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"La Mémoire du crime", de Jacques Barbéri

Publié le par Nébal

 

BARBÉRI (Jacques), La Mémoire du crime, [s.l.], La Volte, 2009, 189 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 55 (pp. 61-62).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…
 

 

EDIT : Hop :

 

 Après les excellents Narcose et L’Homme qui parlait aux araignées, La Volte réédite aujourd’hui La Mémoire du crime, deuxième volet de la trilogie « Narcose » (mais lisible de manière indépendante, il ne s’agit pas d’une suite, quand bien même on trouvera quelques passerelles ici ou là) précédemment publié en 1992 dans la défunte collection Présence du futur, en attendant un troisième opus – inédit, cette fois – pour l’année prochaine, au titre éminemment dickien de Le Tueur venu du Centaure. On en salive d’avance.

 

 En attendant, La Mémoire du crime nous replonge dans l’univers déjanté de Narcose, la ville-sphère improbable. Nous y faisons la connaissance d’Harry Botkine, rodéomane de son état : au court de « concerts », il synthétise des œuvres littéraires sous forme chimique, pour redistribuer le résultat à ses fans sous perfusion collective. Une idée folle et géniale, typiquement barbérienne…

 

Et de manière tout aussi délicieusement barbérienne, le roman débute sur les chapeaux de roue, quand Harry se voit livrer chez lui le cadavre de sa compagne Pricilla Rosetawer, enrobée dans un cocon semblable à de la toile d’araignée (ce qui, là encore, est une obsession typique de l’auteur, qui nous réserve plein d’utilisations saugrenues des horribles bestioles dans son roman). Le cadavre se liquéfie rapidement, et Harry panique : craignant d’être accusé du meurtre, il nettoie tout trace de la défunte et du mystérieux cocon.

 

Mais la curiosité le tenaille, et il se lance bientôt dans une enquête, dans l’Extrados et en-dessous, afin de déterminer qui a tué Pricilla, et pourquoi. Une enquête plutôt maladroite, cela dit : Harry est pour le moins paumé, largement dépassé par les événements, et accumule les gaffes… Mais les éléments commencent à lui tomber dans le bec, les femmes fatales se multiplient… et les cadavres se ramassent à la pelle.

 

La Mémoire du crime est un roman dans l’ensemble bien plus sage que Narcose : là où ce dernier, suivant un train d’enfer totalement maniaque, nageait en permanence dans la folie furieuse, La Mémoire du crime, moins fou et nettement moins dickien, quand bien même il partage nombre d’aspects avec son illustre prédécesseur, suit un rythme plus classique d’enquête policière, avec un loser pour enquêteur. C’est un peu frustrant…

 

Car, quand Barbéri se lâche, c’est toujours aussi jouissif : l’art du rodéomane, la demeure d’Esméralda, l’ingénierie génétique à base d’araignées, et, partout, tout le temps, les plastitêtes en folie et les verres de scotch-benzédrine… Un vrai bonheur. Servi comme il se doit par une plume dense et efficace, saturée pour notre plus grand plaisir de néologismes et de mots-valises en pagaille. Pas de doute : Barbéri a une voix, unique dans la SF française, et immédiatement reconnaissable.

 

Ici, cependant, il ne se montre pas aussi convaincant que dans Narcose ou L’Homme qui parlait aux araignées. La folie est longtemps retenue et, si l’on ne s’ennuie pas à la lecture de cette Mémoire du crime, on ne retrouve pas pour autant la même passion que dans les ouvrages précités. Barbéri s’amuse avec les codes du polar, et c’est la plupart du temps savoureux, mais parfois beaucoup moins ; en parallèle, le roman est truffé de saynètes érotiques pas forcément indispensables, et dans l’ensemble peu convaincantes…

 

Dommage. Car, passée la moitié du (court) roman environ, après nous avoir baladés de témoins en suspects de manière très « compréhensible », Barbéri ouvre de nouveau les vannes, et c’est avec délice que l’on se laisse emporter dans les flots furibonds du Grand N’importe Quoi, jusqu’à un final en forme d’apothéose. Ici l’on retrouve Narcose, et l’influence dickienne (le questionnement de l’identité et de la réalité), qui était beaucoup moins sensible dans les cent premières pages.

 

La Mémoire du crime est un bon roman, pas de doute à ce sujet. Mais il est quand même un bon cran, sinon deux, en-dessous de Narcose, dont il contient peut-être trop longtemps l’imagination débridée et déjantée qui en faisait une bonne partie de la saveur. Reste un bon polar SF, servi par une plume audacieuse et réjouissante. De quoi patienter en attendant Le Tueur venu du Centaure

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