"Divertissements transylvaniens", de Cristian Vila Riquelme
RIQUELME (Cristián Vila), Divertissements transylvaniens, [Divertimentos Transylvánicos], traduit de l’espagnol (Chili) par Philippe Muller, illustrations de Raúl Schneider, postface de Roger Bozzetto, Cadillon, Le Visage Vert, [2001] 2012, 205 p.
De l’auteur chilien Cristián Vila Riquelme, je ne saurais rien vous dire de plus que ce qui figure sur la quatrième de couverture de ces Divertissements transylvaniens ou dans la postface de Roger Bozzetto. Passons donc outre, mais retenons-en deux choses qui nous seront d’une certaine utilité dans l’élaboration de ce compte rendu miteux : d’une part, l’auteur est un pouète (et les plus assidus d’entre vous savent ce que je pense de la polésie) ; d’autre part, il a très longtemps vécu en exil loin du sinistre Pinochet, et c’est pour la plupart durant cet exil qu’ont été composés les récits fort disparates qui constituent ce recueil. Ces textes ne sont donc pour la plupart pas tout neufs, souvent « européens », et généralement marqués par cette thématique de l’exil et, inversement, du retour.
Les lecteurs du Visage Vert (du moins ceux qui ont eu la chance de mettre la main sur le numéro 17, aujourd’hui épuisé…) avaient eu droit à un premier aperçu de ces Divertissements transylvaniens, sous la forme de deux récits très différents : l’un, « Nautilus », relevait assez largement de la poésie en prose, et se montrait passablement hermétique ; l’autre, « Retour », bien plus conventionnel, marquait les esprits par sa jolie plume et l’émotion qui s’en dégageait. Dans les deux textes, on trouvait le thème de l’exil (plus franchement dans le second, certes), ainsi qu’un mystérieux Consul Itinérant de la République Monarchique de Transylvanie, évidemment vampire de son état, et qui figure à des degrés divers dans tous ces « divertissements », tantôt acteur de premier plan, parfois simple figurant, quand il ne se contente pas d’être un simple spectateur, ou le « destinataire » du récit. Fil (rouge, bien sûr) ténu qui relie tous ces textes, le Consul s’ajoute aux thématiques de l’exil et aux amours tristes, voire pathologiques, pour fonder en fin de compte l’unité du recueil.
Les pistes données par « Nautilus » et « Retour » se retrouvent dans le volume, que l’on peut bien (quoique sans doute un peu hâtivement) séparer en deux blocs : le premier, à la « Nautilus », n’a généralement pas grand-chose de narratif, et verse volontiers dans l’expérimentation post-post-post-post-post-moderne (oui, je mets cinq « post- », parce que c’est plus funky), pour un résultat généralement assez intéressant sur le plan formel, mais qui a néanmoins de quoi plonger le lecteur innocent (oui, je suis innocent) dans des abîmes de perplexité, pour ne pas dire de perplexitude.
Le second, à la « Retour », pour être moins audacieux (oh que oui), n’en est pas moins à mon sens plus convaincant. Cristián Vila Riquelme s’y montre un nouvelliste souvent talentueux, capable de susciter tout un bouqet d’émotions et de sentiments touchants, et généralement douloureux. Le lecteur en ressort mélancolique, même si certains textes, notamment parmi les derniers, changent quelque peu de tonalité.
Un recueil bicéphale, donc. Étrange, et, à mon sens, plus ou moins pertinent. Mais, ainsi que vous le savez, j’ai un problème avec les pouètes, et tout ceci n’engage donc que moi. Les amateurs de plumes sophistiquées que l’expérimentation ne répugne pas trouveront sans doute leur compte dans ces Divertissements transylvaniens. Et je reconnais ne pas en être sorti avec le même sentiment de frustration que pour, disons, un Madman Bovary. Aussi est-ce en définitive à vous de voir : devant ce genre d’ouvrages, le Nébal n’a pas grand-chose à dire, et ferait sans doute mieux de fermer totalement sa gueule. Mais, que voulez-vous…
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