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"Amuleto", de Roberto Bolaño

Publié le par Nébal

Amuleto.jpg

 

BOLAÑO (Roberto), Amuleto, [Amuleto], traduit de l’espagnol (Chili) par Émile et Nicole Martel, [s.l.], Le Rocher, coll. Motifs, [1999, 2002] 2008, 185 p.

 

Cela faisait un petit moment déjà que je voulais me lancer dans l’œuvre de Roberto Bolaño, à propos de laquelle je ne cessais d’entendre des louanges dithyrambiques, plus spécialement pour son énorme pavé 2666. Seulement voilà, moi, les énormes pavés me font peur (ce qui explique mes reculades réitérées devant L’Arc-en-ciel de la gravité et Contre-jour de Thomas Pynchon, ou plus récemment Le Vaisseau ardent de Jean-Claude Marguerite…).

 

Alors, une fois n’est pas coutume, j’ai demandé à un libraire dont je tairais le nom pour ne pas faire de publicité aux excellents frères Floury s’il n’avait pas quelque chose de plus petit du même auteur à me recommander, idéal pour découvrir le monsieur sans se prendre d’entrée de jeu une grosse suée (et un gros trou dans le porte-monnaie). Le gentil libraire m’a alors suggéré deux titres : le court roman Amuleto, et le recueil de nouvelles Appels téléphoniques ; ne sachant pas choisir, j’ai pris les deux. Et ce qui est petit étant joli, j’ai commencé par le moins épais des deux volume, à savoir le court roman que voici.

 

Amuleto, donc. Un roman qui, pour ce que j’ai cru comprendre, contient pas mal d’éléments autobiographiques, à travers notamment la figure d’Arturito Belino, alter-ego fictionnel de l’auteur (mais j’y reviendrai). Amuleto est le récit à la première personne d’Auxilio Lacouture, une Uruguayenne « amie des poètes et de la poésie », « la mère de la poésie mexicaine » (p. 11). Celle-ci se trouvait à l’Université de Mexico en 1968, quand la police l’envahit, viola l’autonomie universitaire le 18 septembre « et entra sur le campus pour arrêter ou tuer tout le monde » (p. 32) ; même si les morts, en fait, ce fut surtout plus tard, à Tlatelolco… Mais Auxilio « résista » : elle se cacha dans les toilettes pour femmes du quatrième étage de la faculté de philosophie et lettres… et y passa treize jours et treize nuits hallucinées, seule avec un livre de poésie et la lumière de la lune sur les carreaux.

 

D’où cette superbe entrée en matière (p. 11) :

 

« Ça va être une histoire de terreur. Ça va être une histoire policière, un récit de série noire, et d’effroi. Mais ça n’en aura pas l’air. Ça n’en aura pas l’air parce que c’est moi qui raconterai. C’est moi qui parlerai et, à cause de cela, ça n’en aura pas l’air. Mais au fond, c’est l’histoire d’un crime atroce. »

 

Effectivement, ça n’en a pas l’air. Car, enfermée dans ses toilettes, Auxilio Lacouture, l’amie des poètes et de la poésie, pense, rêve et se souvient. Elle se souvient du passé, ce qui est la moindre des choses ; mais elle se souvient surtout de ce qu’elle n’a pas encore vécu – et là je n’ai pu m’empêcher de penser au fantabuleux Abattoir 5 de Kurt Vonnegut… –, voire de ce qu’elle ne vivra jamais (comme sa rencontre avec Remedio Varos, morte en 1963). Ce qu’elle n’a pas encore vécu, ce sont ces folles nuits qui feront d’elle, effectivement, « la mère de la poésie mexicaine », l’amie de tous ces jeunes poètes mexicains, et aussi de ce jeune poète chilien, Arturito Belino, qui repart au Chili faire la révolution, puis revient après Pinochet et n’est plus le même homme.

 

Dans ces souvenirs du futur – imposture ? confusion ? catharsis ? hallucination, comme quand cette « voix » argentine lui demande des « pronostics » sur la gloire future des écrivains majeurs ? –, Auxilio accumule les rencontres marquantes, si celle-ci est sans doute la plus importante. Mais on pourrait citer aussi Lilian Serpas et son peintre de fils, qui lui raconte une nuit l’histoire d’Érigone ; et une multitude d’enfants poètes, chantant bravement l’amour et la guerre, en se précipitant vers l’abîme…

 

Que dire ? Tout d’abord que c’est très beau et superbement écrit. Effectivement, rien à redire là-dessus. Certains passages – la fin, entre autres – sont vraiment de toute beauté, d’une très grande force. Aussi ne me suis-je pas ennuyé un seul instant à lire ce court roman, fluide, beau et émouvant.

