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"Daydream Nation", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

Daydream-Nation.jpg

 

 

 

SONIC YOUTH, Daydream Nation

 

Tracklist :

 

01 – Teen Age Riot

02 – Silver Rocket

03 – The Sprawl

04 – ‘Cross The Breeze

05 – Eric’s Trip

06 – Total Trash

07 – Hey Joni

08 – Providence

09 – Candle

10 – Rain King

11 – Kissability

12 – Trilogy: a) The Wonder / b) Hyperstation / c) Eliminator Jr.

 

Rétrospective Sonic Youth, épisode 5, après Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL et Sister. Où l’on s’attaque à un gros morceau : Daydream Nation est en effet considéré par beaucoup de monde comme ZE chef-d’œuvre de Sonic Youth. Vous vous rappelez (…), je viens à l’instant de vous blablater sur les classements débiles de Sister ? Eh bien Daydream Nation a fait encore mieux. Allons-y Alonzo, comme dirait le Docteur : Pitchfork Media en a fait le meilleur album des années 1980 (sur 100), rien que ça ; pour Spin, il a été 14e sur 100 pour la période 1985-2005, et 9e sur une liste de 100 albums « alternatifs » ; pour Rolling Stone, 45e sur 100 pour les années 1980, mais aussi 329e sur la liste des 500 plus grands albums de tous les temps ; pour Guitarist, il a été classé 11e sur 101 albums essentiels de guitare ; pour Alternative Press, il a été 51e sur 99 albums parus entre 1985 et 1995 ; pour Blender, sans classement particulier, il fait partie des 500 disques que l’on doit acheter avant de mourir ; pour Q, il est le 30e meilleur album des années 1980 sur une liste de 80 ; last but not least, en 2006, il a fait partie des 50 enregistrements choisis chaque année par la Bibliothèque du Congrès pour intégrer le National Recording Registry, et du coup des rares enregistrements de rock à avoir intégré la prestigieuse institution.

 

Bon, d’accord, c’est du blabla, de l’épate. Mais c’est un signe, quand même. Que l’album a son importance, aucun doute là-dessus. Mais est-il si bon que ça ? Le Nébal est dubitatif. Non, même pas en fait, il a déjà son opinion toute prête : pour moi, Daydream Nation est certes un excellent album, il fait bien partie des albums que vous devez acheter avant de mourir, mais je n’en ferai pas pour autant le chef-d’œuvre de Sonic Youth, et je le trouve un chouia surestimé… Je lui préfère pour ma part des albums tels que Sister et, pour des raisons sentimentales sans doute – je m’en expliquerai le moment venu – Goo et Dirty, albums au plus gros succès commercial, d’ailleurs, mais que je ne pense pas que l’on puisse qualifier de commerciaux pour autant. Mais on y reviendra en temps et en heure.

 

(Ou, dans un registre totalement différent, Confusion Is Sex, mais je me suis déjà expliqué là-dessus.)

 

En attendant, revenons à Daydream Nation, et parlons de musique plutôt que de « récompenses ». En commençant déjà par noter une chose : c’est un album plus long que d’habitude (un double album à l'origine), et qui comprend des morceaux également plus longs, tournant fréquemment autour de sept minutes, voire quatorze pour le dernier ; ce serait le résultat d’un changement dans la méthode de composition du groupe, qui aurait accepté plus facilement de laisser s’exprimer ses longues improvisations (de plus d’une heure, parfois) coutumières lors des sessions d’enregistrement. Et on avouera que c’est pour le mieux, tant ces longs morceaux figurent souvent parmi les plus intéressants de l'album. Mais Sonic Youth est toujours capable de travailler sur un format bien plus resserré, pop ou punk, pour un résultat bref et intense.

 

Quant à l’orientation musicale d’ensemble, elle est dans la continuité de Sister, avec peut-être un accent supplémentaire sur la pop plutôt que sur le noise (tel est du moins mon ressenti, ce qui explique sans doute pourquoi cet album ne me paraît pas si extraordinaire que ce que l’on en dit généralement).

