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"Chants de l'espace", de R.A. Lafferty

Publié le par Nébal

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LAFFERTY (R.A.), Chants de l'espace, [Space Chantey], traduit [de l'américain] par Mimi Perrin, illustrations de J.-P. Lamerand, Paris, OPTA, coll. Galaxie/bis, [1968] 1974, 246 p.

 

Où l'on achève un mini-cycle consacré à Raphaël Aloysius Lafferty, par où on aurait pu l'entamer puisque ces Chants de l'espace, à l'instar du Maître du passé, figurent parmi les premiers romans de l'auteur (qui, rappelons-le, ne s'est mis à l'écriture que sur le tard). Aussi, et de même que dans le roman cité à l'instant, le délire est peut-être un peu plus contenu que dans ce que l'on a pu en lire ensuite. Mais bon : c'est quand même du Lafferty. Et il est ici pris d'une sorte de délire mégalomane, puisque le projet de ces Chants de l'espace consiste à rien de moins qu'écrire la mythologie du futur, en l'occurrence revisiter L'Odyssée. Car on peut bien oublier Kubrick et Clarke : la voilà, la véritable odyssée de l'espace !

 

Après une guerre qui a duré dix ans, donc ça va, il s'agit pour les valeureux survivants de rentrer chez eux ; mais certains, à l'instar de Roadstrum le Grand, décident pour ce faire de prendre le chemin des écoliers ; aussi, plutôt que de retrouver illico sa Penny et son Télé-Max, Roadstrum choisit, avec ses freloniers, d'aller faire un tour sur la planète Lotophage, un vrai paradis (même si ce n'est pas là l'utopie de Jones l'Utopiste) ; ce qui cache évidemment une réalité plutôt sordide : sur cette planète où c'est toujours l'après-midi, ils risquent rien de moins que de se faire dévorer. Ce n'est d'ailleurs pas le seul endroit où sévissent d'odieux anthropophages, ainsi que Roadstrum et ses hommes (accompagnés de Margaret la houri et de John le Penseur Vagabond) auront l'occasion de le constater au cours de leur long voyage de retour.

 

Et tous les épisodes de L'Odyssée, ou presque, de se retrouver ainsi travestis par la plume pleine de verve de Lafferty, pour un résultat franchement drôle, qui mérite bien de se retrouver aux côtés d'un Fredric Brown ou d'un Robert Sheckley (j'ai beaucoup pensé, ici, à La Dimension des miracles) parmi les classiques de la science-fiction humoristique, et anticipe largement (en mieux, mais ça n'engage que moi) le Guide galactique de Douglas Adams. Il y a en effet amplement de quoi susciter l'hilarité dans ce court roman très dense et frappadingue, où même les contraintes de la cohérence interne sont jetées aux orties (des personnages meurent et ressucitent, un cliffhanger se révèle sabandonné, etc.).

 

Il serait donc vain de détailler par le menu le contenu de ce roman épique et picaresque. Contentons-nous de dire qu'on y trouve déjà des obsessions typiques de Lafferty (par exemple celle qui concerne les sociétés secrètes), et que, à part ça, ça dévie dans tous les sens. Roadstrum lui-même en témoigne :

 

« Je ne comprends rien à leur système, tout semble être sans rime ni raison.

« Moi, je te donnerai la rime ! » cria Bjorn de sa voix de stentor. « Et qui souhaite trouver la raison ? »

 

Ce petit échange en dit bien assez, inutile d'en faire trop. Ces Chants de l'espace, entrecoupés de vers de mirliton, sont tout à fait savoureux et, si le délire n'est pas aussi franc que dans certaines oeuvres ultérieures, il est tout de même bien présent et suffit amplement à faire de ces quelques heures de lecture un bon moment ; sans doute pas de quoi marquer les esprits pour l'éternité, mais pas grave, ce n'est pas ce qu'on en attend.

 

Note pour le principe : dans cette édition, le roman de Lafferty est suivi d'une nouvelle de Piers Anthony intitulée « Fusion ». On est ici bien loin de « Xanth », et c'est pour le mieux ; tenir une grosse quarantaine de pages sur une course automobile, c'était pas gagné d'avance, mais l'auteur y parvient sans soucis. Un récit à tombeau ouvert, cerise sur le gateau de ces délicieux Chants de l'espace.

 

Bon, j'en veux encore, moi ! Qui se dévoue pour traduire d'autres Lafferty ?

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J
Nebal tu t'es fait presque qu'aussi chier qu'un libraire grec! je viens de l'acheter AVANT de lire ta bonne critique, et j'ai acheté d'autres livres APRES avoir lu tes critiques.<br /> Y'en a marre c'est l'été, et mon porte monnaie a déjà fondu.<br /> Encore merci!
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