles de la Terre. La bêtise raciste y est impitoyablement fustigée, à l’instar de l’hypocrisie des gouvernants comme des gouvernés, qui adoptent le plus souvent un comportement insupportablement « nimby ». Il en résulte un texte étrange mais très convaincant, à la fois humaniste et pessimiste, et par ailleurs non dénué d’humour.
Une nouvelle qui vaut le détour, donc, mais c’est également le cas de la suivante, la plus longue du recueil, intitulée « Le Papillon de lune » (pp. 79-133). Ici, on se retrouve dans du Vance à l’état pur, déployant son incommensurable talent pour une « ethno-SF » riche en détails. Si l’intrigue vaguement policière n’est que moyennement intéressante – comme souvent dans ce genre de textes, voyez par exemple Le Cycle de Tschaï –, le cadre est par contre de toute beauté, fourmillant de détails judicieux et inventifs, exotiques et fascinants. À vrai dire, je me demande même si ce n’est pas là ce que j’ai lu de mieux chez cet auteur… Le choc des cultures y est admirablement traité, qui plus est avec humour. Un petit bijou que cette nouvelle foisonnante, à lire à tout prix.
Ne serait-ce que pour ces deux derniers textes, je ne peux donc que recommander chaudement ce Baroudeur. Une occasion parfaite pour découvrir un des plus grands auteurs de science-fiction.
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