"Antichrist Superstar", de Marilyn Manson
MARILYN MANSON, Antichrist Superstar.
Tracklist :
Cycle I: The Heirophant
01 – Irresponsible Hate Anthem
02 – The Beautiful People
03 – Dried Up, Tied And Dead To The World
04 – Tourniquet
Cycle II: Inauguration Of The Worm
05 – Little Horn
06 – Cryptorchid
07 – Deformography
08 – Wormboy
09 – Mister Superstar
10 – Angel With The Scabbed Wings
11 – Kinderfeld
Cycle III: Disintegrator Rising
12 – Antichrist Superstar
13 – 1996
14 – Minute Of Decay
15 – The Reflecting God
16 – Man That You Fear
...
99 – [ghost track: untitled]
Eh bien voilà, on y est finalement arrivé. C’est l’heure de vérité. Après le simplement rigolo Portrait Of An American Family et le mauvais Smells Like Children, voici venu le temps de se pencher sur ZE album de Marilyn Manson, celui qui a fait de lui une star mondiale, et qui a marqué la fin de sa collaboration avec Trent Reznor. Et, accessoirement (ou pas), l’album culte de mon adolescence boutonneuse. Antichrist Superstar : un monstrueux album-concept à la Pink Floyd, radicalement différent des enregistrements précédents de Marilyn Manson, comme de ceux qui allaient suivrent. Ce qu’on appelle une apogée.
Mais il y a des raisons bien particulières expliquant la qualité hors-normes de cet album (si ce n’est son succès démesuré, franchement imprévisible, du moins pas à ce stade – si j’ose dire…) : la production de Reznor, qui n’a jamais été aussi léchée, bien sûr (et notons que le monsieur a également co-écrit certains morceaux de l’album), mais aussi et surtout un gros changement dans le line-up et son organisation ; en effet, c’est à cette époque que Twiggy Ramirez devient le compositeur principal de Marilyn Manson : Antichrist Superstar est très largement son œuvre. Le guitariste Daisy Berkowitz, qui voit son travail saboté, le vit très mal, et quitte le groupe. La plupart des guitares restantes sont enregistrées par Ramirez, et le guitariste Zim Zum est engagé pour le live (il est le premier membre du groupe à ne pas avoir un nom formé sur le canevas icône glamour/tueur en série). Le trio fatal semble donc bien avoir été Manson/Ramirez/Reznor ; mais on ne retrouvera plus cette triple conjonction par la suite, et le succès amollira Manson, et probablement Ramirez itou…
Mais ici la formule a marché, et même très bien marché. Je n’entretiens pas le suspense, hein : j’ai réécouté cet album, et je l’ai aimé comme au temps jadis de mon adolescence (boutonneuse, oui). C’est bel et bien un album culte, et un sale petit chef-d’œuvre. Mégalomane, agaçant, parfois un peu facile, mais quasiment dénué de déchet, et dans l’ensemble exceptionnel.
Maintenons, décortiquons. L’album, conceptuel donc – l’histoire d’une ascension destructrice… amusant, non ? –, est bâti autour de trois « cycles ». Commençons logiquement par le premier, qui est aussi le plus court, « The Heirophant » (NB : je noterai chaque fois les compositeurs, à titre d’information : ça peut être éclairant…).
Où l’on entame les festivités avec le passablement violent et punk « Irresponsible Hate Anthem » (Berkowitz, Gacy), et l’on découvre illico (malgré Berkowitz, pour le coup) que cela n’a effectivement plus rien à voir avec l’ancien Manson. « I wasn’t born with enough middle fingers. » On le croit volontiers, le jeune homme. Une excellente introduction, en tout cas, qui fout la patate d’entrée de jeu.
Suit un excellent et inoubliable single au très beau clip de Flora Sigismondi (hélas censuré, bande de cons…), « The Beautiful People » (Ramirez). Un morceau très bien vu, au riff et à la rythmique parfaits, quelque part entre metal indus et pop, et le mélange prend étonnamment bien.
Après quoi l’on passe à « Dried Up, Tied And Dead To The World » (Manson, Ramirez), morceau qui sent son Reznor dans le couplet, mais au refrain très efficace ; la basse de Twiggy Ramirez mène en tout cas le jeu tout du long, jusqu’à un beau finale définitivement metal indus. Un cran plus faible que ce qui précède, cela dit.
Suit « Tourniquet » (Berkowitz, Ramirez), avec à nouveau un beau clip (toujours de Flora Sigismondi, si je ne m’abuse). Mais cette fois, je n’accroche pas au morceau, trop pop-variétoche à mon goût… Tant pis. Ici en tout cas s’achève le premier cycle, fort court.
