"Dark Side Of The Spoon", de Ministry
MINISTRY, Dark Side Of The Spoon.
Tracklist :
01 – Supermanic Soul
02 – Whip And Chain
03 – Bad Blood
04 – Eureka Pile
05 – Step
06 – Nursing Home
07 – Kaif
08 – Vex & Siolence
09 – 10/10
...
69 – [Ghost Track: Summertime]
Bon, reprenons : avec Filth Pig, Ministry s’est plus ou moins ramassé un râteau ; et si le groupe fait une tournée mondiale (immortalisée par le DVD et le CD Sphinctour) qui remporte malgré tout un certain succès (eh, c’est Ministry, quand même !), il n’en traverse pas moins relativement une mauvaise passe, qui va s’étendre sur plusieurs années. Avec à nouveau des problèmes de drogues – le titre de l’album qui va nous intéresser aujourd’hui est pour le moins éloquent, non, outre l’allusion évidente à Pink Floyd ? –, voire carrément des sanctions pénales. Et les relations entre Barker et Jourgensen sont toujours assez tendues. Bref, ça va pas fort.
Et il n’est pas dit que ça aille beaucoup mieux avec Dark Side Of The Spoon, un album qui, s’il retourne à des titres plus violents pré-Filth Pig, poursuit quand même avant tout sur la lignée expérimentale et rêche du précédent. Un album qui se mérite, une fois de plus. Un petit effort est néanmoins fait en direction du public : ainsi, le single « Bad Blood » – pourtant un des morceaux les moins intéressants de l’album en ce qui me concerne, m’enfin bon, va comprendre, Charles… – figure sur la B.O. de Matrix (mais pas dans le film, si je ne m’abuse…). Mouais. Petit, l’effort.
Parce que, pour le reste, on fait plutôt dans l’attentat sonore, destiné à faire fuir les fans les moins « hardcore », si j’ose dire. Et encore…
Du coup, si la critique s’est montrée un peu moins sévère que pour Filth Pig, elle a encore regretté « le bon vieux temps de Psalm 69 » (et tancé le groupe pour le son de l’album – que moi j’aime beaucoup). Quant au public, on ne peut pas dire qu’il fut très enthousiaste… Là, pour le coup, oui, cette fois, je me sens un peu seul contre tous quand j’affirme la très grande qualité de cet album le plus souvent jugé médiocre. Pour moi, c’est incontestablement le dernier « très grand » album de Ministry, et il contient, mine de rien, deux des meilleurs morceaux du groupe, toutes périodes confondues. Si, si.
(NB : désolé, mais cet album étant lui aussi injustement décrié encore aujourd’hui, donc, il n’y a visiblement rien d’étonnant à ce que je n’en aie quasiment pas trouvé de morceaux sur le ouèbe… et ceux que j’ai trouvé n’ont pas forcément un son génial, ce qui est dommage, parce que le son de cet album, de même que celui de Filth Pig, est très travaillé, à sa manière sale et crue…)
Mais détaillons. Où l’on commence une fois de plus tout en finesse, avec un « Supermanic Soul » qui sonne dans un premier temps comme une relecture ultra-primitiviste de « N.W.O. ». Bruitiste au possible, et très énervé. Mais jouissif et rigolo, aussi (oui, l’humour fait son grand retour sur cet album qui reste pourtant très noir…).
Le suivant « Whip And Chain » est bien plus calme, et laisse les guitares en retrait : c’est la rythmique qui est mise en avant. Le résultat est assez perturbant, mais non dépourvu d’intérêt. Pas du très grand Ministry, mais pas mal néanmoins.
Suit donc le single « Bad Blood », plus évocateur d’un Ministry « à l’ancienne ». Alors, oui, c’est pas mal, hein, et j’aime bien le pied, notamment, mais je maintiens : c’est à mes oreilles un des morceaux les moins intéressants de l’album. Drôle de choix pour un single, donc… et on se demande un peu ce qu’il vient foutre sur la B.O. de Matrix.
Alors que la suite, en ce qui me concerne, c’est tout simplement, et mine de rien, un des meilleurs morceaux de Ministry, tous albums confondus : l’excellent « Eureka Pile ». Passée une intro moyenne, c’est que du bonheur : superbe riff de basse saturée, rythmique complexe et parfaite, bruits et autres effets industriels ambiants, chant en fond… Le tout avec un son extrêmement travaillé. Un vrai chef-d’œuvre, à la fois oppressant et planant, injustement passé inaperçu. Je regrette d’autant plus de ne pas pouvoir vous faire écouter cette merveille…
On fait bien plus léger ensuite avec le rigolo « Step », improbable délire de jazz metal indus ! Débile à souhait, mais efficace. On n’en fera sans doute pas du très grand Ministry, mais c’est quand même amusant…
Et ça prépare le deuxième chef-d’œuvre de l’album, bien autrement sérieux et noir, et une fois de plus un de mes morceaux préférés du groupe toutes périodes confondues : le fantabuleux « Nursing Home ». Là encore un morceau très improbable, où le banjo et le saxophone se mettent de la partie pour donner un résultat totalement dingue et génial, mélangeant dub, indus, free jazz, et folk voire country glauque ! Une pure merveille unique en son genre, d’une complexité époustouflante, et un morceau possédé, au finale grandiose de cacophonie, que je ne me lasse jamais d’écouter. Le point culminant de Dark Side Of The Spoon.
Évidemment, après un tel chef-d’œuvre, « Kaif » paraît un peu faiblard… La rythmique, complexe, n’est pas dégueu, pourtant ; et Jourgensen y manie la mélodie avec bien plus d’à-propos que dans les désastreuses dernières expériences de Filth Pig (« The Fall » excepté, bien sûr). Mais c’est un peu fade… et ça contient un passage de quasi-solo franchement superflu.
Malgré son titre, « Vex & Siolence » n’est pas si bourrin que ça, en fait : loin de là, c’est un morceau lourd et sombre, à la Filth Pig. Mais disons-le tout net, il n’est franchement pas terrible : sans doute le moins bon morceau de l’album. On passe.
Au bien plus intéressant instrumental « 10/10 », qui alterne un riff tout gentil mignon et des passages plus bruitistes, parfois accompagnés d’un saxophone jazz ma foi fort sympathique. Pas du très grand Ministry là encore, mais ça s’écoute bien quand même. Très bien, même. Jusqu’à une fin, euh, « abrupte ».
Oh, et juste une petite note pour finir, tandis que les pistes 10 à 68 sont silencieuses, la piste 69 (eh eh) contient une « ghost track », où l’on entend une femme chanter une chanson intitulée « Summertime » au téléphone. Euh… Bon…
N’empêche que. Loin d’être un album médiocre, Dark Side Of The Spoon est pour moi le dernier « grand » album de Ministry, et il contient bien deux de ses meilleurs titres. Moi j’dis qu’il est incontournable.
Suite des opérations avec Animositisomina, le dernier album du « vrai » Ministry, puisque le dernier fruit de la collaboration entre Al Jourgensen et Paul Barker. Pas un très grand album (quoique...), mais il contient quand même quelques titres pas dégueu du tout qui méritent bien qu'on s'y attarde. [EDIT : Et je me rends compte, là, que j'étais un peu sévère...]
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