"45:33", de LCD Soundsystem
LCD SOUNDSYSTEM, 45:33.
Tracklist :
01 – 45:33 Pt. 1
02 – 45:33 Pt. 2
03 – 45:33 Pt. 3
04 – 45:33 Pt. 4
05 – 45:33 Pt. 5
06 – 45:33 Pt. 6
07 – Freak Out / Starry Eyes
08 – North American Scum – Onanistic Dub
09 – Hippie Priest Bum-Out
Une drôle d’histoire que ce 45:33, et qui, à première vue, ne fait guère honneur à Dieu, aka James Murphy, et serait même pour certains infidèles à la limite de le déchoir de son statut divin…
Je m’explique. À l’origine, il s’agissait, avant l'enregistrement de Sound Of Silver, d’une double – voire triple – opération commerciale. Le morceau « 45:33 » était en effet une œuvre de commande, passée par Nike auprès de LCD Soundsystem (donc auprès de James Murphy), dans le but d’une campagne promotionnelle de téléchargement sur iTunes. Le concept était le suivant : le morceau était censé accompagner la foulée des joggers, avec leurs accélérations et décélérations. Après coup, James Murphy s’en est un peu défendu : il a expliqué qu’il y a surtout vu l’opportunité d’écrire un long morceau – qui fait « étrangement », non pas 45:33 min., mais 45:58 min., oui, il s’est trouvé des malades pour vérifier ça… – basé sur un concept amusant, un peu comme le E2-E4 de Manuel Göttsching, influence revendiquée, et très sensible dans l’artwork minimaliste du CD. Mouais…
Mais bon, moi je dis qu’on s’en fout un peu, et que l’important, comme le disait si bien Jean-Jacques (je parle du philosophe, pas du musicien), c’est que la musique soit bonne (bonne, bonne, bonne). Or, elle l’est, bonne (bonne, bonne, bonne). Moi, ça me convient parfaitement, opération commerciale ou pas.
Et puis l’opération commerciale, elle se relativise de toute façon. Après Sound Of Silver, ainsi, James Murphy a décidé de sortir « 45:33 » en CD. En soi, ça aurait déjà fait un album ; mais non, il a trouvé le moyen d’y rajouter trois autres pistes pour en faire un vrai album de plus de 70 minutes. Sur lequel, par ailleurs, ne figure aucune mention renvoyant à Nike ou iTunes. Alors bon, moi, je reste dans l’orthodoxie jamesmurphyenne : il reste Dieu. Na.
Attaquons donc la bête, avec le gros morceau (si j’ose dire) qu’est « 45:33 », découpé ici en six pistes. Hélas, je ne vais pas pouvoir vous fournir d’extraits des plus intéressantes, et c’est bien dommage, car, autant le dire de suite, ce long morceau, simplement bon au début, est une tuerie passée la moitié environ (quand le jogger commence à brûler des calories bien comme il faut).
Je ne m’attarderai pas sur « 45:33 Pt. 1 », simple et brève (enfin, un peu moins de trois minutes…) introduction en forme de mise en jambes ; le séquenceur monte, monte, puis ça se re-calme un peu, et se contente de préparer la suite.
Passons donc immédiatement à « 45:33 Pt. 2 ». En ce qui me concerne, cette partie encore assez molle – le jogger s’échauffe encore – et chantée est de très loin la plus faible du morceau (sachant que la première partie ne compte pas vraiment). Un côté très soul dans cette pièce, pas désagréable certes (même si dans le genre on connaîtra mieux plus tard, voir plus bas), mais ça ne convainc pas tout à fait. Jolie partie de basse, oui. Et quand la rythmique commence à préparer la suite, ça devient un peu plus intéressant, oui. Mais bof, quand même.
Et cette suite, je ne vais guère m’attarder dessus, mais pour une autre raison. Non qu’elle soit médiocre : elle est très bonne, au contraire ; mais le truc, c’est que cette « 45:33 Pt. 3 », à peu de choses près, vous la connaissez déjà, puisqu’elle est devenue « Someone Great » sur Sound Of Silver. Seules différences : ici, bien sûr, elle s’insère dans un mix, et elle est purement instrumentale. Pour le reste, c’est la même chose. Très bien, donc.