Le deuxième cycle, « Inauguration Of The Worm » (et là on pense beaucoup à The Wall de Pink Floyd…), s’ouvre sur le nerveux et punk « Little Horn » (Ramirez, Reznor). Rien d’exceptionnel, mais ça passe bien. « You can’t save your souls. » Ah ben zut, alors...
On change radicalement de genre avec le très beau (mais très court) « Cryptorchid » (Gacy), morceau purement électronique très planant. Une réussite, et une jolie vidéo, accessoirement.
Avec « Deformography » (Reznor, Ramirez), on retourne à du Manson plus classique ; très chouette rythmique basse/batterie lors du couplet… et refrain énorme. Très bon (mais ça sent vraiment son Reznor…).
« Wormboy » (Berkowitz, Ramirez) est une exception dans Antichrist Superstar, puisque c’est un morceau relativement délirant, faisant davantage penser à la manière de Portrait Of An American Family (sans surprise, puisque Berkowitz…). Pas terrible.
Suit « Mister Superstar » (Ramirez), morceau dont j’ai toujours été surpris qu’il n’ait pas été retenu en tant que single, tant il semble taillé pour ça… Du concentré d’efficacité (de facilité, diraient les mauvaises langues, mais, pour une fois, je n’en serais pas). « Hey Mr big rock star, I wanna grow up just like you. » Ça après « Lunchbox », on ne peut vraiment pas dire que Brian Warner ne nous a pas prévenus…
Après quoi l’on passe à l’excellent metal indus ultra-martial de « Angel With The Scabbed Wings » (Manson, Ramirez, Gacy), qui a toujours été un de mes morceaux préférés de l’album (et peut-être un de ses moments les plus violents, ou en tout cas les plus indus, faut dire). La rythmique est tout simplement parfaite, et les beuglements de Manson aussi. Une vraie réussite.
Et le deuxième cycle de s’achever sur le bien plus calme « Kinderfeld » (Ramirez, Gacy), porté par une belle basse bien lourde, presque dub. Joli refrain, et fin sympathique. Là encore, on pense pas mal à Nine Inch Nails. Rien d’exceptionnel, mais ça s’écoute bien…
Le troisième cycle, « Disintegrator Rising », s’ouvre sur l’ultra-célèbre et martial « Antichrist Superstar » (Ramirez, Gacy). Une vraie réussite que ce morceau parodiant les discours fascisants pour mieux choquer les cons ; et, du coup, quelque chose qui fonctionne particulièrement bien en live, le charisme de Manson n’y étant pas pour rien : en voici donc le clip officiel (et pour celles et ceux qui cherchaient à voir les emprunts aux Floyd et à Bowie, ben là, ça crève les yeux…).
Et d’enchaîner sur le très énervé et passablement keupon « 1996 » (Ramirez). Un très bon morceau dans son genre, très efficace : il donne assurément envie de sauter partout et de se cogner la tête contre les murs ; alors que demande le peuple ?
On calme radicalement le jeu avec le très pop mais fort agréable « Minute Of Decay » (Manson), et son joli riff de basse. Belle mélodie, refrain efficace : une petite ballade pop tout ce qu’il y a de réussi, avec une ambiance assez glauque du plus bel effet.
Suit un de mes morceaux préférés avec l’excellent « The Reflecting God » (Ramirez, Reznor) et son excellente ligne de basse (qu’est-ce que j’ai pu m’éclater à le jouer, celui-là !). Un morceau judicieusement construit, qui fait parfois penser à Nine Inch Nails (eh…), et se montre efficace de bout en bout, avec notamment une jolie montée vers la fin, avant le « faux live » parodique. Parfait ou presque.
Le troisième cycle (et l’album) se conclut enfin (ou presque…) sur « Man That You Fear » (Manson, Gacy, Berkowitz ; clip censuré, là encore, bande de cons !), un morceau très pop et un tantinet mou du gland. C’est mignon, ça pompe un peu Bowie, mais ça ne casse pas des briques. Certes, c’est un morceau de conclusion, et ça s’entend… Bon, admettons.
Notons que la piste 99 contient une « ghost track » simplement parlée. Rien de particulier à en dire.
Mais le bilan est clair, au final : j’ai pris beaucoup de plaisir à réécouter Antichrist Superstar après toutes ces années. Il reste bel et bien un très grand album, au succès mérité (quand bien même démesuré…). Quel dommage que Manson, ensuite, se soit complu dans la soupe (même si tout n’est pas à jeter dans le très bowiesque Mechanical Animals)… Parce que cet album, messieurs dames, ben, vous pourrez parler de commerce autant que vous le voudrez, moi je continue de l’aimer comme quand j’étais ado. Et, finalement, je n’en suis pas plus surpris que ça…
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