 

Il me manque pourtant quelque chose pour en faire une œuvre que je pourrais vous recommander sans l’ombre d’un doute, mes chers lecteurs. J’avouerai, déjà, être sans doute passé à côté de bien des choses du fait de mon inculture crasse : ma méconnaissance de la littérature latino-américaine et mon mépris pour la polésie et les pouètes ont sans doute joué contre moi dans ce roman que l’on sent riche en références et allusions… Aussi, contrairement au gentil libraire, ne suis-je pas certain qu’Amuleto soit un choix très pertinent pour découvrir l’œuvre de Roberto Bolaño (‘fin, si ça se trouve, c’est encore pire ailleurs, hein, j’en sais rien, moi, après tout…).

 

Et… Je ne sais pas. J’ai ressenti une certaine frustration en refermant le roman. La fin est magnifique, pourtant. Mais j’ai eu un sentiment de précipitation, d’inachèvement… Je ne sais pas.

 

 Bref. J’ai aimé Amuleto, mais sans être encore totalement convaincu. Je vais voir ce que donne Appels téléphoniques et puis, oui, il sera bien temps, sans doute, de passer à 2666

CITRIQ

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H
<br /> Je suis un "fan" de Bolano, même si aujourd'hui j'ai décidé de faire une pause dans la découverte de cet auteur avant de m'y relancer. Non que je me lasse de Bolano, mais je préfère aller humer<br /> d'autres littératures avant de replonger dans la sienne, qui me fascine.<br /> <br /> Alors que tu as lu Amuleto pour te lancer dans Bolano, ce fut pour moi le dernier roman que j'aie lu de l'auteur (après que j'eusse lu, entre autres, Déectives Sauvages et 2666, ses deux plus gros<br /> "pavés"). Mais je comprends tout à fait ton sentiment de "manque" par rapport au texte, l'idée d'être passé à côté de pleins d'allusions et de trucs et de machins que tu n'avais pas pleinement<br /> saisis par manque de connaissances personnelles sur les problèmes latino-américains et autres lacunes. J'avais ressenti le même "manque" après mon premier Bolano, Etoile Distante: autant j'avais<br /> dévoré l'oeuvre (parce que c'est super bien écrit et traduit, parce que c'est fin, parce que... etc.), autant après l'avoir lue, je m'étais dit: "ça me passionne, mais je ne saurais dire vraiment<br /> pourquoi. Il y a plein de dimensions qui m'ont échappé, il y a un coté "intello" prononcé, mais je ne retire rien de mon plaisir de lecture". Je n'ai jamais pu expliquer ce relatif paradoxe qui<br /> s'est reproduit sur d'autres livres de Bolano, que je continuais à dévorer bien que je perçusse que je ne saisissais pas tout. Ce qui ne m'a d'ailleurs pas empêché de continuer à lire l'auteur. Et<br /> c'est justement ce mystère combiné du plaisir de lecture et de l'insatisfaction intellectuelle qui pour moi fait tout le charme de cet auteur. Quand je dis "insatisfaction intellectuelle", c'est<br /> relatif (et sans doute mal exprimé par la formule): je veux dire par là qu'on sent en tant que lecteur que l'auteur en sait bien plus que nous, et qu'on est donc insuffisant , et que pourtant cette<br /> frustration n'empêche pas de continuer à lire, tant la maîtrise romanesque de l'auteur fait qu'on adhère très vite au brio de sa plume et de ce qu'il raconte.<br /> <br /> Bref, je pense que les bémols que tu as formulé sur Amuleto ne rendent finalement que plus plaisante la lecture: car on sait que pour pallier les lacunes ressenties lors de la première lecture, il<br /> en faudra une deuxième (pas tout de suite, bien sûr, mais elle pourra advenir). Et ça ne fait que renforcer la joie de ladite première lecture.<br /> <br /> Mais je ne parle ici que de mon "ressenti" de lecteur. Et de ma fascination conséquente pour l'oevre. u<br /> <br /> <br />
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