Et c’est à partir de maintenant que je commence à regretter de ne plus avoir d’extraits à vous proposer (mais il est vrai que les parties sont souvent plus longues maintenant…), parce que, en ce qui me concerne, c’est là que le morceau prend vraiment son envol… Et tout d’abord avec l’excellente « 45:33 Pt. 4 » et son riff de basse génial et imperturbable, agrémenté de quelques sonorités acides, d’orgues psychédéliques et de voix graves trafiquées et ralenties (« My favorite song! ») ; s’amorce régulièrement, en même temps, un « refrain » (chanté ou non par Terra Deva) très soul/funk, un peu blaxploitation même, qui passe très bien. Une vraie merveille que cette quatrième partie, qui constitue, je crois bien, mon passage favori de ce long morceau. Le finale à la trompette achève de convaincre l’auditeur, surtout quand la basse fait une pause, avant de reprendre pour notre plus grand bonheur. Puis il y a une cassure dans le rythme…
… Et on passe à la bien plus speed « 45:33 Pt. 5 » (qui doit faire souffrir les joggers, celle-là), aux sonorités délicieusement kitsch (oserais-je dire – mais je ne suis guère connaisseur en la matière – italo-disco ?), ne serait-ce que pour ces voix robotiques ou passées au vocoder ou ces roulements de batterie électronique. En tout cas, la basse, une fois de plus imperturbable, est plus vivace que jamais, et la rythmique de même. Au pas de course, m’sieurs dames ! Mais ça passe très très bien, en tout cas ; et quand je faisais de la quatrième partie ma préférée, j’avoue que j’hésitais avec celle-ci… Moment délicieux quand la rythmique passe à l’envers, puis revient à l’endroit rejoindre la basse et les claviers virevoltants ! Aaaaaaaaaaaaah…
Et changement complet de registre avec « 45:33 Pt. 6 », ou le calme après la tempête. Il s’agit en effet d’un morceau ambient, idéal pour que nos pauvres joggers ralentissent le rythme en fin de course, puis se délassent, s’étirent, et profitent d’un repos bien mérité.
« Mmmh, dis-moi, Nébal, tu m’étonnes, là… En temps normal, tu dirais du mal des joggers, non ? Tu parlerais de tronçonneuses, de mines anti-personnel, tout ça, mmmh ? C’est ton régime qui te fait cet effet ? Ou ton idolâtrie envers James Murphy t’a-t-elle fait perdre tout sens commun ? »
Non, sinistre interrupteur italiqueux. Ou alors juste un peu. J’exècre bien les joggers, comme toutes formes de sportifs. Mais je dois reconnaître qu’un sportif qui pratique son activité dégradante avec du LCD Soundsystem dans les oreilles vaut pour moi mieux qu’un autre. Ou disons qu’il est moins pire. Voilà.
…
Plus sérieusement, maintenant que « 45:33 » est fini (ouf ; mais rhaaaaa aussi, parce que c’était bon, tout de même), parlons un petit peu des trois pistes que le père Murphy nous a rajoutées en bonus.
Et tout d’abord de l’étrange « Freak Out / Starry Eyes ». Étrange, car ces deux morceaux n’ont franchement rien à voir, et s’enchaînent d’ailleurs plutôt bizarrement (rien d’étonnant, dès lors, à ce que je n’ai qu’un extrait de « Starry Eyes » à vous proposer…). « Freak Out » est un morceau très soul/funk, mais bien plus efficace à mon goût que « 45:33 Pt. 2 ». La rythmique, faisant appel aux percussions, est complexe et chaloupée, trompette et trombone résonnent agréablement à l’oreille, et la basse, tout en restant très simple, groove comme c’est pas permis. Les claviers rajoutent en fin de course une cerise sur le gâteau ma foi pas dégueu du tout. Puis il y a un solo de batterie… et l’on passe à « Starry Eyes », qui n’a franchement rien à voir. Un morceau qui m’a pas mal fait penser à du David Bowie, période berlinoise ou immédiatement postérieure (même si c’est Nancy Whang qui prend le chant). Assez indéfinissable en-dehors de cette vague ressemblance, et sympathique, oui, mais sans plus.
Un remix ensuite, quasi-instrumental, avec « North American Scum – Onanistic Dub », qui sonne parfois assez old school, un peu acid house, mais manie les bleeps avec une jubilation qui fait plaisir. C’est en tout cas un remix d’une complexité typique de The DFA, bien éloignée de la sobriété de l’original – qu’on ne reconnaît, à vrai dire, qu’aux « North American! » de Nancy Whang… ça aussi, c’est typique des remix de The DFA ! –, qui s’en retrouve considérablement enrichi. Jolis passages au wurlitzer par Eric Broucek, notons-le.
Et l’album – car c’est finalement bien d’un album qu’il s’agit – de s’achever sur « Hippie Priest Bum Out », un instrumental assez bref. Basse sympathique, percussions plus que correctes, mais rien de vraiment transcendant.
Hein ? Si 45:33 vaut le coût ? Mais bien sûr, c’te question ! Oh, je vous rappelle que c’est une œuvre de Dieu ! Alors on s’en fout du contexte, tout ça, machin-truc-bidule, le fait est que c’est bon, oh, oui, rhaaaaaaa, encore, ouiiiiiiiii, c’est épatant, c’est vraiment épatant. Alors achetez-moi ça tout de suite. Hop.
Commenter cet article