"Crypt of Cthulhu", no. 1
Crypt of Cthulhu, vol. 1, no. 1, Bloomfield, Crypt of Cthulhu, Hallowmas 1981, 24 p.
Petite pause dans les Lovecraft Studies, donc… que je vais combler avec des Crypt of Cthulhu, parce que y a pas de raison, d’abord, et que j’en ai récupéré une montagne grâce à la Providence incarnée en la personne d’un « fun guy from Yuggoth », loué soit son nom. Crypt of Cthulhu, c’est le joujou fanzinesco-cthulhien de Robert M. Price, grand exégète lovecraftien lui aussi, et théologien de formation (si). Ce premier numéro, très court, est entièrement dû à sa main indicible. On voit très vite que le ton de ce fanzine, quand bien même il est destiné à publier des contributions très sérieuses, de Price lui-même ou d’autres, se montre autrement plus rigolard que les très sérieuses Lovecraft Studies du « concurrent » S.T. Joshi, ce qui, dois-je dire, n’est pas forcément pour me déplaire. En tout cas – conséquence peut-être du fait qu’il n’y ait pour l’instant qu’un unique rédacteur ? – la part de subjectivité et de simple « fun » est plus grande, et, dans un sens, revendiquée.
Ce qui n’empêche pas le sérieux des communications… enfin, de la communication, puisqu’il n’y en a qu’une seule dans le présent numéro. Robert M. Price, donc (surprise !), semble se faire un petit plaisir de théologien lovecraftophile avec « Lovecraft’s Concept of Blasphemy ». Le terme « blasphemous » (et tous ses dérivés) revient en effet souvent sous la plume de cet athée impénitent qu’était Lovecraft ; on peut dès lors s’interroger sur le sens que revêt ce mot dans la fiction lovecraftienne. L’auteur commence par distinguer plusieurs définitions du « blasphème », et retient dans le cas de Lovecraft, le plus souvent, celle qui renvoie à une violation prométhéenne des catégories instaurées par la nature (même si la notion de « sacrilège » ou « d’hérésie » est parfois pertinente). Cependant, bien sûr, la sanction de cette violation prométhéenne n’est pas infligée par Dieu : celui qui joue au Prométhée est puni par la chose même qu’il recherche (exemple parmi tant d’autres, L’Affaire Charles Dexter Ward) ; dès lors, souvent, plus qu’avec le titan, c’est avec Icare que la comparaison se montre pertinente. Cette conception du « blasphème », en tout cas, semble faire écho à celle du « péché véritable » exposée par Arthur Machen dans « Le Peuple blanc » (j’y reviendrai très prochainement). Elle nécessite peut-être quelques ajustements, cependant (mais pas forcément tant que ça), dans le sentiment de « sublime » évoqué par Les Contrées du Rêve. Puis l’auteur distingue quatre sens de l’adjectif « blasphemous » : objectif, subjectif, suggestif et associatif. L’idée étant… ah, le petit canaillou ! que le choix des adjectifs chez Lovecraft, et de celui-ci en particulier, ne doit donc rien au hasard, mais est délibéré et mûrement réfléchi ; « l’adjectivite » est donc nettement moins sujette à la critique qu’on ne pourrait le croire. Conclusion de fan, sans doute (je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur cette question) ; toujours est-il que cet article mêlant théologie et lovecrafterie se montre très intéressant (si).
Suivent plusieurs rubriques, pour l’instant simplement tenues par Robert M. Price, donc. Et d’abord la légendaire « The Fun Guys from Yuggoth » (j’adore ce jeu de mots débile), chronique rigolote de rencontres d’éminents lovecraftiens.
Dans « R’lyeh Texts », L’auteur nous parle de ses lectures : ici, il ne tarit pas d’éloges pour Stephen King, en l’occurrence ‘Salem’s Lot, le premier livre qu’il lisait du Roi ; je ne vais pas vous livrer le détail de toute la rubrique, hein. Notons juste qu’elle se clôt sur le « current flood of fun-but-usually-junky Cthulhoid fiction »… et que l’on y retrouve à la meilleure place Stephen King… pour « Jerusalem’s Lot » (dans Night Shift) ? (Je note aussi « More Light » de James Blish, que j’avais lu dans une publication ultérieure, Le Cycle d’Hastur, anthologie dirigée par… ben oui, Robert M. Price.)
Reste enfin « Mail-Call of Cthulhu » (ah ça, quand je vous disais que le ton n’était pas le même que dans Lovecraft Studies…). Pas de courrier dans ce premier numéro, sans surprise, mais quelques remarques sur des publications lovecraftiennes de « fun guys from Yuggoth » (oui, je me répète, mais j’aime ça) ; je note surtout « The Mythic Hero Archetype in « The Dunwich Horror » » de Don Burleson (dans… Lovecraft Studies, n° 4). Robert M. Price s’oppose à cette lecture « retournée » qui fait d’Armitage un loser…
C’est tout pour ce très petit numéro. Suite au prochain…
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