 

En témoigne d’ailleurs le premier morceau, le très célèbre « Teen Age Riot » : si, pour ce qui est de la durée, ce que je viens de dire se vérifie, on constate néanmoins qu’il s’agit là d’un morceau purement pop, dont tout aspect noisy a été soigneusement évacué. Un bon morceau pop, certes, et un single efficace, mais pas le chef-d’œuvre que l’on dit ; pas à mes oreilles, en tout cas…

 

J’y préfère pour ma part le plus nerveux « Silver Rocket », sans doute plus représentatif de la manière du groupe. C’est que celui-ci sait ménager sa place au bruit à l’état pur, entre deux couplets… et du coup, quand ça reprend, ça n’en est que meilleur encore. Une réussite.

 

Suit « The Sprawl », un titre qui, autant l’indiquer puisque nous sommes en Nébalie, aurait été inspiré par William Gibson. À nouveau un morceau long, mais moins « facile » que « Teen Age Riot », et donc autrement plus intéressant… même si, effectivement, ça sent un peu l’improvisation à l’origine.

 

Aussi, dans la même catégorie, on préférera sans doute « ‘Cross The Breeze », d’autant que ce morceau a le bon goût de s’exciter davantage. Mais il nous ménage de très chouettes riffs, tant dans le versant agité du bocal que dans le versant mélodieux.

 

« Eric’s Trip » envoie la sauce d’entrée de jeu, pour un résultat très puissant qui fait saigner les tympans correctement. Pas mal, mais limite saoulant.

 

Il en va tout autrement à mon sens de l’excellent « Total Trash », long morceau tout d’abord très pop-rock, mais qui sait verser en temps utile dans un joyeux bordel noisy délicieusement immersif et foutraque. Probablement un des meilleurs titres de l’album.

 

Suit « Hey Joni », nerveux et keupon à fond les ballons, mais sympathique avec ses harmoniques. Un morceau référencé, certes, mais très efficace.

 

Après quoi « Providence », bien qu’ayant été sorti en single (!), est une simple transition qu’on qualifiera au choix d’industrielle ou de « musique concrète » avec un solo de piano de Thurston Moore derrière des bruits de soufflerie et un appel téléphonique saturé d’écho…

 

« Candle » vient nous reposer les oreilles avec ses douces arpèges… ou du moins est-ce la première impression qui se dégage du morceau, mais, pour rester très pop, celui-ci s’engage rapidement par la suite sur une voie plus énergique. Très sympathique, cela dit.

 

Avec « Rain King » ressurgissent tout d’abord d’étranges réminiscences de Confusion Is Sex, puis le morceau prend une tournure plus moderne mais toujours résolument bruitiste (miam).

 

Suit « Kissability », qui garde un tempo élevé, mais sans se montrer aussi bruyant. Le résultat est honorable dans l’ensemble, beaucoup plus intéressant quand ça s’excite brièvement.

 

Et l’album de s’achever enfin sur un gros morceau de quatorze minutes, « Trilogy ». Ce n’est ni le plus long ni le meilleur des longs morceaux de Sonic Youth (attendez un peu que je vous parle de cette merveille qu’est « The Diamond Sea »…), mais c’est tout de même une belle bête, dont le découpage en trois parties saute aux oreilles, néanmoins. « The Wonder » est une vraie réussite, psychotique, à l’écriture complexe, débordant d’envolées guitaristiques de la plus belle eau. « Hyperstation » est plus sobre, mais reste assez convaincant, et contient de beaux moments instrumentaux. La séparation d’avec « Eliminator Jr. » est pour le moins radicale : c’est en fait clairement un morceau différent ; et un bon, bien bourrin et bruitiste comme on les aime (limite metal-indus, par moments, aurais-je envie de dire) (si) (je vous jure).

 

Alors oui, bien sûr, Daydream Nation est un bon album, et même un très bon album. Mais le chef-d’œuvre de Sonic Youth ? Non, je ne pense pas. Après toutes ces années, je n’arrive pas à m’en convaincre, désolé, ô zélés prosélytes. J’aime, mais j’ai trouvé mieux ailleurs. Et j’y viendrai bientôt.

 

 En attendant, la prochaine étape, ça va être un étrange et rugueux retour en arrière, avec le difficile Sonic Death.

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